L. 246.  >
À Charles Spon,
le 18 octobre 1650

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière, laquelle fut le vendredi 30e de septembre, on dit ici que le Mazarin [2] a renvoyé ses trois nièces [3] en Italie, ce qui est faux. [1] Le lundi 3e d’octobre, nous nous sommes trouvés onze docteurs chez M. Perreau [4] qui nous avait invités à dîner en son logis, c’était à la vespérie [5] de son fils. [2][6] M. Des François [7] en était un, il me porta votre santé, dont je lui fis raison, puis me pria de vous présenter ses recommandations et de vous témoigner qu’il avait bu à votre santé. On a jusqu’ici parlé de la paix de Bordeaux [8] comme d’une chose faite et arrêtée, mais on parle autrement depuis 24 heures. On dit que deux points ont fait tout rompre et que le mal y est dorénavant plus grand que jamais. Si cela est vrai, je pense que c’est de la besogne que le Mazarin se donne afin d’avoir occasion de demeurer de delà plus longtemps, en tâchant de ne point revenir ici ni d’y ramener le roi. Mais c’est un faux bruit, la paix de Bordeaux est faite, le roi, [9] la reine, [10] le Mazarin y sont entrés et y ont été fort bien reçus. [3] Mme la Princesse [11] a vu la reine, laquelle a mené par la main le petit duc d’Enghien [12] au roi. M. de Bouillon [13] a vu le Mazarin, l’a entretenu et a couché chez lui. [4] On dit qu’ils sont grands amis, et même qu’il y a espérance que les princes [14][15][16] sortiront de prison, ce que je ne crois point encore. Il est vrai qu’ils ont quelque liberté plus qu’ils n’avaient et que M. Le Tellier [17] les a été visiter depuis qu’ils sont à Marcoussis, [18] etc.

Mais voilà que je reçois vos deux lettres, l’une du 4e, l’autre du 7e d’octobre, desquelles je suis tout réjoui. J’attendrai le plus patiemment qu’il me sera possible votre Perdulcis[19] votre livre que m’envoie M. Garnier [20] et ceux de notre bon ami M. Gras. [21] Je vous prie d’y mettre un Feyneus [22] avec tout cela, de peur que celui de M. Huguetan [23] ne vienne trop tard ; et m’envoyez tout cela ensemble le plus tôt que vous pouvez par quelque voie raisonnable, balle de libraires, coche de Lyon, etc., ou autrement même ; peut-être que M. Falconet [24] saura bien nous trouver quelque voie bien sûre et commode, comme il fit l’an passé pour son Épicure. J’ai grand désir de voir celui de M. Gras et votre Feyneus, duquel j’ai bonne opinion. [5] Pour Paul Leopardus, [25] il a été très excellent homme et un des plus savants de son temps. Il était flamand natif de Furnes, [26] grand grec, écolier de Clénard ; [27] il fut principal de collège à Bergues-Saint-Winoc. [6][28] La première partie de ses Miscellanées a été imprimée in‑4o à part, [7] c’est ce que vous avez vu ; et puis après, la seconde l’a été in Thesauro Critico Gruteri, tom. 3[8][29] Il est mort l’an 1567 avant que d’être vieux. Il fut appelé à Paris pour y être professeur du roi, mais sa femme qui n’y voulut pas venir le retint en Flandres. Il y a un épigramme grec en son honneur in Emendationibus et Notis Dan. Heinsii, in Maximi Tyrii Dissertationes, de l’édition de Leyde, 1607, in‑8o[9][30][31][32] avec un petit éloge latin : ut pueros dum viveret docebat, sic mortuus viros quotidie suis scriptis docet[10] Quand vous écrirez à M. Sorbière, [33] faites-lui mes recommandations s’il vous plaît ; et vous souvenez de la feuille du Calvinus[11][34] J’ai vu en cette ville ce M. Galateau, médecin de Bordeaux, [35] environ l’an 1634, je lui avais prêté le livre des eaux de Forges de feu M. Cousinot[36][37] à telles enseignes qu’il s’en est allé sans me le rendre. [12] Il me disait en ce temps-là qu’il avait connu M. Bouvard [38] en quelque voyage du feu roi, [39] que c’était un pauvre homme, d’autant qu’il ne savait que son Galien ; [40] il est vrai, disait-il, qu’il le sait bien. Tous les Gascons sont parci laudatores, et hoc est de patria[13] Le premier médecin de M. le duc d’Orléans [41] s’appelle, comme vous le dites, Brunier ; [14][42] il vit encore et est fort vieux. Je vous remercie, vous et M. Garnier, de l’affaire de M. Arnaud, [15][43] je ne m’en mets plus en peine, je voudrais seulement savoir qui le pousse contre moi, vu que je ne lui en ai jamais donné aucune occasion. M. Ravaud [44] m’a assuré avoir envoyé à Lyon mon Lexicon Martinii[16][45] J’ai céans un livre pour vous de M. Mentel [46] de origine typographiæ[47] avec un livre de M. de Saumaise [48] et quelques autres ; [17] j’attends quelque occasion de grossir le paquet. Pour la querelle d’entre MM. Mentel et Naudé, [49] je suis, aussi bien que vous de l’opinion de M. Naudé, qui est trop sage et trop habile homme pour tenir le mauvais parti, et se bander contre la vérité. [18] Pour M. Mentel, il est mon ami à ce qu’il dit, mais il est un peu trop infatué de la bonne opinion de soi-même, sorte de gens que je n’aime point. Conservez hardiment votre P. Caussin, [50] il n’est point encore en vente, il est encore supprimé, Dieu merci et les bons pères ; au moins le vôtre ne sera point châtré. [19][51] Le jeune Moreau [52] est tout à fait réchappé. Je vois Monsieur son père [53] tous les jours deux fois, à neuf heures du matin et à cinq heures du soir, chez un malade que nous traitons ensemble et chez lequel je l’ai fait appeler ; [54] il y est fort bien payé.

Ce 12e d’octobre. J’ai vu aujourd’hui M. Des François crotté comme un archidiacre, [20] son nez caché dans son manteau, qui trotte comme un solliciteur de procès. Il est pâle et défait, et me semble emmaigrir tous les jours. J’ai peur qu’il ne succombe ici et qu’il ne perde la vie avant que d’avoir gagné son procès. Les fièvres continues [55] malignes avec assoupissement, rêveries, [56] vers, [57] flux de ventre [58] séreux continuent ici, [21][59] aussi bien que les dysenteries, [60] et les fièvres quartes, [61] lesquelles, à mon avis, menacent ici bien du monde qui est devenu mélancolique [62] pour le mauvais temps qu’il fait et pour les désordres publics.

Ce 14e d’octobre. J’ai aujourd’hui appris de M. Mousnier, [63] à qui M. Hebet, [64] chirurgien de Lyon, l’a mandé, que le livre de M. Arnaud contre moi était sur la presse ; que c’est un in‑4o qui sera gros et qui ne peut pas être achevé sitôt ; qu’il est intitulé à chaque page Patinus verberatus[22] Voilà un titre manifestement satirique, injurieux, scandaleux et diffamatoire, je vous prie d’en conférer avec MM. Garnier et Falconet, et de leur dire que je crois qu’il faut agir contre lui et contre l’imprimeur [65] nomine iniuriarum[23] ce titre étant purement diffamatoire. Je serais bien curieux de savoir pourquoi cet homme m’en veut et quel tort je lui ai jamais fait, ou à lui ou aux siens.

Le P. Jarrige, [66] jésuite [67] qui s’était défroqué à La Rochelle [68] et qui delà, s’en était allé en Hollande, a encore changé d’habit et de religion, et s’est refait jésuite. Il a passé de Hollande en Flandre, d’Anvers [69] à Paris. Il a ici été quelque temps et puis s’en retourné à La Rochelle. Il y en a qui croient qu’il viendra demeurer à Paris, vu que leur général [70] lui a permis de choisir telle province qu’il voudra. [24] Il a fait ici imprimer un vilain et chétif désaveu dont on n’a point fait grand cas. On dit qu’il s’en va faire imprimer un livre de controverses en français. [25] L’Assemblée du Clergé [71] < se > tient ici et ne doit finir qu’à la Toussaint. L’évêque de Mâcon, [72][73][74] qui était un des députés, étant tombé malade, s’en est voulu retirer et s’en aller en son pays. Il est donc sorti de Paris et est mort en chemin, à trois lieues d’ici. On lui apprête une harangue funèbre pour la semaine qui vient. Voilà deux évêchés vacants, celui de Mâcon et de Clermont en Auvergne. [26][75][76][77] Messieurs les maîtres des requêtes font ici le procès à quelques clercs du Palais qui ont été surpris et découverts faire de faux sceaux. Les Espagnols ont assiégé Mouzon [78] près de Sedan, [79] et est à craindre qu’ils ne le prennent. [27] On dit que M. de La Ferté-Senneterre, [80] gouverneur de Lorraine, [81] a gagné une bataille sur les Lorrains et qu’il y a grande défaite, 1 200 tués et plusieurs prisonniers. [28] Les dernières lettres qui nous sont venues de la cour portent que le roi et la reine doivent partir le 17e de ce mois de Bordeaux pour revenir de deçà. Il y avait un voyage de Toulouse [82] sur le bureau, mais M. le duc d’Orléans l’a empêché, qui a mandé qu’il fallait ramener le roi à Paris ; [29] et j’apprends de nouveau que le Mazarin craint ici quelque chose et qu’il voudrait bien n’y pas revenir. Je pense que MM. de Beaufort [83] et notre coadjuteur [84] lui font peur après avoir si longtemps gouverné seuls M. le duc d’Orléans, chez lequel on dit que le Mazarin fait revenir M. de La Rivière, [85] grand aumônier du dit duc, afin de se servir de lui contre les embûches de ceux qui ont du crédit sur l’esprit de ce prince et qui sont antimazarins ; [30] qui pourront néanmoins assez tôt être malheureux, vu le peu de raison qu’il y a à se fier à ce prince qui est si facile, et que la reine ne manquera pas de gagner aussitôt qu’elle l’aura vu ; [31] et ainsi, nous sommes en état de voir ici l’hiver prochain encore quelque coup de tonnerre tomber sur la tête de quelqu’un, j’entends des grands et des plus gros. Summa petit livor, perflant altissima venti[32][86] La cour est une petite Afrique, [33][87] sujette à produire ces nouveautés par le moyen desquelles les uns reculent et les autres avancent. Pour moi, je demeurerai enveloppé dans mon manteau de patience donec immutatio veniat[34][88] Je viens de recevoir lettre de M. Ravaud, elle est datée de Middelbourg, [35][89] du 5e d’octobre, il se porte bien et ne me mande rien de nouveau. M. Moreau le père a cessé de voir quant et moi notre malade qu’il voyait deux fois le jour, et s’est mis au lit pour se reposer et faire quelques remèdes ; ce qu’il a fait, et se porte mieux ; Dieu merci, il n’a point eu de fièvre. Comme j’étais hier près de son lit, entre autres choses, nous parlâmes de vous et me dit qu’il avait une lettre toute écrite pour vous ; je le priai de me la donner afin de vous l’envoyer quant et la présente, ce que je fais. Monsieur son fils est parfaitement guéri. Le malade que nous vîmes ensemble la semaine passée est un riche marchand de la rue Saint-Denis, [90] nommé Michel Bachelier. [91] C’est celui qui vous fit tenir une de mes lettres le mois de mars dernier et à qui j’avais délivré l’autre qui fut perdue. [36] Ce fut au temps que je traitais son frère aîné, M. Jean Bachelier, [92] d’un méchant flux de ventre ex abscessu in mesenterio[37] Celui-ci était malade d’une des fièvres du temps, maligne [93] et pernicieuse, avec suppression d’urine, [94] assoupissement, redoublements[38] La saignée, [95] ptisana solutiva multa ex solis foliis Orientalibus (ab omni alio semper abhorruit)[39] et les vésicatoires [96] l’ont sauvé. Je n’ai jamais vu un homme plus malade sans en mourir, il a gagné la partie à fleur de corde ; [40] sa forte constitution et son âge de 34 ans lui ont bien aidé, gaudeant bene nati[41][97] Au reste il est aujourd’hui notre fête, M. saint Luc, [98] que quelques docteurs ont solennisée céans à dîner, [42] auxquels j’ai adjoint M. Huguetan l’avocat [99] et le petit Bauhin, [100] qui est un gentil garçon, sage, posé, bon esprit et qui étudie bien. [43] Nous y avons bu à votre santé, M. Huguetan et moi. Le retour du roi est ici incertain, on parle encore d’un voyage de Toulouse. Le Mazarin a peur de revenir ici et d’ailleurs, il veut remuer la Provence [101] d’où il veut tirer le comte d’Alais [102] et en avoir le gouvernement afin de se sauver quelque jour par là. Je vous baise les mains de tout mon cœur et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce mardi 18e d’octobre 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fo 103 ; Reveillé-Parise, no ccxxxviii (tome ii, pages 51‑54) ; Jestaz no 44 (tome i, pages 737‑742).

1.

Démenti ajouté dans l’interligne.

2.

Guy Patin, sans doute en se relisant, a ajouté dans la marge le motif de cette invitation à dîner.

Pierre Perreau, fils de Jacques, ayant obtenu le premier lieu de sa licence (v. note [8], lettre 3) en juillet (v. note [44], lettre 223), pouvait aborder le premier les épreuves du doctorat : seul recensé dans Baron et dans les Comment. F.M.P., son acte pastillaire eut lieu le 20 décembre sur une double question rituelle, An Arctati propius dentes/ Proceritas corporis Vitæ diuturnioris indicium ? [Un indice de vie plus longue se trouve-t-il dans des dents fort resserrées/ dans une grande taille corporelle ?]

3.

Journal de la Fronde (volume i, fos 305 vo et 306 ro, Bordeaux, 6 octobre 1650) :

« Hier au matin, Leurs Majestés s’étant embarquées sur une galère que Messieurs de Bordeaux leur avait envoyée à Bourg, arrivèrent ici à trois heures après midi avec toute la cour, suivie de toute l’armée navale qui fit grand feu de réjouissance, aussi bien que les vaisseaux qui étaient dans le port, et mirent pied à terre à la porte du Chapeau-Rouge {a} où étaient les gendarmes et chevau-légers de la garde, et trouvèrent les jurats qui firent, avec grand nombre de peuple, des acclamations de Vive le roi ! Leurs Majestés furent descendre à l’archevêché où elles furent reçues par l’archevêque. {b} M. le cardinal fut logé à trente pas de là. Il est très satisfait en son particulier de la visite que lui ont rendue les jurats, lesquels, flattés de quelque espérance, ont voulu lui faire cette cérémonie, quoique très contraire au sentiment de tout le peuple. Son Éminence voulait qu’on fît la patrouille toute la nuit dans la ville, mais la crainte qu’on a eue de donner quelque méfiance aux bourgeois a fait changer ce dessein. L’on a témoigné universellement des grandes affections pour Mademoiselle {c} à cause qu’on reconnaît tenir la paix de M. le duc d’Orléans {d} et qu’on espère qu’elle contribuera beaucoup à la rendre assurée. »


  1. V. note [1], lettre 244.

  2. Henri de Béthune.

  3. De Montpensier.

  4. Son père.

Attribuer si ostensiblement la paix à Monsieur, c’était faire la part belle à ce qui restait de l’ancienne Fronde parisienne (toujours menée par le duc de Beaufort et le coadjuteur), et bien peu de cas de tout ce que Mazarin avait payé de sa personne pour l’obtenir ; le cardinal et la reine ne manquèrent pas d’en être froissés.

4.

La princesse de Condé, accompagnée du duc d’Enghien, son fils, et des ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld, avait quitté Bordeaux à bord d’une galiote le 3 octobre pour descendre la Garonne jusqu’à Saint-André-de-Cubzac et de là, s’acheminer sous bonne escorte à Coutras. Une escadre royale dirigée par le maréchal de La Meilleraye, montant vers Bordeaux, les croisa et les fit accoster. Le maréchal invita la princesse à se rendre avec son fils à Bourg pour saluer Leurs Majestés, avec toute assurance de sûreté, tandis que les ducs iraient trouver le cardinal qui les attendait à Saint-André, ce que tous acceptèrent non sans quelque surprise.

Selon le Journal de la Fronde (volume i, fo 305 ro et vo, Bordeaux, 6 octobre 1650), Mme la Princesse :

« fut menée dans le cabinet de la reine par M. de La Meilleraye qui dit à Sa Majesté en entrant qu’il y amenait toute la Fronde de Bordeaux. Mme la Princesse ayant salué la reine, se mit à genoux et demanda la liberté de Messieurs les princes, à quoi Sa Majesté répondit qu’elle avait toujours fait le contraire de ce qu’il fallait faire pour l’obtenir, mais que selon qu’elle se comporterait à l’avenir, elle ferait réflexion sur sa prière et sur les services que M. le Prince avait rendus à l’État. Ensuite, la reine passa à un discours indifférent, lui disant qu’elle était bien changée. »

Son Éminence amena les deux ducs à Bourg dans son carrosse :

« où M. de La Rochefoucauld lui ayant voulu parler des intérêts de Messieurs les princes, elle {a} ne lui fit aucune réponse là-dessus, mais pour l’obliger à changer de discours, lui dit qu’il faisait beau temps, que la mer était bien calme et d’autres choses indifférentes […]. MM. de Bouillon et de La Rochefoucauld saluèrent aussi Sa Majesté {b} et lui parlèrent de leurs intérêts, à quoi elle répondit qu’elle résoudrait ce qu’elle devait faire pour eux selon qu’ils se comporteraient à l’avenir. Ensuite M. de Bouillon eut une conférence de trois heures avec M. le cardinal et fut coucher chez le marquis de Duras, son neveu, où Son Éminence lui envoya à souper. […]

On remarqua que Mademoiselle {c} fut fort surprise de tout ce procédé, qu’elle en envoya avertir M. le duc d’Orléans {d} par courrier exprès, à cause qu’on ne lui en avait donné aucune part. »


  1. Son Éminence, le cardinal Mazarin.

  2. Anne d’Autriche.

  3. De Montpensier.

Dans sa lettre à Le Tellier, datée de Bourg le 4 octobre 1650, Mazarin a résumé son long entretien avec le duc de Bouillon (Mazarin, tome iii, pages 841‑844) :

« M. de Bouillon me vint voir et me parla plus de M. le Prince que de ses affaires particulières. Je lui dis que c’était une matière qu’on ne pouvait agiter à présent pour deux raisons essentielles : l’une, que la reine n’écouterait jamais rien là-dessus que lorsqu’elle serait avec Son Altesse Royale, {a} et l’autre, que Sa Majesté était aussi absolument résolue de ne vouloir jamais recevoir aucune proposition sur la liberté de M. le Prince tant que les ennemis {b} s’en mêleraient en quelque façon que ce fût et qu’il subsisterait le moindre parti dans le royaume qui la lui voulût procurer par force, en tâchant d’y exciter des troubles et des révolutions ; que c’était aux amis de M. le Prince à prendre leurs mesures sur ce fondement qui ne pouvait être ébranlé par quelque accident que ce fût. […]

Je ne trouvai pas en M. de Bouillon la chaleur avec laquelle j’avais cru qu’il me parlerait de ses intérêts particuliers, ni de disposition apparente à vouloir se détacher du parti où il est engagé. »


  1. Le duc d’Orléans.

  2. Les Espagnols.

Les entrevues de Bourg, qu’on disait dues au hasard d’une rencontre sur la Garonne, ont passé pour un coup monté par le cardinal afin de faire croire aux Espagnols que leurs alliés frondeurs ne refusaient pas de négocier avec lui. Sinon, pourquoi la princesse de Condé, au moment où La Meilleraye accosta sa galiote sur la Garonne, fut-elle « d’autant plus surprise qu’en même temps tout le canon d’autres vaisseaux la salua, et elle aperçut sur le bord de la rivière les chevau-légers et gendarmes du roi qui l’attendirent » (Journal de la Fronde, volume i, fo 305 ro) ?

5.

V. notes [49], lettre 166, pour l’Universa Medicina… de Barthélemy Pardoux (Perdulcis) rééditée à Lyon chez Jacques Carteron, [12], lettre 252, pour la Medicina practica de François Feynes, et [171], lettre 166, pour les commentaires de Gassendi sur Épicure.

6.

Furnes (Veurne en flamand) est aujourd’hui une ville de la province belge de Flandre occidentale, à une dizaine de kilomètres de la côte au nord, et de l’actuelle frontière française à l’ouest.

Bergues-Saint-Winoc, ville aujourd’hui située dans le département du Nord, à 10 kilomètres au sud-est de Dunkerque, s’est formée autour du château de Berg où se retira saint Winoc en 902. Bergues fut prise et reprise plusieurs fois par les Français et les Espagnols, en dernier lieu par Turenne en 1658 ; le traité des Pyrénées la céda à la France en 1659 (G.D.U. xixe s.).

7.
Pauli Leopardi Isembergensis Furnii, Emendationum et miscellaneorum libri viginti. In quibus plurima tam in Græcis quam Latinis auctoribus a nemine hactenus animadversa aut intellecta, explicantur et emendantur. Tomus prior, decem libros continens. Cum indice copiosissimo.

[Vingt livres des corrections et des mélanges de Paulus Leopardus, natif d’ Izenberge près de Furnes. {a} Où sont expliquées et corrigées bien des choses que personne n’a jusqu’ici comprises ou remarquées dans les auteurs tant grecs que latins. Tome premier, contenant dix livres. Avec un très copieux index]. {b}


  1. Paulus Leopardus (Paul Liebaert, Izenberge, Flandre Occidentale, vers 1510-Bergues-Saint-Winoc 1567), humaniste et professeur de belles-lettres.

  2. Anvers, Christophe Plantin, 1568, in‑4o de 279 pages.

8.

« dans le tome iii du Thesaurus criticus de Janus Grüter » : l’intégralité des 20 livres des Emendationum et Miscellanearum [Corrections et Mélanges (Miscellanées)] de Paulus Leopardus occupe les 408 premières pages du « Trésor critique » de Grüter (Francfort, 1604, v. note [9], lettre 117).

9.

« dans les corrections et notes de Daniel Heinsius {a} sur les Dissertations de Maxime de Tyr » : {b}

V.C. Maximi Tyrii, Philosophi Platonici, Dissertationes xli, Græce. Cum interpretatione, notis et emendationibus Danielis Heinsii. Accessit Alcinoi in Doctrinam Platonis Introductio ab eodem emendata, et alia eiusdem generis.

[Quarante-et-une dissertations de , en grec. Avec la traduction, les notes et les corrections de Daniel Heinsius. S’y ajoute l’Introduction à la philosophie de Platon d’Alcinoüs, {c} corrigée par le même auteur, et autres choses du même genre]. {d}


  1. V. note [4], lettre 53

  2. Maxime de Tyr, philosophe platonicien grec du iie s.

  3. V. notule {a}, note [51], lettre 97.

  4. Leyde, Ioannes Patius, 1607, in‑8o grec et latin en plusieurs parties à pagination séparée.

10.

« comme vivant, il instruisait les enfants ; mort, il instruira chaque jour les hommes par ses écrits. »

L’épigramme de huit vers grecs {a} dont parlait Guy Patin se trouve dans les notes et corrections de Daniel Heinsius (page ej vo), sur la page 64 des Dissertations de Maxime de Tyr (10e dissertation), précédée par ces mots sur Paulus Leopardus (dont Patin reprenait la dernière phrase) :

Quo homine nemo minore simul ambitione, et maiore iudicio tractavit has literas : cuius decem reliquos Var. Lect. libros Petro Scriverio debemus, viro Musarum bono nato ; quod nuper dissimularunt quidam, quibus et suus et alienus honor vilis est, nec quicquam præter lucrum spectant. Plura sunt alia ibidem ab hoc viro in Maximo emendata, quæ inde peti poterunt. Nobis satis erit hoc loco, si ingrati non sumus, et doctissimi summique viri popularis nostri Manes hoc epigrammate demereamur : qui ut pueros dum viveret, {b} ita {c} mortuus viros quotidie scriptis suis docet.

[Personne n’a traité ce texte avec, à la fois, moins de prétention et plus de jugement que cet homme : {d} nous devons ses dix derniers livres de Variorum Lectionum à Petrus Scriverius, homme qui fut bon fils des Muses ; {e} ce que certains ont dissimulé, qui n’accordent de valeur ni à leur propre honneur, ni à celui d’autrui, et qui n’ont rien d’autre en vue que le profit. En ce même ouvrage, cet homme {d} a corrigé plusieurs autres choses dans Maxime de Tyr, qu’ils ont pu y grappiller. Pour n’être pas ingrats, nous nous contenterons ici de cette épigramme pour honorer les mânes de cet éminent et très savant homme, notre compatriote : {f} comme vivant, il instruisait les enfants ; mort, il instruira chaque jour les hommes par ses écrits].


  1. Dont les deux premiers sont :

    Ελλογιμων σοφον ερμα και ιστοριης περιπυστον
    Αστερα, Λευπαρδον γη κατεχες φθιμενον,…

  2. Patin a ajouté docebat, préférant la clarté à l’élégante élision d’Heinsius.

  3. sic dans la reprise de Patin.

  4. Paulus Leopardus.

  5. V. note [51] du Grotiana 2.

  6. Flamand.

11.

V. note [49], lettre 240, pour la feuille mal imprimée des deux exemplaires du livre d’Alexandre More sur Calvin que Charles Spon avait envoyés à Guy Patin.

12.

Composé à l’occasion de la querelle de 1633-1634 sur les eaux de Forges, entre Charles i Bouvard et la Faculté (v. note [15], lettre 17), le Discours au roi touchant la nature, vertus, effets et usage de l’eau minérale de Forges (Paris, Jean Libert, 1631, in‑4o) de Jacques ii Cousinot fut suivi, selon Éloy, d’une Lettre où il répond à quelques objections faites contre l’ouvrage précédent (1647 [date improbable], in‑8o).

Pierre de Galateau (ou Galatheau), petit-fils de Nicolas, conseiller au parlement de Bordeaux, fils d’Hilaire, avocat, fut médecin du roi en 1635, professeur de la Faculté de Bordeaux en 1640 et médecin ordinaire de la ville en 1677. V. note [4], lettre latine 217, pour son livre sur la fermentation des humeurs.

13.

« avares de louanges, et ils ont ça dans le sang. »

14.

Abel Brunier (ou Brunyer, Uzès 1573-Paris 14 juillet 1665), de confession protestante, avait été reçu docteur en médecine à Montpellier, puis s’était fixé à Paris, où Henri iv le fit le médecin de ses enfants. Brunier avait su se concilier l’estime et l’amitié des princes et à son avènement au trône, Louis xiii le nomma conseiller d’État. Richelieu avait ensuite placé Brunier auprès de Gaston Orléans. Il figure, dans l’état de la Maison de Monsieur établi en 1641, comme premier médecin, avec gages annuels de 2 000 livres, et comme médecin par quartier à 1 000 livres (Chéreau, Le Médecin de Molière, page 3). Le cardinal l’avait employé à plusieurs négociations importantes auprès des protestants du Languedoc. On n’a de Brunier que la description du jardin des plantes fondé à Blois par le duc d’Orléans (v. note [74], lettre 332) (O. in Panckoucke et P. Delaunay). Scarron l’a honoré de quelques vers :

« Son Altesse peu de temps but,
Car dessus ses jambes il chut
Une très douloureuse goutte,
Mais où nul vivant ne vit goutte,
Fût-ce Brunier, son médecin,
N’en déplaise à Jean Calvin.
C’est grand dommage que cet homme
Ne croie pas au pape de Rome,
Car à tout le monde il est cher,
Quoiqu’en carême mangeant chair. »

En date du 13 mars 1637, les Comment. F.M.P. (tome xiii, fo 46 ro) contiennent une lettre de Gaston d’Orléans au doyen Philippe Hardouin de Saint-Jacques pour solliciter la clémence de la Faculté en faveur du fils d’Abel Brunier à qui elle avait refusé l’inscription à l’examen du baccalauréat :

« À Monsieur de Saint-Jacques, doyen de la Faculté de médecine, à Paris.

Monsieur de Saint-Jacques, je vous écris cette lettre pour vous confirmer la prière que je vous ai faite en faveur du Sr Brunier, fils de mon premier médecin. Je désire que vous la croyiez autant affectionnée que je vous la saurais faire et que vous considériez que c’est pour une personne qui m’est en singulière recommandation. Je ne doute point que votre Compagnie n’y ait tout l’égard que je puis souhaiter lorsque vous lui ferez rapport de ce que je vous en mande, et comme je m’attends de recevoir en ce rencontre une preuve parfaite de leur affection envers moi. Je sais bien qu’il s’y peut offrir quelques difficultés, mais outre ma considération, le rang qu’il tient près de moi rendra cette affaire hors de toute conséquence. Je la remets donc tout entière à votre soin et au désir que vous avez, je m’assure, de me plaire en toute occasion, vous assurant que je serai bien aise qu’il s’en trouve quelqu’une où je puisse vous témoigner comme je vous estime, et que je suis véritablement,

Monsieur de Saint-Jacques,

votre bon ami,
Gaston. »

À l’exception de peu d’entre eux, les docteurs régents furent indifférents à la flatteuse supplique du prince et confirmèrent leur refus de permettre au jeune Brunier qu’il se présentât à l’examen (sans doute en raison de son calvinisme).

15.

V. note [3], lettre 243, pour E.R. Arnaud et son Patinus fustigatus [Patin fouetté].

16.

V. note [9], lettre 238, pour le « Dictionnaire de [Matthias] Martini ».

17.

V. notes [34], lettre 242, pour le livre de Jacques Mentel « sur l’origine de la typographie » et [4], lettre 224, pour l’Apologie royale… de Claude i Saumaise, traduction en français de sa Defensio regia…

18.

V. note [17], lettre 238, pour la contribution de Gabriel Naudé à la querelle sur l’invention de l’imprimerie. Voici ce qu’il en concluait, pages 273‑274 de son Addition à l’Histoire de Louis xi… (Paris, 1630) :

« Aussi peut-on croire que l’imprimerie a été premièrement trouvée à Strasbourg ; mais de savoir par qui ni en quel temps précisément ces inventions {a} nous ont été communiquées, ils {b} croient qu’il est également incertain de toutes les trois. C’est pourquoi, n’attribuant l’honneur de cette dernière ni à Fust, ni à Gutenberg, ni à Mentelin, {c} et encore moins à Regiomontanus, {d} comme il semble que Ramus veuille faire, ils la défèrent très volontiers ignoto Heroi, {e} ou, pour parler plus ouvertement, à quelque ingénieux citoyen de Strasbourg ; lequel étant venu par hasard ou autrement en la connaissance de ce secret, environ l’an 1440, et n’étant pas assez riche pour le conduire à sa perfection, se transporta, après en avoir fait plusieurs essais, à Mayence où il se découvrit à Gutenberg, riche homme de ladite ville ; lequel s’étant associé de quelques autres, fit enfin réussir ce secret quelque dix ou douze ans après sa première invention. »


  1. Boussole, canon et imprimerie.

  2. Ceux qui ont jusqu’ici écrit à leur propos.

  3. V. notes [13], lettre latine 7, pour Johannes Gutenberg et Johann Fust, et [34], lettre 34, pour Jean Mentelin.

  4. V. note [1] du Borboniana 2 manuscrit.

  5. « à un héros inconnu ».

19.

V. note [50], lettre 176, pour les livres du P. Nicolas Caussin, De Regno et De Domo Dei, alors soumis à la censure des jésuites.

20.

Pour désigner un homme bien crotté, on dit qu’il est crotté en archidiacre, parce que les archidiacres (v. note [14], lettre 195) visitent à pied et en toutes saisons les cures de leur juridiction (Furetière).

21.

Aux vers près, le syndrome évoque la fièvre typhoïde (v. note [1], lettre 717), fléau lié à la contamination fécale des eaux.

22.

« Patin roué de coups », vsupra note [15].

23.

« pour outrage public ».

24.

Francesco Piccolomini (Sienne 1574-Rome 17 juin 1651) avait été élu 8e général des jésuites le 21 décembre 1649, succédant à Vincenzo Carafa (v. note [5], lettre 132) qui était mort le 6 juin 1649. V. note [8] des triades du Borboniana manuscrit pour les commentaires de Piccolomini sur Aristote.

25.

V. note [7], lettre 162, pour Pierre Jarrige, auteur des Jésuites sur l’échafaud (Leyde, 1648), et pour sa Rétractation (Anvers, 1650). Ézéchiel Daunois, ministre calviniste de Compiègne, répliqua par les Remarques sur la rétractation de Pierre Jarrige, re-jésuitisé (Leyde, François Moyaert, 1651, in‑12 de 564 pages).

Jarrige ne fit pas publier de livre de controverses, mais ses infamants Jésuites sur l’échafaud reparurent en latin (1665) et en français (1677).

26.

Louis Dinet (1592-3 octobre 1650) était évêque de Mâcon depuis 1620. Jean de Lingendes, évêque de Sarlat, fut nommé à sa place le 11 novembre 1650. Joachim D’Estain, évêque de Clermont depuis 1614, était mort le 11 septembre 1650 ; il fut remplacé par son frère Louis (Gallia Christiana).

27.

Après la paix de Bordeaux et le simulacre de négociations entre l’archiduc Léopold, gouverneur des Pays-Bas, et le duc d’Orléans, lieutenant général du royaume de France, les opérations militaires reprenaient sur le front d’Est.

Journal de la Fronde (volume i, fo 307 vo) :

« Les nouvelles de l’armée {a} confirment le siège de Mouzon, {b} quoique les ennemis aient été fort longtemps sans y pouvoir mener du canon à cause que les chemins étaient encore fort mauvais. L’on y avait envoyé 400 hommes de Donchery {c} pour se jeter dans la place, mais ils n’ont pas pu y entrer. Le maréchal du Plessis a eu ordre d’assiéger Rethel ; et pour cet effet, on lui a envoyé les régiments de Ruvigny et de La Villette et autres troupes qui étaient aux environs de Paris, mais il n’a point d’argent pour faire faire les travaux. »


  1. Du 13 octobre.

  2. V. note v. note [26], lettre 216.

  3. Département des Ardennes, sur la Meuse, à 4 kilomètres en aval de Sedan.

28.

Le comte de Ligniville, à la tête des troupes lorraines, avait pris Bar-le-Duc, Ligny-en-Barrois (15 kilomètres au sud-est de Bar-le-Duc), et Void-Vacon (sur la Marne, une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Toul) ; mais le 13 octobre, le marquis de La Ferté-Senneterre l’attaquait victorieusement entre Void et Toul et lui reprenait Ligny.

Le nombre de tués annoncé par Guy Patin était certainement fort exagéré : sans parler d’un tel massacre, les mémoires du temps disent seulement que « La Ferté a défait une partie des troupes de Ligniville et pris une pièce de canon » (Journal de la Fronde, volume i, fo 307 vo).

29.

Dans sa lettre à Le Tellier, datée de Bordeaux le 7 octobre 1650 (Mazarin, tome iii, pages 854‑859), le cardinal lui dit son dessein de mener la cour, par Toulouse, en Provence afin de mettre fin aux désordres causés par la mauvaise conduite obstinée du comte d’Alais :

« Si Son Altesse Royale est du sentiment qu’on aille en Provence, il sera nécessaire de publier avec soin que ce n’est que pour Toulouse et garder extrêmement le secret pour le reste. […]

Ainsi, allant à présent en Provence, on accommodera tout, au lieu qu’à trois mois d’ici il ne sera peut-être plus en notre pouvoir. »

La lettre suivante de Mazarin à son ministre (de Bordeaux, le 13 octobre 1650, ibid. pages 862‑863) explique pourquoi la cour changea d’avis :

« M. le grand chambellan {a} s’étant offert d’aller en diligence en Provence pour hâter le départ de M. le comte d’Alais en cas qu’il fût encore dans la province, la reine ne l’a pas seulement trouvé bon, mais a jugé que cette diligence pouvait être très utile, d’autant plus que M. le grand chambellan doit s’en revenir avec ledit comte et qu’en arrivant, il fera ce qu’il devra pour l’établissement de M. d’Aiguebonne. {b} Cela étant et voyant d’ailleurs à quel point Son Altesse Royale juge nécessaire le prompt retour de Leurs Majestés à Paris par le plus court chemin et que ce que l’on avait écrit du saisissement des tours de la ville de Toulon par M. le comte d’Alais se trouve faux, Leurs Majestés ont résolu leur départ pour après-demain, un plus long séjour dans cette ville {c} pouvant plutôt produire des embarras qu’y affermir le repos, non pas à cause du peuple que l’on reconnaît de plus en plus très bien intentionné, mais par la chaleur qui reste encore en divers esprits du parlement, très mal disposés d’eux-mêmes et animés continuellement de Paris. »


  1. Louis de Lorraine.

  2. Rostaing Antoine d’Urre, marquis d’Aiguebonne.

  3. Bordeaux.

30.

Journal de la Fronde (volume i, fo 303 ro) :

« Sur la fin de la semaine passée, {a} on envoya à M. l’abbé de La Rivière la permission de M. le duc d’Orléans de revenir d’Aurillac en Auvergne, où il est depuis six mois, en son abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire ; {b} ce qui lui a été accordé sur ce que ses amis avaient représenté à Son Altesse Royale qu’il n’était pas en sûreté à Aurillac à cause de quelques levées qui se sont faites en Auvergne pour le parti des princes, lesquels devaient aller joindre le comte de Tavannes. »


  1. Vers le 1er octobre 1650.

  2. Environ 450 kilomètres au nord d’Aurillac.

L’ancien conseiller de Monsieur arriva à Saint-Benoît le 10 octobre, mais ne se rapprocha pas plus de Paris (lettre de Mazarin à Le Tellier, de Bordeaux le 13 octobre 1650 ; Mazarin, tome iii, pages 864‑865) :

« L’on écrit de Paris que l’on avait mis dans une gazette à la main qui court (et qui, je vous dirai en passant, fait beaucoup de mal) que je poursuivais le rétablissement de l’abbé de La Rivière auprès de Son Altesse Royale pour contrecarrer le pouvoir de MM. de Beaufort et le coadjuteur avaient auprès d’elle. Son Altesse Royale sait bien ce qui en est, et si {a} jamais je me suis mêlé de cette nature d’affaires. Je ne doute point aussi que ceux qui font courir ces bruits sont très persuadés du contraire ; mais ils sont bien aises d’irriter contre moi tous ceux qui n’aiment pas l’abbé de La Rivière. Je vous prie, dans les occasions, de dire en cette affaire ce que vous en savez pour détromper un chacun. »


  1. Que.

31.

Mazarin, tome iii, page 860, lettre à Le Tellier, de Bordeaux le 10 octobre 1650 :

« Je m’assure qu’au retour de la cour, S.A.R. {a} reconnaîtra dans l’assiette de l’esprit {b} de la reine qu’il n’y a aucune amitié dont il doive faire plus d’état que de celle de Sa M, {c} et que ma plus grande et plus agréable application est de songer à tous les moyens qui peuvent le plus contribuer à la rendre indissoluble en tout temps, afin qu’on n’ait jamais à craindre le moindre échec de la part de ceux {d} qui ne sont pas serviteurs de Sa M ni de S.A.R. »


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  2. Sa Majesté, le roi Louis xiv.

  3. Dans les convictions.

  4. Les frondeurs de tous bords.

32.

« Les grands talents sont en butte à l’envie, comme les cieux élevés à la fureur des vents » (Ovide, Les Remèdes à l’amour, vers 369).

33.

« L’Afrique est pleine de monstres à cause de l’accouplement des bêtes féroces de différente espèce qui s’y rencontrent » (Furetière ; v. note [25], lettre 273).

34.

« en attendant que vienne la relève » ; Job (14:14) :

Putasne mortuus homo rursum vivet cunctis ? Diebus quibus nunc milito expecto donec veniat inmutatio mea.

[Mais l’homme qui est mort, peut-il reprendre vie ? Je saurais patienter, le temps de mon service, jusqu’au moment où l’on viendra me relever].

35.

Middelbourg (Middelburg) est une ville de Zélande, sur l’île (aujourd’hui presqu’île) de Walcheren, où le libraire lyonnais Marc-Antoine Ravaud entamait son périple en Europe du Nord.

36.

V. note [17], lettre 229, pour Michel et Jean Bachelier, et pour cet aléa de la correspondance.

37.

« dû à un abcès dans le mésentère » (v. note [4], lettre 69).

38.

La description n’autorise pas une correspondance assurée avec la nosologie moderne.

39.

« quantité de tisane solutive [a} faite uniquement de feuilles orientales {b} (car il répugna toujours à tout autre purgatif) ». {c}

vésicatoire (Furetière) :

« remède topique {d} qui fait venir des ampoules. {e} C’est un onguent, cataplasme ou emplâtre fait de médicaments âcres qui ont faculté d’attirer les humeurs du dedans au dehors, d’ulcérer la peau et faire vessies, {f} ce qui l’a fait ainsi nommer. On fait les vésicatoires avec cantharides, {g} euphorbe, moutarde, {h} anacarde, racine de scilles, bryonia, {i} du levain, du vinaigre, du poivre etc. qu’on incorpore avec miel, gommes et résines pour les réduire en telle consistance qu’on veut. »


  1. Laxative.

  2. Séné.

  3. Sous-entendu l’antimoine.

  4. Appliqué sur l’extérieur du corps.

  5. Sur la peau.

  6. Vésicules (phlyctènes ou bulles).

  7. V. note [9], lettre 515.

  8. Ou sénevé, v. note [45] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.

  9. Arum ou clouleuvrée, v. note [34], lettre latine 351

40.

Furetière :

« Corde, se dit aussi à la paume de celle qui se tend au milieu du jeu, qui sert à marquer les fautes qu’on fait en mettant dessous ; et on dit qu’une balle a passé à fleur de corde, qu’elle a frisé la corde, pour dire, que peu s’en est fallu qu’elle n’ait été dessous. On se sert de ces mêmes phrases en un sens figuré pour dire qu’un homme a failli à être condamné, à perdre son procès, qu’il n’a eu que ce qu’il lui fallait de voix au juste pour le gagner. On dit aussi qu’un homme a frisé la corde, pour dire qu’il a failli d’être condamné à être pendu. »

41.

« heureux les gens bien pourvus par la nature », adage latin bien aimé de Pierre Charron (La Sagesse, Bordeaux, 1601, v. note [9], lettre latine 421, livre i, chapitre xi, page 94) :

« Quel secours apportera au plus grand homme qui soit toute la sagesse, s’il est frappé du haut mal, {a} d’une apolexie ? Certes, je ne lui puis préférer aucune chose que la seule prud’homie, {b} qui est la santé de l’âme. Or combien que ce soit un don de nature, gaudeant bene nati, octroyé en la première conformation, si est-ce que {c} ce qui vient après – le lait, le bon règlement de vivre, qui consiste en sobriété, médiocre exercice, se garder de tristesse et toute émotion forte – la conserve fort. »


  1. Épilepsie.

  2. Honnêteté.

  3. Si bien que.

Ibid. Livre ii, chapitre iii, page 336 :

« Il y en a qui ont leur naturel particulier, c’est-à-dire le tempérament et la trempe si bonne et si douce (ce qui vient principalement de la première conformation au ventre de la mère, et puis du lait de la nourrice et de toute cette première et tendre éducation) qu’ils se trouvent, sans effort et sans art ou discipline, tout portés et disposés à la bonté et prud’homie, c’est-à-dire à suivre et se conformer à la nature universelle, dont ils sont dits bien nés : gaudeant bene nati. »

42.

Chaque 18 octobre, la Faculté fêtait solennellement la Saint-Luc, en l’honneur du patron vénéré des médecins (Statuta F.M.P., article lxvi, page 66) :

Decanus, Doctores, et Collegium Medicorum Parisiensium hæc Statuta diligenter observent, caveantque ne in posterum ab illis discedatur : eaque singulis annis, die Beati Lucæ, post Rem Sacram peractam ; omnibus Doctoribus astantibus, in Scholis superioribus jubeant a majori Bidello publice recitari.

[Que le doyen, les docteurs et le Collège des médecins de Paris observent diligemment ces statuts et se gardent de n’en pas dévier à l’avenir ; et qu’ils ordonnent que chaque année, le jour de la Saint-Luc, une fois la messe achevée, le grand appariteur les récite à tous les docteurs réunis dans les hautes salles des Écoles].

Guy Patin, doyen, a donné le récit détaillé de la célébration de 1651 (v. notes [46] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris).

En recevant à déjeuner chez lui plusieurs de ses collègues, Patin préparait sans doute l’élection décanale de novembre suivant, avec le ferme espoir d’être « mis dans le chapeau ».

43.

Johann Caspar ii Bauhin, fils aîné de Johann Caspar i (v. note [28], lettre 229).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 18 octobre 1650

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0246

(Consulté le 24/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.