L. 360.  >
À Charles Spon,
le 21 juillet 1654

Monsieur, [a][1]

J’espère que vous aurez reçu ma dernière, laquelle fut du 7e de juillet, par la voie de M. Cholier qui est ici, fils unique d’un des conseillers de votre présidial de Lyon. [1][2] Depuis ce temps-là, nouvelles nous sont arrivées que les Espagnols assiègent Arras ; [3] que les maréchaux de Turenne [4] et de La Ferté-Senneterre [5] marchent avec 16 000 hommes pour empêcher qu’ils ne la prennent ; que le prince de Conti [6] est en Catalogne [7] où il a fait assiéger une petite ville nommée Villefranche. [2][8] Les députés des états de Languedoc [9] sont ici, l’un desquels est M. l’évêque d’Agde, [3][10] maître de M. Pecquet [11] qui fait ici réimprimer son livre in‑4o augmenté de la réponse qu’il fera à M. Riolan, [12] dans laquelle il m’a dit qu’il ne mettra aucune injure, et qui sera corrigé en quelques endroits et enrichi de quelques nouvelles preuves et observations. [4][13]

M. Fourmy [14] me dit l’autre jour qu’il s’en allait à Rouen pour quelques jours et qu’à son retour, il ferait balle dans laquelle il mettrait ce que je lui donnerai, quod unum imprimis opto ; [5] mais s’il ne vient bientôt, je tâcherai de prendre une autre voie, savoir celle du coche, pour vous faire part des nouveautés que nous avons de deçà, quas utinam haberes in manibus[6]

Ce 10e de juillet, à neuf heures du soir. J’ai fait aujourd’hui une débauche[15] de laquelle il faut que je me confesse à vous afin que vous sachiez que je veux bien vous rendre compte de mes actions : c’est que l’on m’a aujourd’hui mené dans un carrosse à quatre chevaux près de Meudon y voir un malade ; [16] et pour me régaler et me divertir, on m’a fait voir les Capucins du dit Meudon [17][18] qui est un admirable paysage ; [7] et delà l’on m’a mené au château [19] où j’ai vu le parc, les grottes, les chambres et les salles avec leurs tableaux. Je n’ai jamais rien vu de si beau ni en si bel air (cette belle maison a depuis plus de cent ans appartenu à la Maison de Guise ; M. de Servien, [20] aujourd’hui surintendant des finances, l’a achetée depuis trois mois 200 000 livres). [8] Delà l’on m’a ramené céans, Sic me servavit Apollo[9][21] Voilà ma débauche faite, ne me la pardonnez-vous pas ? Je pense qu’oui, si bene te novi[10] Vous pouvez bien me la pardonner, vu qu’il y a longtemps que je n’en ai point tant fait.

Le sieur Courtaud [22] de Montpellier [23] a ici envoyé son gendre pour tâcher d’obtenir que l’autre Courtaud, [24] son frère qui est ici fort vieux, s’en aille finir ses jours à Montpellier, afin de mettre tant plus aisément la main sur la succession. [11] Ce gendre a été bien étonné quand il a vu la réponse de M. Guillemeau [25] où son beau-père est si bien accommodé, aussi bien que feu M. Héroard, [26] oncle de son dit beau-père. [12] Tout ce qui est dans le livre de Courtaud contre moi ne sont que des bagatelles que je méprise et dont je me moque, et qui ont rendu son livre ridicule, aussi bien que les injures qu’il a dites à M. Riolan. Je vous prie néanmoins, quand vous lui écrirez, de tâcher de savoir pour quelle cause il en veut tant à ce Signor Patin qu’il appelle ; ou bien si tant de calomnies procèdent de la haine et de la suggestion de quelque autre que de lui, car nous en soupçonnons ici quelques-uns de la secte antimoniale ; et même, faites en sorte qu’il sache que je ne suis pas l’auteur de la Légende[27][28] même que je n’en suis pas soupçonné, que tous savent bien qui il est ; mais que ceux qui y prennent intérêt, en tant qu’ils y sont offensés, n’osent attaquer l’auteur d’icelle, faute de preuve. Le vrai auteur est celui que je vous ai mandé par ci-devant[13]

On dit ici qu’il est entré du secours dans Arras, environ 300 cavaliers ; mais néanmoins, on en a mauvaise opinion, d’autant que les assiégeants sont merveilleusement forts et en fort grand nombre.

Mais je vous en prie, dites-moi un peu qu’est devenu ce chimiste nommé M. Arnaud [29] qui avait été mis prisonnier à l’Inquisition [30] de Turin, [31] l’an passé : en est-il échappé, est-il mort, y est-il encore ? [14]

Comme je venais d’écrire les trois lignes de ci-dessus, est entré céans un chirurgien de Turin qui m’a appris qu’il est en liberté et qu’il a été à Lyon depuis qu’il est sorti de prison ; ce chirurgien s’appelle De L’Isle. [32]

Je viens de délivrer à un homme un paquet de livres pour vous faire tenir, dans lequel sont contenus ceux de MM. Merlet [33] et Guillemeau, pour vous premièrement, et puis après pour MM. Gras, Guillemin, Falconet et Garnier, à chacun un de chaque sorte. Obligez-moi de les saluer de ma part et de leur annoncer, afin qu’ils n’en achètent point si cas arrivait qu’il y en eût à Lyon de la part du libraire avant que mon paquet vous ait été rendu ; ce que j’entends particulièrement du livre de M. Merlet. [15] Vous leur donnerez pareillement chacun un des livres de M. Guillemeau contre M. Courtaud. Le livre de M. Martin [34] in Hippocratem de Aere, locis et aquis [35] est aussi pour M. Falconet, s’il vous plaît. [16] Le reste sera pour vous en attendant mieux. On travaille à d’autres : celui de M. Perreau [36] est sur la presse, d’autres lui succèdent. [17] Pour le Botal, [37] de curandi ratione per sang. miss.[38] je vous prie de le donner à M. Duhan afin qu’il l’imprime, comme il m’a promis, in‑8o[18]

La vie du vieux feu M. d’Épernon [39] est sur la presse in‑fo, il y en a douze feuilles de faites. On dit que ce sera une belle pièce, bien curieuse, bien historique, laquelle contiendra presque une centaine d’années, faite par M. Girard, [40] jadis son secrétaire. Nous n’avons guère en notre histoire personne dont la vie soit plus remarquable que celle de ce courtisan qui a vécu 89 ans ; la faveur et la puissance du cardinal de Richelieu [41] ont été véritablement très grandes, mais on n’en dira jamais toutes les vérités. [19]

Ce 18e de juillet. Pour réponse à la vôtre du 10e de juillet que je viens de recevoir tout présentement, je vous remercie du soin qu’avez pris de parler à M. Devenet, [42] et m’avez fort obligé de prendre de lui cet autre livre, Historia de actis et scriptis Lutheri de Cochlæus, [20][43] que je vous prie de me garder jusqu’à quelque commodité ; je tiens le marché qu’en avez fait et lui renverrai le sien. On dit que ceux de Gênes [44] s’accordent avec le roi d’Espagne par l’entremise des princes d’Italie. Je vous prie de faire mes recommandations à M. Barbier, [45] auquel je manderai ce qu’il y aura de nouveau de M. Gassendi [46] de temps en temps, jusqu’à ce qu’il ait de la copie.

Le peuple parle fort ici de l’éclipse [47] du soleil qui doit être le 12e du mois prochain. Ces phénomènes ne m’étonnent point, a quibus nil metuendum puto[21] je crains bien plus la tyrannie que l’éclipse, le malheureux gouvernement dans lequel nous sommes nous fait tout autrement plus de mal que n’ont jamais fait toutes les éclipses. A signis cæli nolite metuere[22][48] mais il est permis de craindre la guerre et ses conséquences, la peste [49] et la famine.

Pour vos compagnons imprimeurs, [50] j’ai parlé de leur affaire. Je ne sais pas ce qu’il en adviendra ni quand elle sera jugée, mais c’est une chose horrible que la chicane, que tous les gens de bien détestent ici comme une chose très cruelle, toute pleine d’iniquité, de désordre et d’injustice. M. Bignon, [51] l’avocat général, qui est le plus grand homme du siècle quamvis exiguus corpore[23] m’a bien écouté et a fait état des raisons que je lui ai alléguées contre l’avarice des maîtres, et entre autres, du règlement de Paris sur lequel ils se conforment. Il m’a promis de s’en souvenir quand l’affaire s’agitera au parquet, mais la chicane du Palais est effroyable pour les gens de bien et pour les pauvres, à qui elle ne laisse pas d’être chèrement vendue ; c’est pourquoi, Malheur à ceux qui plaident, Væ victis[24][52] Ceux qui ont prêté de l’argent à Chartier [53][54] y ont dépensé près de 1 500 livres et n’en ont pas retiré le quint ; encore ne l’ont-ils point eu, le procureur de Chartier l’a retenu tanquam sibi debitum ; [25] de sorte que Guénault, [55] qui pensait faire dépit à la Faculté et à moi, s’est bien brûlé pour nous échauder. Aussi n’a-t-il point d’envie d’y retourner à ce prix-là, c’est un des plus avares hommes du monde. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 21e de juillet 1654.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fo 75 ; Jestaz no 120 (tome ii, pages 1239‑1243).

1.

« Monsieur Maître Alexandre Cholier, conseiller du roi en la sénéchaussée et siège présidial de Lyon » figure parmi les magistrats que cite un acte de prestation de serment, daté du 30 juillet 1619, transcrit à la page 580 du Recueil des privilèges, autorités, pouvoirs, franchises et exemptions des prévôts des marchands, échevins et habitants de la ville de Lyon. Avec les arrêts de vérification d’iceux (Lyon, Guillaume Barbier, 1649, in‑8o).

2.

V. note [8], lettre 359, pour le siège d’Arras.

Villefranche-de-Conflent (Pyrénées-Orientales), au pied du mont Canigou, 6 kilomètres au sud-ouest de Prades, était alors une ville forte sur la frontière de Catalogne.

Montglat (Mémoires, pages 303‑304, année 1654) :

« Le prince de Conti, après avoir épousé la nièce du cardinal Mazarin, fut déclaré général de l’armée de Catalogne ; et pour cet effet, se rendit à Narbonne au mois de mai et arriva le 25e à Perpignan, où il apprit que les Espagnols avaient assiégé Prats-de-Mollo, {a} qui donne communication du Lampourdan avec le Conflans et la Cerdagne. Il fit partir aussitôt le comte de Mérinville pour le secourir ; et sur la nouvelle de sa marche, ils levèrent le siège. Ce prince ayant appris leur retraite résolut d’attaquer Villefranche, située au milieu des Pyrénées, dans une gorge entre deux hautes montagnes qui la serrent et lui ôtent la lumière du soleil. Un torrent fort rapide passe dedans et les deux côtés de la montagne sont si escarpés qu’on ne peut passer entre eux et la ville. Ce qui embarrassait le plus était la difficulté d’y mener du canon ; mais Birague, lieutenant de l’artillerie, en vint à bout, moitié à force de bras. Le prince de Conti fit investir la ville seulement des deux côtés de la gorge, ne pouvant loger personne sur les hauteurs. La nuit du 24e au 25e de juin, Bussy-Rabutin, lieutenant général et mestre de camp général de la cavalerie, emporta les barricades du pont ; et le dernier du mois, on fit une batterie avec bien de la peine, qui commença à ruiner les murailles de la ville. Il fallait dans les logements non seulement se mettre à couvert des assiégés, mais aussi du haut de la montagne, d’où les habitants du pays jetaient des roches qui roulaient du haut en bas et tombaient dans les tranchées où elles écrasaient ceux qu’elles rencontraient. Le 3e de juillet, on fit un logement de l’autre côté du torrent avec beaucoup de difficulté à cause de la rapidité de l’eau ; et le mineur s’étant attaché à une tour, le gouverneur se rendit le 6e de juillet. »


  1. Aujourd’hui Prats-de-Mollo-la-Preste dans le département des Pyrénées-Orientales.

3.

François Fouquet (v. note [52], lettre 280), le frère aîné de Nicolas.

4.

De tous les ouvrages médicaux français publiés au xviie s., celui-ci est aujourd’hui le plus remarquable :

Ioannis Pecqueti Diepæi, Doct. Med. Monspeliensis, Experimenta nova anatomica. Quibus incognitum hactenus chyli receptaculum, et ab eo per thoracem in ramos usque subclavios vasa lactea deteguntur. Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu. Huic secundæ editioni, quæ emendata est, illustrata, aucta, accessit de thoracicis lacteis Dissertatio, in qua Io. Riolani Responsio ad eadem Experimenta nova anatomica refutatur ; et Inventis recentibus canalis Virsungici demonstratur usus ; et Lacteum ad mammas a receptaculo iter indigitatur. Sequuntur gratulatoriæ clarissimorum virorum cum prius editæ, sed auctiores, tum recens additæ ad authorem Epistolæ. Quibus et adiungitur Brevis Destructio, seu litura responsionis Riolan ad eiusdem Pequeti Experimenta.

[Expériences anatomiques nouvelles de Jean Pecquet, natif de Dieppe, docteur en médecine de Montpellier. Où sont mis au jour le réservoir du chyle, {a} qui était jusqu’alors inconnu, et les vaisseaux lactés qui en sont issus pour monter dans le thorax jusqu’aux subclavières. {b} Dissertation anatomique sur la circulation du sang et le mouvement du chyle. À cette seconde édition, qui a été corrigée, illustrée et augmentée, a été ajoutée une dissertation sur les vaisseaux lactés thoraciques où est réfutée la réponse que Jean Riolan a faite contre ces mêmes Expériences anatomiques nouvelles ; {c} où de très récentes découvertes démontrent l’utilité du canal de Wirsung {d} et où est indiqué le chemin laiteux qui va du réservoir aux mamelles. Suivent des lettres de compliment que des hommes très éminents ont adressées à l’auteur, dont certaines ont été précédemment publiées, mais qui ont été augmentées, et d’autres plus récentes ont été ajoutées ; auxquelles enfin est associée une courte réfutation ou censure de la réponse de Riolan contre les Expériences du même Pecquet]. {e}


  1. V. note [23], lettre 152.

  2. Veines subclavières (chez le chien, mais mal nommées parce que cet animal ne possède pas de clavicules).

  3. V. note [15], lettre 280, pour leur première édition de 1651.

  4. V. infra seconde notule {a}.

  5. Paris, Cramoisy, 1654, in‑4o. Le frontispice de l’exemplaire numérisé dans Google Livres, issu de la Bibliothèque de la ville de Lyon, porte cette dédicace manuscrite : « Pour Monsieur Spon, docteur en Médecine, par son très humble serviteur, Pecquet. »

    Écrit dans un latin fort ardu, ce livre fondateur n’a encore malheureusement jamais été traduit en français. Après en avoir fini avec les écrits de Guy Patin, je me suis attelé à cette tâche.


L’ouvrage est dédicacé à François ii Fouquet, évêque d’Agde (v. note [52], lettre 280), protecteur de Pecquet. Les cinq lettres et la dissertation qu’on trouve à la fin présentent un intérêt particulier : leurs signataires sont ceux que Jean ii Riolan surnommait avec mépris les « pecquétiens » (Pecquetiani, v. note [1], lettre 414).

V. note [1], lettre 414, pour la réponse de Jean ii Riolan.

Les Experimenta nova anatomica… de 1651 étaient aussi dédiées à François Foucquet, évêque d’Agde ; elles sont plus concises que celles de 1654. Les lettres finales y sont au nombre de trois :

  1. Ioanni Pecqueto, Iuveni doctissimo, Iac. Mentelius, Parisiensis medicus, S.P.D. (plus courte que celle de 1654) ;

  2. Clarissimo viro Ioanni Pecqueto, Pet. de Mercenne, Doctor Medicus Parisiensis, S. ;

  3. Ioanni Pecqueto, ingeniosissimo Medico amico suo singulari, Adrianus Auzotius, S.P.D.

Les Experimenta nova anatomica… de 1661 (Amsterdam, Ægidius Janssonius Valkenier, in‑12) reproduisent strictement, mais en plus petit format, celles de 1651.

5.

« ce que je souhaite absolument et avant tout ».

6.

« que, Dieu aidant, vous aurez bientôt entre les mains. »

7.

Confirmés par une bulle du pape Paul iii (v. note [45] du Naudæana 3) en 1536, les capucins suivaient la plus étroite observance de l’Ordre de saint François. Charles ix, roi de France, écrivit à Rome pour en recevoir dans son royaume. Grégoire xiii répondit favorablement par une bulle du 3 juin 1575 qui leva la défense que Paul iii avait faite à ces moines de s’étendre hors d’Italie et leur permit de s’établir partout. Le cardinal de Lorraine les installa (Trévoux). Établi sur le plateau de Meudon, le couvent des capucins jouissait d’une vue splendide sur Paris. Il fut transféré à Picpus en 1588 (v. note [7], lettre 45).

8.

En 1539, la terre de Meudon (v. note [23], lettre 166) était la propriété d’Antoine Seguia, d’abord chanoine de la Sainte-Chapelle (v. note [38], lettre 342), puis évêque d’Orléans. À sa mort, elle passa à sa nièce, la duchesse d’Étampes. François ier venant souvent visiter sa maîtresse à Meudon, elle obtint de lui la permission de former un grand parc autour de l’ancien manoir féodal qu’elle habitait. Cela fait, la capricieuse favorite avait cédé le tout au cardinal de Lorraine, archevêque de Reims. Il fit construire au sommet de la colline, dans une position d’où la vue s’étendait sur tout Paris et sur les plaines et les coteaux environnants, près du manoir féodal qu’on laissa tomber en ruine, le premier château de Meudon proprement dit. Les dessins et les plans en étaient dus à Philibert Delorme. Dans le parc, on avait bâti pour Henri de Lorraine, duc de Guise, neveu du cardinal, une merveilleuse petite grotte. À l’intérieur se lisait cette courte inscription latine : Quieti et Musis Henrici ii [Pour le repos et les Muses de Henri ii].

Cette magnifique propriété passa successivement des mains de Henri de Lorraine dans celles d’Abel Servien, surintendant des finances, qui y ajouta une admirable terrasse, puis dans celles de Louvois (1682) d’où elle sortit pour devenir résidence royale. Le premier château, sans cesse embelli, fut partiellement détruit dans un incendie (1795) (G.D.U. xixe s).

Meudon un prieuré qui fut occupé par quelques moines bénédictins puis franciscains (capucins, v. note [7], lettre 45). Son plus célèbre officiant fut le Prère François Rabelais (v. note [54] du Borboniana 10 manuscrit).

9.

« Ainsi m’a préservé Apollon » (v. note [54], lettre 183).

Sans doute faut-il comprendre qu’Abel Servien en personne avait fait appel aux bons soins de Guy Patin, pour lui-même ou quelqu’un de sa maison, ce dont notre médecin se trouvait tout flatté et sans doute lesté de quelques beaux louis d’or.

10.

« si je vous connais bien. »

11.

Entre cette lettre et celle du 1er août 1656, Guy Patin a mentionné cinq fois le frère aîné de Siméon Courtaud. Je dois son identification précise à l’obligeance de Mme Marie-Pierre Litaudon, docteur en littérature générale et comparée de l’Université de Rennes 2 (Céllam, Centre d’études des langues et littératures anciennes et modernes), qui travaille sur Jean Héroard (Hérouard, v. note [30], lettre 117) et ses neveux Courtaud. Voici le résultat résumé de ses précieuses recherches archivistiques :

« Jacques Courtaud (ou Cortaud), frère aîné de Siméon (ou Simon), a été nommé le 19 mars 1623 conseiller-secrétaire du roi, Maison, Couronne de France et de ses finances, à condition de survivance de son oncle, Jean Hérouard ; charge dont il avait pris possession le 6 mai 1628, et qu’il a résignée le 8 mai 1637. {a} Il représentait les intérêts de ses frères Simon et Guillaume, contrôleur des tailles au diocèse de Castres. » {b}


  1. Entrée en charge à la mort de Jean Héroard, et résignation en faveur d’un dénommé Regnaud Vigor (Abraham Tessereau, Histoire chronologique de la grande chancellerie de France…, Paris, Pierre Emery, 1710, in‑fo, tome premier, pages 357 et 404). Notre glossaire définit la charge vénale de conseiller-secrétaire du roi.

  2. Les Archives nationales conservent une Transaction entre Anne Duval, veuve de Jean Hérouard, conseiller et premier médecin du roi, et Jacques Cortaud, conseiller-secrétaire du roi, demeurant en l’Île Notre-Dame, fondé de procuration de Simon Cortaud et de Guillaume Cortaud, contrôleur des tailles au diocèse de Castres, ses frères, tous neveux et héritiers dudit Hérouard, conclue en 1639 (mc/et/xxiv/328-mc/et/xxiv/368, mc/re/xxiv/4-mc/etxxiv/350).

    Guillaume était protestant (dans les sens religieux et quérulent du mot) : les Arrêts du Conseil du roi, des Chambres de l’Édit de Paris et de Castres. Sur la vénération que Sa Majesté veut être rendue au Saint-Sacrement de l’Autel par ceux de la Religion prétendue réformée de son royaume. Imprimés par le commandement de Nosseigneurs de l’Assemblée générale du clergé (Paris, Antoine Vitré, 1656, in‑8o) contiennent (pages 15‑16) un arrêt de la Chambre de l’Édit de Paris (v. note [3], lettre 55) rejetant son pourvoi en cassation contre Maître François Cabrier, prêtre et vicaire de l’église paroissiale de la Platté de Castres, condamnant Courtaud à être emprisonné dans la Conciergerie en attendant sa confrontation avec les témoins de Cabrier.

    Selon M.-C. Litaudon, le testament de Jacques Courtaud, rédigé à Paris en 1661, le dit alité et gravement malade ; il mourut probablement peu après.


12.

Siméon Courtaud (v. note [19], lettre 128) était fils de Marguerite Héroard, sœur de Jean, éminent docteur de Montpellier qui fut premier médecin de Louis xiii (v. note [30], lettre 117). Voici ce que Charles Guillemeau écrit d’eux à la page 1 de son Cani miuro… (v. note [14], lettre 358), juste après l’extrait de la Seconde Apologie qu’il a recopié (v. note [6], lettre 350) :

Flagellum equo, et camus asino, et virga in tergo insipientium. Proverb. 26.

Ad eruditum lectorem.

Infanda hæc maledicta, vel rebus necessariis revincenda, vel, quod veri bonique natura abhorret, agnoscenda erant, Latine autem retundenda, ut hominibus Doctis indoctissimi post homines natos duo, Avunculus et Nepos, enotescerent. Ad vernilem autem, Curte, fatuitatem, ad perpetuam stribiliginem tuam, ad meretriciam linguam, et ora spurcis fœta contumeliis, non deerit fortasse qui vernacule quoque respondeat, ut hinc et inde vapulans, Canis, quam odiosissime latrando, mentiendoque voluptatem cepisti, eam veriora veris audiendo amittas.

[« Le fouet est pour le cheval, le mors pour l’âne et la verge pour le dos des insensés » (Proverbes 26:3).

Au savant lecteur.

Ces abominables médisances devaient être soit réfutées dans l’urgence, soit admises pour vraies, à quoi répugne la nature d’un homme bon et sincère ; il fallait pourtant les rembarrer en latin pour faire connaître les deux hommes, oncle et neveu, qui sont les plus ignares jamais nés parmi les savants. Mais Courtaud ! quelqu’un ne manquera sans doute pas de riposter aussi en français à ta servile sottise, à tes solécismes perpétuels, à ta langue de putain et à tes lèvres empuanties par d’immondes injures ; de sorte qu’étant roué de coups de tous côtés, chien que tu es ! tu abandonnes la volupté que tu as prise à aboyer et à mentir de la manière la plus odieuse, pour entendre des vérités plus que vraies].

Cette introduction donne une idée des 37 pages de latin qui la suivent, où les insultes contre Héroard et Courtaud s’amoncellent à qui mieux mieux. Les deux Vies latines de Jean Héroard en traduisent et commentent un long extrait (v. leurs notes [20][44]).

13.

V. notes [11], lettre 333, et [55], lettre 348, pour la Légende de l’antimoine (1653), dont Guy Patin disait que Jean Merlet était l’auteur.

14.

V. note [3], lettre 243, pour E.R. Arnaud, médecin chimiste de Montpellier et bête noire récurrente de Guy Patin depuis 1650, qui en a parlé jusqu’en 1666.

15.

V. note [3], lettre 346, pour les Remarques… de Jean Merlet, contre l’antimoine et Eusèbe Renaudot (Paris, 1654).

16.

V. note [10], lettre 211, pour le commentaire de Jean Martin sur le livre d’Hippocrate de l’Air, des eaux et des lieux (Paris, 1646).

17.

V. note [3], lettre 380, pour le Rabat-joie de l’Antimoine triomphant de Jacques Perreau.

18.

Phrase que Guy Patin a ajoutée dans la marge, au sujet de la nouvelle édition du livre de Léonard Botal, {a} alors en préparation :

De Curatione per sanguinis missionem liber. De incidendæ venæ, cutis scarificandæ, et hirudinum affigendarum Modo. Auctore Leonardo Botallo, Astensi, Philosophiæ et Medicinæ Doctore, Christianissimi Regis, Serenissimæ Reginæ, et Invictissimi Ducis Brabantiæ, Andium, etc. Comitis Flandriæ, etc. Consiliaro et Medico. Postrema Auctoris cura ita recognitus, et multis disputationibus ac exemplis auctus, ut novum plane opus dici possit. Editio novissima.

[Livre sur le traitement par la Saignée : la manière dont il faut inciser la veine, scarifier la peau et appliquer les sangsues, par Leonardo Botallo natif d’Asti, docteur en médecine et philosophie, conseiller et médecin du roi très-chrétien, de la sérénissime reine, et du très invincible duc de Brabant, des Andes, etc., comte de Flandre, etc. De nouveau et si bien révisé par l’auteur lui-même, et augmenté de tant de discussions et d’exemples, qu’on peut dire qu’il s’agit vraiment d’un nouvel ouvrage. Toute dernière édition]. {b}


  1. V. note [47], lettre 104.

  2. Lyon, Michael Duhan, 1655, in‑8o, avec dédicace de Duhan à Charles Spon, éditeur scientifique de l’ouvrage (v. note [20], lettre 387).

19.

V. note [16], lettre 349, pour la Vie de M. d’Épernon, par Guillaume Girard (Paris, 1655).

20.

V. note [25], lettre 348, pour l’« Histoire des actes et écrits de Luther » par Iohannes Cochlæus (Commentaria… Mayence, 1549).

21.

« je pense que personne ne doit en avoir peur ».

22.

« N’ayez pas peur des signes du ciel » (Jérémie, v. note [2], lettre 302).

23.

« bien qu’il soit de petite taille », ce qui transforme en cruelle ironie le compliment outré qui précède : l’avocat général que Guy Patin admirait vraiment n’était pas Jérôme i Bignon, mais son prédécesseur, Omer ii Talon.

V. note [9], lettre 358, pour les querelles des compagnons imprimeurs de Paris et de Lyon avec leurs maîtres.

24.

« Malheur aux vaincus. ».

En 390 av. J.‑C., les Gaulois prirent et dévastèrent Rome. Enfermés dans le Capitole et menacés de famine, les Romains, pour éloigner les formidables ennemis qui campaient sur les ruines fumantes de la cité, consentirent à négocier (Tite-Live, Histoire de Rome, livre v, chapitre xlviii, § 8‑9) :

Tum senatus habitus tribunisque militum negotium datum ut paciscerentur. Inde inter Q. Sulpicium tribunum militum et Brennum regulum Gallorum conloquio transacta res est, et mille pondo auri pretium populi gentibus mox imperaturi factum. Rei fœdissimæ per se adiecta indignitas est : pondera ab Gallis allata iniqua et tribuno recusante additus ab insolente Gallo ponderi gladius, auditaque intoleranda Romanis vox, Væ victis.

[Le Sénat s’assembla alors et chargea les tribuns militaires de négocier. Une entrevue eut lieu entre le tribun Q. Sulpicius et Brennus, chef des Gaulois. Ils convinrent que mille livres d’or seraient la rançon de ce peuple qui devait bientôt diriger le monde. À ce marché, en soi si honteux, s’ajouta cette humiliation : les Gaulois ayant apporté des poids faussés que le tribun refusait, le Gaulois insolent mit encore son épée dans la balance et fit entendre ces mots intolérables pour des Romains, Væ victis].

25.

« comme ce qu’on lui devait ».

Le quint est le cinquième (soit 300 livres tournois). Guy Patin ruminait l’amertume que lui valait le procès contre Jean Chartier qu’il avait perdu durant son décanat (v. note [10], lettre 328).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 21 juillet 1654

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0360

(Consulté le 25/04/2024)

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