L. 252.  >
À Charles Spon,
le 6 décembre 1650

< Monsieur, > [a][1]

Je vous envoyai ma dernière, laquelle n’était que d’une bonne page, le vendredi 18e de novembre par la voie de M. Falconet, [2] avec une lettre pour M. Meyssonnier [3] et un catalogue de nos docteurs [4] que j’ai fait faire selon la coutume depuis que je suis doyen. [5] Le samedi 19e de novembre, nous avons perdu ici un excellent homme nommé M. d’Avaux, [6] frère de M. le président de Mesmes. [1][7] Il était revenu de Fontainebleau malade d’une fièvre continue [8] avec une fluxion sur le poumon. Notre compagnon M. Piètre [9] le traitait, où furent appelés en consultation M. Seguin, [10][11] médecin de la reine, et M. Brayer. [12] Tous trois avaient bonne espérance de sa guérison. Quelque parent y amena M. Vautier, [13] lequel promit de le guérir d’un breuvage qu’il lui donnerait. Et avec le consentement de ceux qui y étaient présents, uno Pietro intercedente, sed frustra nitente[2] le pauvre homme avala l’antimoine [14] sur la bonne foi et la qualité de M. Vautier. Une heure après, il commença à crier qu’il brûlait et qu’il voyait bien qu’il était empoisonné, qu’il avait grand regret qu’on eût permis qu’il eût pris ce dangereux remède, comme aussi de n’avoir point fait un testament. Après que ce poison lui eut bien remué les entrailles, il mourut en vomissant, trois heures après l’avoir pris. Il est fort regretté par la ville, où on dit tout haut qu’il a été empoisonné par ordre de Mazarin [15] qui le haïssait depuis la commission qu’il avait eue de plénipotentiaire à Münster ; [16] joint qu’il le craignait aussi à cause qu’étant du Conseil d’en haut [17] où il opinait généreusement, il résistait fortement au Mazarin ; en quoi il était ordinairement suivi du duc d’Orléans [18] qui le chérissait fort et lui donnait grand crédit par les caresses qu’il lui faisait. Le roi [19] sachant sa mort en a pleuré, je pense qu’en récompense le Mazarin en a été bien aise. M. le président de Maisons, [20] surintendant des finances, étant le lendemain visité par M. Vautier, lui dit : Voilà deux surintendants des finances que l’antimoine a tués cette année ; Monsieur, je vous prie que je ne fasse point le troisième ; [21] il entendait MM. d’Émery [22] et d’Avaux. Ce dernier ne fut jamais marié et n’a jamais accepté aucun bénéfice, combien qu’il fût fort dévot. Il ne laisse point tant de bien que l’on pensait et de fait, il était fort libéral. Il avait été conseiller au Grand Conseil, ambassadeur à Venise, extraordinaire à Rome, en Allemagne, l’an 1637, où il demeurait ordinairement à Hambourg ; [23] puis fut envoyé en Pologne où il fit la paix avec les Suédois, revint en Danemark où la paix était faite par son industrie si le Mazarin, qui veut pêcher en eau trouble, ne l’en eût empêché et n’en eût rompu le traité qui était prêt d’être signé. Il est ici merveilleusement regretté de tout le monde, et l’antimoine aussi bien que ceux qui le baillent sont l’abomination du public.

Le Mazarin, qui veut avoir la réputation de grand capitaine, faisait courir le bruit qu’il partirait aujourd’hui avec 50 000 pistoles pour s’en aller commander l’armée de Champagne et reprendre Rethel ; [24] mais le voyage est différé à cause d’une indisposition qui est survenue à la reine. [25] Le duc d’Orléans grondait et faisait le mauvais de ce qu’on avait ôté les princes [26][27][28] de Marcoussis [29] et < les avait > emmenés au Havre ; [30] sed hæc certamina tanta, pulveris exigui iactu compressa quiescent[3][31] on lui a tant donné d’argent qu’il en est apaisé, après avoir bien marchandé, et la coupe de quelques bois dont il tirera encore quelque chose de bon. Le Mazarin est ici en colère contre deux personnes, savoir M. de Beaufort [32] et Mme de Montbazon. [4][33] Le coadjuteur [34] a fait sa paix. On a mandé au comte d’Alais [35] en Provence, [36] pour la dernière fois, qu’il obéisse et qu’il vienne en cour ou qu’autrement, les communes lui courront sus[5]

La reine se porte mieux, mais le voyage est rompu que le cardinal se promettait de faire en Champagne pour Rethel. Le compagnon sent bien que s’il s’éloigne et quitte son fort, c’est chose certaine qu’il serait en grand danger, tant pour ce qu’il est fort haï que d’autant plus il doit craindre du côté des princes. Mme la Princesse douairière [37] est fort malade à Châtillon-sur-Loing ; [38] on dit que son médecin, Guénault [39] (qui est un grand empoisonneur chimique), lui a fait prendre trois fois de l’antimoine ; mais je ne la tiens point encore échappée pour cela, je sais bien qu’il est hardi joueur et téméraire entrepreneur.

Enfin, à force d’en parler, le Mazarin est parti jeudi matin, 1er de décembre, bien accompagné. Il nous obligerait fort s’il pouvait ne point revenir. Le vendredi, à la mercuriale [40] du Parlement, on a présenté à la Cour une nouvelle requête pour les princes, de la part et au nom de Mme la Princesse la jeune, [41] et de son fils le duc d’Enghien ; [42] et a été ordonné qu’elle serait communiquée à Messieurs les Gens du roi afin d’en rapporter les conclusions à la Cour mercredi prochain, 7e de ce mois. [6] Voilà de la besogne délicate pour le nouveau procureur général que nous avons, qui est M. Fouquet, [43][44] par ci-devant maître des requêtes[7] Ce même jour, vendredi 2d de décembre, mourut, après avoir quatre fois pris de l’antimoine de la main de Guénault, Mme la Princesse douairière, à Châtillon-sur-Loing, âgée de 55 ans. [8] Il n’y a que douze jours qu’il écrivait à M. Vautier qu’il fallait avouer que l’antimoine est un grand secret pour les grandes maladies et le vrai remède des princes ; plût à Dieu que tous les princes qui font mal en eussent pris autant qu’elle. On parle ici de quelques dispositions qu’elle a faites avant sa mort : qu’elle fait M. le président de Nesmond [45] son exécuteur de testament ; qu’elle donne à Guénault, qui l’a empoisonnée d’antimoine (mais la pauvre femme ne le savait point), mille écus ; qu’elle a fait présent à Mme de Châtillon, [46] chez qui elle est morte, de 15 000 livres de rente ; etc. Je ne doute pas que ce testament-là ne s’imprime quelque jour, comme dorénavant l’on imprime tout. [9] Je n’attends plus de livres de Lyon que l’Histoire de Bresse[10][47] de laquelle vous me donnerez, s’il vous plaît, quelque nouvelle par vos premières. La princesse d’Orange, [48] peu de jours après la mort de son mari, [49] a accouché d’un fils [50] à qui les Hollandais ont donné et conféré la charge de leur général afin d’empêcher toute autre brigue[11][51]

Je viens de lire votre épître pour le Feyneus [52] à M. Moreau. [53] Faites-moi le bien de m’apprendre pourquoi en la deuxième page vous mettez ces deux mots ensemble : Phœbo Apollini[12][54] N’est-ce point tout un, quelle nécessité y a-t-il de les mettre tous deux ensemble ? Eiusdem Epist., [13] page 5, le passage d’italique qui commence par Plures, de quel auteur est-il ? S’il est de Feyneus, la citation marginale est donc fausse. À mon premier loisir, j’examinerai ce livre, en lirai tout exprès cinq ou six des plus grandes maladies. Le samedi 3e de décembre furent rompus ici, à l’Apport de Paris, [14][55] deux autres voleurs de la troupe de ceux qui attaquèrent le carrosse de M. de Beaufort et qui le voulaient tuer : en voilà déjà cinq, sans ceux qui par ci-après seront attrapés et que l’on cherche partout avec beaucoup de diligence[15][56] Les chimistes [57] antimoniaux [58] de la cour ont ici tué depuis huit jours, ou au moins depuis la mort de M. d’Avaux, une Mme de Gillier, [59] femme d’un maître d’hôtel de chez le roi ; une Mme Gazeau, [60] fille d’un maître des comptes, elle était âgée de 30 ans et grosse, l’antimoine que lui donna des Fougerais la fit accoucher d’un enfant de cinq mois et mourir peu d’heures après, et fœtum ; [16] un M. Mirepoix [61] que M. Riolan et M. Maurin [62] traitaient au grand vitupère de ce poison. [17] M. Riolan a dessein de mettre bientôt sur la presse un traité qu’il achève de usu emeticorum[18] où il parlera contre l’antimoine. [63] Il s’en va aussi faire imprimer un livre français, lequel sera intitulé Curieuses recherches de l’Université de Paris, de son antiquité et de ses privilèges[64] où il y aura quelque chose de particulier touchant notre Faculté ; [19] quand ce bonhomme parle de ce sien livret, il en paraît tout réjoui. Depuis huit jours, on m’a envoyé un paquet où il y avait une épigramme contre l’antimoine et contre trois hommes qui en abusent, dont deux sont de notre Faculté ; le troisième n’en est point. Je m’étonne comment on n’y a pas aussi compris le sieur Béda des Fougerais [65] qui est, lui tout seul, presque aussi méchant que les trois autres, combien que Guénault soit nequissimus[20] Peut-être que le poète l’a épargné à dessein (non pas qu’il s’amende, car il est méchant perverti) en intention de le traiter une autre fois tout seul selon son mérite. Il y en a encore dans le paquet que l’on m’a laissé céans douze exemplaires. Je vous en envoie une ; je ne sais qui en est l’auteur, mais d’autres et plusieurs en nombre en ont par la ville à ce que j’apprends. Je vous donne avis que le 3e de ce mois, M. Jost, [66] le libraire, m’a rendu tout ce que vous lui aviez envoyé pour moi le mois passé, savoir I.H. Alstedii Scientiarum omnium Encyclopædiæ, etc. ; [67] je me souviens de l’avoir mis ci-dessus. [21] J’ai ouï dire déjà plusieurs fois de deçà ce que vous me mandez du nouveau livre de M. Harvæus, [68] cet œuvre sera curieux. Ah ! qu’un habile homme comme MM. Riolan, Moreau ou Piètre en ferait bien ici un très beau et très aisément ex tam frequenti sectione cadaverum[22][69] Je vous remercie de tout ce qui est contenu en votre lettre et vous prie de continuer à m’aimer. J’ai ce matin consulté [70][71] avec M. Moreau pour le fils aîné du premier président de la Chambre des comptes. [23][72][73] Il m’a chargé de vous faire ses baisemains et vous prie d’assurer M. Huguetan [74] qu’il a reçu le Feyneus qu’il lui a envoyé, et qu’il l’en remercie. Je lui écris un mot de ma part pour le même dessein, que vous m’obligerez de lui faire tenir, comme aussi à vos deux collègues, à l’un desquels je dois remerciement et à l’autre réponse. [24] Excusez de tant de peines que je vous donne, je vous salue de toute mon affection et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble, etc.

De Paris, ce 6e de décembre 1650.


a.

Reveillé-Parise, no ccxli (tome ii, pages 59‑64) ; Jestaz no 47 (tome i, pages 754‑758) d’après Reveillé-Parise

1.

V. note [9], lettre 251.

2.

« seul Jean Piètre s’y opposant, mais en vain ».

3.

« mais un peu de poussière jetée en l’air apaise ces terribles combats » (Virgile, Géorgiques, chant iv, vers 86‑87).

Traînant depuis l’étape d’Amboise (3 novembre), la maladie d’Anne d’Autriche ne manquait pas de préoccuper Mazarin : si la reine en mourait, la régence échoirait à Gaston d’Orléans, oncle du roi ; ce prince avait pour trait principal d’être fort influençable et le cardinal ne pouvait pas lui faire entièrement confiance ; sachant que la cupidité et l’avarice étaient deux autres gros défauts de Son Altesse Royale, Mazarin la gâtait de toutes les manières concevables pour éviter de s’en faire un ennemi qui le chasserait impitoyablement si la mort de la régente lui mettait le pouvoir entre les mains.

4.

Marie d’Avaugour ou de Bretagne (1610 ou 1612-28 avril 1657), seconde épouse en 1628 d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon (v. note [14], lettre 313), était la fille aînée de Claude d’Avaugour, comte de Vertus. Marie avait paru à la cour après son mariage et ébloui aussitôt tout le monde par sa beauté. Elle fut beaucoup aimée, de son mari et de bien d’autres : Gaston d’Orléans, le comte de Soissons, Rancé avant la Trappe (v. note [6], lettre 480), les ducs de Longueville, de Guise et de Beaufort furent, successivement ou à la fois, ses amants heureux. La duchesse en avait profité pour se plonger dans les intrigues.

Son premier grand éclat avait été, en 1643, l’affaire des lettres échangées entre Mme de Longueville et Maurice de Coligny ; cela fit scandale (v. note [20], lettre 98) et Mme de Montbazon avait dû faire des excuses devant la reine à la sœur du grand Condé. Pour se venger, elle montra une autre fois tant d’insolence face à la reine que Louis xiii la bannit de la cour et lui enjoignit de rester jusqu’à nouvel ordre à Rochefort-en-Yvelines (août 1643). Cet exil avait été le signal de la cabale des Importants (v. note [15], lettre 93), prélude de la Fronde : Guise et Beaufort prirent fait et cause pour la duchesse et soulevèrent ce commencement de rébellion, mais ce fut un feu de paille que Mazarin étouffa en un mois. Mme de Montbazon s’était hâtée de revoir Paris dès que la Fronde avait éclaté, mais avait dû bien vite reprendre le chemin de Rochefort. Elle en était revenue lorsque la rébellion s’était rallumée, mais son heure était passée et ce fut sa belle-fille, Mme de Chevreuse, qui cette fois joua le premier rôle (G.D.U. xixe s.).

Mme de Montbazon était alors la maîtresse du duc de Beaufort après avoir probablement été celle du coadjuteur.

5.

Communes est à prendre ici au sens de « peuple de la campagne » (Furetière).

6.

V. note [22], lettre 251, pour l’assemblée du Parlement de Paris, le vendredi 2 décembre, en vue d’examiner la requête de la princesse de Condé, la jeune, en faveur des princes prisonniers.

Mercuriale (Furetière) :

« assemblée qui se fait dans les cours souveraines les premiers mercredis après l’ouverture des audiences de la Saint-Martin {a} et de Pâques, où le président exhorte les conseillers à rendre exactement la justice, à observer les règlements et fait quelquefois des remontrances ou corrections à ceux qui ont manqué à leur devoir. » {b}


  1. Le 11 novembre.

  2. Étant donné la date, mercuriale est ici à prendre au sens d’assemblée solennelle du Parlement réunie un mercredi (7 décembre 1650).

7.

Nicolas Fouquet (Paris 1615-Pignerol 1680), vicomte de Melun et de Vaux, marquis de Belle-Île, futur surintendant des finances (1653), était fils de François Fouquet (v. note [7], lettre 49) et de Marie de Maupeou (v. note [5], lettre 800). D’abord conseiller au parlement de Metz, Fouquet avait été intitulé garde de la prévôté de Paris en 1633 puis reçu maître des requêtes en décembre 1635 (avec dispense d’âge). Il avait épousé en janvier 1640 Louise Fourché, morte en août 1641 en lui laissant la charge de Marie, âgée de six mois. Après avoir été brièvement (de la fin 1642 à mai 1643) « intendant de police, justice et finance auprès de l’armée chargée de défendre la frontière septentrionale », Fouquet avait été nommé intendant du Dauphiné, province alors agitée par des émeutes antifiscales ; il était parvenu à les calmer tant bien que mal quand on l’avait soulagé de sa mission à la fin d’août 1644. Envoyé par Mazarin en 1646 comme observateur auprès du vice-roi de Catalogne, le comte d’Harcourt, Fouquet avait suffisamment retrouvé la confiance du ministre pour être nommé intendant de l’armée du Nord, puis intendant de Paris (au début de 1648). Plongé dans les méandres de la première Fronde, Fouquet était habilement parvenu à faire valoir les intérêts du gouvernement contre ceux du Parlement. Son dévouement à la cause mazarine lui valait alors de pouvoir acheter à Blaise Méliand sa charge de procureur général au Parlement de Paris. Le montant de la cession était de 450 000 livres, dont se déduisait le tiers pour la charge de maître des requêtes que Fouquet cédait au fils de Méliand, Nicolas, à qui il promettait aussi sa fille Marie en mariage (ce qui n’eut pas lieu).

Le nouveau procureur général avait été reçu lors de la séance solennelle du Parlement, le 29 novembre 1650. Il allait se remarier en février 1651 avec Marie-Madeleine de Castille (Popoff, no 1239 et Dessert b). La suite des lettres de Guy Patin a donné d’amples détails sur la brillante carrière puis sur la brutale déchéance du surintendant Fouquet.

Journal de la Fronde (volume i, fo 329 ro) :

« M. Fouquet, nouveau procureur général, se trouvant fort empêché de donner ses conclusions sur la requête de Mme la Princesse, fut le 3 {a} au Palais-Royal avec l’avocat général pour en parler à la reine qui les renvoya à M. le garde des sceaux ; et parce qu’on avait su qu’une autre requête de cette nature devait être présentée à tous les parlements de France, pour les obliger à s’unir à demander l’exécution de la déclaration d’octobre 1648 à l’égard des prisonniers, {b} l’on avait résolu au Conseil d’envoyer une nouvelle déclaration du roi au Parlement par laquelle Sa Majesté {c} leur déclarait qu’elle n’avait jamais entendu comprendre les prisonniers d’État dans celle d’octobre, {d} qu’elle avait remis à sa majorité {e} la délibération sur l’affaire de Messieurs les princes et qu’elle leur en interdisait cependant {f} la connaissance ; mais cette déclaration n’a point encore paru parce qu’on n’a pas vu les esprits disposés à y avoir égard. »


  1. Décembre.

  2. V. notes [10], lettre 162, [1], lettre 168, etc.

  3. Louis xiv.

  4. 1648.

  5. Septembre 1651.

  6. En attendant.

8.

Née le 11 mai 1594, la princesse douairière de Condé, Charlotte-Marguerite de Montmorency, était dans sa 57e année.

9.

Codicille et suite du testament de très honorable, très illustre et très puissante princesse Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douairière de Condé, duchesse de Montmorency, et de Châteauroux, dame de Chantilly, de Merlou, et autres terres et seigneuries. Décédée à Châtillon-sur-Loing le deuxième décembre 1650. {a}


  1. Paris, sans nom, 1651, in‑4o de 12 pages, signé Pellaut.

Journal de la Fronde (volume i, fo 329 ro et vo, 9 décembre 1650) :

« Le testament de Mme la Princesse douairière va jusqu’à un million. Elle a fait pour cent mille livres de legs pieux et donné environ autant pour récompenser ses officiers. Elle a ôté tout ce qu’elle a pu à M. le Prince et a fait tous les avantages à M. le prince de Conti, et a donné cent mille écus à Mme de Longueville. Le don qu’elle a fait à Mme de Châtillon de la terre de Marlou {a} et de pierreries pour cent mille livres est contenu dans un codicille particulier. Elle a fait son exécuteur le président de Nesmond, auquel elle a donné un diamant de 6 000 livres tournois. Son corps doit être enterré dans l’église des Carmélites du faubourg Saint-Jacques. {b} On a trouvé le testament entre les mains d’une religieuse nommée Sœur Claude. L’on avait résolu de ne point faire savoir cette mort à Messieurs les princes jusqu’à Noël, que le Père Boucher, jésuite, leur porterait cette nouvelle, ayant été demandé par M. le Prince pour l’aller confesser en ce temps-là ; mais l’abbé de Crissac, grand ami de M. le prince de Conti, est allé exprès au Havre pour la leur faire savoir, et en vint hier au soir avec un ordre de M. le Prince pour faire toutes les cérémonies qui se pourront faire aux funérailles de sa mère, quoiqu’elle eût ordonné par son testament que l’on n’en fît point »


  1. Mello (Oise), une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Creil.

  2. En face du Val-de-Grâce.

10.

V. note [7], lettre 214, pour l’Histoire de Bresse et de Bugey… par Samuel Guichenon, dont l’épître dédicatoire (à Madame Royale, duchesse de Savoie) est datée de Bourg-en-Bresse le 18 août 1650.

11.

La princesse Marie-Henriette d’Orange (Londres 1631-ibid. 24 décembre 1660) était la seconde fille de Charles ier, roi d’Angleterre, et de Henriette-Marie, fille de Henri iv ; elle avait épousé en 1641 Guillaume ii de Nassau, prince d’Orange, mort le 6 novembre 1650 ; le 14 du même mois, la princesse accouchait d’un fils posthume. Ce petit prince d’Orange, Guillaume iii (1650-1702), n’allait être élu stathouder des Province-Unies qu’en 1672 (v. note [7], lettre 250) au moment où les armées de Louis xiv envahirent les Provinces-Unies. En 1689, il devint roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande.

12.

Publication longuement attendue de la :

Francisci Feynei, Consiliarii, Medici, necnon Regii apud Monspelienses Medicinæ Professoris, ut peritissimi, ita celeberrimi, Medicina practica, in quatuor libros digesta. Opus vere aureum, summorum medendi artificium puram putam doctrinam præferens, ac selectissimis probatissimisque remediorum formulis abunde instructum, ad felicem facilemque internorum omnium corporis humani affectuum diagnosin, prognosin et curationem. Nunc primum e bibliotheca clar. viri, Renati Moræi, Archiatri, Regiique Medicinæ Parisiensis Interpretis, Studiosorum usibus benigne concessum.

[Médecine pratique de François de Feynes, {a} conseiller, médecin et professeur de médecine du roi à Montpellier, divisée en quatre livres. Œuvre véritablement en or, offrant la propre et pure doctrine des moyens les plus éminents de remédier, et munie en abondance des formules les mieux choisies et les mieux éprouvées des remèdes, pour les heureux et faciles diagnostics, pronostics et traitements de toutes les maladies internes du corps humain. Généreusement offert pour la première fois à l’usage des plus appliqués à l’étude, tiré de la bibliothèque du très brillant René Moreau, {b} archiatre et professeur royal de médecine à Paris]. {c}


  1. V. note [9], lettre 95.

  2. V. note [28], lettre 6.

  3. Lyon, Jean-Antoine Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1650, in‑4o.

L’Epistola dedicatoria [Épître dédicatoire], signée Huguetan et Ravaud (mais rédigée par Charles Spon, l’éditeur scientifique du livre, dont le nom n’apparaît nulle part), est intitulée :

Clarissimo spectatissimoque viro, D. Renato Moræo, Doctori Medico Parisiensi, necnon Regis Christianissimi Consilario, archiatro, ac Professori Regio Meritissimo, Sal. ac Obsequium.

[Salut et soumission à Me René Moreau, très brillant et estimé, docteur de la Faculté de médecine de Paris, conseiller premier médecin du roi très-chrétien et très méritant professeur royal]. {a}


  1. De fait, Spon y compare l’immortalité de François Feynes, régénérateur inépuisable de l’art médical, à celle du Phénix, {i} oiseau légendaire qui Phœbo Apollini, cuius benigno fotu renascebatur, sacer habebatur [était tenu pour consacré à Phébus Apollon, {ii} dont la douce chaleur le faisait renaître].

    1. V. notule {b}, note [38], lettre Naudæana 4.

    2. Symbole du Soleil, v. note [8], lettre 997.

13.

« Dans la même épître [dédicatoire] » (v. supra note [12]), louant la prévention de Feynes à l’encontre la polypharmacie, Charles Spon recopie (5e page) un passage du livre :

Plures (inquit) remediorum compositiones adscripsimus, quo maior habeatur remediorum supellex, faciliusque sibi quisque copiam vendicet contumacissimis vitiis accommodatam…

[Nous avons, dit-il, ajouté plusieurs compositions de remèdes, là où l’armoire à remèdes est à considérer comme déjà bien remplie et où chacun se laisserait trop aisément aller à une abondance propice aux vices les plus tenaces…]

Spon assortit sa citation d’un renvoi au l. 4. c. 30. Guy Patin s’en étonnait car ce chapitre xxx (De Lumbricis [Les Vers intestinaux], pages 570‑580) du livre iv (De Affectibus ventris inferioris [Les Affections de l’abdomen]) ne contient en effet rien qui ressemble à cette citation. Elle provenait du livre iii, chapitre v {a} où Feyne s’exprimait très différemment :

Itaque præter superiora remedia, quibus ut probatis, spectatisque in omni graviori pulmonum obstructione, et in asthmate uti licet, multa alia ab infarctu liberantia subiunximus ; non quod præcedentia virium imbecillitate damnemus, sed quo maior habeatur remediorum supellex, faciliusque sibi Medicus copiam vendicet, ad usum possit comparare.

[Outre les remèdes sus-mentionnés, qu’il est permis d’employer, comme éprouvés er reconnus, dans toute obstruction grave des poumons et dans l’asthme, nous en avons donc adjoint de nombreux autres, qui libèrent de l’écrasement. {b} Ce n’est pas parce que nous blâmions les précédents pour la faiblesse de leurs effets, mais parce que plus grande est l’armoire à remèdes, plus le médecin s’en procurera aisément et pourra les adapter à son usage]. {c}


  1. De Asthmate, Orthopnea, et spirandi difficultate [Asthme, orthopnéee et difficulté à respirer], bas de la page 351

  2. Le substantif infarctus n’existant pas en latin, j’ai tenu ce mot pour une coquille d’imprimerie et l’ai remplacé par infractus, « écrasement », qui convient bien au contexte.

  3. L’erreur de référence commise par Spon n’était donc pas tout à fait innocente…

14.

L’apport était un lieu public, espèce de marché où on apporte des marchandises pour vendre : « À Paris il y a deux apports, l’Apport Baudouyer, vers Saint-Gervais, et l’Apport de Paris au Grand Châtelet. Le peuple par corruption les appelle [la] Porte Baudets, et [la] Porte de Paris » (Furetière). Il arrivait souvent à Guy Patin de faire comme le peuple de Paris en écrivant « la porte de Paris » (ce que j’ai rectifié dans ma transcription).

15.

Deux autres sicaires allaient encore être exécutés le 15 décembre. La dissection d’un des deux roués du 3 décembre allait découvrir une particularité anatomique fort inhabituelle : v. note [11], lettre 254.

16.

« et le fœtus aussi ». Mme Gazeau, pouvait être fille de Paul Aymeret, seigneur de Gazeau, maître des comptes ; v. note [10], lettre 251, pour les autres.

17.

Vitupère : « vieux mot, reproche, blâme qu’on fait à une personne ou à une famille » (Furetière).

18.

« sur l’emploi des émétiques » : première de 12 allusions de Guy Patin au projet que Jean ii Riolan nourrissait d’écrire un livre contre l’antimoine, mais il n’en est jamais venu à bout.

19.

Guy Patin avait déjà annoncé ces Curieuses recherches sur les Écoles en médecine de Paris et de Montpellier… de Jean ii Riolan (publiées en 1651) dans sa lettre du 28 mai 1649 à André Falconet (v. sa note [13]).

20.

« le plus mauvais. »

Élie Béda des Fougerais étant explicitement mis à part, François Guénault était un des deux antimoniaux de la Faculté de Paris que visait ici Guy Patin ; l’autre était sans doute Jacques-Philippe Cornuti (v. post-scriptum de la lettre à André Falconet, datée du 27 juin 1651) ; Vautier, docteur de l’Université de Montpellier, était le troisième. Patin a donné plus tard le titre de l’épigramme contre l’antimoine, Stibii noxæ vindiciæ [Dénonciation du tort provoqué par l’antimoine] (v. note [9], lettre 254), mais je ne suis pas parvenu à mettre la main dessus.

21.

V. note [11], lettre 203, pour l’« Encyclopédie de toutes les sciences de Johann-Heinrich Alsted (Alstedius) » (Lyon, 1649).

Faute d’une transcription complète de la lettre, on ne peut être certain ce que Guy Patin se souvenait « d’avoir mis ci-dessus ».

22.

« étant donné notre si grande habitude de disséquer les cadavres ». Guy Patin annonçait les :

Exercitationes de Generatione animalium. Quibus accedunt quædam de Partu : de Membranis ac humoribus uteri : et de Conceptione. Autore Guilielmo Harveo Anglo, in Collegio Medicorum Londinensium Anatomes et Chirurgiæ Professore.

[Essais sur la reproduction des animaux. {a} Auxquels s’ajoutent certains faits sur : l’Accourchement ; les Membranes et les liquides de l’utérus ; la Conception. Par William Harvey, Anglais, professeur d’anatomie et chirurgie au Collège des médecins de Londres]. {b}


  1. Au nombre de 72, suivis de trois Additamenta [Suppléments].

  2. Amsterdam, Ludovicus Elzevirius, 1651, in‑12 de 568 pages, réédition ibid. 1662 ; dernier ouvrage publié par Harvey.

Après ses immortels travaux sur la circulation du sang, Harvey révélait les résultats de ses autres recherches anatomiques (Jourdan in Panckoucke) :

« Comme son maître, {a} il s’occupa de la génération et du fœtus. Le roi Charles ier le favorisa dans cette étude en mettant à sa disposition toutes les biches du parc de Windsor. Harvey ouvrit ces animaux aux différentes époques de la gestation et fit une foule de remarques curieuses sur l’histoire de l’embryon. {b} Mais ses notes ayant été brûlées dans le pillage de sa maison de Londres [en août 1642, pour cause de fidélité absolue au roi], il ne put pas donner au second ouvrage autant de soin qu’au premier […]. {c} Cependant, s’il est rempli de répétitions oiseuses, si l’on y remarque même des contradictions, ces défauts s’expliquent en songeant qu’Harvey l’a écrit en grande partie de mémoire, sur ses vieux jours {d} […] et l’on devient indulgent lorsqu’on sait que George Ent {e} lui enleva son manuscrit, en quelque sorte malgré lui, pour le publier avant qu’il eût eu le temps d’y mettre la dernière main ; car on assure que, dégoûté des querelles que son premier livre lui avait suscitées, il avait résolu de ne point faire paraître celui-ci. Quoi qu’il en soit, Harvey établit que tout ce qui a vie est le produit du développement d’un germe préexistant. On le compte donc parmi les premiers adversaires de la théorie des générations spontanées. Omne vivum ex ovo, {f} tel est le théorème qu’il établit […]. Ainsi, c’est Harvey qui a posé les bases du système de l’évolution. Il a même cela de particulier qu’il place le germe dans la femelle et n’accorde au mâle que la faculté fécondante, niant d’ailleurs tout contact matériel et admettant une sorte de contagion subtile qui affecte plutôt la femelle que l’œuf. […] Harvey prétendait que le fœtus, né dans l’ovaire, redescend ensuite dans la matrice. Il s’est attaché à réfuter la théorie de la génération par la putréfaction et la fermentation. »


  1. Fabrizio (Fabrizio d’Aquapendente, v. note [10], lettre 86).

  2. Dans sa préface Harvey énumère les espèces animales qu’il a utilisées pour ses recherches, tant ovipares (poule, oie, colombe, cane, poissons, crustacés, coquillages, mollusques, batraciens, serpents ; insectes tels abeilles, guêpes, papillons, vers à soie) que vivipares (ovins, caprins, chiens, chats, biches [iumenta bisulca] et præ cæteris, animalium omnium perfectissimus, homo ipse [devant tous les autres, le plus parfait de tous les animaux, l’homme lui-même]).

  3. Exercitatio anatomica de motu cordis, v. note [12], lettre 177.

  4. Harvey avait alors 72 ans.

  5. Anatomiste anglais, ami d’Harvey et dédicataire de son livre.

  6. « Tout ce qui est vivant vient d’un œuf » : adage attribué à Harvey, mais que je n’ai pas trouvé tel quel dans son livre.

23.

V. notes [11], lettre 193, pour Antoine Nicolaï, premier président de la Chambre des comptes, et [3], lettre 1006, pour son fils aîné Nicolas.

24.

Henri Gras et Pierre Garnier (v. lettre suivante).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 décembre 1650

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(Consulté le 16/04/2024)

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