Je vous écrivis le mardi 10e de juin par la voie de M. Huguetan. Depuis ce temps-là, nous avons ici la confirmation de la prise de Bellegarde, [1][2] faute de poudre à canon, et de vin, et de plusieurs autres choses nécessaires. Le prince de Condé [3] est toujours à Bruxelles, [4] incertain de ce qu’il fera l’été prochain. Le maréchal de Turenne [5] partira dans peu de jours pour aller commander l’armée du roi en Champagne. [2]
Nous avons ici eu et vu, le jour de la fête du Saint-Sacrement, [6] une belle et grande procession [7] en notre paroisse, à laquelle le roi, [8] la reine [9] et le Mazarin, [10] et plusieurs évêques suivant la cour et cherchant fortune, ont assisté fort pieusement et avec une dévotion fort exemplaire. Il faisait moult beau voir cette belle et riche compagnie. Toutes les paroisses ont fait à l’envi les unes des autres, [3] et a fait très beau par tout Paris, ce beau et dévot jour 12e de juin.
Ce même jour, les abbés et moines de Sainte-Geneviève [11] eurent grosse querelle contre le curé et les marguilliers de Saint-Étienne [12] leur voisin. [4] Enfin les moines l’emportèrent, ils eurent l’honneur de la procession ; laquelle achevée, ils rapportèrent sur l’autel de Saint-Étienne le Saint-Sacrement et se retirèrent. Aussitôt les paroissiens crièrent qu’ils n’en voulaient point avoir l’affront, qu’ils voulaient refaire une procession où les moines ne fussent point, ce qui fut fait. Ainsi le bon Dieu eut la peine de retourner pour une deuxième fois à la procession ; et tout cela n’est que zèle du service de Dieu, d’où s’ensuit un gros procès ; et la gorge du juge en fumera. [5] Il y eut pareillement du bruit à Saint-Sulpice pour quelque préséance, et y eut des épées tirées. [6][13]
La diète de Ratisbonne [14] a déclaré roi des Romains [15] le fils aîné [16] de l’empereur, [7][17] combien que le conseiller d’État nommé M. de Vautorte, [18] que l’on y a envoyé de deçà pour tâcher de l’empêcher, n’y soit point encore arrivé. [8] Voyez comment le Mazarin a de bons avis, et bien politiques, aussi bien que de bons amis.
Mais voici bien une autre affaire : les jésuites [19] montrent et font voir une bulle [20] obtenue du pape [21] il y a quatre ans, par laquelle il leur concède indulgence plénière [22] pour tous ceux et celles qui visiteront leurs maisons et églises le troisième dimanche de chaque mois, à la charge qu’ils y auront été confessés et communiés (et qu’ils n’oublieront pas de mettre dans le tronc, cela s’entend : Curia vult marcas, bursas exhaurit et arcas : si bursæ parcas, fuge Papas et Partiarchas). [9] Les curés, étonnés de cette nouveauté, sont allés trouver le nonce du pape, [10][23] ont protesté contre cette bulle, prient le pape de parler là-dessus : si cette bulle est vraie, de la rétracter à cause des conséquences ; si elle est fausse, de punir les jésuites ; sinon, qu’ils s’en plaindront au roi et au Parlement. [11] Du côté des curés se rangeront la plupart de leurs paroissiens, la Sorbonne, [24] les jansénistes, [25] les ennemis des jésuites, les politiques [12] qui ne prétendent rien au paradis du P. Ignace, [26] et même le Parlement. Si les jésuites entreprennent de soutenir cette affaire malgré tant d’adversaires, par le moyen du confesseur du roi, [13][27] peut-être du Mazarin, ut illos habeat sibi faventes, [14] et autres petits tours de souplesse que ces passefins savent tant bien, nous verrons une belle guerre de gens désarmés ; principalement d’autant que l’on tient que les autres moines [28] se déclareront contra gregem Loyolæ. [15] Les jacobins ont le rosaire, [29][30] les cordeliers [31] le cordon de saint François, [32] les augustins la ceinture de sainte Monique, [33][34] les carmes ont le saint et benoît scapulaire, [35] et tout cela belles petites inventions pour attraper de l’argent, a mulierculis quas ducunt in captivitate, bene nummatis et multiplici peccato oneratis. [16] Toutes ces souplesses de dévotion ont été nommées par les anciens, piæ fraudes et doli industrii. [17] Je me souviens d’avoir autrefois lu quelque chose de beau sur cela dans le livre du savant Casaubon [36] adversus Annales Eccleciasticos Card. Baronii. [18] N’avez-vous jamais lu ce beau livre ? Ô qu’il est excellent ! Si vous ne l’avez point, je vous prie de me le mander afin que je vous en cherche un. [19] Si ce bon homme ne fût point mort, il avait dessein de réfuter Baronius [37] par douze volumes entiers, ha que cela serait beau ! Pour les Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius, si vous m’en demandez ce que j’en crois, je suis de l’avis de Pierre Pithou [38] qui avait écrit sur le dos ou à l’entrée de son premier tome cette parodie térentianne : [39]
Cardinalis Baronius quum primum animum ad scribendum appulit,
Id sibi negoti credidit solum dari,
Papæ ut placerent quas scripsisset fabulas. [20]
Tous ces grands volumes pleins de mensonges mériteraient bien d’être réfutés, mais il faudrait ad Herculeum illum laborem [21] un tel docteur que M. de Saumaise, [40] qui m’a dit lui-même autrefois que, quelque habile que puisse être un homme, s’il est seul et sans secours d’autrui, il ne peut réussir en ce travail s’il n’a en son pouvoir une grande bibliothèque, telle qu’est la Vaticane [41] à laquelle présidait ledit Baronius, in cuius stabulo repurgando opus est altero Hercule, et viro ingeniosissimo. [22]
Le prince de Conti [42] a découvert une nouvelle conspiration dans Bordeaux [43] pour le roi. Il a fait arrêter un avocat nommé Chevalier [44] qui a été saisi d’une lettre, laquelle a expliqué tout le secret. Ce pauvre avocat en a été pendu et étranglé, et deuxconseillers qui étaient de la partie se sont sauvés et ont fort bien fait. [23] D’ailleurs, un gentilhomme du pays nommé M. de Lusignan, [45] envoyé par le prince de Conti en Espagne, a rapporté que le secours pour Bordeaux était à Saint-Sébastien, [24][46] tout prêt de partir pour venir à Bordeaux, et que tout au plus tard, il partirait le 12e de ce mois. Cela n’a pas empêché que les Bordelais n’aient renvoyé à Londres y presser encore le secours qu’on leur a fait espérer et y ont envoyé une requête signée de toutes les communautés de la ville. [25]
Le maréchal de Turenne est parti d’ici pour aller commander son armée de Champagne le lundi 16e de juin [Falsum, [26] il est encore ici, ce n’est que son train qui est parti], content de la cour en tant qu’il a obtenu le gouvernement de Limousin, dont il a prêté serment, par la démission du duc de Damville, [47] à qui on a donné, de bon argent comptant, l’évêché de Pons [48][49] à un de ses frères qui a été jésuite, [50] et promesse d’une abbaye à un autre frère qui est chanoine de Notre-Dame de cette ville. [27][51][52]
Les jésuites et consorts se vantent ici fort hautement qu’ils auront bientôt de Rome un jugement favorable contre les jansénistes, du parti desquels il y en a trois des plus habiles à Rome, qui y font tout ce qu’ils peuvent pour se défendre. Ces pauvres gens seront assez malheureux pour être condamnés, dans l’iniquité présente du siècle, par un pape qui est fort ignorant et qui ne connaît non plus dans ces difficultés de théologie qu’un aveugle aux couleurs. [28][53]
L’affaire de la citadelle d’Amiens [54] n’est pas encore achevée : M. le chevalier de Chaulnes, [55] frère du défunt, [56] ne veut point en sortir qu’il n’ait touché de l’argent ; on dit que quand le Mazarin l’aura, qu’il y enverra prisonnier le cardinal de Retz [57] sous la garde de M. de Bar [58] qui a autrefois gardé les trois princes dans Le Havre-de-Grâce. [29][59]
On dit ici que les gentilshommes de Nivernais se voyant fort maltraités de quelques soldats qui ravageaient tout, se sont soulevés contre eux, et qu’ils ont mis en pièces la compagnie de la reine et qu’ils ont même poursuivi M. Foullé, [60] intendant de justice dans la province et maître des requêtes, qui s’est sauvé dans Nevers. [30][61]
Je vous prie de me mander (si vous le savez, sinon de vous enquérir) ce que c’est qu’un livre intitulé Flores temporum, in‑fo, imprimé à Genève. Si c’est un livre d’histoire ou de chronologie, et qui ait votre approbation, vous m’obligerez fort si vous voulez prendre la peine de m’en vouloir acheter un. Il a été dit en passant, en ma présence, que c’était un fort bon livre et n’en ai pu savoir davantage. Je n’ai jamais vu ce livre et n’en ai ouï parler que cette fois-là. [31]
Votre échevin de Lyon [62] nommé M. Paquet [63] est enfin heureusement guéri. Il a pris la peine de me venir voir céans ce matin et a été fort étonné de la quantité de mes livres. [64][65] Comme il considérait mon tableau, [66] je lui ai dit que vous en aviez voulu avoir un pareil chez vous, que je vous avais envoyé il y a quelques années, que vous étiez mon bon ami et que je vous écrivais souvent des nouvelles de deçà. Il m’a bien promis de vous voir quand il sera de retour à Lyon et qu’il vous demandera souvent de mes nouvelles. Il fait grand état de M. Gras, de vous et de M. Falconet, mais il méprise fort M. de La Guilleminière : [67] il dit qu’il ne mérite point la réputation qu’il a dans Lyon, mais que ce sont Messieurs vos gouverneurs qui la lui ont donnée. Quoi qu’il en soit, il est bien content de moi et moi de lui.
Ce 19e de juin. Mais voilà votre belle lettre que je reçois, dont je vous remercie. Je suis bien aise que votre jeune apothicaire s’en soit retourné content. Je vous prie de lui faire mes très humbles recommandations quand vous le verrez. M. Des François [68] a raison de ce qu’il vous a dit de Vallot : [69] le Mazarin en a touché 70 000 livres et Vautier [70] en avait donné l’an 1646, à la mort de feu M. Cousinot, [71] 60 000 livres. [32] J’ai vu céans M. de Liergues [72] et me suis bien souvenu du factum de M. de Monconys que je pense vous avoir autrefois envoyé. [33] Dès que M. Rigaud [73] aura travaillé, je vous prie de m’en envoyer la première feuille. [34][74] Je vous prie de m’indiquer où c’est que Gaspard Bauhinus [75] a fait cette animadversion sur l’herbier de Daléchamps. [35][76] Je suis bien aise que le blé soit ramendé à Lyon, il est ici à fort bon compte. Je baise les mains à MM. Gras, Falconet et Garnier. Si M. Seignoret [77] ne trouve point vos livres de Vallesius [78] à Genève, il y aura moyen de vous les envoyer de deçà. Ne manquez point, s’il vous plaît, de me le mander dès que vous saurez ce qu’il en aura fait. On dit ici que ceux de Bordeaux se résolvent de prendre l’amnistie que le roi leur a offerte, voyant que le prince de Conti n’a point le crédit de leur faire venir du secours d’Espagne. Il est vrai qu’il y a des vaisseaux à Saint-Sébastien, mais il y a si peu de soldats dedans que c’est folie à ceux de Bordeaux de s’y attendre. [36] Quand Bordeaux sera rendu et le prince de Condé tout à fait humilié, on croit ici que le Mazarin commencera à se venger et à faire le méchant plus que jamais, dont Dieu nous garde. M. le comte de Charost, [79] gouverneur de Calais, [80] a mandé ici que les Hollandais étaient aux mains avec les Anglais depuis cinq jours. [37][81][82] Bref, le diable est partout, mais je ne sais qui enfin sera le maître.
Je me recommande un million de fois à vos bonnes grâces, avec protestation que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Guy Patin.
De Paris, ce vendredi 20e de juin 1653.
M. Paquet me promet de vous faire rendre la présente à Lyon en main propre, c’est lui-même qui me l’a demandé.
Journal de la Fronde (volume ii, fo 228 vo, Paris, 13 juin 1653) :
« Le maréchal de Turenne doit partir dans quatre ou cinq jours pour aller à Fismes {a} où il doit s’aboucher avec le maréchal de Senneterre pour conférer sur les desseins de la compagnie. Son armée sera composée de 13 régiments d’infanterie et 33 de cavalerie, et huit compagnies d’ordonnance, sans les troupes de M. de Senneterre ; cependant, {b} l’armée s’assemble et les magasins de vivres se font à Épernay, Reims et Chalons. Un courrier arrivé hier au soir porta nouvelles que les Espagnols s’assemblent par-delà Neuf-Fossé {c} du côté d’Ardres, {d} où ils ont paru au nombre de quatre à cinq mille hommes. »
- V. note [14], lettre 539.
- Pendant ce temps.
- À la limite entre Flandres et Artois.
- 14 kilomètres au sud-est de Calais.
La cour séjourna à Compiègne du 16 au 19 juillet, avant de revenir à Paris le 30 juillet en étant passée par La Fère, Marle, Ribemont et Soissons (Levantal).
À l’envi : à qui mieux mieux ; l’envi « est l’argent qu’on met au jeu pour enchérir sur son compagnon » (Furetière), soit la surenchère.
La paroisse Saint-Étienne était l’actuelle église Saint-Étienne-du-Mont. Elle jouxtait l’abbaye Sainte-Geneviève, sise sur ce qu’est aujourd’hui le lycée Henri iv, place du Panthéon (ve arrondissement de Paris).
Peut-être une allusion à la fauconnerie où l’on appelle gorge chaude « la viande chaude qu’on donne aux oiseaux du gibier qu’ils ont pris » (Furetière).
Phrase ajoutée par Guy Patin dans la marge.
L’église Saint-Sulpice, dans le faubourg Saint-Germain, se situait sur le terrain de l’actuelle église qui était alors en cours de construction. Un séminaire de même nom, démoli en 1811, s’élevait sur le terrain maintenant occupé par la place Saint-Sulpice. Établi en 1645 par Jean-Jacques Olier (1608-2 avril 1657), on y formait les prêtres de la Compagnie homonyme, les sulpiciens. « Les sulpiciens ne font point de vœux ; mais tous les ans à certain jour après la messe, qui ordinairement est célébrée dans le séminaire de Paris par un prélat, tous les séminaristes, chacun à son rang, à genoux devant le célébrant, renouvellent les promesses qu’ils ont faites à Dieu de le prendre pour leur héritage en entrant dans la cléricature, et prononcent ces paroles du Psaume 15 (verset 5), Dominus, pars hereditatis meæ et calicis mei, tu es qui restitues hereditatem meam mihi [Seigneur, tu es mon partage et ma coupe, tu es celui qui tient en mains mon destin], comme on fait en recevant la tonsure » (Trévoux).
Journal de la Fronde (volume ii, fo 228 vo, 13 juin 1653) :
« L’on a nouvelles par voie extraordinaire que l’on fit à Ausbourg, le 31 du passé, l’élection du roi des Romains, {a} lequel en a écrit au roi. »
Ferdinand iv de Habsbourg (Vienne 1633-9 juillet 1654) était le fils aîné de l’empereur germanique Ferdinand iii (v. note [11], lettre 44). Déjà roi de Bohème (1646) et roi de Hongrie (1647), il accomplissait ce pas supplémentaire vers la succession de l’Empire. Ferdinand iv mourut pourtant avant son père (décédé le 1er avril 1657), laissant la couronne à son frère cadet, Léopold-Ignace (élu empereur en juillet 1658 sous le nom de Léopold ier, v. note [8], lettre 432).
François Cazet de Vautorte (1607-23 avril 1654) avait débuté comme intendant dans l’armée de Turenne. En 1645, il était entré dans la diplomatie comme ambassadeur extraordinaire près de la diète germanique. Il a lui-même relaté l’élection du roi des Romains, avec toute la complexité des relations internationales et des préséances entre les électeurs, dans ses lettres à M. de Brienne (Négociations secrètes touchant la paix de Münster et d’Osnabrück… Tome troisième… De plus les négociations secrètes de M. de Vautorte, ambassadeur de Sa Majesté très-chrétienne auprès de la Diète de Ratisbonne depuis le 10e de novembre 1645 jusqu’au 23e d’avril 1654. La Haye, Jean Neaulme, 1726).
« J’arrivai ici le 27e, j’en pars demain. La révolte des paysans du canton de Berne, qui arrêtent les étrangers à tous les passages, m’a empêché de faire une plus grande diligence. On dit ici que l’empereur et les électeurs sont à Augsbourg dès le 20e pour élire le roi des Romains. Cette affaire sera bientôt finie si elle a été résolue dès Prague, comme on croit. Cependant, quelques princes < électeurs> s’ennuient à Ratisbonne et se retirent ; et on dit que l’empereur n’en est pas fâché et que de tous les électeurs, celui de Mayence seul y retournera. Je les verrai à Augsbourg ou dans leur chemin, et ne ferai aucune difficulté de visiter le roi de Hongrie en qualité de roi des Romains après son élection, s’il n’y a aucune apparence qu’elle puisse être contestée. L’empereur ne me recevrait pas si je refusais de faire cette visite, et les affaires ni la bienséance ne me permettent pas de la différer beaucoup de temps, pour attendre l’ordre du roi. Je serais très aise de le recevoir avant l’élection et souhaite qu’elle soit retardée jusqu’à temps que j’aie votre réponse à cette lettre. […] Je ne désire pas m’éloigner trop d’Augsbourg, afin que l’électeur < Palatin > ne me puisse échapper, et je veux voir l’empereur avant que d’entrer dans Ratisbonne. »
« J’arrivai ici le 8e de ce mois et je m’y arrêterai jusqu’après le couronnement du roi des Romains qui se doit faire à Ratisbonne le 18e. Le prétexte que je prends pour mon retardement est véritable : car la longueur du voyage a tellement défait mon équipage et la difficulté de trouver une maison meublée dans Ratisbonne est si grande qu’il serait difficile que j’y pusse arriver avant le couronnement.
L’élection a été faite ici le 31e de mai par les trois électeurs ecclésiastiques, par le roi de Bohème, par l’électeur Palatin et par les députés des électeurs de Bavière, de Saxe et de Brandebourg, qui étaient précédés par l’électeur palatin, quoiqu’il l’eût été par leurs maîtres. Je ne vous mande point les cérémonies de cette action ni plusieurs autres particularités inutiles. L’empereur avait gagné les électeurs à Prague il y a plus de dix mois, et les autres États n’ayant pu obtenir que l’ouverture de la Diète se fît avant cette élection, se sont enfin contentés de la promesse que l’empereur a faite de leur donner satisfaction sur leurs demandes raisonnables après l’élection, comme il aurait fait auparavant ; de sorte qu’elle a été faite d’un commun consentement et tous les ambassadeurs en ont témoigné de la joie, et ont fait de grands compliments au nom de leurs maîtres à l’empereur, au roi de Hongrie et aux électeurs, outre le compliment de ceux que la reine de Suède a envoyés, l’un pour la Poméranie et l’autre pour l’archevêque de Brême, n’y en ayant point encore de la part de la Couronne de Suède. Elle a écrit une lettre aux électeurs pour leur recommander le roi de Hongrie, en cette occasion. Cette lettre, qui n’a été présentée qu’un jour avant l’élection, a fait d’autant plus d’éclat qu’elle était moins attendue, et l’empereur et les électeurs en ont témoigné beaucoup de joie. L’ambassadeur de Pologne qui est venu pour demander à l’empereur et aux États quelques secours, a fait le même office au nom de son maître. Il désirait le faire dans le Collège électoral, mais les députés des trois électeurs absents ayant désiré qu’il les traitât d’excellences, il ne l’a pas jugé à propos et s’est contenté de voir les électeurs sur ce sujet dans leurs maisons. Je rencontrerai cette même difficulté lorsque je demanderai audience au Collège électoral. Je n’ai vu personne qui ait pu me la résoudre, et je ne sais si j’en serai mieux instruit à Ratisbonne. Je vous supplie, Monsieur, très humblement de m’envoyer un ordre sur ce sujet. Si je ne puis l’attendre, je m’informerai le plus soigneusement qu’il me sera possible de ce qui s’est fait en semblables occasions et ne ferai rien sans exemple. Je ne doute point que vous ne m’envoyiez au plus tôt des lettres du roi pour l’empereur et le roi des Romains, sur son élection, et sans les attendre, je ne laisserai pas de leur en faire compliment au nom de Sa Majesté. […] L’empereur et le roi de Hongrie retournèrent à Ratisbonne dès le 2nd de ce mois pour voir l’impératrice qui y était accouchée d’une fille en leur absence. Les trois électeurs ecclésiastiques partirent d’ici deux jours après pour aller voir le duc de Bavière à Munich, d’où ils retourneront à Ratisbonne ; de sorte que je n’ai trouvé ici que l’électeur Palatin ; Madame sa femme y est accouchée depuis quinze jours d’un fils qui est mort deux jours après. Ce n’est pas la seule cause de son retardement en cette ville : il est encore en doute s’il retournera à Ratisbonne pour assister au couronnement du roi des Romains, ou s’il s’en retournera d’ici à Heidelberg. Cela dépend de la résolution de l’empereur, qu’il attend à tous moments, sur une prétention qu’il a d’entrer dans l’Église ; et l’empereur, qui croyait que cette fonction dans l’Église dépendait de lui, l’avait fait espérer à l’électeur palatin, afin qu’il eût quelque chose à faire dans cette cérémonie qui eût quelque rapport à la couronne qu’il lui a permis de mettre dans ses armes. Je crois qu’il y a encore quelques autres petits points dont je ne suis pas informé. Si l’électeur Palatin retourne à Ratisbonne, il y fera peu de séjour. Il croit que les électeurs de Cologne et de Trèves ne s’y arrêteront pas aussi longtemps, ni les autres princes qui s’y ennuient depuis cinq ou six mois, n’y ayant rien fait qu’une dépense excessive. L’empereur promet d’y être jusqu’à la fin du mois de septembre, et l’électeur de Mayence jusqu’à la fin de la Diète, de laquelle on n’espère aucun bon succès. J’ai visité ici M. l’électeur Palatin le 9e de ce mois et il m’a rendu visite l’11e. Après avoir lu la lettre du roi dont j’étais chargé pour lui et avant de me donner audience, il m’a fait faire dans ma maison par son secrétaire un éclaircissement sur deux points ; mais fort civilement et sans aucune contestation. Le premier est pour la qualité de cousin que le roi lui donne. Il appréhendait que le roi ne donnât celle de frère aux électeurs de Bavière et de Brandebourg, et s’est contenté quand il a su que Sa Majesté ne faisait aucune différence entre lui et eux. Il m’a dit qu’on m’en parlerait à Ratisbonne et qu’il ne demandait que ce qu’on donnerait aux autres. Je ne me suis point expliqué et ai seulement répondu que le roi écouterait volontiers tout ce qui lui serait proposé de la part des électeurs, et que Sa Majesté prendrait toujours beaucoup de soin de leur donner toute sorte de contentement. Le second point est pour la main droite {a} dans la Maison des électeurs. Il m’a fait dire que celui de Cologne avait publié à Ratisbonne que j’avais ordre de la lui donner et que celui de Bavière, qui viendra bientôt à Ratisbonne, aurait aussi la même prétention ; quoique tous les autres électeurs ne fassent maintenant à Ratisbonne et n’aient fait à Prague aucune difficulté de donner dans leurs maisons la main droite aux ambassadeurs de rois. Il a ajouté qu’il n’approuve pas, ni ses collègues aussi, la prétention de l’électeur de Cologne qui est contraire à l’usage, mais qu’il ne désire souffrir aucune différence et qu’on doit accorder à tous ce qu’on voudra donner à l’un des électeurs. J’ai répondu que de la façon que l’électeur de Cologne s’est expliqué à la cour sur ce point, on avait compris qu’il n’avait cette prétention que dans le lieu où se tient la Diète et que nous n’y étions pas maintenant, et qu’on avait cru aussi à la cour que cette prétention était commune à tous les électeurs dans la Diète, et non particulière à l’électeur de Cologne, contre l’usage, et contre ce que font maintenant ses collègues à Ratisbonne ; que le roi ne voulait pas mettre une différence si notable entre les électeurs et que je n’avais point d’ordre de faire en ce cas ce qu’un seul désirait ; que j’écouterais à Ratisbonne ce qu’on me dirait sur ce point et que je n’accorderais rien à l’électeur de Cologne que je ne lui accordasse aussi et que ce qui aurait été accordé dans les diètes précédentes, ou dans celle-ci par les ambassadeurs des autres rois. Il s’est contenté de ma réponse et m’a donné la main droite, puisque les électeurs de Mayence et de Trèves la donnent aussi dans Ratisbonne à l’ambassadeur d’Espagne, qui n’a point vu celui de Cologne. Je ne puis le contenter sans me soumettre à rendre le même honneur à tous ses collègues qui ne le demandent pas, et il est peut-être plus à propos de ne le voir point que de faire cette nouveauté sans aucune utilité évidente. L’électeur Palatin témoigne dans ses discours beaucoup de passions et de jalousie contre la Maison de Bavière, et se plaint, quoique fort civilement, du traitement que sa Maison a reçu de la France depuis trente ans. Il m’a dit par raillerie que les soins qu’on avait pris de gagner les électeurs de Mayence et de Bavière avaient assez mal réussi, et m’a fait connaître que celui de Mayence était maintenant dans les intérêts de la Maison d’Autriche. Je lui ai répondu que le roi ne désirait rien des électeurs, après la paix, qui les éloignât de ce qu’ils doivent à l’empereur, et que Sa Majesté ne demandant que la raison et le repos de l’Empire, travaillait pour leur propre intérêt ; que celui de la Maison Palatine avait toujours été très considéré par le roi, qui avait fait tout ce qu’il avait pu pour son rétablissement, et que Sa Majesté désirait lui témoigner son amitié en toutes occasions, s’y sentant obligée (outre les anciennes considérations) par la raison nouvelle du voisinage et par l’estime qu’elle fait de sa personne. Il m’a répondu avec beaucoup de respect et de civilité, et il me semble aussi que sa faiblesse et l’état présent de ses affaires le feront pencher du côté de l’empereur, si les autres électeurs lui en donnent l’exemple. »
- Honneur fait à une personne en la plaçant à sa droite.
Ces quatre vers sont extraits d’une compilation établie en 1512 par Nicolas de Dresde (chef de l’École allemande de Prague), intitulée Tabulæ veteris et novi coloris seu cortina de Antichristo [Tables de l’ancienne et de la nouvelle couleur, ou oracle sur l’Antéchrist] ; {a} ils ont été repris dans quelques ouvrages publiés au début du xviie s. où Guy Patin avait dû les relever :
Curia vult marcas, bursas exhaurit et arcas,
[La curie {b} veut des écus, elle vide les bourses et les coffres. Fuis les papes et les patriarches si tu veux ménager ta bourse. Si tu leur donnes tes écus et remplis leurs coffres, tu seras absous de tes fautes, de quelque façon qu’elles te puissent lier].
si bursæ parcas, fuge papas et patriarchas,
si dederis marcas, et eis impleveris archas,
culpas solveris quacumque ligatus eris.
- Antonie Jan Lamping, Ulrichus Velenus, Oldrich Velensky, and his treatise against the papacy [Ulrichus Velenus, Oldrich Velensky, et son traité contre la papauté], Leyde, E.J. Brill, 1975, pages 105‑107.
- V. note [8] du Borboniana 1 manuscrit.
Journal de Louis Gorin de Saint-Amour (1662, v. note [22], lettre 752) a donné la Relation de ce qui s’est passé en l’assemblée de Messieurs les Curés de Paris, le lundi 9 juin 1653, et au Conseil du Roi le mercredi d’après, au sujet d’icelle (sixième partie, chapitre xxix, pages 542‑546), ainsi résumée par Laure Jestaz :
« Elle touchait “ une certaine bulle du 5 février 1649, obtenue sans doute par surprise et tenue cachée durant quatre ans, qui se trouve concédée aux églises des jésuites et à toutes autres églises étrangères qu’il leur plaira, de certaines communions, qu’elles appellent générales, à faire dans lesdites églises […] le troisième dimanche de chaque mois, en laquelle les communiants garderont indulgence plénière qu’ils pourront appliquer aux âmes de Purgatoire. ” L’assemblée décida de députer à Rome pour supplier le pape de révoquer cette bulle. Quatre curés furent nommés pour aller parler au nonce, “ et fut ajouté que s’il n’y était apporté remède par Sa Sainteté, il serait interjeté appel comme d’abus au Parlement de l’exécution de ladite bulle, et que les curés seraient contraints de prêcher publiquement contre les abus et pernicieuses conséquences d’icelle. ” La rencontre eut lieu le mardi 10 juin. Le lendemain ils reçurent avis du roi, par l’intermédiaire du chancelier, de ne plus se mêler de cette affaire. »
Terme à prendre sans doute dans son sens restreint : « Dans les troubles de la Ligue il y avait les politiques, qui étaient du parti du roi contre les ligueurs » (Furetière).
« pour qu’il se gagne leur faveur ».
« contre le troupeau [d’Ignace] de Loyola. »
« des donzelles qu’ils mènent en captivité, bien riches et chargées de beaucoup de péchés » : latin que Guy Patin a déjà utilisé en partie à propos du scapulaire des carmes (v. note [12], lettre 311) ; benoît est à prendre ici pour bénit.
Tous les autres attributs que citait Patin appartenaient aussi à l’habillement des moines : le rosaire est le « chapelet composé de cinq ou quinze dizaines de grains pour réciter autant d’Ave Maria à l’honneur de la Vierge. Les jacobins ont établi la Confrérie du rosaire dont ils font la fête les premiers dimanches du mois ; mais le P. Luc d’Achery prouve que le rosaire était dêjà en usage dès l’an 1100 et qu’ainsi, l’Ordre de saint Dominique n’a servi depuis qu’à le rendre plus célèbre » (Furetière). « En termes de dévotion, le cordon saint François est un certain cordon garni de nœuds que portent les confrères de la confrérie instituée à l’honneur de ce saint ; les indulgences du cordon saint François » (Furetière). Sainte Monique était la mère de saint Augustin, en son souvenir, les moines augustins portaient une ceinture de cuir sur un froc noir.
« pieuses fourberies et ruses zélées. »
« Contre les Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius » :
Isaaci Casauboni de Rebus sacris et ecclesiasticis exercitationes xvi. Ad cardinalis Baronii Prolegomena in Annales et primam eorum partem, de D.N. Iesu Christi nativitate, vita, passione, assumtione ; ad Iacobum, Dei gratia, Magnæ Britanniæ, Hiberniæ etc. regem serenissimum. Cum Prolegomenis auctoris, in quibus de Baronianis Annalibus candide disputatur. Accessit versio latina rarum sententiarum et dictionum Græcarum quarum interpretatio ab authore in prima editione certo consilio fuit prætermissa.[Seize Essais d’Isaac Casaubon sur les affaires sacrées et ecclésiastiques. Contre les prolégomènes des Annales du cardinal Baronius {a} et leur première partie, sur la nativité de notre Seigneur Jésus-Christ, sa vie, sa passion, son assomption ; dédicacées à Jacques, par la grâce de Dieu, roi sérénissime de Grande-Bretagne etc. {b} Avec des Prolégomènes de l’auteur où on dispute candidement sur les Annales baroniennes. On y a ajouté la traduction en latin de phrases et mots grecs rares que l’auteur a délibérément omis de traduire dans la première édition]. {c}
- V. note [6], lettre 119.
- Le roi Jacques ier.
- Londres, Ioan. Billius, 1614, in‑4o de 773 pages pour la première édition.
Guy Patin pouvait renvoyer à la fin du chapitre lxx, Exagitatur vanitas pronuntiantum de arbore in qua Judas se suspendit [Critiquant le mensonge de ceux qui se prononcent sur l’arbre auquel Judas {a} s’est pendu], de l’Exercitatio xvi (pages 600‑601) :
Baronius το μακροβιο hujus arboris, probat argumento ficus ruminalis : ceu faceret una hirundo ver : aut satis constaret, in propaganda ficu illa nullam intervenisse Sacerdotum, Satanæ ministrorum, fraudem ad fovendam superstitionem et errorem. Non enim pagani homines aut minus ingeniosi, aut minus audaces et impii fuerunt, quam multi postea, qui se Christianos dicebant : quorum fraudes tot Conciliis fuerunt reprimendæ.
[Pour la longévité de cet arbre, Baronius donne crédit à l’argument du figuier ruminal ; {b} soit qu’il fît le printemps d’une hirondelle, soit qu’il fût assez assuré, en colportant cette légende du figuier, que nulle tromperie de prêtres, qui sont les ministres de Satan, {c} n’avait contribué à entretenir la superstition et l’erreur. Les païens {d} n’ont pas été moins intelligents ni moins hardis et impies que beaucoup de ceux qui par la suite se disaient chrétiens, dont nombre de conciles ont rejeté les tromperies].
- V. note [2] de l’Introduction au Borboniana manuscrit.
- Ruminal est le nom qu’on donnait au figuier sous lequel la louve allaitait Remus et Romulus ; Rumia ou Rumina étant la déesse romaine qui présidait à la nourriture des petits enfants, qui avait soin de les faire téter (Trévoux).
- Isaac Casaubon professait le protestantisme.
- Paganus a le double sens moderne de païen (idolâtre) et classique de paysan.
Tous les critiques n’ont pas partagé l’avis enthousiaste de Guy Patin sur ce livre de Casaubon ; voici ce qu’en a jugé Jean Le Clerc dans sa Bibliothèque choisie… (Amsterdam, Henri Schelte, 1710, tome xix, page 228‑230). :
« Mais le principal ouvrage de théologie que Casaubon fit en Angleterre fut ses Exercitations {a} contre Baronius, qu’il acheva le 21e de janvier 1614, et auquel il avait employé dix-huit mois. J’ai nommé cet ouvrage un ouvrage de théologie, quoiqu’à proprement parler, l’auteur n’y traite pas des dogmes, comme ont accoutumé de faire les théologiens ; parce qu’en réfutant les fautes historiques de Baronius, il y mêle souvent des choses qui regardent la théologie. Personne ne peut douter que cet ouvrage ne soit plein d’érudition et qu’il n’y ait beaucoup à profiter ; mais il y a trois choses qui ont fait dire que Casaubon avait entrepris un ouvrage au-dessus de ses forces en voulant réfuter Baronius. La première est qu’il n’avait pas assez médité les premiers principes de la théologie, entre lesquels est par exemple celui-ci, qu’il ne faut rien proposer comme de foi que ce qui est en termes exprès dans l’Écriture Sainte, ou qu’on peut en tirer par une conséquence nécessaire. La seconde, que pour écrire contre Baronius, il fallait avoir fait une étude toute particulière de la chronologie, soit à l’égard des empereurs et de ce qui regarde l’Empire romain, soit à l’égard de l’Histoire ecclésiastique ; ce qui demande beaucoup de temps et un homme tout entier. C’est ce que Casaubon n’avait pas fait. Troisièmement, que pour l’examen des dogmes et des usages ecclésiastiques, il faut avoir lu toute l’Antiquité chrétienne et l’avoir lue dans cette vue, et non à mesure que l’on en peut avoir besoin. Je ne crois pas qu’on puisse dire que Casaubon l’ait fait, car il faut pour cela infiniment plus de temps et de livres qu’il n’en avait. C’est ce qui m’a fait dire dans les Parrhasiana que ce grand homme avait entrepris une chose qu’il n’était pas en état de faire ; et dont je suis persuadé que tous ceux qui entendent la théologie et les antiquités ecclésiastiques conviendront facilement. » {b}
- Essais.
- Guy Patin rapportait quelques lignes plus bas l’avis de Saumaise qui rejoignait celui de Le Clerc.
Vers de Térence que Guy Patin avait déjà lui-même détournés contre Gramond, hagiographe de Richelieu (v. note [16], lettre 86) :
« Le cardinal Baronius, quand son esprit se tourna vers l’écriture, s’y est seulement consacré à produire des fables qui plussent au pape. »
« pour ce travail herculéen ».
« dont il appartient à un autre Hercule, et un homme d’immense talent, de nettoyer l’étable. »
Guy Patin faisait allusion au neuvième des Travaux d’Hercule (v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663) : pour nettoyer les étables d’Augias (roi d’Élide et l’un des Argonautes, v. notule {b} de la triade 82, note [41] du Borboniana 11 manuscrit) qui ne l’avaient pas été depuis plus de trente ans et qui contenaient trois mille bœufs, Hercule y fit passer le fleuve Alphée qu’il détourna de son cours.
La Vaticane (Bibliothèque apostolique vaticane), l’une des plus anciennes du monde, a été officiellement instituée au milieu du xve s. par le pape Nicolas v (v. note [5], lettre 969). Ses collections de manuscrits et d’incunables sont parmi les plus riches de la chrétienté. Le cardinal Baronius l’avait dirigée de 1597 à 1607.
Journal de la Fronde (volume ii, fos 228 vo et 229 ro) :
« De Bordeaux, le 5 juin. Le 2 de ce mois, au soir, le fils d’un procureur au parlement nommé Chevalier fut pris sortant de cette ville pour aller trouver M. de Candale avec des lettres de créance et un passeport du roi, et d’autres lettres à divers particuliers de la part de deux conseillers du parlement nommés Des Bardes et de Mausnier qui étaient ici, et encore quelques lettres et mémoires en chiffre. Ce prisonnier ayant été présenté à la question, {a} par jugement des ormistes et partie des officiers de l’armée, confessa qu’il avait reçu ordre de deux conseillers d’aller avertir M. de Candale qu’il s’avançât en diligence du côté de la terre avec son armée proche les portes de cette ville, et que M. de Vendôme en ferait de même avec son armée navale ; en sorte qu’ils pourraient faire ensemble quatre attaques en quatre endroits, et occuperaient par ce moyen toutes les forces de M. le prince de Conti et de M. Marchin pendant que, dans la ville, M. de Théobon, {b} qui a été jusqu’ici du parti de M. le Prince et qui était de l’intelligence de ces deux conseillers, se saisirait d’une porte de la ville, assisté des bien intentionnés, par laquelle il aurait fait entrer les troupes de M. de Vendôme ou celles de M. de Candale en faisant crier “ L’amnistie ! ” et “ Vive le roi ! ”. Après cette confession, ce prisonnier ayant été condamné à être pendu, fut exécuté le 3 au soir et les deux conseillers se sauvèrent à la dérobée, de crainte qu’on ne leur en fît autant. Depuis, on a fait entrer dans la ville 200 cavaliers qui sont ordinairement près de M. le prince de Conti, et M. de Marchin en fait venir plus grand nombre ; la patrouille marche toute la nuit ; ces deux chefs logent dans un même quartier afin d’être plus tôt prêts en cas de besoin ; ils sont dans des grandes défiances et l’on croit qu’enfin ils logent une bonne partie de leur armée dans la ville. Le nombre de ceux qui souffrent et qui désirent la paix est plus grand que celui des autres, et l’on appréhende que cette division ne cause un grand désordre dans la ville. L’on a résolu dans l’assemblée ordinaire de la Ville d’envoyer des nouveaux députés en Angleterre, lesquels ne sont pas encore nommés. »
- V. seconde notule {d}, note [2] du Borboniana 10 manuscrit.
- Charles de Rochefort de Saint-Angel, marquis de Théobon.
Saint-Sébastien (San Sebastián), port et ville fortifiée du Pays Basque espagnol était et demeure la capitale de la province de Guipuscoa.
Ce gentilhomme se nommait Pierre de Lezay-Lusignan et continuait, malgré le peu d’espoir qui restait, de lutter pour la cause condéenne.
Journal de la Fronde (volume ii, fo 231 ro) :
« De Bordeaux, le 19e de juin. M. de Lusignan arriva, avant-hier, d’Espagne et assura que l’armée navale qui vient au secours de cette ville doit partir de Saint-Sébastien jeudi prochain. {a} Depuis son arrivée, on travaille à équiper plusieurs petits vaisseaux qui sont sur le port pour donner du côté de deçà, {b} en même temps que cette armée navale donnera du côté de delà [en aval] pour entrer. On croit que dans la fin de cette semaine elle sera dans la rivière. M. de Vendôme fait travailler grand nombre de personnes au fort qu’il a fait commencer au lieu nommé Parampare, {c} où il veut faire dresser une batterie de 40 pièces de canon sur le bord de la rivière ; mais lorsque les vents et la marée sont bons et favorables, les vaisseaux passent avec tant de vitesse que, de cent coups de canon qu’on leur tirer, il n’y a pas un qui porte. Il fait faire une autre batterie à Lormont {d} qui incommodera beaucoup. Depuis l’arrivée de M. de Lusignan, M. de Marchin est allé à La Tête-de-Buch {e} avec toute la cavalerie qu’il avait en cette ville pour recevoir des gens de guerre et un peu d’argent venu d’Espagne. On dépêche de nouveau en Angleterre suivant la délibération prise dans l’Hôtel de Ville. Quelques-uns assurent que les Anglais doivent fournir quelques vaisseaux aux Espagnols, pour nous secourir ; d’autres veulent que l’évêque de Saintes ait passé dans le Médoc et qu’il ait tenu quelque conférence avec des gens de M. le prince de Conti. »
- Le 26 juin.
- Chasser l’ennemi en amont.
- Parempuyre sur la rive droite de la Garonne, une quinzaine de kilomètres en aval de Bordeaux.
- Sur la rive droite, 3 kilomètres en amont de Bordeaux.
- Bassin d’Arcachon, v. notule {a}, note [16], lettre 312.
« Faux » ; Guy Patin a ajouté ce correctif (entre crochets) dans la marge ; mais le Journal de la Fronde (volume ii, fo 230 ro, Paris, 17 juin 1653) ne confirme pas l’erreur :
« Dès le 14 du courant, M. le maréchal de Turenne offrit à M. le duc de Damville {a} les 50 000 écus d’argent comptant qu’il lui doit bailler, à condition qu’il lui fournira une décharge de Mme de Ventadour pour la prétention de son fils sur le gouvernement de Limousin, à laquelle il veut qu’elle renonce ; mais elle ne voulait pas signer cette décharge et ainsi, ni M. de Danville, ni elle n’ont point reçu cet argent ; mais pour lever la difficulté qu’il s’en fait, M. de Turenne, qui était pressé de partir pour aller à l’armée et qui est parti hier au matin, mit cet argent en dépôt dès avant-hier entre les mains de M. l’archevêque de Lyon, {b} pour y demeurer jusqu’à ce qu’on ait trouvé des expédients pour la sûreté que M. de Turenne demande. »
Guy Patin se méprenait ici sur les deux frères puînés du duc de Damville : Anne de Lévis-Ventadour était archevêque de Bourges depuis 1649 (v. note [14], lettre 443) et Louis-Hercule (jésuite mort en 1679) fut nommé évêque de Mirepoix en 1655.
L’évêché vacant de Pons (Saint-Pons-de-Thomières, Hérault), par la mort de Jean-Jacques de Fleyres, fut attribué le 20 juin 1653 à Michel Tubeuf (1602-1682), qui devint évêque de Castres en 1664 (Gallia Christiana).
Louis Gorin de Saint-Amour (v. note [24], lettre 312), avec qui Guy Patin correspondait, se trouvait à Rome depuis le 15 juin 1651, menant la défense acharnée des jansénistes auprès du pape Innocent x.
« Au printemps 1653, les responsables augustiniens de Paris décident d’envoyer deux nouveaux députés à Rome, l’oratorien Toussaint Desmares, prédicateur de renom, et un jeune docteur, Nicolas Manessier » qui étaient arrivés à Rome le 19 avril. « Les députés s’efforcent d’avoir une audience du pape car le bruit court qu’il va se prononcer définitivement sur les problèmes de la grâce et sur les Cinq Propositions [v. note [16], lettre 321]. À trois reprises, le pape leur accorde une audience ; mais en dépit de leurs efforts pour présenter clairement leurs positions […], la bulle Cum occasione, “ Comme à l’occasion [de la publication de l’Augustinus de Jansenius…] ” condamne les Cinq Propositions qui seront plus tard imputées à Jansenius. » La bulle fatidique est datée du 31 mai (v. note [16], lettre 321) et les émissaires jansénistes préférèrent quitter Rome le 17 juin (Dictionnaire de Port-Royal, page 473).
V. notes [7], lettre 315, pour l’affaire d’Amiens et [41], lettre 219, pour Guy de Bar qui avait gardé Condé, Conti, et Longueville durant leur détention à Vincennes.
Michaud :
« Hermann Gigas ou Gygas, cordelier flamand ou allemand d’origine, était dans une maison de son Ordre en France, lorsqu’il compila sous le titre de Flores temporum. {a} une chronique qui s’étend depuis la création du monde jusqu’à l’an 1349. […] Les Flores temporum du cordelier Martin (Martinus minorita), continués par Hermann de Gènes, depuis l’an 1290 jusqu’à 1346, et insérés dans le tome i du Corpus historicum medii ævi .{b} d’Eckhart ne sont qu’un abrégé tronqué de la chronique de Gigas que l’on cite quelquefois sous le nom d’Hermannus minorita. »Gerhard Menschen a publié la première version des Flores temporum à Leyde (1743 et 1750, in‑4o) avec une continuation jusqu’à 1513 par Michael Eysenhart, prêtre de Weissenbourg. L’édition genevoise in‑fo dont parlait ici Guy Patin ne devait être qu’une fausse rumeur circulant dans les milieux érudits.
- « Fleurs des temps ».
- « Corpus historique du Moyen Âge ».
Succession des premiers médecins du roi, celui d’alors (Antoine Vallot) et ses deux prédécesseurs (François Vautier et Jacques ii Cousinot), et du prix qu’ils avaient payé leur charge ; ce dont Guy Patin s’est scandalisé à plusieurs reprises.
V. note [5], lettre 104, pour le curieux factum de Gaspard Monconys, seigneur de Liergues, d’abord lieutenant criminel, alors prévôt de Lyon élu en 1651.
Nouvelle allusion à l’édition en cours à Lyon des Chrestomathies de Caspar Hofmann : (v. note [1], lettre 274). Guy Patin allait encore en attendre fort longtemps la première feuille imprimée.
V. note [2], lettre 75, pour l’Historia generalis plantarum… (Lyon, 1586) de Jacques Daléchamps.
Deux ouvrages botaniques de Caspar Bauhin {a} avaient alors été publiés :
[phytopinax {b} ou Répertoire des Plantes décrites par les botanistes de notre temps, avec les différences qui existent entre elles : à quoi ont été ajoutées les dénominations et les descriptions succinctes de plusieurs qu’ils n’ont pas décrites jusqu’ici ; avec les gravures de quelques plantes qui n’ont pas été dessinées sur le vif…] ; {c}
προδρομος Theatri botanici… in quo plantæ supra sexcentæ ab ipso primum descriptæ cum plurimis figuris proponuntur.
[prodromos {d} de l’Amphithéâtre botanique… où sont présentées plus de six cents plantes qu’il a décrites lui-même pour la première fois, avec nombreuses figures]. {e}
Le premier (et unique) tome de son Theatrum botanicum n’allait paraître qu’en 1658 : v. note [11], lettre 234.
Les 12 et 13 juin, la bataille navale dite de Gabbard ou Nieuwpoort avait opposé de nouveau les flottes anglaise et hollandaise. Ce fut une cinglante défaite des Provinces-Unies, conférant aux navires britanniques la suprématie sur la mer du Nord. Il s’ensuivit un blocus de la Hollande, immédiatement responsable d’un effondrement de l’économie batave et même d’une famine dans un pays qui dépendait alors entièrement des échanges maritimes pour nourrir sa population. V. note [20], lettre 216, pour Louis de Béthune, comte puis duc de Charost.
Ms BnF no 9357, fos 116‑117 ; Jestaz no 94 (tome ii, pages 1089‑1095) ; Prévot & Jestaz no 18 (Pléiade, pages 449‑454).