L. 377.  >
À André Falconet,
le 30 octobre 1654

Monsieur, [a][1]

M. Courtaud, [2] de Montpellier, [3] cherche quelqu’un pour faire écrire contre M. Guillemeau, [4] mais il a affaire à forte partie. Je ne sais pourquoi ce Courtaud m’a tant fourré dans son livre, moi qui ne l’ai jamais vu ni offensé et qui ne savais pas même s’il était né. Si le livre de M. Merlet [5] contre Eusèbe Renaudot [6] ne vous a pas satisfait, il en viendra bientôt un autre meilleur, savoir de M. Perreau, [7] qui n’a pu être achevé plus tôt par la disette des ouvriers qui est ici fort grande. [1] Eusèbe Renaudot est ici fort malade d’un abcès à la tête [8] qui a été suivi d’une grande douleur : il avait eu des convulsions et des vomissements jusqu’au sang [9] par une certaine rencontre bien étrange, de cause externe, que M. Spon vous contera. [2][10] Depuis trente ans, je n’ai point vu si peu de malades que depuis trois mois, hormis quelques dysenteries [11] dont les malades sont réchappés avec de petits lavements [12] détersifs, la saignée réitérée, et quelques légères purgations [13] avec casse [14] et séné [15] ou catholicon [16] doublé, etc. Je vous prie d’assurer M. Hubet [17] que je suis son très humble serviteur, je ne vois point ici de Lyonnais que je ne leur parle de vous. [3]

Enfin, M. Riolan [18] m’a donné sa charge de professeur du roi en survivance. M. l’évêque de Coutances, [19] grand vicaire de M. le cardinal Antoine, [20] grand aumônier, nous en a donné son consentement ; et ensuite, j’ai obtenu du roi [21] et de M. le garde des sceaux [22] toutes les autres provisions nécessaires et j’en ai prêté le serment ; en vertu de quoi j’espère de commencer mes leçons [23] après Pâques ou environ, s’il plaît à Dieu, car le bonhomme souhaite de m’en voir tout à fait en possession avant que de mourir. Je souhaiterais pourtant très volontiers qu’il ne mourût jamais, αλλα τουτο εστιν αδυνατον, nec datur in hac misera mortalitate ; [4][24] il est même si vieux qu’il me fait regret et pitié. Le pape [25] n’est plus mort, on dit qu’il est revenu de maladie en santé, mais que ce n’est point pour longtemps à cause de sa décrépite vieillesse. Hier à deux heures de l’après-midi, le bonhomme Chartier, [26] âgé de 82 ans, tomba de son cheval et mourut apoplectique. [27] On s’en va rompre [28] deux grands voleurs à la Grève, [29] dont l’un a été valet de pied du cardinal Mazarin. Vale[5]

De Paris, ce 30e d’octobre 1654.


a.

Bulderen, no xciii (tome i, pages 247‑248) ; Reveillé-Parise, no ccccxxx (tome iii, pages 41‑42).

1.

V. notes :

2.

V. notes [14], lettre 364, et [14], lettre 376.

3.

Ce M. Hubet (orthographe attestée par la lettre manuscrite à Charles Spon, datée du 22 décembre 1654), marchand lyonnais de prénom inconnu, servait alors d’intermédiaire entre Guy Patin et ses amis lyonnais.

4.

« mais cela est impossible et ne nous est pas accordé dans cette misérable condition de mortel » : Αντρωποις τουτο εστιν αδυνατον [Pour les hommes c’est impossible (mais pour Dieu tout est possible)] (paroles de Jésus dans Matthieu 19:26).

Avec toute la respectueuse commisération due à Jean ii Riolan, qui lui cédait sa chaire, Guy Patin ne se lassait pas d’annoncer à chacun de ses amis sa nomination au Collège de France (v. note [29], lettre 372).

5.

Guy Patin terminait en résumant le post-scriptum de sa précédente lettre (à Charles Spon).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 30 octobre 1654

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(Consulté le 19/04/2024)

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