L. 283.  >
À Claude II Belin,
le 11 mars 1652

Monsieur, [a][1]

Je vous assure que votre avocat, M. Simon Piètre, [1][2] qui est un excellent homme, presse le jugement de votre cause tant qu’il peut ; il est diligent et fidèle, et de plus, fort habile homme. J’ai trouvé dans le Palais le jeune médecin, [3] fils de votre Bailly, [4] auquel ayant dit par compliment qu’il eût fallu accorder cette affaire, [2] il me témoigna que son père était tout prêt et qu’il le souhaiterait fort. Peut-être que vous en auriez plus d’avantage et de profit qu’à le poursuivre par arrêt. Nous en fîmes ainsi il y a 20 ans avec les apothicaires [5] de Paris qui nous en donnèrent six fois plus que nous n’eussions pu en avoir par arrêt, et ce par ordre de nos avocats. [3] Pensez-y, je n’ai point d’autre intérêt que le vôtre, vous le croyez bien.

Ce qu’a fait M. Tardy [6] est très peu de chose, et encore moins ce qu’a fait M. Mentel [7] pro Pecqueto[4][8] car ce n’est qu’une épître ; sunt isthæc mera mapalia[5][9] M. Riolan [10] fait imprimer la seconde partie de son Encheiridium anatomicum et pathologicum, où il y a de fort bonnes choses et plusieurs petits traités ajoutés ; entre autres une réponse ad Harvæum, ad Gassendum, ad Pecquetum, etc[11][12] Cela ne saurait être fait que dans six semaines. [6]

Si vous voulez avoir de bons livres d’Italie, demandez Baccius de vinis, de thermis et aquis[7][13] ce sont deux petits volumes in‑fo. Le Mercurial [14] y a été réimprimé in‑fo[8] Il y a à Rome Historia Mexicana [15] in‑fo, Lucretius cum comment. Nardii [16] in‑4o, Iulii Cæsaris Benedicti a Guelfalione, Epistolæ medicinales, et Consilia [17] en deux volumes in‑4o[9] M. Du Monstier [18] a quatre harangues à dire contre le jésuite pro Petro Ramo[10][19][20] il veut les prononcer et puis les faire imprimer, mais il est si empêché que ce ne sera qu’après Pâques. Nous l’avons fait, à nos assemblées chez le recteur, [21] procureur fiscal de l’Université ; [22] ce fut moi qui le nommai le premier, où j’étais tamquam decanus medicinæ[11] Cette charge l’occupe tout entier et néanmoins, tout est prêt. Il a été obligé de faire trois voyages à Rouen pour obtenir un arrêt qu’ils ont eu contre les partisans qui les chicanaient pour les messageries de Normandie. On commence à vendre le Socrate de Balzac, [12][23] je ne l’ai point encore vu, mais le libraire m’a dit qu’il en avait de reliés. On imprime ici deux volumes, l’un in‑fo, l’autre in‑4o, pour les loyolites [24] contre Jansenius ; [25] les jansénistes [26] ne manqueront pas de se bien défendre : faciendi plures libros, nullus est finis[13][27] Je vous baise les mains et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce lundi 11e de mars 1652.


a.

Ms BnF no 9358, fo 137, « À Monsieur/ Monsieur Belin,/ Docteur en médecine,/ À Troyes. » ; Reveillé-Parise, no cxi (tome i, pages 181‑182, datée du 27 mars 1652).

1.

Simon iii Piètre, avocat et fils de Nicolas, v. note [137], lettre 166.

2.

V. note [1], lettre 257, pour le différend entre le chirurgien Nicolas Bailly et le Collège des médecins de Troyes qui refusait d’admettre son fils en son sein.

3.

La consultation des Comm. F.M.P. pour l’année 1632 (tome xii) ne m’a pas permis d’éclaircir cette procédure engagée contre les apothicaires, et qui s’était, semble-t-il résolue, à l’amiable.

4.

« en faveur de Pecquet » :

Iacobi Mentelii, Doctoris Medici Parisiensis, ad Ioannem Pecquetum, iuvenem eruditum nec vulgaris notæ anatomicum ; de nova illius chyli, secedentis a lactibus, receptaculi, alius ac hepatis, notatione, Epistola, etc.

[Lettre de Jacques Mentel, {a} docteur en médecine de Paris, à Jean Pecquet, jeune homme plein de science et anatomiste dont le renom est hors du commun, sur son observation nouvelle du réservoir du chyle {b} acheminé par les vaisseaux lactés, qui est distinct du foie, etc.] {c}


  1. V. note [6], lettre 14.

  2. V. note [23], lettre 152.

  3. Sans lieu ni nom, 1651, in‑4o de 11 pages : tiré à part de la lettre publiée dans les deux éditions (1651 et 1654) des Experimenta nova anatomica… [Expériences anatomiques nouvelles…] de Jean Pecquet (v. note [4], lettre 360).

V. note [35‑2], lettre 156, pour les commentaires de Claude Tardy in libellos Hippocratis de septimestri et octimestri partu commentarii… [sur les opuscules d’Hippocrate au sujet de l’accouchement aux septième et huitième mois…] (Paris, 1651).

5.

« ces choses-là ne sont que pures sornettes » : imperméable aux nouveautés, Guy Patin signifiait son mépris pour le débat sur les voies du chyle, dont la découverte fut l’un des plus grands progrès médicaux de son siècle.

6.

V. note [30], lettre 282, pour les Opuscula anatomica varia et nova [Opuscules anatomiques divers et nouveaux] de Jean ii Riolan (Paris, 1652), que Guy Patin appelait la « seconde partie » de son « Manuel anatomique et pathologique ». Ils contenaient ses réponses critiques « à Harvey, Gassendi, Pecquet, etc. »

7.

« Baccius, sur les vins, les thermes et les eaux ».

8.

Hieronymi Mercurialis, Foroliviensis, in Patavino Gymnasio Medicinam practicam in suprema cathedra, deinde Bononiæ, ac deinde Pisis in supraordinario loco multis annis cum celebritate, et auditorum utilitate profitensis, Opuscula aurea et selectiora, in quibus, præter alia quæ ad praxim in re Medica exercendam, et ad uberiorem eruditionem comparandam plurimum conferunt, gravissimæ quoque Theoriæ difficultates passim enodantur, quæque scitu dignissima sunt, ceu aphorismi in margine summa sedulitate notantur. Accedit novum Consilium de ratione discendi Medicinam, aliasque disciplinas hactenus editum…

[Opuscules en or et les mieux choisis de Girolamo Mercuriali, {a} natif de Forli, qui a professé la médecine pratique à la Faculté de Padoue, puis de Bologne, puis de Pise, au niveau le plus élevé durant de nombreuses années, avec célébrité et pour l’utilité des auditeurs ; dans lesquels, outre d’autres qui apportent beaucoup à la pratique qu’il faut exercer en matière médicale et à la plus féconde science qu’il faut acquérir, sont aussi partout expliquées les plus grandes difficultés de la théorie, dont chacune est digne d’être connue, de même que sont annotés en marge les aphorismes, avec la plus grande application. S’y ajoute une nouvelle consultation inédite sur la doctrine à suivre pour enseigner la médecine et les autres disciplines…] {b}


  1. V. note [16], lettre 18.

  2. Venise, Junte et Baba, 1644, in‑fo de 491 pages, avec un supplément de 101 pages sur la peste et les empoisonnements ; ouvrage précédemment imprimé en partie sous le titre de Tractatus varii [Traités divers] (Lyon, 1618).

Les traités contenus dans ce recueil sont :

9.

Titi Lucretii Cari de Rerum Natura Libri sex. Una cum Paraphrastica Explanatione, et Animadversionibus D. Ioannis Nardii Florentini.

[Six livres de Lucrèce sur la Nature des choses, {a} avec l’explication paraphrastique et les observations de M. Ioannes Nardius, {b} Florentin]. {c}


  1. V. note [131], lettre 166.

  2. Giovanni Nardi (Motepulciano, Toscane vers 1580-Florence 1654), médecin de Florence, doit aussi sa réputation littéraire aux Noctes geniales [Nuits fécondes] (Bologne, 1656, v. note [13], lettre 516).

  3. Florence, Amator Massa, 1647, in‑4o de 680 pages.

V. note :

10.

« en faveur de Pierre Ramus ».

Claude-Pierre Goujet (Mémoire historique et littéraire sur le Collège royal de France) {a} a parlé de cette affaire dans sa notice sur François Du Monstier {b} (tome seconf, pages 429‑431) :

« Le P. Cossart, {c} jésuite habile, et aussi bon orateur que bon poète, ayant attaqué Ramus {d} avec vivacité dans sa harangue Adversus novitatem Doctrinæ, prononcée au Collège de la Société, à Paris, le 2 octobre 1650 ; {e} et ayant avancé, dans le même Discours, plusieurs autres propositions qui déplurent à Du Monstier, celui-ci y répondit avec chaleur dans une Harangue, qu’il prononça au Collège royal le 29 avril 1651, et dans laquelle il ne se contenta point de prendre la défense de Ramus, mais qu’il sema aussi de traits piquants contre le P. Cossart et sa Société. {f} Le jésuite en fut informé par plusieurs de ses disciples et de ses amis : ceux-ci vinrent lui rendre compte de la Harangue, et la lui dépeignirent avec toutes les couleurs les plus propres à l’animer contre l’orateur. Ils réussirent : le P. Cossart enfanta sur-le-champ une seconde Harangue en forme de Réplique, et il la débita le même jour. Ele est intitulée par cette raison : Extemporalis defensio adversus satyram a Francisco Du Monstier, eodem die recitatam ; Parisis iii Kalend. Maii 1651. {g} Ce Discours, où il me semble que l’on sent trop la colère de l’orateur, se lit dans le Recueil de ses autres Harangues et de ses Poésies ; {h} c’est une nouvelle déclamation contre Ramus. Le P. Cossart y reproche aussi à M. Du Monstier ses actions contre les jésuites, en faveur de l’Université ; il l’accuse même d’ingratitude, et il fait assez clairement entendre qu’il en avait reçu plusieurs bienfaits, avant qu’il ne fût attaché à l’Université. »


  1. Paris, 1758, v. note [3] du manuscrit 2007 de la BIU Santé.

  2. V. note [25], lettre 207.

  3. Gabriel Cossart, mort en 1674, v. note [15], lettre 298.

  4. La mémoire de Ramus : Pierre de La Ramée, massacré lors de la Saint-Bathélemy (1572, v. note [7], lettre 264).

  5. Collège de Clermont (v. note [2], lettre 381).

  6. « Contre la nouveauté de la doctrine », Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1650, in‑4o de 42 pages : contre le calvinisme et la philosophie non aristotélicienne, qui étaient deux réformes auxquelles avait adhéré Ramus.

  7. Je n’ai trouvé aucune édition imprimée de cette harangue de Du Monstier.

  8. « Défense sur-le-champ contre la satire débitée le même jour par François Du Monstier, à Paris, le 29 avril 1651 » (ibid. et ibid. 1651, in‑4o de 42 pages).

  9. Gabrielis Cosartii e Societatis Iesu Orationes et Carmina [Discours et Poèmes de Gabriel Cossart, de la Compagnie de Jésus] (Paris, Sébastien Marbre-Cramoisy, 1675, in‑8o de 264 pages, pour la première de plusieurs éditions, que Guy Patin n’eut pas la possibilité de lire).

11.

« en qualité de doyen de médecine » : v. notes [31] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine de Paris, et [37] des Affaires de l’Université, pour la houleuse élection du janséniste François Du Monstier à la fonction de procureur fiscal (syndic) de l’Université pendant la première année du décanat de Guy Patin (1650-1651).

12.

V. note [18], lettre 270, pour le Socrate chrétien de Jean-Louis Guez de Balzac (Paris, 1652).

13.

« faire des livres est un travail sans fin » (L’Ecclésiaste 12:12).

V. notes [13] et [15], lettre 295, pour les ouvrages que les jésuites faisaient alors imprimer contre les jansénistes.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 11 mars 1652

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(Consulté le 23/04/2024)

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