L. 341.  >
À Claude II Belin,
le 21 février 1654

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie très humblement de l’honneur que vous m’avez fait de m’écrire et de la peine qu’avez prise de recommander l’affaire pour laquelle je vous avais écrit à M. le prévôt de la maréchaussée. [1][2] Voilà une lettre que je vous envoie de M. Mercier, [3] mon ami, [2] pour vous en remercier pareillement, et vous supplie de vous employer derechef envers M. le prévôt pour obtenir de lui l’envoi des sacs d’informations au greffe de la Cour, comme il l’a spécifié dans sa lettre ; et voilà ce de quoi je vous supplie très humblement.

Pour nouvelles de deçà, je vous dirai que M. de Balzac [4] est mort à Angoulême, [5] dans les Capucins le 8e de ce mois, [3][6] et qu’il a laissé plusieurs ouvrages de morale et de politique à imprimer. Il a donné tout son bien à des hôpitaux. M. le prince de Conti [7] est ici arrivé de lundi dernier ; [4] on dit qu’il sera aujourd’hui au soir fiancé et marié demain à la Martinozzi, nièce du Mazarin. [8][9][10] Le traité des Anglais et Hollandais [11] est fait tout entièrement et a été ici arrêté que l’on reconnaîtra la République d’Angleterre par un ambassadeur que l’on y enverra exprès ; et que le roi d’Angleterre, [12] qui est ici avec le duc d’York [13] son frère s’en iront en Danemark. On parle ici d’un voyage du roi dans 15 jours à Fontainebleau, [14] et que delà il pourra bien aller à Châlons [15] pour faire passer des troupes dans l’Alsace contre le comte d’Harcourt [16] qui, avec Brisach [17] qu’il tient, ne veut pas se remettre à l’obéissance du roi aux conditions qu’on lui offre. Le prince de Condé [18] a découvert une conspiration dans Stenay [19] où plusieurs ont été pendus. Je me recommande à vos bonnes grâces, à M. le lieutenant criminel, à MM. de Courberon et Allen, et à tous nos autres amis, et suis, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce samedi 21e de février 1654.


a.

MMs BnF no 9358, fo 149, « À Monsieur/ Monsieur Belin,/ Docteur en médecine,/ À Troyes. » ; Reveillé-Parise, no cxxi (tome i, pages 202‑203). Le coin supérieur gauche du texte présente une lacune, qu’une plume anonyme a reconstituée.

1.

Le coin supérieur gauche de la lettre ayant été effacé, une plume secourable (qui n’est pas celle de Claude ii Belin) a reconstitué le début manquant des quatre premières lignes.

La maréchaussée était la juridiction des prévôts des maréchaux (à ne confondre ni avec le prévôt des marchands ni avec le prévôt de Paris [v. note [8], lettre 333]) : « officiers royaux réputés du corps de la gendarmerie et lieutenants des maréchaux de France, établis pour la sûreté de la campagne contre les vagabonds et les déserteurs. On leur a attribué la connaissance des cas royaux qu’on a appelés pour cela prévôtaux, comme assassinat, vol de grand chemin, port d’armes, infraction de sauvegarde, incendie, fausse monnaie, etc. Il y a 180 sièges de prévôts des maréchaux en France. En quelques provinces, comme en Lyonnais, en Auvergne, etc., il y a des grands prévôts des maréchaux qui en ont d’autres sous eux. […] À Paris le prévôt des maréchaux est connu sous le nom de prévôt de l’Île [v. note [27], lettre 295] » (Furetière).

Dans sa lettre du 12 novembre 1653, Guy Patin avait renseigné Claude ii Belin sur une édition des œuvres complètes d’Érasme (v. note [4], lettre 331) qu’il proposait de vendre au prévôt de Troyes.

2.

La suite des lettres désigne ce Mercier, prénommé Edmond et ami de Guy Patin, comme l’ancien secrétaire de Hugo Grotius.

Pintard b, page 51 :

« Mais comment ceux-ci {a} eussent-ils renoncé à répandre leur libre idéal quand un Grotius se trouvait parmi eux ? Grotius, pendant de longues années, est comme leur chef et leur protecteur. Séjournant à Paris de 1621 à 1631, puis de nouveau entre 1635 et 1644 comme ambassadeur de Suède, il les rassemble en son hôtel – futur hôtel de Cavoye {b} – et les endoctrine. Quelques huguenots français qui aiment avoir les coudées franches et boudent la discipline de Charenton, viennent d’ailleurs se joindre à leur groupe, un certain Edmond Mercier, par exemple, originaire de Vitry-en-Champagne, ancien prêtre passé au calvinisme, et qui, de là, glisse vers les doctrines latitudinaires. {c} Ce Mercier reçoit chez lui, pour nourrir sa famille, des étrangers, des Polonais surtout, des sociniens, dont il s’est mis à goûter et à répandre les opinions, à la faveur de conférences qu’il tient chez lui. […]

De la sorte, un lien solide achève de s’établir, une sympathie spirituelle s’affirme clairement entre les antitrinitaires polonais et les antiprédestinatiens de Hollande ; et par les uns et par les autres, une action dissociatrice et destructive s’exerce, affaiblissant les convictions doctrinales, préparant même des conversions intéressées, sur le calvinisme français. »


  1. Les arminiens, v. note [7], lettre 100.

  2. Aujourd’hui le no 52 de la rue des Saints-Pères, dans le vie arrondissement de Paris.

  3. Tolérantes.

Je n’ai pas éclairci l’affaire qui menait Mercier à chercher les faveurs du prévôt de Troyes.

3.

Remplace « à 8 heures du matin », biffé par Guy Patin.

4.

Le lundi 16 février.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 21 février 1654

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0341

(Consulté le 10/12/2024)

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