L. 242.  >
À Charles Spon,
le 16 septembre 1650

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière enveloppée dans celle de M. Falconet le mardi 16e d’août, auquel jour je lui fis réponse pour celle qu’il m’avait écrite grande et longue ; aussi y avait-il longtemps qu’il ne m’avait point fait cet honneur de m’écrire. Dès le lendemain, qui fut le mercredi 17e, à quatre heures du matin, Mme la duchesse d’Orléans [2] accoucha d’un fils [3] qui se nommera M. le Prince sans queue, [1] et celui qui est en la Bastille sera nommé le prince de Condé. [4] J’ai reçu lettre de M. Ravaud, [5] notre bon ami, qui m’a fait l’honneur de m’écrire de Londres et je lui ai fait réponse pareillement. Je prends la hardiesse de vous charger d’une petite commission à la prière d’un honnête homme de mes amis qui est en peine de savoir si vous ne connaissez personne à Lyon qui soit natif de Beaujeu en Beaujolais, [6] qui nous apprenne quand Guillaume Paradin [7] est mort, doyen du dit Beaujeu, et Claude Paradin son frère, chanoine au même lieu : si on pouvait savoir l’an, le mois et le jour de leur mort, s’ils sont morts au dit lieu et s’il n’y a point d’épitaphe pour l’un ou pour l‘autre. [2] Si vous pouvez en découvrir quelque chose, vous m’obligerez ; sinon, je m’en passerai ; tout au moins, je vous prie de ne vous en point donner fort grande peine.

Ce 27e d’août. Hier mourut en cette ville une vieille dame nommée Mme la marquise de Maignelais, [8][9] propre sœur de notre vieux archevêque. [10] Elle était veuve depuis plus de 53 ans et belle-mère du maréchal de Schomberg [11] en premières noces ; il a épousé en secondes noces Mme de Hautefort. [3][12] On dit ici que l’affaire de Bordeaux [13] est mise en traité, d’où vient que plusieurs se promettent d’avoir des nouvelles de la paix dans huit jours, à cause que trois courriers qui arrivèrent hier ici en ont donné quelque espérance. Credat Iudæus Apella, non ego[4][14] cette fusée n’est pas aisée à démêler et ce grand feu ne s’éteindra pas si aisément. [5] Il y a les intérêts de la ville et du parlement de Bordeaux à composer, ceux de Mme la Princesse, [15] ceux de M. de Bouillon, [16] de MM. de La Force ; [17][18] l’autorité du roi à conserver quoquomodo[6] quand ce ne serait qu’en image, ut sit tanquam μορμολυκειον, magnoque terrori posteris ; [7] les petits intérêts du Mazarin [19] qui veut gagner partout peu ou prou ut faciat rem, si non rem, qocumque modo rem ; [8][20] et M. d’Épernon [21] qui, avec toute apparence, n’en peut être dorénavant que très mauvais marchand après tant de bruit qu’il a fait et tant de désordre qu’il a causé.

Mais en attendant d’autres nouvelles à vous mander, voilà que je reçois votre dernière datée du 23e d’août, et vous y vais répondre. Premièrement je vous en remercie, aussi bien que de vos livres que j’ai reçus par la voie du coche de Lyon, dont je vous ai donné avis de la réception par ma dernière, aussi bien que de l’imperfection de la feuille de g qui est au Calvinus de M. Morus, [9][22] dont vous prendrez le soin à votre commodité, s’il vous plaît. Je n’ai vu, rien ouï, ni reçu le Perdulcis [23] de M. Carteron, [24] ni le Perez in Evangelia[10][25] Du premier je n’en ai point hâte ; du second, s’il est acheté pour moi, je l’accepte, sinon, je m’en passerai, en ayant trouvé un de deçà par grand hasard, pour 30 sols. Le petit paquet de M. Du Prat [26] et celui de M. Moreau [27] sont enfermés dans le mien, que j’ai véritablement délivré à M. Ravaud qui m’en a requis, mais je ne pensais pas mal faire : ledit sieur Ravaud, avant que de quitter Paris, m’a assuré que mondit paquet, avec celui que j’envoie à M. Alcide Musnier [28] de Gênes, [29] étaient partis dans ses balles pour Lyon ; ce qui me fait croire que de l’heure que je vous écris, vous les avez à Lyon, vu qu’il y a tantôt un mois que lui-même est parti de Paris. Je suis bien aise qu’ayez vu M. Sorbière, [30] c’est un honnête homme ; je ne doute point que n’ayez parlé de moi, mais je l’attribue à votre affection de tous deux envers moi. Pour mes conférences, [31] auxquelles j’emploie deux heures d’une après-dînée une fois la semaine, cela est bon pour des écoliers qui en peuvent quelquefois profiter de quelque mot et sur quelque question ou controverse de médecine ; mais il y a perdu son temps quand il a pris la peine d’y assister, je lui en ai l’obligation, aussi bien qu’à la bonté de M. Du Prat qui m’a fait cet honneur de m’y amener un tel auditeur. Si je vous y avais découvert ou entrevu, je pense que vous m’y rendriez muet comme le devint Guillaume Budé [32] devant l’empereur Charles Quint. [11][33] Ce sont de petits et légers entretiens que je prends plaisir de donner à mes anciens écoliers pour les fortifier dans la bonne [méthode] ; [12] bien qu’à vous dire franchement la vérité, j’aie grand regret du peu de loisir que [j’ai de reste] de mes visites, et que j’aie très peu de loisir pour mettre là, qui n’y est pas [tant mal employé]. Quand je vois ce que vous en dites, que vous souhaiteriez d’être à Paris pour jouir d’un si agréable divertissement et en devenir plus habile homme, je ne puis m’empêcher de rire lorsque je vous vois parler de la sorte : vous y perdriez votre temps, cela n’est bon que pour des écoliers. Quand vous me traitez ainsi, je me souviens de ce que disait Ios. Scaliger, [34] en ses Épîtres quelque part, au bon et innocent homme Casaubon, [35] vellem tibi esse discipulus ; [13] et néanmoins, Ios. Scaliger était bien un autre homme que Casaubon. Ainsi, j’avoue que je pourrais bien être votre écolier encore fort longtemps et crois facilement que tout ce que vous avez oublié me ferait grand bien ; mais sic placuit Superis[14] il me faut contenter de la petite portion qu’ils m’en ont faite, donec in maiorem molem adaugeatur[15]

J’ai lu et parcouru le livret du sieur Boot [36] qui ne m’a rien appris, et me semble qu’il n’a du tout rien de bon. [16] Son livre est aussi sec que l’auteur même est mal fait et mal bâti, nec ullam habet gratiam præter novitatem[17] Je sais bien le démêlé qu’a eu M. Falconet [37] avec M. de La Guilleminière, [18][38] qui fait à Lyon ce que faisait autrefois notre des Fougerais, [39] qui le fait encore où il peut. M. Guénault [40] s’est autrefois aussi finement servi de cette rubrique pour s’insinuer dans les meilleures maisons. Notre Du Clédat [41] y a pareillement réussi, mais enfin il a donné du nez en terre, [19] n’étant pas capable de la bonne fortune qu’il avait acquise et qu’il n’a pu soutenir, faute d’une bonne et solide érudition. Ce sont de petites finesses de gens qui veulent gagner, et sibi gradum facere ad lucrum et ad gloriam, aliorum contemptu et dispendio[20] Votre M. Falconet a l’avantage en ce rencontre que l’événement a justifié son procédé, puisque le malade en est guéri. Fernel [42] est fortement de son avis, lib. 3 Meth. med. cap. 12 ; [21] ce qui se pratique tous les jours à Paris fort heureusement. J’ai entrepris la même chose 500 fois, nec pœnituit ; [22] plusieurs indications m’y ont autrefois mené et y ai réussi. Franciscus Vallesius, [43] savant Espagnol, est pour cette même opinion, avec de fort bonnes raisons, dans sa Méthode générale[23] et plusieurs autres aussi.

Nous avons ici quantité de fièvres continues [44] malignes, mais je ne vois ni véroles, [45] ni rougeoles. [46] Je suis bien aise que vos deux petits en soient réchappés. [24] Pour empêcher les taches de la petite vérole, nous nous servons ici fort fréquemment de l’huile d’amandes douces [47] tirée sans feu, [25] et feu M. Piètre [48] en faisait grand état ; mais je pense que le meilleur remède de tous est de saigner [49] hardiment dès le commencement du mal ad contemperandum fervorem et extinguendam acrimoniam sanguinis exuberantis, ex utraque basilica[26][50] et d’étuver, les douze premiers jours du mal, les yeux et le visage du malade ex aqua optima tepida, qualem hic habemus Sequanicam[27][51] afin de procurer l’évaporation de cette humeur maligne enfermée sous la peau. Je m’en sers très heureusement, non omissis frequentibus enematis, ne ab excrementorum copia supra modum sordescant viscera, a quibus tota illa fœtida eluvies in habitum corporis deponitur atque effunditur[28] Après l’huile d’amandes douces, la pommade de lard fondu et lavée en eau rose [52] est ici fort en usage. [29] De aqua mille florum nihil audivi[30][53] mais cet auteur que vous me nommez, M. Rivière, [54] m’est fort suspect, il n’est guère savant, mais il est grand charlatan, usque ad infamiam[31] Le Lexicum Etymologicum Martinii [55] est un très bon livre, [32] et de très grand usage en une bibliothèque. J’ai abandonné le mien à M. Ravaud qui le veut imprimer à Lyon et qu’il y a envoyé avec votre paquet, M. Huguetan [56] pourra vous les montrer. Ce que M. Naudé [57] fait de antiquitate typographiæ n’est point encore sur la presse. [33][58] Dans le premier paquet que je vous enverrai, vous y trouverez le livre qu’en a fait tout fraîchement M. Mentel, [59] lequel prétend être descendu d’un certain Mentelin, [60] imprimeur [de] Strasbourg des pl[us an]ciens. [34] Il a une autre querelle sur les bras contre les bénédictins[61] touchant le vrai auteur du livre de Imitatione Christi[35][62] qu’il faut vider auparavant. Il est vrai que j’ai grand désir de voir ce [qu’il] fera de arte typographica, et crois qu’il n’y a personne en l’Europe qui en sache [autant] que lui ; en quoi je suis tout à fait de votre avis.

[Tandis que] la peste cesse à Marseille, [63] elle s’accroît fort à Rouen. [64][65] M. Miron le conseiller[36][66] [qui en] arriva hier, m’a dit aujourd’hui que depuis 15 jours il en est mort 4 000, [de tou]te condition, pauvres et riches. Il en est mort c[inq] conseillers de la Cour. [37] Quand le deuxième tome du Flosculi historiarum [67] sera achevé, je les achèterai tous deux. Je n’ai point encore vu le premier, j’en ai seulement ouï parler ; je pense que c’est un in‑12 fait par un jésuite. [38] Je suis bien aise [que le] commerce des livres se répare à Lyon. Il est ici fort piteux, on n’y parle que de [ruines] et de malheurs ; les trois plus forts libraires de la rue Saint-Jacques [68] n’oseraient presque [avoir entr]epris un in‑12 de bonne grosseur. De Hofmanno nihil ausim polliceri[39][69] [demandez] à MM. Ravaud et Huguetan s’ils veulent en faire un beau volume in‑fo[ ; il n’en irait] jamais de la sorte à aucun de deçà, il est vrai qu’il n’y en pas un qui en soit capable. Ce serait un des meilleurs volumes de médecine qui ait jamais été imprimé, en ajoutant les trois traités physiologiques que j’ai reçus de Hollande aux Chrestomathies Physiologiques et mettant sur la fin des Pathologiques les deux Méthodes de Galien. Si vos Messieurs de Lyon en veulent, à la charge qu’il sera bien correct, je leur en ferai un présent, moyennant quelque nombre d’exemplaires qui me serviront à en faire présent à mes amis ; sinon, j’attendrai que ceux de deçà en aient le moyen et la commodité. Je ne serais point marri qu’il se fît ici afin que je pusse donner ordre à la correction d’un si grand et si bel ouvrage ; mais c’est folie d’y penser maintenant, il n’y a nul moyen ni apparence, il faut nécessairement et absolument la paix générale avant que cela se puisse faire à Paris, les cartes sont aujourd’hui trop brouillées. [40]

Enfin, le livre du P. Caussin [70] est tout à fait achevé, [41] en voilà trois en blanc que l’on me vient d’apporter, que je vous enverrai bientôt à Lyon, l’un pour vous, l’autre pour M. Gras [71] et l’autre pour M. Falconet. Je vous prie de leur faire à tous deux mes très humbles recommandations. J’ai un homme en cette ville qui me promet de les porter. Je vous prie de dire à M. Gras que je suis son très humble serviteur et que je lui offre de bon cœur tout ce qu’il pourra désirer qui se trouve à Paris.

Le dimanche 28e d’août, il y eut ici grand bruit par toute la ville et grande émotion sur la nouvelle qui est arrivée que le maréchal de Turenne [72] envoyait son armée en deçà et que son avant-garde, composée de 6 000 chevaux, était à La Ferté-Milon [73] et à Dammartin. [74] Le bruit a été faux, ils n’ont pas avancé aussi près. [42] Le lendemain, lundi 29e, les trois princes [75][76] ont été enlevés et tirés du Bois de Vincennes [77] par ordre du roi [78] et sans passer par Paris, ont été conduits par 300 chevaux et ont passé la Seine dans des bateaux vers Vitry pour delà gagner Juvisy, [79] Montargis, [80] Orléans [81] et enfin Loches [82] qui est le lieu, à ce qu’on dit, destiné pour leur garde ; [43] d’autres disent qu’on les mènera au Havre-de-Grâce. [83] Il ne m’importe où, et encore moins au Mazarin, au duc d’Orléans [84] et à la reine [85] même, pourvu qu’ils n’échappent point. Ce même lundi après-midi, on a tenu une grande assemblée à l’Hôtel de Ville afin de pourvoir à la conservation de la ville. Entre autres choses, y a été ordonné que dès le lendemain on commencera de garder les portes selon l’ordre de chaque colonelle, comme l’on faisait durant le siège de Paris. Le mardi matin, 30e d’août, le Parlement s’est assemblé avec bonne intention, mais ils n’ont pas conclu assez généreusement à cause du duc d’Orléans qui s’y trouve soigneusement et qui y rabat les coups du mieux qu’il peut en faveur du Mazarin qu’il aime trop. [44] Les trois princes sont encore à Marcoussis, [86] à neuf lieues d’ici, qui est le lieu où ils furent menés et déposés le même jour qu’ils furent tirés du Bois de Vincennes. Les trois livres du P. Caussin sont partis, je les ai délivrés à un marchand des amis de M. Falconet qui les lui fera tenir. Il en retiendra un pour lui et vous enverra les deux autres, dont l’un sera vôtre et l’autre pour notre bon ami M. Gras, s’il vous plaît. M. de Sainte-Marthe, [87] l’aîné des deux jumeaux qui ont si heureusement travaillé à l’histoire généalogique de la Maison de France, est ici mort en grande vieillesse, 77 ans, le mercredi 7e de septembre. [45] Bordeaux résiste, mais il est toujours assiégé par le Mazarin qui est bien aise d’avoir cette occasion de demeurer là pour n’être pas ici où il est fort haï. L’on dit que dans l’armée du roi il y a bien de la dysenterie [88] et des fièvres malignes ; [89] et néanmoins, je vois ici plusieurs honnêtes gens qui ont peur pour Bordeaux et qui croient qu’à la fin le Mazarin en viendra à bout par quelque finesse, quod omen Deus avertat[46][90] Je sais bien que l’on promet du secours à ceux de Bordeaux, mais j’ai peur que l’un ne vienne trop tard, et que l’autre ne se laisse gagner et emporter au fil de l’eau ; j’entends aux belles promesses et aux allèchements de la cour.

On avait ici mis sur la presse un petit livre in‑12 intitulé l’Harmonie, etc., il était contre le Mazarin, sa vie, sa fortune et son ministère ; il allait même contre l’honneur de la reine. [47] Le lieutenant civil l’a découvert, l’a supprimé et en a fait emprisonner les imprimeurs, [91] desquels néanmoins, jusqu’à présent, il n’a pu découvrir ni apprendre qui en était l’auteur. L’on m’a dit que l’on en soupçonnait un jésuite, qui était fort passionné pour le parti de M. le Prince ; ce que je ne crois point, vu que ces bons pères [92] sont trop fins pour être embarqués dans quelque parti, si ce n’est lorsqu’il est de beaucoup le plus fort et qu’il y a manifeste apparence d’y pouvoir profiter, ce qui n’est point encore au fait de Messieurs les trois princes emprisonnés.

On fait ici une nouvelle impression des Libertés de l’Église gallicane[93] en deux ou trois vol. in‑fo[48] J’apprends qu’il est fort augmenté en plusieurs endroits, mais on l’imprime à petit bruit et presque en cachette. C’est afin que le pape [94] et le nonce [95] n’en sachent rien, lesquels ne manqueront pas à la fin d’en faire du bruit. [49]

Le maréchal de Rantzau [96] mourut ici le 14e de septembre. Le voilà hors de peine d’obtenir récompense de son gouvernement de Dunkerque [97] que l’on lui ôta durant le siège de Paris : on l’avait mandé afin qu’il vînt avec quelques troupes, afin d’augmenter et de fortifier le parti des assiégeants ; dès qu’il fut à Saint-Germain, [98] on l’arrêta prisonnier, d’où enfin il a été délivré. Le Mazarin a dit à un homme que je connais qu’on ne l’avait tiré de Dunkerque que par finesse et sous prétexte de l’employer au siège de Paris, mais que la vraie raison était la peur qu’on avait eue qu’il ne rendît Dunkerque à l’Espagnol, dont il était entré en traité par le moyen d’un moine déguisé qui allait et revenait sans être connu, mais dont on avait eu ici avis à la cour. Si ce soupçon eût été vrai, on n’eût pas manqué de lui couper le cou. [50] On dit qu’il y a du bruit de nouveau en Provence, [99] sur ce que le comte d’Alais [100] ne veut point obéir au commandement qu’il a reçu d’aller à la cour ; le roi veut être obéi ; lui, d’ailleurs, n’oserait y aller sur la peur qu’il a d’y être arrêté et de perdre son gouvernement. Sur ce différend, la Provence est partagée en deux : Aix [101] est fort contre lui, Toulon [102] pour lui, etc. Je pense qu’il n’aura guère de faveur à la cour, étant cousin du prince de Condé qu’il a autrefois supporté et qui dorénavant, pourra être cause de sa ruine. [51] M. le duc d’Orléans a ici fait assembler de savants hommes pour savoir d’eux comment il fallait nommer son fils. Divers avis furent proposés. Entre autres, fut retenu et approuvé celui que donna M. Le Bignon, [103] avocat général qui est un homme incomparable ; lequel prouva par plusieurs raisons qu’il devait être nommé le duc de Valois, et ce nom lui est demeuré. M. le duc d’Orléans fait grand état du dit M. Le Bignon, comme font aussi tous les savants qui le connaissent, vere enim est abyssus eruditionis[52]

On a ici parlé de la mort du roi d’Espagne, [104] mais la dernière preuve n’en est pas encore venue. Le cardinal Monti, [105] archevêque de Milan, est mort. [53] On parle ici d’une paix générale et pour la faire, il faut auparavant s’accorder d’un lieu ; on dit que ce sera Picquigny [106] près d’Amiens [107] et que dans peu de jours le nonce du pape, le sieur Contarini, [108] Vénitien qui était le médiateur de la paix à Münster, et M. d’Avaux, [109] partiront pour en aller traiter avec les députés de l’Archiduc Léopold ; [54][110] mais quoi que l’on en dise, je ne crois point qu’elle se fasse, tant que le Mazarin pourra trouver son intérêt et sa conservation à la guerre, qui n’est dorénavant plus tantôt qu’une invention de mignons et de favoris pour s’enrichir et s’agrandir.

Le fils de M. Moreau, [111] après avoir été heureusement délivré de sa grande maladie il y a trois mois, faute de s’être conservé, est retombé dans une autre fièvre continue pour laquelle il a déjà été saigné dix fois. Il a été communié aussi, il est en grand danger de sa vie. J’en ai grande peur et grand regret, tant à cause de lui-même que pour l’amour de Monsieur son père, [112] lequel il devait soulager en sa vieillesse. Depuis sa grande maladie, il avait toujours été bouffi et n’avait su être bien converti par sa première maladie pour se retirer de quelques petites débauches bacchiques auxquelles il n’était que trop sujet ; d’où même Monsieur son père ne l’a su retirer, quelque soin qu’il y ait apporté ; mais c’est dommage de ce jeune homme, il a beaucoup d’esprit et est de fort belle espérance. J’en ai pourtant plus de regret pour l’amour de Monsieur son père, qui peut dorénavant avoir besoin de lui, que pour toute autre considération. Je viens d’apprendre qu’il se porte un peu mieux et qu’il y a espérance de guérison. [55] Nous savons bien ici que les mazarins ont pris le faubourg de Saint-Seurin de Bordeaux [113] et qu’ils ont tôt après abandonné, n’en pouvant faire leur profit. Les Bordelais y ont perdu quelques hommes, mais la plus grande perte est bien du côté des mazarins, vu que plusieurs officiers y ont été tués, dont néanmoins je regrette la perte. Cette prise n’avance en rien les affaires des assiégeants, qui ne viendront point à bout de Bordeaux s’ils ne font bien d’autres prouesses. M. le maréchal de La Meilleraye [114] a mandé qu’il entrerait dans la ville malgré eux. Ils lui ont remandé que quand il voudrait y venir, qu’ils lui ouvriraient les portes, à lui et à son armée, mais qu’il n’oserait pas prendre la hardiesse d’y entrer. [56] Je vous baise les mains et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce vendredi 16e de septembre 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fos 99‑100 ; Reveillé-Parise, no ccxxxvi (tome ii, pages 43‑48) ; Jestaz no 41 (tome i, pages 719‑729).

1.

C’est-à-dire M. le Prince « tout court », titre qui servait jusque-là à désigner le prince de Condé, alors emprisonné à Vincennes (et non pas à la Bastille comme écrivait Guy Patin par étourderie) et déchu de ses prérogatives comme criminel de lèse-majesté.

Fils unique de Gaston d’Orléans, Jean-Gaston, duc de Valois, né après trois filles, était venu au monde le 17 août 1650 ; il mourut le 10 août 1652.

Gazette, extraordinaire du 19 août 1650 (no 120, pages 1066‑1067) :

« Et voici que la protection divine […] a enfin exaucé les vœux de tant de millions d’âmes, humiliées devant elle pour impétrer cette grâce, mais surtout ceux de cette incomparable Marguerite de Lorraine, petite-fille de Henri second, dont la piété n’ayant pas moins fléchi les cieux que les grâces de son corps et de son esprit inclinent vers elle toutes les volontés de la terre, lui ont donné en la 19e année de son mariage un premier prince du sang, dont elle accoucha ici heureusement en son neuvième mois, le 17e du courant à cinq heures du matin dans le majestueux palais d’Orléans ; ce bel astre naissant ayant le Soleil au Lion sur le point de son ascendant, nativité que les astrologues estiment des plus heureuses ; après un travail de trois heures que cette vertueuse amazone supporta avec la même constance qui lui avait fait patiemment endurer un éloignement de dix ans {a} d’auprès de Son Altesse Royale, qui nous a vraisemblablement retardé ce bonheur d’autant d’années. »


  1. 1633-1643, v. note [10], lettre 18.

2.

Ancienne capitale du Beaujolais, Beaujeu (Rhône) se situe à mi-chemin entre Mâcon et Roanne.

Guillaume Paradin (Cuiseaux, près de Chalon-sur-Saône vers 1510-Beaujeu 1590), issu d’une famille pauvre, entra dans les ordres et fut chargé de l’éducation du fils de Prévost, lieutenant général au bailliage de Dijon et homme très versé dans l’étude des antiquités. Ce maître lui inculqua le goût des investigations historiques et lui légua bon nombre de pièces intéressantes extraites des archives bourguignonnes. Paradin conquit ensuite l’estime du cardinal Charles de Lorraine et fut présenté au roi Henri ii. Il obtint un canonicat à Beaujeu et y termina ses jours. Il a laissé un bon nombre d’ouvrages historiques trop emprunts de crédulité naïve pour avoir grand intérêt (G.D.U. xixe s.). Son frère Claude (dates inconnues), lui aussi chanoine de Beaujeu, a publié plusieurs livres de généalogie et des Quadrins historiques de la Bible (Lyon, J. de Tournes, 1553, in‑8o), que son frère a traduits en latin.

3.

Claude-Marguerite (1570-1650) était la seconde des 9 enfants d’Albert de Gondi, duc et maréchal de Retz (1522-1602). En 1588, elle avait épousé Florimond, marquis de Piennes et de Maignelais.

Son frère, le cinquième enfant de la famille, Jean-François de Gondi (1584-1654, v. note [11], lettre 19) était alors le premier archevêque en titre de Paris avec, pour coadjuteur, son neveu, Jean-François-Paul de Gondi, futur cardinal de Retz. Après un premier mariage avec le comte de Candale, qui avait été dissous, Anne de Maignelais, fille de Claude-Marguerite, avait épousé le maréchal Charles de Schomberg (v. note [10], lettre 209) ; elle était morte en 1641. En 1646, Schomberg s’était remarié avec Mme de Hautefort, ancienne favorite de Louis xiii (v. note [8], lettre 84).

4.

« À d’autres, mais pas à moi ! » (Horace, v. note [59], lettre 101).

5.

La fusée était « le fil qui est dévidé autour d’un fuseau. On envoie les femmes filer leur fusée, qui se veulent mêler des affaires des hommes. Fusée se dit figurément des affaires : on lui a fait un méchant procès, c’est une fusée qu’il aura bien de la peine à démêler ; on a fait une forte ligue contre un tel prince, c’est une fusée qui lui donnera bien de la peine » (Furetière).

6.

« d’une manière ou d’une autre ».

7.

« comme si c’était un croque-mitaine (mormolukeion), et pour la plus grande terreur de la postérité ».

8.

« pour faire fortune, honnêtement, ou sinon par quelque moyen que ce soit » (Horace, v. note [20], lettre 181).

9.

V. note [49], lettre 240.

10.

V. notes [49], lettre 166, pour l’Universa Medicina… de Barthélemy Pardoux rééditée à Lyon chez Jacques Carteron, et [36], lettre 222, pour le livre de don Antonio Perez « sur les Évangiles ».

11.

Bayle (note R de l’article sur Guillaume Budé) :

« … et qu’en voulant haranguer Charles Quint, il demeura court. Je n’ai lu cela que dans le premier volume du P. Abram sur les Oraisons de Cicéron. {a} Petrus Messius, Libro iii variarum Lectionum cap. xiii, multa magnorum Oratorum exempla corradit, quos initio dicendi perturbatos repente memoria defecit. Ut Demosthenem coram Philippo, Theophrastum coram Areopagitis, Herodem Atticum coram M. Antonino, Heraclidem Lycium coram Severo Augusto, Bartholomæum Socinum coram Alexandro Sexto. Addi potuisset et magnus ille Budæus, qui Carolum v Cæsarem Parisios venientem Oratione excepturus repente obmutuit. » {b}


  1. Nicolai Abrami Lotharingi… Commentarius in tertium volumen orationum M.T. Ciceronis… [Commentaire de Nicolas Abram (jésuite), natif de Lorraine (1589-1655)… sur le troisième volume des Oraisons de Cicéron…] (Paris, Sébastien Cramoisy, 1631, 2 volumes in‑fo, vol. 1, page 409).

  2. « Petrus Messius {i} a rassemblé maints exemples de grands orateurs à qui la mémoire a soudainement failli au moment de discourir : comme Démosthène devant Philippe ii de Macédoine, Théophraste devant les aréopagites, Hérode Atticus devant Marc Aurèle, Héraclide de Lycie devant Septime Sévère, Barthélemy Socin devant Alexandre viii. On pourrait encore y ajouter le grand Budé {ii} qui, choisi pour faire un discours devant Charles Quint {iii} venant à Paris, resta soudainement muet. »

    1. Variæ lectiones [Leçons diverses], livre iii, chapitre viii.

    2. V. note [6], lettre 125.

    3. V. note [32], lettre 345.

12.

Lacunes du manuscrit reconstituées entre crochets.

13.

« je voudrais être votre disciple » : Ego non erubesco tibi μαθητευειν [Je ne rougis pas d’être votre disciple] (Ép. lat. livre i, page 187, lettre lviii, datée du 24 avril 1601), à propos de l’admiration que Joseph Scaliger déclarait à Isaac Casaubon pour ses Commentaires sur Athénée (v. note [1], lettre 543).

14.

« ainsi en a-t-il plu aux dieux » (v. note [12], lettre 237).

15.

« en attendant qu’elle prenne plus de poids. »

16.

V. note [9], lettre 236, pour le livre d’Arnold Boot sur les maladies omises par les Anciens.

17.

« il n’a aucun intérêt, hormis la nouveauté. »

18.

Autre nom que Guy Patin donnait à Pierre Guillemin, agrégé au Collège des médecins de Lyon.

19.

V. note [10], lettre 122, pour « donner du nez en terre » (se casser le nez).

Jean Du Clédat, natif de La Réole en Gironde (mort en 1663), avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1624. Guy Patin, dont il fut allié contre l’antimoine, lui reprochait ici d’avoir essayé de séduire la clientèle de ses collègues, à la manière de Guillemin, Béda des Fougerais et Guénault.

20.

« et se propulser vers la fortune et la gloire au mépris et aux dépens des autres. »

21.

« dans le livre iii de sa Méthode pour remédier, chapitre 12 » : v. note [11], lettre 239.

22.

« et n’ai pas eu à m’en repentir. »

23.

Francisco Valles (ou Vallesio, Covarruvias, Castille 1524-1592), Franciscus Vallesius, enseigna la médecine à Alcala de Henares (qui était l’Université de Madrid), devint médecin de Philippe ii et jouit d’une grande faveur à la cour de ce roi (v. note [41] du Naudæana 2). Commentateur et propagateur des œuvres d’Hippocrate, il a essayé de comparer et de concilier les idées si souvent disparates ou même contradictoires des médecins grecs et arabes (O. in Panckoucke).

Celui de ses livres que Guy Patin appelait ici sa Méthode générale (par confusion avec la Methodus generalis de Fernel) porte le titre de Methodus medendi… [Méthode pour remédier…] (Venise, Georgius Angelerius, 1589, in‑8o, et Louvain, Hieronymus Nempæi, 1647, in‑8o ; v. note [4], lettre 245, pour le titre complet et pour l’édition parisienne de 1651 avec sa curieuse dédicace à Guy Patin).

24.

Quatre enfants de Charles Spon étaient alors en vie : Mathieu (né en 1644), Jacob (1647), Marie (1648) et Suzanne (1649) ; ce devaient être les deux aînés qui avaient guéri d’une variole.

25.

L’huile « qui se tire des amandes douces, sans feu, est fort estimée et on la peut prendre par la bouche. Après avoir choisi les amandes, parmi lesquelles il faut prendre garde qu’il n’y en ait ni de rancies ni de vieilles, on les dépouille de leur peau avec de l’eau tiède et on les sèche dans un linge ; après quoi, on les réduit en pâte en les pilant dans un mortier avec un pilon de bois. On met cette pâte dans quelque sachet d’étamine claire et on exprime l’huile tout doucement à la presse » (Thomas Corneille).

V. note [4], lettre 81, pour les « taches de la petite vérole » (variole), c’est-à-dire ses pustules et les cicatrices qu’elles laissaient, en particulier sur le visage.

26.

« par les deux veines basiliques [v. note [3], lettre 144], pour tempérer l’ardeur et éteindre l’acrimonie du sang trop abondant ».

27.

« avec une eau tiède de la meilleure qualité, telle que nous avons ici celle de la Seine ».

28.

« sans oublier les lavements fréquents, pour que les viscères ne soient pas souillés par une abondance excessive d’excréments, cause de toute cette débâcle fétide qui s’accumule et se répand dans la complexion [habitude du corps]. »

29.

« Eau de rose ou, plus communément, eau rose : eau qu’on tire des roses par la distillation » (Littré DLF).

30.

« Je n’ai jamais entendu parler de l’eau de mille-fleurs ».

L’eau de mille-fleurs (Académie) est :

« l’urine de vache reçue dans un vase pour la prendre ensuite en remède. On appelle aussi eau de mille-fleurs, huile de mille-fleurs, de l’eau et de l’huile distillée de la bouse de vache. Et rossoli {a} de mille-fleurs, une sorte de rossoli dans la composition duquel il entre quantité de fleurs distillées. »


  1. V. note [6], lettre 220.

.
31.

« jusqu’à l’infamie. »

La seule allusion que j’aie trouvée sur ce sujet dans la Praxis Medica de Lazare Rivière {a} ne concerne pas ni la variole, ni l’eau de mille-fleurs :

Toto autem curationis tempore utatur æger pro potu ordinario aqua ferrata, vel decocto millefolii.

[Pendant toute la durée du traitement, le malade usera, pour boisson ordinaire, d’eau ferrugineuse ou de décoction de mille-feuille]. {b}


  1. Praxis Medica [Pratique médicale] (Lyon, 1653) livre x, page 747, chapitre x, De hæmorrhoidum fluxu immodico [Le flux hémorroïdal abondant]. V. note [5], lettre 49, pour d’autres éditions de ce livre et son auteur.

  2. « Plante qui a été ainsi appelée à cause de la quantité de ses feuilles, ou pour mieux dire, à cause de la quantité des subdivisions dans lesquelles chacune de ses feuilles est partagée » ; elle est « vulnéraire, résolutive et astringente ; on s’en sert pour arrêter toutes sortes d’hémorragies, et surtout le cours déréglé des hémorroïdes et des fleurs blanches [règles blanches ou leucorrhées] » (Trévoux).

32.

« Dictionnaire étymologique de [Matthias] Martini », v. note [9], lettre 238.

33.

« sur l’ancienneté de l’imprimerie » (v. note [17], lettre 238).

34.

Guy Patin a ajouté cette phrase dans la marge pour annoncer à Charles Spon l’envoi prochain du livre intitulé :

Iacobi Mentelii, Patricii Castro-Theodoricensis, De vera typographiæ origine Parænesis, ad Sapientissimum Virum D. Bernardinum a Malinkrot, Monsateriensem Decanum.

[Avis de Jacques Mentel, {a} gentilhomme natif de Château-Thierry, sur la véritable origine de l’imprimerie, dédié au très sage M. Bernhard von Mallinckrodt, {b} doyen du chapitre de Münster]. {c}


  1. V. note [6], lettre 14.

  2. Bernhard von Mallinckrodt a correspondu avec Guy Patin. La lettre latine qu’il lui a adressée le 1er mars 1646 détaille la querelle entre Haarlem et Mayence sur la découverte de l’imprimerie. Sa note [1] décrit l’ouvrage que Mallinckrodt avait écrit (Cologne, 1639) à la gloire de Mayence et de Johannes Gutenberg.

  3. Paris, Robert Ballard, 1650, in‑4o de 119 pages.

Jean Mentel ou Mentelin (vers 1410-1478) fut le plus ancien imprimeur établi à Strasbourg. On lui a attribué l’invention de l’imprimerie, mais on croit que Johannes Gutenberg (Mayence vers 1400-ibid. 1468) lui-même l’avait initié à l’art typographique, à Mayence. Voici ce qu’en disait Furetière :

« On est en doute de celui qui a inventé l’imprimerie en Europe. Mentel, {a} médecin de Paris, dans une lettre écrite à M. Naudé, prouve que ce fut Jean Mentel, bourgeois de Strasbourg, qui l’inventa en 1442 du temps de Frédéric iii, empereur ; {b} et que Jean Gutenberg, un de ses compagnons, la transporta à Mayence où il s’associa avec Fauste et Scoeffer {c} auxquels quelques-uns en ont faussement attribué l’invention, comme Münster, Polydore Virgile, et Pasquier {d} après eux. L’empereur Frédéric iii en l’an 1466, en faveur de cette invention, donna à Jean Mentel pour armes un champ de gueules au lion couronné d’or, accolé d’un rouleau voltigeant d’azur. Les premiers livres imprimés qu’on ait vus en Europe sont un Durandus de Ritibus Ecclesiæ, de l’année 1461, et une Bible de l’an 1462, La Cité de Dieu de saint Augustin, et les Offices de Cicéron. Nicolas Janson, {e} Français établi à Venise en 1486, {f} est le premier qui commença de polir et embellir l’imprimerie. Alde Manuce le père {g} est le premier qui ait imprimé à Venise en grec des écrits continus. »


  1. Jacques Mentel.

  2. Empereur germanique qui régna de 1440 à 1493 (v. note [17] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).

  3. V. note [13], lettre latine 7, pour Johannes Gutenberg, Johann Fust et Peter Schoeffer, à qui la postérité a attribué l’invention de l’imprimerie.

  4. V. notes [16] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii, pour Sebastian Münster, [43], lettre 183, pour Polydore Virgile, et [16], lettre 151, pour Étienne Pasquier.

  5. Nicolas Jenson (Sommervoie en Champagne vers 1420-Venise 1480 ou 1481).

  6. Sic pour 1470.

  7. Aldo Manuzio dit Alde l’Ancien (v. note [16], lettre latine 38).

Le Parænesis de Mentel commence par ces deux paragraphes (pages 1‑2) :

Iamdudum Te (Vir Merissime) debueram sane nonnullius ex meis Epistolæ cultu salutare, aut quopiam alio sermone compellare ; Non solum tuorum in literis meritorum, Dissertationisque adeo illius, quam de Ortu et Progressu Typographiæ edidisto ; sed mei ipsius, qui tacitus in hanc Causam vocari viderer.

Verumenimvero, quæ mea est ingenuitas, non poteram ego illi animos sumere : Nequedum possem profecto ; nisi de tuis ad se Literis monuisset me Guido Patinus, Paris. Doctor Medicus, homo et humanissimus et eruditissimus : Ex quibus accepi, Te horulam insumpsisse legendo Excursui illi Brevi de loco, tempore, et Authore Inventionis Typographiæ : At utique improbatum Te ire, quæ de Mentelio et Argentorato teneret. In summa Te in eo requirere Imperatoris Rescriptum, quo Vir ille divinus præ quocumque elatus sit, ac Cælo istius, ut ita dicam, honoris in antiquam suæ Gentis Dignitatem assurgentis, adscriptus ac positus ob Inventam Artem illam supra omnes mirandam.

[Depuis longtemps déjà j’aurais dû vous saluer (très méritant Monsieur) par l’hommage de quelqu’une de mes lettres, ou de vous adresser quelque autre discours : non seulement en raison des mérites que vous vous êtes acquis dans les belles-lettres, et surtout de cette Dissertation que vous avez publiée sur l’Origine et progrès de l’Imprimerie ; {a} mais aussi pour moi-même qui, sinon, semblerait mériter d’être tenu pour muet en ce Procès.

À vrai dire et en toute sincérité, je n’avais pu en trouver le courage ; et ne l’aurais certainement encore pu si Guy Patin, docteur en médecine de Paris, homme à la fois très aimable et très savant, ne m’avait fait part d’une lettre que vous lui aviez écrite. {a} J’y appris que vous aviez consacré une petite heure à lire cette Brève digression sur l’invention de l’imprimerie, son lieu, sa date et son auteur ; {b} mais surtout que vous n’approuviez pas ce qui y était dit au sujet de Mentel et de Strasbourg. En somme, vous réclamez pour cela un rescrit de l’Empereur, {c} par lequel cet homme divin est instauré, désigné et établi, avant quiconque, comme inventeur de cet art admirable qui surpasse tous les autres ; et ce, dirais-je, par son burin qui s’est dressé pour l’antique honneur de sa nation].


  1. V. supra première note {b}.

  2. V. note [17], lettre 238.

  3. Rescrit : « réponse du pape ou des empereurs sur quelque question ou difficulté de droit, sur laquelle ils ont été consultés, qui sert de décision et de loi pour l’avenir » (Furetière).

Page 5, Mentel raconte que c’est un domestique de Mentelin, nommé Johann Gensfleich, qui livra le secret de l’imprimerie à Gutenberg, orfèvre de Mayence.

Page 104, sont reproduites les armes dont l’empereur honora Mentelin, avec cette devise (sur un « rouleau voltigeant d’azur ») :

Virtutem mente coronat.

[Il {a} couronne la vertu par l’intelligence].


  1. Le lion qui figure sur l’emblème.

Elle est entourée par cette inscription, que Mentel présente à Mallinkrodt comme le rescrit qu’il réclamait :

Insigne Schottorum Familiæ ab Friderico Rom. Imp. iii. Ioan. Mentelio, primo Typographiæ Inventori ac suis concessum, Anno Christi Millesimo Quadringentesimo Sexagesimo-Sexto.

[Armes de la famille des Schott que Frédéric iii, empereur des Romains, a conférées à Jean Mentel, premier inventeur de l’imprimerie, et aux siens, l’an du Christ mille quatre cent soixante-six].

Le petit-fils de Jean Mentel porta le nom de Jean Schott et défendit avec vigueur la primauté de son aïeul dans l’invention de l’imprimerie (Louis Laguille, Histoire de la province d’Alsace depuis Jules César jusqu’au mariage de Louis xv Strasbourg, Jean Renauld Doulssecker, 1727, première partie, page 334).

Dans son Gutenberg, inventeur de l’imprimerie (1400-1469) (Paris, Hachette, 1853, in‑18, chapitre xvii, pages 34‑35), Alphonse de Lamartine a levé le voile sur l’imposture de Mentel dans la découverte :

« Lorsque Gutenberg fut contraint de quitter Strasbourg, en 1446, il y laissa les traditions de son art dans les collaborateurs et les ouvriers initiés à sa découverte et à ses procédés ; et nous trouvons Mentel ou Metelin, notaire public, qui ne se fit naturaliser bourgeois de Strasbourg qu’en 1447, et d’Eckstein, chanoine de la cathédrale, qui, aidés des fonds fournis par le couvent des Chartreux, et sans avoir travaillé eux-mêmes à cet art si peu connu alors, s’établissent typographes et procèdent avec la plus grande célérité à imprimer, à mettre au jour une Bible allemande. Plusieurs autres ouvrages paraissent successivement, signés de l’imprimerie de Mentel, qui fit une fortune rapide, tandis que le malheureux Gutenberg, chassé par la misère, rentrait fugitif à Mayence.

La fortune qui avait accru l’influence de Mentel, et la rivalité qui subsistait entre les villes indépendantes de Mayence et de Strasbourg, favorisèrent ses désirs ambitieux de substituer son nom à celui de Gutenberg. Il y réussit si complètement qu’en peu d’années Gutenberg fut oublié ou volontairement écarté, et Mentel proclamé, à Strasbourg, inventeur de l’art divin, et des fêtes instituées en son honneur. »

35.

L’Imitation de Jésus-Christ est un ouvrage anonyme de piété et de prière, écrit au xve-xvie s. Inspiré par la spiritualité de la Devotio moderna (mouvement ascétique et mystique né à la fin du xive s. aux Pays-Bas), il contient quatre livres :

  1. Admonitiones ad vitam spiritualem utiles [Avis très utiles pour s’avancer sur la voie de Dieu] ;

  2. Admonitiones ad interna trahentes [Instructions sur la vie intérieure] ;

  3. De interna Consolatione [Des Consolations intérieures] ;

  4. De devota exhortatione ad sacram Corporis Christi communionem [Du Sacrement de l’autel].

Après plusieurs autres traducteurs en français, Pierre Corneille en a donné une version en vers (Rouen et Paris, Laurent Maury et Charles de Sercy, 1651, in‑12). Le livre « le plus beau qui soit parti de la main d’un homme, puisque l’Évangile n’en vient pas » (Fontenelle) a connu un tel succès que plusieurs ordres religieux en ont revendiqué l’auteur.

La dispute (reprise dans les notes [29], [30], [31] et [32] du Naudæana 3) opposait alors depuis 1616 les bénédictins aux chanoines réguliers de Saint-Augustin : les premiers défendaient Jean Gessen (ou Gersen, abbé bénédictin de Verceil en Piémont, v. note [30] du Naudæana 3), contre les seconds, en faveur de Thomas de Kempen (Thomas a Kempis v. note [29], lettre 525). On se battait à coups d’arguments paléographiques présentés lors de conférences où l’on confrontait les manuscrits et les dates. En 1641, que Richelieu avait chargé de vider la querelle, Gabriel Naudé, fort mal disposé pour les moines, avait pris le parti des chanoines réguliers de Sainte-Geneviève (génovéfains) contre les bénédictins de Saint-Germain-des-Prés (mauristes). Son rapport, dénonçant des falsifications dans les manuscrits en faveur de l’auteur italien, avait été publié en 1649 dans la deuxième édition des Thomæ a Kempis canonici regularis ordinis S. Augustini De Imitatione Christi libri quatuor… [Quatre livres de l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis, chanoine régulier de l’Ordre de Saint-Augustin…] (Paris, Sébastien Cramoisy, in‑8o) du P. Jean Fronteau (v. note [42], lettre 324).

Deux bénédictins, Dom Robert Quatremaire et Dom Francis Walgrave, y répliquèrent avec virulence ; un procès s’ensuivit et un arrêt du Parlement, daté du 12 février 1652, ordonna « que les paroles injurieuses respectivement employées dans les livres écrits de Quatremaire, Naudé et Walgrave seront supprimées ; ce fait donne main-levée de la saisie des livres faits par Walgrave ; porte défense d’imprimer le livre De Imitatione Christi sous le nom de Jean Gersen, abbé de Verceil ; permet audit abbé et aux religieux de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor de continuer à le faire imprimer au nom de Thomas a Kempis, et défend aux parties de plus récidiver sans dépens ».

Le débat reprit en 1671 sous l’impulsion des bénédictins, pour s’achever dans l’indécision en 1687 (Dom Mabillon par Dom Henri Leclerc, in Dom Mabillon, œuvres choisies, Odon Hurel, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2007, chapitre vi, pages 53‑60). À présent, Thomas a Kempis est tenu pour l’auteur de l’Imitation. Guy Patin annonçait ici les factums de Gabriel Naudé sur le sujet (v. note [30], lettre 248).

36.

François-Pierre Miron (1624-17 août 1670), seigneur de Brie-sur-Marne, cinquième fils de Robert i (v. note [20], lettre 180) et frère de Robert ii (v. note [9], lettre 82), était conseiller au parlement de Rouen. Il fut reçu conseiller aux Enquêtes de Paris en 1651 (Popoff, no 1771).

37.

Phrase ajoutée en marge ; il s’agissait de cinq conseillers du parlement de Rouen.

38.

Jean de Bussières, littérateur et historien jésuite lyonnais (Villefranche-sur-Saône 1607-1679) :

  1. Flosculi historiarum delibati ex rebus præcipuis quæ ab urbe condito ad Christi obitum contigerunt…

    [Fleurons des histoires tirés des principaux événements qui se sont produits depuis la création du monde jusqu’à la mort du Christ…] ; {a}

  2. Flosculorum historicorum pars altera. Decerpta ex rebus præcipuis a Christi obitu ad nostra tempora… Editio tertia, auctior et emendatior.

    [Seconde partie des Fleurons historiques. Colligée à partir des principaux faits depuis la mort du Christ jusqu’à notre époque… Troisième édition, augmentée et corrigée]. {b}


    1. Lyon, Ioan. Bap. Devenet, 1649, in‑12 de 246 pages.

    2. Ibid. et id. 1651, in‑12 ; série plusieurs fois rééditée depuis et continuée en 1671 (v. note [4], lettre 974).

Du vivant de Guy Patin, le P. Bussières publia encore :

39.

« Pour [Caspar] Hofmann, je n’oserais rien promettre ».

40.

Ce projet de Guy Patin, qui n’aboutit jamais, consistait à réunir en un même volume divers manuscrits inédits de Caspar Hofmann :

41.

V. note [50], lettre 176, pour le Regnum Dei et Domus Dei du P. Nicolas Caussin.

42.

Phrase ajoutée dans la marge.

Journal de la Fronde (volume i, fo 287 ro, Paris, 2 septembre 1650) :

« Les ennemis ne se sont pas approchés si près qu’il a été dit. Plusieurs lettres de divers endroits de l’Île-de-France portent qu’ils ne sont pas même venus à La Ferté-Milon ; {a} néanmoins, pour les empêcher de s’approcher, on a fait venir des troupes qui sont arrivées vers Saint-Germain-en-Laye. »


  1. V. note [1], lettre 241, pour La Ferté-Milon et Dammartin.

43.

V. note [2], lettre 241, pour le transfert des princes. Juvisy (Juvisy-sur-Orge, Essonne), à 18 kilomètres au sud-est de Paris, était le premier de poste sur la route de Fontainebleau.

Loches (Indre-et-Loire), en Touraine sur l’Indre, possède une grande forteresse qui a servi occasionnellement de prison.

44.

Le 29 août, le duc d’Orléans ordonna de garder les portes de Paris, ce qu’il annula le lendemain, voyant que la menace ennemie n’était pas si imminente qu’on l’avait dit. Le lendemain, le Parlement discuta un peu de politique et beaucoup sur la manière de lever des fonds pour organiser la défense de la capitale.

Journal de la Fronde (volume i, fo 286 vo, 2 septembre 1650) :

« Il y en eut peu qui parlèrent contre M. le cardinal et en faveur des princes parce qu’il ne s’agissait que de trouver de l’argent. Enfin, il fut résolu tout d’une voix qu’on avancerait une année de la paulette, laquelle se pourra monter à cent mille livres pour le Parlement de Paris seul, à raison de 400 livres pour chaque officier. Les autres cours souveraines de Paris ont aussi résolu la même chose. Outre cela, le Conseil a taxé les partisans à certaine somme et les grands se sont taxés volontairement : M. le duc d’Orléans à 20 000 écus, Mme d’Aiguillon à 12 000 livres, le maréchal d’Estrées à 6 000 livres, M. Le Tellier à 3 000 livres, et plusieurs autres à proportion. Et dès le même jour 30, l’on apporta 100 000 livres à l’Hôtel de Ville pour y commencer promptement des nouvelles levées. »

45.

Guy Patin annonçait la mort d’Abel de Sainte-Marthe (qui avait changé son prénom en Scévole [ii] à la mort de son père, Gaucher, dit Scévole [i] de Sainte-Marthe, v. note [9], lettre 48).

Publiée pour la première fois en 1619, l’Histoire généalogique des frères Sainte-Marthe avait connu un grand succès. Sa dernière édition avait paru trois ans plus tôt :

Histoire généalogique de la Maison de France : revue et augmentée en cette troisième édition. Avec les illustres familles sorties des reines et princesses du sang. Par Scévole et Louis de Sainte-Marthe, frères jumeaux, conseillers et historiographes ordinaires du roi. {a}


  1. Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1647, in‑4o : tome premier (1 136 pages) et tome second (1 012 pages) ; v. note [55] du Borboniana 1 manuscrit pour la précédente édition (1628).

46.

« présage que Dieu veuille bien écarter » (Sénèque le Jeune, v. note [35], lettre 166).

Journal de la Fronde (volume i, fo 286 vo et 287 ro, Paris, 2 septembre 1650) :

« Le 30 {a} arriva ici un courrier que le parlement de Bordeaux envoyait à ses députés, auxquels il apporta une lettre adressée à Son Altesse Royale et un autre au Parlement de Paris, par lesquelles les Bordelais se plaignent de la mauvaise foi du cardinal, disant que, dans le temps que M. de Coudray-Montpensier était dans Bordeaux avec des propositions de paix, Son Éminence avait fait avancer le maréchal de La Meilleraye avec l’armée pour attaquer La Bastide, {b} faisant désoler le pays partout où les troupes passaient, et avait fait entrer en rivière le capitaine Montriche avec des vaisseaux et pinasses ; ce qui fut à peu près confirmé le même jour par l’arrivée du sieur du Coudray qui ajouta que le duc de Bouillon était maître de la plupart des esprits de Bordeaux, et qu’il avait 2 500 fantassins et 600 chevaux, sans les bourgeois. Mais il y eut hier nouvelle que l’accommodement du comte Du Dognon était fait avec la cour par l’entremise de l’évêque de Saintes ; {c} qu’on lui assurait le bâton de maréchal de France aussitôt après la prise de Bordeaux, où il assistera et commandera l’armée navale. Pour cet effet, il fait diligemment équiper huit ou dix navires de guerre, et quelques chaloupes et autres sortes de petits vaisseaux, à La Rochelle et à Brouage, ayant pris pour cela 500 000 livres, à quoi se montaient les droits du roi depuis qu’il les y arrêtait sous prétexte d’en payer sa garnison et rétablir sa place ; de laquelle somme et du sel qu’il y avait aussi retenu, on l’a quitté {d} envers le roi ; cependant on fait des grandes levées en Auvergne pour le duc de Bouillon. »


  1. D’août.

  2. Faubourg de Bordeaux, sur la rive droite de la Garonne.

  3. Louis de Bassompierre, fils du maréchal, v. note [13], lettre 244.

  4. Rendu quitte.

47.

L’Harmonie de l’amour et de la justice de Dieu, au roi, à la reine régente et à Messieurs du Parlement (La Haye [Paris], 1650, in‑12), est une mazarinade de 178 pages, très empreinte de feinte dévotion et de philosophie politique partisane, dont l’auteur serait François Davenne. Venant après Au sénat, et avant Au roi, la deuxième partie, À la reine régente (pages 88‑138), est une virulente diatribe, dont cet extrait (pages 128‑131) donne un aperçu :

« La bonne estime qu’on avait de votre personne vous a obligée de ne vous contenter pas d’avoir réduit vos vassaux à l’aumône, mais d’en faire un charitable massacre afin de les sortir de cette misère. Néron souhaitait que toutes les têtes fussent en une afin de les faire toutes à la fois sauter par terre. Et Votre Majesté avait un désir que chacune servît d’un pavé aux rues en s’imaginant qu’elle marcherait ainsi dessus toutes. Si vos souhaits se fussent accomplis, vous auriez eu un marchepied bien riche. Jésus mérita de se promener sur un pavement qu’il arrosait de ses veines. Vous seriez allée du pair avec son humanité sainte car vous vous seriez vautrée dans son sang mêlé parmi celui de ses frères.

[…] Mais ce voile d’une tyrante {a} qui succombe ne fera pas croire aux sages que vous en soyez meilleure, non plus que celui de l’Eucharistie, de laquelle vous vous faites une couverture. Vous la suiviez processionnellement dans un lieu et vous étiez la cause qu’on lui crachait au visage dans un autre. Là vous lui faisiez un Thabor et ici un Calvaire. {b} Dans un endroit vous la couvriez de boue, et dans un autre de fange. […] Un aveugle vous conduit, et vous tombez tous deux dans la fosse. »


  1. Sic pour tyranne, mot que Guez de Balzac avait proposé, mais que l’Académie a refusé, laissant tyran dépourvu de féminin.

  2. « Parce que le Thabor est, à ce que l’on croit, la montagne où Jésus-Christ se transfigura, en termes de spiritualité, Thabor signifie les délices que l’on sent dans l’oraison et dans les communications avec Dieu. Ainsi l’on dit que l’on suit volontiers Jésus-Christ au Thabor, mais qu’on l’abandonne, qu’on n’a pas la force de le suivre au Calvaire, c’est-à-dire qu’on goûte volontiers les plaisirs que l’on sent dans l’oraison et les autres exercices de la vie spirituelle, mais qu’on n’aime pas les croix, les ignominies, les souffrances » (Trévoux).

Comparativement à cela les attaques contre Mazarin sont anodines et obliques.

Dans une lettre à Le Tellier, datée de Libourne, le 21 août 1650, le cardinal s’irritait contre les pamphlets de ce temps (Mazarin, tome iii, page 729) :

« Souvenez-vous de me mander si le lieutenant civil aura découvert quel est le libelle que la veuve Camuzat imprimait. Naudé, qui a grand commerce dans les imprimeries, m’a mandé de Paris que c’est M. de Broussel, le bonhomme, qui a fait lui-même imprimer la plupart de tant de libelles qui courent dans Paris. Je vous prie de le dire à S.A.R. {a} et que l’on voie quel remède on pourrait apporter à cette licence qui est d’un préjudice extrême, car on a abreuvé les peuples de mille faussetés. On décrie le gouvernement et on excite leur compassion envers les prisonniers. »


  1. Son Altesse Royale, le duc Gaston d’Orléans.

48.

Nouvelle édition (v. note [4], lettre 45) des Traités des droits et libertés de l’Église gallicane. Preuves des libertés de l’Église gallicane par Pierre Dupuy (Paris, Cramoisy, 1651, 2 volumes in‑fo).

49.

Le nonce du pape à Paris était alors Nicolo Guido di Bagno (v. note [29], lettre 113). Le cardinal (Mazarin, tome iii, page 787) conseillait au duc d’Orléans de se méfier de lui :

« puisqu’il est certain que, s’il était né à Madrid, il ne serait pas plus partial et plus à la dévotion d’Espagne qu’il l’est en effet et qu’il témoigne par toutes ses actions ».

50.

Arrêté à Saint-Germain le 27 février 1649 pour trahison, le comte Josias de Rantzau (v. note [155], lettre 166) avait été libéré du château de Vincennes le 21 janvier 1650, trois jours après que les princes y avaient été emprisonnés ; il s’était ensuite retiré à Meaux avec son épouse.

Journal de la Fronde (volume i, fos 295 ro et vo) :

« Avant-hier {a} au soir le maréchal de Rantzau mourut d’hydropisie en cette ville, âgé de 42 ans. Le comte d’Olac a demandé son régiment à Son Altesse Royale, et l’on croit qu’il l’obtiendra et que le gouvernement de Dunkerque sera donné au marquis de La Ferté-Imbaut, et celui de Bergues-Saint-Winoc au baron de Sirey, gentilhomme ordinaire de Son Altesse Royale. » {b}


  1. 14 septembre.

  2. Son mari n’ayant guère de bien à lui laisser, la maréchale de Rantzau se trouva dans la peine (ibid. fo 301 ro).

Lettre de Mazarin à Le Tellier, datée de Bourg, le 18 septembre 1650 ; Mazarin, tome iii, page 798) :

« Je viens d’avoir avis que M. le maréchal de Rantzau est mort. Je lui avais fait une promesse par laquelle je m’engageais à lui payer une somme d’argent lorsque je prendrais, suivant l’intention de Sa Majesté, le gouvernement de Dunkerque. Tout cela cesse présentement ; mais il sera bon de retirer la promesse parce que je ne voudrais pas qu’elle fût vue. Le procureur du roi y pourra servir. Il n’y a pas apparence que personne puisse parler du gouvernement de Dunkerque, d’Estrades y étant. {a} Les choses devront demeurer au même état, mon intention n’étant pas de rien remuer présentement pour moi »


  1. Godefroy d’Estrades.

51.

« Supporter signifie encore donner appui, secours, protection. Les gens d’un même corps se supportent les uns les autres. La fortune de cet homme est bien appuyée, les ministres le supportent, le protègent. Ce docteur supporte les hérétiques, il écrit en leur faveur, il les excuse » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume i, fo 285 ro, 2 septembre 1650) :

« Le comte d’Alais est mandé à la cour sur les instances qu’ont faites ici à Son Altesse Royale les députés de Provence de leur donner un autre gouverneur ; mais ce comte, voyant que les villes d’Aix, Arles, Marseille et autres s’unissaient avec le parlement de Provence contre lui, a si bien brigué dans les villes de Tarascon, Brignoles et Toulon que ces trois dernières ont envoyé ici d’autres députés, lesquels eurent le 28 {a} audience de Son Altesse Royale et lui déclarèrent ne vouloir point d’autre gouverneur que le comte d’Alais, et que si on le changeait, elles prendraient les armes pour le maintenir. Quant aux avis qu’on a eus de Provence, ils portent que la ville de Marseille a envoyé ici les informations qu’elle a faites de la surprise du fort Notre-Dame-de-la-Garde avec ordre aux députés de les présenter à M. le duc d’Orleans ; que cependant toute la cavalerie qui était dans cette province-là avait passé en Piémont et que la garnison de Porto Longone {b} était arrivée à Toulon suivant la capitulation. La nouvelle étant arrivée à la cour que les Marseillais avaient repris le fort Notre-Dame-de-la-Garde, dont M. de Scudéry, le poète, {c} était gouverneur, M. le cardinal donna ce gouvernement au lieutenant de ses gardes. »


  1. Août.

  2. V. note [48], lettre 229.

  3. V. note [68], lettre 336.

Ibid (fo 298 vo, Paris, 23 septembre) :

« Le bruit court que M. le cardinal offre au comte d’Alais le gouvernement d’Auvergne en échange de celui de Provence. »

Ibid (fo 299 vo, de Bourg, à côté de Bordeaux, le 16 septembre) :

« Les députés de Toulon qui sont venus ici pour demander que le comte d’Alais fût continué ont été mal reçus. »

Ibid (fo 299 vo) :

« De Marseille, le 13 septembre 1650. Le bruit étant venu, la semaine passée, à Toulon que Messieurs les princes étaient hors du Bois de Vincennes, le comte d’Alais y fit chanter le Te Deum et l’on fit ensuite des grandes réjouissances ; mais elles furent converties peu d’heures après en tristesse, la nouvelle étant venue qu’on ne les avait sortis de là que pour les mettre en plus grande sûreté. Cependant le comte d’Alais ne veut point obéir à l’ordre qu’il a eu d’aller à la cour, disant qu’il veut attendre le retour du courrier qu’il y avait envoyé, lequel apportera la réponse qu’auront eue les députés de la noblesse de son parti. Il attend aussi le succès du siège de Bordeaux et son intérêt est toujours celui des princes. Il a fait courir un bruit qu’il a reçu une lettre du roi portant ordre de lever des gens de guerre, ce qu’il a fait, on ne sait pour quel dessein ; mais on juge que c’est pour se fortifier si bien dans Toulon qu’on ne puisse pas l’en faire sortir, quoiqu’il soit certain qu’on ne l’y souffrirait pas s’il venait un second ordre de la cour, lequel le comte de Carces n’a pas attendu, ayant déjà obéi et étant parti pour aller rendre compte de ses actions à Leurs Majestés »

52.

« c’est véritablement un abîme d’érudition. »

Journal de la Fronde (volume i, fo 285 ro, 2 septembre 1650) :

« Le 26 du passé, M. le duc d’Orléans ayant tenu une seconde conférence sur le nom qu’il devait donner au prince son fils avec des gens savants et pris leurs avis, le nomme M. de Valois simplement dans ses qualités lorsqu’on les écrira. » {a}


  1. Le petit Jean-Gaston n’aurait son titre de duc que quand on écrirait son nom ; on renonçait à dépouiller Condé de son titre de M. le Prince (v. supra note [1]).

53.

Philippe iv, roi d’Espagne mourut en 1665.

Cesare Monti (Milan 1593-ibid. 16 août 1650) avait été nonce du pape en terres espagnoles, à Naples puis à Madrid, avant d’être nommé archevêque de Milan en 1632, puis de recevoir le chapeau de cardinal en 1634.

54.

Le 2 septembre, l’archiduc Lépold, gouverneur des Pays-Bas, avait envoyé un trompette au duc d’Orléans, lui disant qu’il avait tout pouvoir du roi d’Espagne pour négocier la paix avec lui. Le 4, Monsieur chargea le baron de Verderonne d’aller répondre qu’il fallait discuter du lieu des négociations. Le 12, à Paris dans son palais de Luxembourg, Monsieur reçut Don Gabriel de Tolède, émissaire de l’archiduc, en présence de MM. de Beaufort, le garde des sceaux, Le Tellier, d’Avaux, de Maisons, et les maréchaux d’Estrées et de l’Hospital. Don Gabriel remit une lettre de l’archiduc au duc d’Orléans, sans autre échange que de grandes amabilités de part et d’autre.

Journal de la Fronde (volume i, fo 294 ro) :

« la lettre fut lue dans le Conseil {a} et avec une autre que l’archiduc avait donnée à M. de Verderonne. Celle-ci ne contenait que des grandes civilités à Son Altesse Royale, à laquelle il proposait seulement que le traité de paix fût fait par eux deux afin d’avoir plus tôt fait. Par l’autre, l’archiduc lui mandait qu’après lui avoir proposé un abouchement pour la paix, comme il croyait que c’est le meilleur moyen d’avancer cet ouvrage après lequel toute la chrétienté respire, il souhaiterait que le lieu du traité fût en quelque endroit entre Reims et Rethel, qu’il espérait que Son Altesse Royale s’y pourrait trouver pour le commencer au 20 de ce mois, et que leurs paroles serviraient de sûreté pour l’un et pour l’autre ; dont on envoya avertir la cour par un exprès qui partit en poste deux heures après. On remarqua d’abord que Son Altesse Royale témoigna grand désir d’aller trouver l’archiduc, mais on lui représenta que sa personne ne serait pas en sûreté dans le poste que celui-ci avait choisi ; qu’outre que les ennemis y étaient les plus forts, l’archiduc n’y pourrait pas être le maître absolu des déportements de M. de Turenne ; et qu’ainsi, il était à propos de trouver moyen de faire changer le lieu. Pour cet effet, le lendemain 13, M. le nonce {b} fut avec M. d’Avaux trouver Don Gabriel de Tolède pour pressentir si l’archiduc voulait changer le lieu du traité et consentir que ce fût entre Laon et Soissons, ou bien en quelque autre lieu qui ne fût pas si avantageux aux ennemis et dans lequel Son Altesse Royale y pût être en sûreté ; sur quoi Don Gabriel témoigna que l’archiduc ne le refuserait pas afin de faciliter cette entrevue. Don Gabriel revint le 14 au palais d’Orléans pour avoir son audience de congé et Son Altesse Royale lui bailla la réponse qu’elle avait faite aux lettres de l’archiduc ; après quoi, il prit aussi congé de Madame et s’en alla par le jardin de ce palais où on le fit boire ; et il partit hier {c} d’Issy pour s’en retourner au camp de l’archiduc d’où il doit envoyer aujourd’hui des passeports pour M. le nonce, M. l’agent de Venise {d} et M. d’Avaux qui doivent partir demain pour aller conclure avec l’archiduc le lieu du traité et conférer sur les moyens les plus difficiles, afin que Son Altesse Royale n’y soit pas retenue si longtemps. La réponse qu’elle a faite à ces deux lettres contient en substance que, quoique dans tous les traités on envoie des plénipotentiaires pour résoudre toutes les difficultés, que néanmoins, la sincérité avec laquelle l’archiduc procède dans cette conjoncture l’a fait résoudre à s’aller aboucher avec lui, et qu’elle connaît déjà de ses bonnes intentions et des siennes < pour > le repos de toute la chrétienté ; que cependant, elle lui envoie M. d’Avaux pour résoudre avec lui le lieu du traité et commencer à l’ébaucher ; après quoi elle s’y rendra. On croit que le garde des sceaux et le premier président l’y accompagneront. »


  1. Le 12 septembre 1650.

  2. Bagni.

  3. Le 15 septembre.

  4. Ludovico Contarini, v. note [14], lettre 234.

Après bien des échanges de messages et bien des atermoiements, on s’accorda sur un rendez-vous à Picquigny, sur la rive gauche de la Somme à 13 kilomètres en aval d’Amiens.

55.

Phrase ajoutée dans la marge.

56.

Aujourd’hui incorporé à la ville, le quartier Saint-Seurin était alors un faubourg à l’ouest de Bordeaux, qui en était séparé par la porte Dijeaux. Mazarin le choisit comme point d’attaque, à la tête d’une armée de huit mille fantassins et près de trois mille cavaliers.

Journal de la Fronde (volume i, fos 294 vo et 295 ro) :

« Les avis qu’on a eus cette semaine de la cour sont fort différents, chacun en parlant sellon sa passion. À l’égard de Bordeaux, les plus frais sont du 13, et ce qu’il y a de plus certain est […] qu’après la prise du faubourg Saint Seurin, {a} M. de La Meilleraye ayant fait avancer ses troupes vers deux tenailles {b} en forme de demi-lunes qui sont entre ce faubourg et la ville, n’avait pas jugé à propos de les attaquer de vive force parce qu’il y aurait fallu perdre trop de monde pour les emporter, mais qu’il avait été résolu de faire deux attaques dans les formes dont on se sert aux sièges des places régulières : la première de ces deux tenailles par le comte de Palluau, et la seconde, du côté de l’archevêché, par ce maréchal qui avait déjà planté une batterie et fait une brèche dans un endroit le plus faible ; mais outre que la brèche est bien défendue de l’archevêché, il y a encore un grand fossé entre deux qui ne se peut combler qu’avec grande difficulté. »


  1. Le 5 septembre.

  2. Pointes de fortification.

Le combat demeura indécis ; Nicolas Goulas (Mémoires, tome iii, page 245) :

« L’on nous dit chez Monseigneur que si M. de Palluau fût arrivé à l’heure prescrite avec le corps qu’il commandait, par {a} la mort du chevalier de La Valette, composé des troupes de M. d’Épernon, tous vieux soldats gascons, la guerre était achevée puisque tous les chefs de Bordeaux eussent été tués ou prisonniers. L’échec que les deux partis reçurent en cette occasion ne les rebuta ni l’un, ni l’autre. »


  1. En raison de.

La Rochefoucauld (pages 168‑170) dit que lors de la première attaque il y eut 100 à 120 tués du côté des ducs et près de 500 de celui du roi, et qu’« après treize jours de tranchée ouverte, le siège n’était pas plus avancé que le premier jour ». Saint-Seurin fut l’engagement le plus meurtrier du siège de Bordeaux. Une suspension d’armes de six jours fut convenue le 16 septembre, avec échange d’otages de part et d’autre. La paix fut conclue le 22 septembre : le parlement de Bordeaux abandonna le parti des ducs et rendit la ville au roi, qui y entra le 5 octobre.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 septembre 1650

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(Consulté le 23/04/2024)

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