L. 295.  >
À Charles Spon,
le 1er novembre 1652

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le vendredi 25e d’octobre, dans laquelle j’en avais enfermé une pour M. Falconet [2] auquel je n’avais rien écrit il y avait fort longtemps. Je délivrai madite lettre à M. Huguetan [3] l’avocat qui me promit de la vous faire rendre, et c’est à quoi je m’attends comme d’une chose très certaine.

Ce dimanche 27e d’octobre. Mais tandis que cette dernière lettre court la poste pour tomber entre vos mains, voilà que je reçois la vôtre, toute pleine d’affection et d’amitié selon votre coutume, mais je n’y trouve point de date. [1] C’est que vous ne voulez point que votre bienveillance soit réduite à quelque espace de temps ; elle sera, Dieu aidant, immortelle de part et d’autre, sic voveo, sic opto[2] Je l’espère ainsi de vous et ferai de mon côté tout ce que je pourrai afin de n’y pas manquer.

Je vous remercie du soin que vous avez pour moi, ma lettre qui n’est partie d’ici que depuis deux jours pourra vous mettre hors de peine. Dès que M. Du Prat [4] sera ici, je tâcherai de le voir et lui rendre son paquet de M. Sorbière [5] auquel j’ai écrit une grande lettre depuis huit jours, combien qu’alors je fusse extrêmement empressé de différentes façons.

Je m’étonne de votre correcteur d’imprimerie, M. d’Antoine. [6] Il faut que cet homme ait l’esprit bien délicat et soit fort tendre aux mouches : [3] l’opinion de traduce [4] le pique et c’est celle qui me semble la plus vraie ; au moins est-elle la plus palpable. Medicus est artifex sensualis, ea credit tamen quæ videt[5] j’ai autrefois étudié cette question, laquelle véritablement est fort difficile quæque superat humani ingenii captum [6] à cause de plusieurs hypothèses qu’il faut y soumettre comme fondements qui ne sont guère assurés. De quo plura coram[7]

Je suis ravi de ce que l’on imprime un livre du P. Théophile. [7] Ce titre me plaît bien, sera-t-il bientôt fait, est-il in‑4o, n’y aura-t-il pas moyen d’en avoir un de bonne heure ? J’espère que oui. [8]

M. Simon Piètre, [8] fort habile homme et jadis excellent avocat, est paisible possesseur de sa cure, Dieu merci et nous. Il en est fort content et joyeux, et moi pareillement. [9]

L’acquisition du Simon Maiolus [9] n’est pas grand’chose. Il est plus gros qu’il n’a de sens, il y a là-dedans beaucoup de matière et assez peu de forme ; ce livre-là n’est guère différent du travail loyolitique de quelques moines ou Allemands. [10] Je me suis laissé dire autrefois que ce Majolus était fils d’un juif, mais il n’importe, pourvu qu’il vous plaise.

Si le jubilé [10] ne nous vient, nous tâcherons de nous en passer ; mais il n’y a personne qui y perde plus que les médecins car ces promenades font toujours des malades : Medicis gravis annus in quæstu est[11][11] Les femmes de Paris s’en vont deux à deux, de rue en rue et d’église en église ; si elles ne gagnent les pardons, elles gagnent des crottes et s’échauffent enfin si bien qu’elles en deviennent malades ; mais je souhaite que le nombre n’en augmente point, nous n’en avons que trop, habeat sibi suas phyliras ipse pater Romulidum[12]

Il y a ici deux livres nouveaux, l’un in‑4o, l’autre in‑fo, faits par des pères loyolites [12][13] contre les jansénistes. L’in‑fo est intitulé Anti-Iansenius, le vrai auteur en est un P. Martinon, [13][14] professeur en théologie à Bordeaux, mais ils ont déguisé ce nom et y en ont mis un emprunté : sic faciunt callidissimi æruscatores[14] L’autre in‑4o porte le nom d’un certain P. Annat. [15][15] Les jansénistes sont avertis du tout, et méprisent l’un et l’autre. La Société est en possession de faire beaucoup de livres : [16] nuls bons, quelques médiocres et fort grande quantité de mauvais, Ægyptus homerica, pauca bona, mala multa[17][16] Si ces deux livres pouvaient mériter quelque bonne réponse, ils n’en manqueraient pas : il y a ici du parti contraire de fort habiles gens, et des plus savants du monde, qui ne redoutent en aucune façon les attaques, les embûches et les attentats de ces bons Sociennes. [18][17]

On traite ici de la paix du duc d’Orléans, [18] qui est à Limours, [19] mais on ne dit pas où est sa fille. [19][20] Le prince de Condé [21] est devers Soissons, [22] que plusieurs de ses amis particuliers ont abandonné. On dit que le Mazarin [23] sera ici dans huit jours et que, pour le froid qui commence, il veut se venir réchauffer à la cour et y passer son hiver. [20]

Ce 29e d’octobre. Aujourd’hui, j’ai accompagné M. le recteur de l’Université, [24][25] menant avec moi quelques-uns de nos docteurs, qui est allé faire au roi [26] et à la reine [27] sa harangue pour se réjouir du retour de Leurs Majestés à Paris. [21] Nous y avons été fort bien reçus et le recteur a fort bien harangué. Le même jour ont été reçus à pareil ouvrage Messieurs de la Chambre des comptes, de la Cour des aides[28] des Monnaies, [29] du Châtelet [30] et les six corps des marchands. [31]

Comment se porte notre bon ami, M. Gras ? [32] Faites-moi la faveur de l’assurer de mes très humbles services. J’ai céans une thèse [33] in‑4o que je pense être de lui, elle est de Bâle [34] l’an 1615, Præside Clarissimo viro D.D. Emmanuele Stupano ; [22][35] il est là-dedans nommé Henricus Grassus, Lausann. Helvetio-Gallus[23]

Le duc d’Orléans enfin a fait sa paix avec abstraction de toute sorte d’autre intérêt, præter quam propriæ salutis[24] Il est à Chartres [36] de présent, on dit qu’il ira à Orléans [37] et à Blois [38] prendre de l’air, tandis que le Mazarin reviendra à la cour et rentrera dans son ancien poste de crédit et d’autorité. Le prince de Condé est sur la frontière de Champagne par delà Reims, [39] on dit qu’il pense aussi à faire sa paix. Pour Mademoiselle, on ne sait où elle est : elle n’est point au Bois-le-Vicomte, [40] maison qui lui appartient à cinq lieues d’ici ; [25] quelques-uns croient qu’elle est à Paris cachée, ce que j’ai de la peine à croire, d’autant qu’elle n’y serait point en sûreté vu que quelqu’un la découvrirait, tandis principalement qu’elle est fort haïe de la reine, et du roi même à qui on [a] donné data opera [26] de l’aversion afin que jamais il ne la puisse épouser.

Voilà donc le parti des princes abattu par leur propre faute, tant pour n’avoir su bien faire la guerre en se rendant maîtres de quelque place sur la rivière de Loire, [41] ce qu’ils pouvaient aisément faire dès devant Pâques, comme à Jargeau [42] ou à Beaugency, ou < en > ne défaisant pas les troupes du roi à Sully [43] et Gien, [44] ce qui était en leur pouvoir ; que pour ne s’être saisis des petites places d’ici alentour, comme de Corbeil [45] et de Lagny, [46] ce qui était fort aisé, voire même, faute d’argent et de crédit, qu’ils ont perdues par leur mauvaise conduite, s’étant fait extrêmement haïr à Paris par l’infâme et horrible massacre qu’ils firent faire à l’Hôtel de Ville le 4e de juillet, où leurs créatures mêmes furent maltraitées et où j’ai perdu malheureusement mon bon ami feu M. Miron [47] qui était un des plus parfaits hommes de ce siècle. La haine qu’on leur portait de cette misérable journée a encore augmenté contre eux de ce qu’ils ont permis (et n’ont pu autrement l’empêcher) que les troupes qu’ils avaient ici alentour n’aient tout ruiné et pillé, tant aux paysans qu’aux bourgeois, comme s’ils eussent été nos ennemis et nos assiégeants. Le voisinage de ces gens-là ne vaut rien, tout est ruiné à dix lieues à la ronde de Paris (outre les endroits par où les armées ont passé en allant ou retournant), tant par l’armée du roi que celle des princes ou celle du duc de Lorraine, [48] qui est venu deux fois ou s’en est retourné deux fois sans coup férir ni tuer personne, mais ils en ont bien ruiné. Ne voilà pas une plaisante façon de faire la guerre, de ravager tout et ne point tirer un coup d’épée ? Comme toutes les avenues de Paris étaient pleines de voleurs et qu’il n’y avait aucune assurance d’en sortir non plus que d’y entrer, enfin que pas un carrosse ou messager n’échappait [à] leurs griffes, on a envoyé des lieutenants du prévôt de l’Île [49] et des archers ici alentour, [27] de tous côtés, afin de les prendre ou de les chasser de là. Cela pourra servir à quelque chose, mais de malheur pour nous et pour toute la France, les gros larrons demeurent et n’avons point moyen d’en faire justice. C’est une tyrannie qu’il faut que nous souffrions aussi bien que plusieurs autres.

L’an passé sur la fin de décembre, mourut ici M. Dupuy [50] l’aîné, conseiller d’État et garde de la Bibliothèque du roi. [51] Il était un des plus honnêtes hommes du siècle, des plus savants et des plus obligeants. Combien qu’il fût fort vieux, il n’en a pas laissé d’être regretté de tout le monde. On imprime ici sa vie faite par M. Nic. Rigault, [52] doyen des conseillers au parlement de Metz, [53] qui est ce même savant et habile homme, lequel nous a donné par ci-devant son beau Tertullien[54] le Saint Cyprien[55] les Fables de Phèdre, [56] l’Horace, le Juvénal et tant d’autres. Combien que le livre ne puisse être gros, si pourtant y a-t-il longtemps qu’il est sur la presse, d’autant que l’auteur est si exact qu’il a fallu pour le contenter lui envoyer d’ici à Toul [57] en Lorraine, où il est, les épreuves de chaque feuille. Ce livre sera reçu en vénération de tous les gens de bien, tant à cause de l’auteur, qui est un excellent personnage, que pour la mémoire de feu M. Dupuy qui a été parmi les honnêtes gens ce que peut être un beau diamant parmi d’autres pierres précieuses, velut inter ignes Luna minores[28][58]

Mais à propos d’honnête homme, voici une autre affliction qui s’en va survenir au public après tant d’autres : c’est M. Talon, [59] avocat général, qui est en si mauvais état qu’après quelques mois de langueur, il devient hydropique. [60] Vous savez bien qu’il ne peut pas manquer de l’assistance de bons et fidèles médecins ; et néanmoins, dans l’inquiétude que sa maladie lui donne, il s’est souvenu de moi et m’a fait l’honneur de m’inviter à l’aller voir, ce que j’ai fait très volontiers ; [61] mais ayant reconnu le mauvais état auquel il est, je vous avoue que les larmes m’en sont venues aux yeux, ce que je n’ai pu si bien cacher qu’il ne l’ait reconnu lui-même et ne m’en ait fait compliment ; et néanmoins, je vous dirai que mes larmes n’ont pas été à cause de lui tout seul, quelque homme de crédit qu’il soit, mais pour le malheur commun de tout le monde qui est réduit à ce désastre fatal où chacun est obligé de s’arrêter et de finir la course de sa vie. M. Talon est un fort homme de bien, de grand jugement et d’un esprit fort pénétrant, le plus beau sens commun d’homme qui ait jamais été dans le Palais, qui a le mieux pris une cause et qui y a le plus heureusement rencontré aux conclusions qu’il y a données. Chacun a admiré dans Paris la force et la solidité de son esprit, et ses ennemis même n’ont rien eu à lui reprocher ; et néanmoins, il faut qu’il meure aussi bien que tant d’honnêtes gens qui nous ont été malheureusement ravis depuis un an, tandis que le Mazarin, le prince de Condé et tant d’autres brouillons vivent sur terre, summa bonorum et totius reipublicæ nostræ pernicie[29]

Nous avons ici un cardinal de Retz [62] qui fait rage : il a aujourd’hui prêché dans notre paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois [63] en présence du roi et de la reine, et l’église si fort pleine que chaque porte de l’église avait encore plus de mille personnes qui n’ont pu y entrer ; la semaine passée, il fit en Sorbonne [64] l’office le jour de leur grande fête, savoir de sainte Ursule, [30][65] en qualité de cardinal et de docteur de la Maison, ce qu’ils n’avaient jamais vu, ni eux, ni beaucoup d’autres. Il est homme d’État et de cabinet : il prêche, il dispute, il fait des intrigues, et voilà comme le pape [66] les veut ; s’il peut attraper la place qu’a autrefois occupée le cardinal de Richelieu, [67] il est homme à bien faire parler de soi dans l’histoire. Plaise à Dieu que ce soit à meilleur titre et plus heureusement pour la France que n’ont pas fait les deux derniers, Richelieu et le Mazarin. [31] Je viens d’apprendre que Mademoiselle, fille du duc d’Orléans, est retrouvée et qu’elle est à Saint-Fargeau, [68] qui est devers Briare [69] et près de Gien, sur le chemin d’Orléans. [32] Elle est là en état de se rendre près du duc son père qui a fait sa paix, mais non pas celle du prince de Condé ni de M. de Beaufort. [70]

Je vous baise les mains et à mademoiselle votre femme, et après m’être recommandé à vos bonnes grâces, je vous supplie de croire que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 1er novembre 1652.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 48‑49, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz no 78 (tome ii, pages 976‑981). Note de Charles Spon au revers : « 1652./ Paris 1er novemb./ Lyon 6e dud./ Rispost./ Adi 3e Xbris [décembre] ».

1.

Les notes de Charles Spon au revers des lettres qu’il recevait de Guy Patin, datent du 22 octobre la réponse qu’il fit à celle du 6 septembre (lettre 293).

2.

« tel est mon vœu, tel est mon souhait. »

3.

« Un cheval est tendre aux mouches pour dire qu’il les souffre impatiemment » (Furetière).

4.

« du mot tradux » ; tradux (génitif traducis) est un substantif latin qui a deux sens différents : « intermédiaire » et « crossette », c’est-à-dire « branche de vigne ou de figuier portant un peu de bois de l’année précédente et qui sert à faire des boutures » (Littré DLF).

5.

« Le médecin fonde son art sur les sens, il croit d’ailleurs ce qu’il voit. »

6.

« et qui dépasse la capacité de l’intelligence humaine ».

7.

« Plus là-dessus une autre fois. » Sans connaître le propos de Charles Spon qui la provoquait, le sens de cette discussion est obscur.

8.

Ouvrage annoncé de longue date et fort attendu par Guy Patin, les Erotemata [Interrogations] Du P. Théophile Raynaud (v. note [7], lettre 205) allaient paraître en 1653, à Lyon, chez Hugetan et Ravaud, in‑4o.

9.

V. notes [24], lettre 293, et suivantes pour la cure de Saint-Germain-le-Vieux que la Faculté de médecine venait d’attribuer à Simon iii Piètre.

10.

Simone Maiolo (Asti, Piémont 1520-1597), canoniste italien, fut nommé en 1572 évêque de Volaturara et Montecorvino, en Apulie. Son principal ouvrage est intitulé :

Dies caniculares Hoc est Colloquia tria et viginti physica, nova et penitus admiranda ac summa iucunditate concinnata, per Simonem Maiolum, Episcopum Vulturariesi. Quibus pleraque naturæ admiranda, quæ aut in æthere fiunt, aut in Europa, Asia atque Africa, quin etiam in ipso orbe novo, et apud omnes Antipodas sunt, item mirabilia arte hominum confecta recensentur, ordine, quem sequens pagina tertia indicabit. Opus collectum est ex Sacris litteris. Sacris earum interpretibus. Sacris, sanctorumque historiis. Philosophis, qui naturas rerum enarrarunt. Profanarum historiarum omnifariam scriptoribus. Attestationibus eorum qui Orbem, tum Mari, tum continenti peragrarunt. Aliis auctoribus non paucis, qui sparsim, et obiter de hoc argumento tradiderunt.

[Les Jours caniculaires, {a} c’est-à-dire 23 colloques physiques, nouveaux et profondément admirables, agencés avec le plus grand bonheur par Simone Maiolo, évêque de Vulturia. Où sont recensés plusieurs merveilles de la nature, qui surviennent dans le firmament, ou en Europe, Asie et Afrique, mais aussi dans le Nouveau Monde, et chez tous les Antipodes, {b} ainsi que celles que fabrique l’art des hommes, ans un ordre que présente la troisième page qui suit. {c} Ouvrage recueilli dans les saintes Écritures, chez leurs saints interprètes, dans les histoires sacrées et celles des saints, chez les philosophes qui ont décrit les natures des choses, chez les auteurs d’histoire profanes en tous genres, dans les témoignages de deux qui ont parcouru le monde, tant maritime que continental, chez le grand nombre d’autres qui ont traité de ce sujet d’une manière ou d’une autre]. {d}


  1. V. note [8], lettre 1019.

    Dans sa préface, Maiolo explique son titre en disant qu’il a rédigé ses colloques durant les jours caniculaires, quibus gravioribus studiis abstinendum est, ut incolumitati, hilaritatique interim serviatur [où il faut s’abstenir des études plus sérieuses, pour se soumettre parfois à la récréation et à la belle humeur].

  2. V. note [51] du Naudæana 2 pour ces peuples dont l’existence a longtemps fait l’objet d’une hérésie chrétienne.

  3. Elenchus Colloquiorum [Sommaire des colloques] : toute l’histoire naturelle.

  4. Ursel, dans l’archevêché de Mayence, Cornelius Sutorius, 1600, in‑4o de 824 pages, pour la première de nombreuses éditions : v. note [6], lettre 960, pour une distrayante référence à la 3e édition, nettement augmentée (ibid. 1610) ; François de Rosset (v. note [23] du Borboniana 7 manuscrit) a donné une traduction française des 23 colloques (Paris, 1609).

11.

« Une pénible année est source de bénéfices pour les médecins » (Sénèque le Jeune, Des Bienfaits, livre vi, chapitre xxxviii).

12.

« que le père des Romains {a} s’occupe donc lui-même de ses phyliræ. » {b}


  1. Le pape.

  2. Faute de source identifiée à ce latin, le sens du mot phyliras, distinctement écrit par Guy Patin, m’a laissé perplexe. Sans me tirer entièrement d’embarras, le dictionnaire d’Ambroise Calepin (v. note [17], lettre 193) m’a ouvert deux pistes (édition de Lyon, 1656, tome 2, page 287) pour expliquer cet accusatif pluriel de phylira, altération de φιλυρα (pilyra), mot grec dont le sens est double.

    • Le nom commun phylira désigne le tilleul et, par extension, la fine membrane qu’on détachait de l’écorce de cet arbre, et dont on se servait pour tresser des couronnes et pour écrire : les phyliras de Patin pourraient donc être les bulles pontificales.

    • Dans la mythologie grecque, Phylira (Phylire) est une des Nymphes océanides (v. notule {a}, note [16] du Borboniana 5 manuscrit), fille d’Océan et de Thétys ; son amant Cronos (Saturne, v. note [31] des Deux Vies latines de Jean Héroard), roi des Titans, la transforma en jument (ou lui se transforma en étalon) et le centaure Chiron (v. note [5], lettre 551) naquit de leur union.

      Les phyliras de Patin pourraient donc aussi être les honteuses filles bâtardes ou les maîtresses du pape qui régnait alors : Innocent x, que la rumeur accusait de relations coupables avec sa belle-sœur, Olimpia Maidalchini (v. note [4], lettre 127).


13.
Anti-Iansenius. Hoc est selectæ Disputationes de Hæresi Pelagiana et Semipelagiana : deque variis statibus naturæ humanæ : et de Gratia Christi Salvatoris. In quibus vera de illis doctrina proponitur, et Cornelii Iansenii Iprensis falsa Dogmata refutantur. Selectore et Auctore Antonino Moraines, Sacræ Theologiæ Professore.

[Anti-Jansenius : choix de Dissertations sur l’hérésie pélagienne et semi-pélagienne, {a} sur les états divers de la nature humaine et sur la grâce du Christ Sauveur. Où est proposée la véritable doctrine à leur sujet, et sont réfutés les faux dogmes de Cornelius Jansenius d’Ypres. Ouvrage choisi et écrit par Antoninus Moraines, {b} professeur de théologie sacrée]. {c}


  1. V. notes [7], notule {b}, lettre 96, et [57] du Patiniana I‑4, pour Pélage et son hérésie.

  2. Pseudonyme anagrammatique de Jean Martinon (Brioude 1586-Bordeaux 1662), jésuite, régent de théologie puis recteur du collège de Bordeaux.

  3. Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1652, in‑fo de 723 pages, dédié au roi Louis xiv.

14.

« ainsi font les escrocs les plus madrés. »

15.

François Annat, jésuite (Estaing 1590-Paris 14 juin 1670) avait été ordonné prêtre en 1616. D’abord professeur de philosophie et de théologie au collège de Toulouse pendant 13 ans, il avait été appelé à Rome pour exercer les fonctions de censeur des livres publiés par les membres de la Compagnie. Revenu à Paris en 1652 comme provincial de France, il jouit d’une grande réputation de théologien. En 1654, il devint confesseur de Louis xiv et entra au Conseil de conscience. Il abandonna sa place lors de l’aventure du roi avec Mlle de La Vallière (v. note [12], lettre 735). Polémiquant avec Antoine ii Arnauld et Pierre Nicole, Annat fut un des adversaires les plus véhéments de Port-Royal et des jansénistes, et fit condamner par la Sorbonne les deux propositions qui provoquèrent la radiation d’Antoine ii Arnauld. Blaise Pascal lui adressa ses 17e et 18e Provinciales (janvier et mars 1657).

Annat contribua à faire déclarer par la bulle Ad sacram que les Cinq Propositions condamnées se trouvaient bien dans Jansenius : « Il n’est pas plus difficile, écrivait-il dans son Histoire des cas de conscience, de découvrir les Cinq Propositions dans le livre de Jansenius [v. note [16], lettre 321] que de voir une maison dans une ville ». Atteint de surdité, Annat demanda au début de 1670 l’autorisation de se retirer dans la maison professe de Paris. Le plus singulier de ses écrits de controverse est le Rabat-joie des jansénistes… (v. note [17], lettre 450) (G.D.U. xixe s.).

En 1652, trois ouvrages sont parus sous le nom du P. Annat, dont :

Augustinus a Baianis vindicatus libris viii in quibus ostenditur doctrinam iansenianiam longe distrare a doctrina S. Augustini…

[Saint Augustin vengé des Baïens, {a} en 8 livres, où l’on montre que la doctrine janséniste s’écarte fort de celle de saint Augustin…] {b}


  1. Habitants de Baïes, ville thermale de la Campanie antique, réputée pour les débauches qu’y faisaient les nobles Romains.

  2. Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, in‑4o de 915 pages. Le format et le sujet autorisent à penser qu’il s’agit du livre auquel Guy Patin faisait ici référence.

16.

En possession : en capacité.

17.

« l’Égypte d’Homère, ce sont peu de bonnes choses et beaucoup de mauvaises » :

La source homérique est dans L’Odyssée (chant iv, vers 227‑230), à propos d’un baume qui soulageait tous les chagrins :

τοια Διος θυγατηρ εχε φαρμακα μητιοεντα,
εσθλα, τα οι Πολυδαμνα πορεν, Θωνος παρακοιτις
Αιγυπτιν, τη πλειστα φερει ζειδωρος αρουρα
φαρμακα πολλα μεν εσθλα μεμιγμενα πολλα δε λυγρα.

[Hélène avait reçu ce médicament de Polydame, femme de Thôs qui régnait en Égypte, {a} où la terre féconde produit quantité de substances bienfaisantes et quantité de nocives].


  1. V. notule {b}, note [4] du Traité de la Conservation de santé, chapitre iii.

18.

« Sociennes » : mot bien lisible, mais obscur, que Guy Patin n’a pas souligné ; ce pourrait être un latinisme dérivé de sociennus, mot attesté par le Dictionnaire de Trévoux, qui lui donne le sens de compagnon, camarade ; ou moins probablement, une déformation de sociniens (v. note [13], lettre 127), sectaires protestants qui croyaient, comme les jésuites, au libre arbitre dans l’obtention de la grâce divine.

19.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 168 vo, 1er novembre 1652)

« Mademoiselle {a} a écrit à M. d’Erbigny, son surintendant, qui est demeuré ici, qu’il assurât S.A.R. {b} qu’elle n’allait ni à l’armée de M. le Prince, ni à Bruxelles, mais bien dans une de ses terres qu’elle ne nomme pas, et qu’elle en donnerait avis lorsqu’elle y serait arrivée ; mais un courrier arrivé ce soir a apporté nouvelles qu’elle est à Pont-sur-Seine, {c} qu’on appelle Les Caves, appartenant à feu M. de Chavigny, et qu’elle s’en va à Saint-Fargeau {d} en Bourgogne où sa Maison va la trouver. »


  1. Anne-Marie-Louise de Montpensier, fille aînée de Gaston d’Orléans.

  2. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  3. Dans l’actuel département de l’Aube, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Troyes.

  4. V. note [32], lettre 295.

V. note [48], lettre 294, pour les vaines tractations du duc d’Orléans avec la cour à Limours.

20.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 168 ro, 1er novembre 1652) :

« Le 23 du passé, le cardinal Mazarin fut se promener à Donchery {a} en attendant les ordres de la cour pour son retour à Paris ; touchant lesquels on tint Conseil au Louvre le 25 et l’on résolut de le laisser encore là pour quelque temps ; mais cette résolution ayant été sue, quantité de personnes de condition qui l’ont servi dans ces derniers mouvements et qui, avant son départ, avaient tiré des paroles et même des brevets de diverses grâces, dont ils ne doivent jouir qu’après son retour, les uns d’être faits maréchaux de France, les autres chevaliers de l’Ordre, etc., firent bruit de ce qu’on retardait ce retour ; et le Conseil ayant délibéré derechef là-dessus, la résolution fut prise de lui envoyer ordre de revenir. Son appartement est tout prêt au Louvre. » {b}


  1. Près de Sedan.

  2. Gêné dans ses mouvements par les troupes hispano-condéennes, le cardinal ne put revenir à Paris que le 3 février 1653.

21.

V. note [68] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine (1651‑1652) pour la visite de Guy et Robert Patin à Louis xiv le 29 octobre 1652, en compagnie du recteur, Claude de La Place.

22.

« sous la présidence du très illustre maître et docteur Emmanuel Stupan ».

Emmanuel Stupan (Bâle 1587-ibid. 1664) était le fils de Johann Nicolaus (v. note [57], lettre 216), à qui il avait succédé en 1621 comme professeur de médecine à Bâle.

23.

Avant d’être reçu docteur en médecine à Montpellier (10 juillet 1619), Henricus Grassus, Lausannensis, Helveticus-Gallus [Henri Gras, Franco-Suisse natif de Lausanne] avait disputé non pas une, mais deux thèses préparatoires à Bâle.

  1. V. note [57], lettre 216, pour la première, en 1614, sous la présidence de Johann Nicolaus Stupan.

  2. La seconde en 1615 (dont parlait ici Guy Patin) a aussi été imprimée :

    Auxiliante Trina-Monade, Υγιεινας και Πανακειας Prosatrice, Sequentia ενδοξα παραδοξα Philosophico-Medica Miscellanea : Amplissimi Phœbigenarum Ordinis, Celeberrimæ Helvetiorum βασιλειας indultu, Exercii gratia, Mystis Asclepiadeis discutienda proponit, et Præsid. Clariss. Viro, D.D. Emmanuele Stupano, Basil. Philosopho et Medico solertissimo, defendere conabitur Henricus Grassus Lausann. Helvetico-Gallus, Ad diem 14. Februarii, Anno 1615. in Medicorum Pastoforio.

    [Avec l’aide de la Trinité, mère d’Hygie et de Panacée, {a} suivent divers paradoxes médico-philosophiques célèbres. {b} Par autorisation de l’amplissime Ordre des disciples d’Apollon {c} en la très illustre ville de Bâle, à titre d’exercice pratique, Henri Gras, Franco-Suisse natif de Lausanne, propose aux aspirants asclépiades {d} de les discuter, et sous la présidence d’Emmanuel Stupan, très habile philosophe et médecin bâlois, il entreprendra de les défendre dans l’auditorium des médecins, le 14 février 1615]. {e}


    1. Déesses grecques de la santé : v. notes [2], lettre de Jean de Nully, datée du 31 janvier 1656, et [2] de l’Obervation x contre les apothicaires.

    2. Au nombre de douze.

    3. Des docteurs en médecine.

    4. Aux étudiants en médecine.

    5. Bâle, Johann Jakob Genath, in‑fo de 12 pages.

Entre autres dignitaires et amis, Henri Gras a dédié sa seconde thèse :

Henri Gras, né en 1593 à Lyon , était le fils aîné de Jean Gras, natif de Châteldon (Puy-de-Dôme) avant 1577, et de Jeanne Barro. La sœur de Henri, prénommée Clermonde, née en 1611, avait épousé Mathieu Spon, frère de Charles.

24.

« à part celle de sa propre sauvegarde. »

Journal de la Fronde (volume ii, fo 168 ro et vo, 1er novembre 1652) :

« Le 30 {a} S.A.R. {b} partit de Limours pour Chartres, où MM. de Beaufort, de Rohan, de Bury, de Fontrailles, et autres, l’ont suivie ; le premier ayant été conférer auparavant avec Mme de Mombazon à Rochefort, {c} qui n’est qu’à 2 lieues de Limours, et le second devant venir en cour dans peu de jours. L’on dit qu’il n’est demeuré auprès de S.A.R. que pour tâcher de la persuader de revenir à Paris ; à quoi l’on n’a pu l’obliger, à cause du retour du cardinal Mazarin. Cependant, elle a suivi, dans cet accommodement, l’avis de ce duc, et celui de M. Goulas, qu’on assure avoir achevé ce que M. de Chavigny avait commencé ; mais quelque bruit qu’on fasse courir de cette affaire, il est certain que S.A.R. n’a signé autre chose que l’amnistie, pour donner sûreté par ce moyen à la cour qu’elle ne voulait plus se mêler d’aucune chose. Il est vrai que le duc de Damville lui présenta une espèce de traité contenant 28 articles, dont il y en avait 24 contenus dans l’amnistie, qui en était seulement mieux expliquée. Les quatre autres étaient : 1. l’offre qu’on faisait à M. de Beaufort de cent mille livres à condition de ne venir point à Paris, ce qu’il a refusé ; 2. l’offre à Mme de Montbazon de lui donner une abbaye pour sa fille à même condition ; 3. le rétablissement de tous les présidents et conseillers exilés à condition de se conformer à l’amnistie et à l’autre déclaration qui fut vérifiée dans le Louvre ; {d} 4. la permission à Son Altesse Royale de lever des deniers à Blois pour en faire rétablir le pont que la cour fit rompre la dernière fois qu’elle en partit ; {e} mais elle {a} ne le veut point signer, ayant déclaré qu’elle ne prétendait rien et qu’elle se contentait de ce que le roi lui promettait de donner à ses amis la même liberté qu’à elle d’aller et venir à Paris si bon leur semble, et les rétablir dans leurs biens, à l’exception du sieur de La Louvière, à qui l’on doit donner dix mille écus de récompense pour son gouvernement de la Bastille sans l’obliger, ni lui, ni M. de Broussel, son père, à sortir de Paris parce qu’ils n’ont point de maisons à la campagne. » {f}.


  1. Octobre.

  2. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  3. Rochefort-en-Yvelines.

  4. V. note [34], lettre 294.

  5. Le 27 mars 1652.

  6. Le duc d’Orléans quitta Chartres pour Orléans le 2 novembre

25.

Bois-le-Vicomte est aujourd’hui Mitry-Mory (Seine-et-Marne, à 25 kilomètres au nord-est de Paris). Richelieu y avait construit un château en 1630, qui fut rasé en 1815.

Craignant la vindicte royale pour sa conduite à Orléans et à la Bastille, Mademoiselle était esseulée et désemparée (Mlle de Montpensier, Mémoires, première partie, volume 2, chapitre xvi, pages 204‑215) :

« Le lendemain matin, {a} il {b} me vint éveiller à huit heures et demie, et me dit que Goulas venait de lui écrire un billet pour lui dire que Son Altesse Royale était partie pour Limours et qu’elle lui commandait de l’aller trouver. Je l’envoyai, il trouva Monsieur près de Berny. Il descendit de carrosse et lui dit : “ Je vous ai envoyé quérir pour dire à ma fille, de ma part, qu’elle s’en aille au Bois-le-Vicomte et qu’elle ne s’amuse point à toutes les espérances que M. de Beaufort, Mme de Montbazon et Mme de Bonnelle lui pourraient donner de servir M. le Prince et de faire encore quelque chose de considérable, car il n’y a plus rien à faire. Vous savez que je suis plus aimé et plus considéré qu’elle ; l’on m’a {c} vu partir sans me rien dire. C’est pourquoi elle ne se doit attendre à rien et s’en aller. ”

Préfontaine lui dit : “ L’intention de Mademoiselle est de suivre Votre Altesse Royale et de ne la point quitter, ou de demeurer auprès de Madame. Quand la bienséance n’y serait pas, Votre Altesse Royale doit considérer que le Bois-le-Vicomte est une maison seule, au milieu de la campagne, et que les armées sont tout autour, qui pillent tout ce qui passe ; ainsi, les pourvoyeurs de Mademoiselle le seraient tous les jours ; et il n’y a pas plaisir, dans la conjoncture présente, de dépendre pour toutes choses de ces Messieurs les généraux. La bonté de Mademoiselle a fait qu’elle a permis, pendant cette guerre, que force gens se retirassent dans le château : il y a eu force malades ; de sorte qu’il faudrait un long temps pour en ôter l’infection qui y est. ” Monsieur lui dit : “ Je ne veux point qu’elle vienne avec moi ni qu’elle aille avec Madame ; elle est prête d’accoucher, ma fille l’importunerait. Pour le Bois-le-Vicomte, si elle n’y veut pas aller, qu’elle aille à quelque autre de ses maisons. […]

À Paris, l’on était fort en peine de savoir où j’étais, et à Blois aussi. J’avais écrit une lettre à Son Altesse Royale en partant de Paris, par laquelle je lui mandais que, puisque j’étais assez malheureuse pour qu’elle ne me voulût pas souffrir d’être auprès d’elle, je m’en allais en lieu de sûreté chez une personne de condition de mes amies attendre ce que deviendraient les affaires, et que je croyais que Son Altesse Royale m’ayant dénié sa protection, ne trouverait pas mauvais que j’en cherchasse parmi mes proches et mes amis. J’étais bien aise de mettre cela pour lui donner de l’inquiétude et du soupçon, croyant bien qu’elle ne manquerait pas d’entendre sur les parents et amis que je voulais dire M. le Prince et M. de Lorraine. Mme la comtesse de Fiesque, qui se doutait bien que je n’irais point au Bois-le-Vicomte, ne bougea de Paris et allait dire à tout le monde que j’étais allée en Flandre ; et sur cela me daubait comme il fallait au lieu de m’excuser. L’on fit force discours sur ce prétendu voyage. »


  1. 22 octobre 1652.

  2. Préfontaine, secrétaire de Mademoiselle, qui fut chargé de mettre au net ses Mémoires.

  3. Pourtant.

Mademoiselle était à Pont-Sur-Yonne, en chemin pour Saint-Fargeau (une centaine de kilomètres au sud, v. infra note [32]) ; pour tromper le monde, elle se contenta d’envoyer son bagage au château de Bois-le-Vicomte. Bien loin de faire sa paix avec la cour, le prince de Condé, à la tête d’une armée espagnole, entreprenait le siège de Sainte-Ménehould.

26.

« à dessein ». L’engagement de Mademoiselle dans la guerre des princes contre la cour avait définitivement anéanti toute espérance de la marier jamais à son jeune cousin, Louis xiv.

27.

La prévôté de l’Île était le quartier de l’île Saint-Louis, le 17e de Paris, créé en 1637 (v. note [2], lettre 286) ; son prévôt était prévôt des maréchaux à Paris (v. note [18], lettre 516).

28.

« comme la Lune au milieu des étoiles plus petites » ; Horace (Odes, livre i, xii, À Auguste, vers 46‑48) :

micat inter omnes
Iulium sidus velut inter ignes
Luna minores
.

[L’astre Julien {a} brille entre tous, comme la Lune parmi les étoiles plus petites].


  1. La bonne fortune des Césars.

V. notes [7], lettre 307, pour la Vie de Pierre Dupuy, et [19], lettre 280, pour les autres œuvres de Nicolas Rigault.

29.

« pour l’absolue destruction des gens de bien et de tout notre État. »

Tout ce passage (sauf le latin final) sur la maladie fatale d’Omer ii Talon se trouve, presque à l’identique, dans une lettre datée du 20 décembre 1652, adressée à Charles Spon dans Du Four (xli, pages 139‑141) et Bulderen (lxxi, tome i, 201‑203), et à André Falconet dans Reveillé-Parise (ccccviii, tome iii, 6‑8), qu’il faut considérer comme fabriquée (v. notes [a] et [27], lettre 299, et [1], lettre 304).

30.

Sainte Ursule est attachée à la légende des onze mille vierges, ses suivantes, que les Huns auraient martyrisées avec elles pour leur foi à Cologne aux ive-ve s. La Sorbonne en avait fait sa patronne au xiiie s. Sa fête est célébrée le 21 octobre.

31.

Guy Patin ignorait que de sombres nuages s’accumulaient sur la tête de Retz (Mémoires, pages 1092‑1093) :

« Je faisais état {a} de prêcher l’Avent, au moins les dimanches et les fêtes de l’Avent, dans les plus grandes églises de Paris ; et je commençai le jour de la Toussaint à Saint-Germain, {b} paroisse du roi. Leurs Majestés me firent l’honneur d’assister au sermon et je les en allai remercier le lendemain. Comme depuis ce temps-là, les avis que l’on me donnait de toutes parts multiplièrent, je n’allai plus au Louvre ; en quoi je fis, à mon opinion, une faute, car je crois que cette circonstance détermina plus la reine à me faire arrêter que toutes les autres. Je dis seulement que je le crois parce que pour le bien savoir, il serait nécessaire de savoir au préalable si M. le cardinal Mazarin avait ordonné que l’on m’arrêtât ou si simplement il l’approuva quand il vit que l’on y avait réussi. Je ne le sais pas précisément, les gens de la cour même m’en ayant depuis parlé fort différemment. »


  1. Je prévoyais.

  2. Saint-Germain-l’Auxerrois.

Mazarin avait en fait conseillé secrètement à la reine l’arrestation de Retz. Il avait attendu qu’elle fût faite pour rentrer à Paris afin qu’elle ne lui fût pas imputée (car il était lui aussi cardinal). Les principaux griefs invoqués contre Retz – les contacts qu’il aurait repris avec Condé depuis qu’il avait été mis hors la loi – ne furent jamais prouvés. En fait, ce fut une arrestation préventive (Bertière a) ; elle eut lieu au Louvre le 19 décembre.

32.

Saint-Fargeau (Yonne), est une trentaine de kilomètres à l’est de Briare, d’où, en passant par Gien, on se rend à Orléans en longeant la Loire. La petite ville demeure célèbre pour son splendide château qui était alors une propriété de la Grande Mademoiselle qui la trouvait bien située mais fort misérable (Mlle de Montpensier, Mémoires, première partie, volume 2, chapitre xvi, pages 223‑228) :

« Après avoir furieusement raisonné avec Saint-Mars, la conclusion fut que par nulle raison je ne devais m’embarquer à faire aucun acte d’hostilité contre la cour, à moins qu’elle me poussât au dernier point ; que Son Altesse Royale m’avait ordonné de m’en aller en une de mes maisons ; que je m’en irais à Saint-Fargeau ; que j’avais regardé avec soin sa situation ; que j’avais reconnu qu’elle était proche de toutes choses ; qu’elle n’était qu’à trois journées de Paris pour en avoir des nouvelles, et à pareille distance de Blois, pour sauver les apparences de ce côté-là, car je savais assez dès ce temps-là à quoi m’en tenir ; et qu’en quatre jours tout au plus l’on allait et venait de Saint-Fargeau à Stenay qui était un lieu où apparemment M. le Prince passerait les hivers ; ainsi, que j’étais proche du monde, de mes amis et de ceux qui devaient l’être, et pourtant dans le plus grand désert du monde parce que Saint-Fargeau étant un lieu peu connu, l’on croirait que j’étais dans un autre monde.

[…] Nous arrivâmes à Saint-Fargeau à deux heures de nuit, il fallut mettre pied à terre, le pont étant rompu. J’entrai dans une vieille maison où il n’y avait ni porte, ni fenêtres, et de l’herbe jusqu’aux genoux dans la cour. J’en eus une grande horreur. L’on me mena dans une vilaine chambre où il y avait un poteau au milieu. La peur, l’horreur et le chagrin me saisirent à tel point que je mis à pleurer : je me trouvais bien malheureuse, étant hors de la cour, de n’avoir pas une plus belle demeure que celle-là et de songer que c’était le plus beau de tous mes châteaux, n’ayant pas de maison bâtie. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er novembre 1652

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(Consulté le 25/04/2024)

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