L. 405.  >
À Charles Spon,
le 22 juin 1655

< Monsieur, > [a][1]

On parle fort de l’amour du roi [2] vers la nièce [3] de Son Éminence, [4] la Mancini, [5] et qu’il la veut épouser. [1] Je ne sais pas ce qui en arrivera, mais tant d’autres choses ont précédé, assez incroyables avant qu’elles fussent arrivées, que je considère celle-ci moins que paradoxe. [2] La reine [6] a envoyé par les religions pour faire prier Dieu afin qu’il plût à sa sainte bonté de détourner le roi d’un dessein qu’il a (n’est-ce celui-là d’épouser la nièce du Mazarin ?). [3] Il est vrai que quelques-uns disent que jamais le roi n’épousera celle-là, mais plutôt la princesse Marguerite, [7] sœur du duc de Savoie, [8] laquelle a deux autres sœurs mariées : l’une [9] au prince Maurice, [10] par ci-devant cardinal de Savoie ; et l’autre [11] au duc de Bavière. [4][12][13]

Il est ici mort un maître des requêtes nommé M. Mangot de Villarceau : [14] ils ont été quatre frères maîtres des requêtes, leur père [15][16] fut quelque temps garde des sceaux sous le marquis d’Ancre. [5][17] Il est mort aussi un jeune conseiller du Grand Conseil nommé M. Moreau, [18] fils du défunt lieutenant civil, [19] qui était un dangereux magistrat. [6] Celui-ci n’avait que 27 ans et 100 000 livres de rente. Il est mort en deux jours sans confession, [20] on dit que c’est d’un mal de gorge. Un des nôtres m’a dit ce matin qu’il avait avalé trois heures avant de mourir un verre de vin émétique [21] que son médecin lui donna : voilà pour avancer la réputation de l’antimoine [22] et le détester encore davantage. Ce médecin est le fils aîné du Gazetier[23] qui n’est guère moins effronté et charlatan [24] que son père. [7][25]

Le Mazarin ne veut point irriter Cromwell [26] et a peur de le fâcher. On avait apporté à Paris quelque nombre de copies d’un portrait en taille-douce de Cromwell où il est peint à cheval, avec des vers dessous où il est dit que Cromwell subjuguera toute la terre, vaincra l’Espagne, la France, etc. Quelques portraits vendus et débités firent connaître à M. le chancelier [27] où en était le paquet. Il l’envoya saisir avec défense d’en faire venir d’autres. Peu de jours après, le Mazarin manda à M. le chancelier que l’on rendît ce qui avait été saisi, et cela a été fait et la planche même rendue qui avait été saisie ; de plus, défense à M. le chancelier et à tout autre de la part du roi d’en empêcher la vente et la publication ; de sorte que cela se vend aujourd’hui impunément dans Paris 15 et 20 sols que l’on baillait auparavant à 8 sols pièce. [8]

Il y a environ 15 jours qu’un cerf blessa un gentilhomme à la chasse, qui était près de la personne du roi. Et voilà que tout nouvellement on nous annonce que le roi, la reine et M. le duc d’Anjou [28] ont échappé un grand danger de l’eau : leur carrosse a failli de tomber dans l’eau qui en cet endroit était fort profonde et où il y avait une pique de haut, [9] en passant par-dessus un pont qui est à La Fère, [29] par les deux chevaux de devant qui s’échappèrent et le corps du carrosse fut heureusement retenu par des valets de pied. Vous voyez par là que nos rois très-chrétiens sont en la garde de Dieu et que bienheureux est celui qui a la vertu de guérir les écrouelles. [30] Il n’en est pas de même du roi d’Angleterre [31] qui a été malheureux jusque sur l’échafaud. Non sic fecit Deus omni nationi[10][32] Bon Dieu, quel changement il y aurait en France si ce malheur-là était arrivé ! Que seraient, que deviendraient et où se pourraient cacher les pauvres mazarins, et leur chef et toute la cabale ? Certes, je ne vis jamais un tel changement.

Il y a ici, prisonnier dans la Conciergerie, [33] un nommé Le Clerc, [34] partisan et à qui le roi doit de l’argent. [11] Ses créanciers l’ont fait mettre là-dedans. Messieurs du Conseil, le chancelier, les surintendants et intendants des finances ont fait donner arrêt au Conseil pour le tirer de là. Un huissier de la chaîne est venu avec ledit arrêt pour le mettre en liberté. Le geôlier de la Conciergerie a refusé d’y obéir et a mené ledit huissier au premier président [35] qui a avoué ledit geôlier, [12] et que c’était de son ordre. M. Le Tellier, secrétaire d’État, en est allé trouver le premier président, duquel il n’a pu rien obtenir. Voilà le Parlement et le Conseil en contraste, et le premier président aux mauvaises grâces de Son Éminence.

Sans le massacre de vos pauvres réformés. [36] dans la vallée de Saint-Martin, [13][37] la paix serait faite entre nous et Cromwell : il a dit qu’il voulait connaître de cette affaire, à cause de quoi il a envoyé un gentilhomme tout exprès. [14] On a dit qu’il y a du bruit en Languedoc, et particulièrement à Nîmes [38] et devers Montpellier, et qu’il y a eu un colonel hollandais, mais catholique, tué par les réformés, lequel s’en allait en Catalogne [39] avec le prince de Conti. [40]

Le Gazetier Eusèbe Renaudot, [41] auteur de L’Antimoine triomphant[42][43] justifie là tout fraîchement et fait triompher par un étrange rencontre M. de Bautru Serrant, [44] fils aîné du vieux Bautru, [45] qui avait épousé la fille de feu M. de La Bazinière, [46] trésorier de l’Épargne : [47] cette femme [48][49] encore toute jeune < était > grosse de son troisième enfant ; et étant en travail, afin d’accoucher, disait-il, plus aisément, il lui donna un verre de vin émétique, [50] dont elle mourut sans accoucher ou n’accoucha que de la vie. Mme de La Bazinière, [51][52] sa mère, âgée de 67 ans, en eut un tel regret qu’elle en est réduite au lit de la mort. [15] Cela fait augmenter les exécrations de l’antimoine, n’est-ce pas là un bon remède ?

Aujourd’hui a été rompu dans la rue Saint-Martin [53][54] un nommé Prévôt [55] qui avait tué sa femme il y a environ six semaines, il était âgé d’environ 40 ans. [16] Le Châtelet [56] l’avait condamné à être rompu tout vif et avoir auparavant le poing coupé ; [57] la Cour a ôté le vif et < il > a été étranglé avant qu’être rompu. Le roi d’Espagne [58] a fait arrêter prisonnier le médecin et le valet de chambre du duc de Lorraine, [59] convaincus d’avoir brassé quelque chose pour la liberté de leur maître.

Guénault [60] enrage ici pour des vers burlesques en français qui courent contre lui et cinq autres docteurs de même sorte, qui ont fait jeter des monitoires [61] et des excommunications [62] contre ceux qui sauraient quelque chose du Pithœgia et l’auteur de l’Alethophanes contre lequel on n’a rien du tout découvert, [17] personne n’ayant été en révélation pour tous ces réaggraves [63] qui ont été jetés et publiés dans toutes les paroisses de Paris. [18] Et ce qui le fait enrager le plus fort, c’est que cela leur coûte beaucoup d’argent car, comme vous savez, les prêtres de l’Église ne font rien pour eux ; et néanmoins ces prêtres prennent sur tout, jusqu’à bénir (sic vulgo loquuntur[19] le lit de la mariée et autres badineries du siècle, fardées du titre de religion et de cérémonies ecclésiastiques dont ils ont grand soin à cause qu’il leur en vient de l’argent. Pour les monitoires et censures ecclésiastiques, est brutum fulmen [20] qui fait plus de bruit que de mal. Le monde n’est plus grue et ne se mouche plus sur la manche ; [21] cela était bon du temps que Berthe [64] filait et que l’on avait peur du loup-garou. [22][65][66]

Il y a longtemps que je n’ai vu le jeune Sanche. [67] C’est un homme affamé de gagner et bien juif à mon gré, [23] superbe et hautain, espèce de gens fort dangereux, à mon avis, en notre métier, qui n’y viennent que pour piller la pratique et s’enrichir vitement, per fas et nefas, per syncretismum cum pharmacopœis[24] et en faisant force fourberies, comme a fait ici Guénault et qu’il fait encore tous les jours aussi bien que des Fougerais [68] et autres gens de leur secte cabalistique. Un de nos libraires nommé Jolly, [25][69] qui trafique d’ordinaire en Hollande, y est allé pour une impression qu’il y a fait faire de la traduction des Ragionamenti de l’Arétin, [70] qu’il y avait envoyée d’ici. Un paquet qui en était venu a été saisi et le traducteur, nommé Saint-Ange, fait prisonnier, et l’est encore. [26][71] Pour Jolly, je ne sais ce qu’il deviendra, mais il a le bruit d’être un mauvais garnement et mauvais libraire.

Je ne sais pas ce que fera le sieur Courtaud [72] à l’avenir. Je prendrai plaisir à voir comment il se prendra à nous donner la vie de son oncle [73] qui ne fut jamais qu’un pauvre et chétif personnage à la cour à cause qu’il ne parlait point : artemque tacendi noverat, adeo exacte ut iure potuisset inter Pythagoreos recenseri[27][74] Pour sa Ludovicotropie, ce n’est rien qui vaille, c’est ce qui me fait douter si ce qu’il vous promet verra jamais le jour. Je pense qu’il a envie de n’en rien faire et que ce bonhomme si vieux ne nous donnera plus rien.

Pour le titre de l’épître liminaire du Sennertus[75] j’en suis très content et en demeure là où vous m’avez mandé. [28] Je vous prie qu’elle en demeure ainsi et qu’on y change rien. Je crois fermement qu’autrefois on confondit les ladres [76] et les vérolés [77] ensemble et que c’est la cause pour laquelle aujourd’hui on voit si peu de ladres de deçà, d’autant que les vérolés y sont très bien distingués. M. Moreau [78] m’a dit autrefois que telle avait été l’opinion du grand Simon Piètre [79] qui a été un homme incomparable. J’ai tenu cette opinion-là dans mon traité de Elephantiasi [80] que j’ai donné depuis peu et que j’ai achevé depuis trois jours. [29] In tota Gallia Belgica Celticaque, nulli hodie videntur elephantici ; at multi supersunt in Gallia Narbonensi et Aquitania, Braccataque ; [30] j’entends par ce dernier mot la Provence [81] qui en est pleine propter atram bilem prædominantem[31][82][83] Je vous envoie des vers qui ont ici couru depuis quelque temps sur la querelle de l’antimoine et entre autres, contre l’official qui a permis qu’on jetât de tels monitoires pour telles bagatelles. [32]

Le roi de Pologne [84] a perdu son frère. [33][85] Il est en grosse guerre contre le duc de Moscovie, [86][87] et s’en va encore être attaqué de nouveau par le roi de Suède [88] près duquel M. Heinsius [89] qu’avez connu est résident pour les États de Hollande. [34][90] M. Chapelain [91] (que j’ai vu aujourd’hui chez M. Gassendi), [92] qui fait imprimer les douze premiers livres de sa Pucelle[35] m’a dit que ledit Heinsius lui a mandé de Suède que, tandis que ce roi serait aux prises avec le roi de Pologne, qu’il s’en viendrait faire un tour en Hollande où ses affaires domestiques l’appellent à cause de la mort du feu Dan. Heinsius, [93] son père. Je vous ai mandé sa mort ci-devant.

Je pense que vous vous souvenez bien ici d’un certain médecin de Blois [94] nommé Papin [95] qui, de Blois, vint demeurer ici, d’ici à Alençon, [96] puis revint ici où il prétendait être remployé sous les auspices de l’étendard de Vallot [97] aujourd’hui premier médecin, sed spes illa statim decolavit[36] Voyant qu’il n’y réussissait point, il vendit tous ses meubles et ses livres, et s’en alla à Nantes [98] pour être d’un embarquement que l’on y faisait pour l’Amérique, [99] où quelque argent lui fut avancé ; delà, querelle et procès, il en fut emprisonné. Il en sortit et s’en alla, pour être hors des atteintes de ces gens-là, à Neuchâtel [100] en Suisse où il est mort. [37] Sa femme est à Saumur [101] avec trois enfants. Tandem attigi metam[38] je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble, etc.

De Paris, ce mardi 22e de juin 1655.

Le grand empêchement qui est aujourd’hui à la cour est touchant l’affaire du cardinal de Retz [102] et le jubilé [103] que le pape [104] nous a envoyé, que l’on ne veut pas recevoir dans les formes romaines, absente archiepiscopo[39] Le roi n’a-t-il pas tout pouvoir, ne peut-il pas être chef de l’Église gallicane, sans dépendre des ordres romanesques ? [105]


a.

Reveillé-Parise, no cclxxii (tome ii, pages 183‑189), datée du mardi [pour lundi] 21 juin 1655 ; mais l’exactitude du calendrier et le début de la lettre suivante font préférer le 22 juin.

1.

Marie Mancini (alors âgée de 15 ans) a résumé son idylle avec le jeune roi dans ses Mémoires (chapitre v, pages 107‑108) :

« Cependant, {a} la manière familière avec laquelle je vivais avec le roi et son frère {b} était quelque chose de si doux et de si affable que cela me donnait lieu de dire sans peine tout ce que je pensais, et je ne le disais pas sans plaire quelquefois. Il arriva delà {c} qu’ayant fait un voyage à Fontainebleau avec la cour, que nous suivions partout où elle allait, je connus au retour que le roi ne me haïssait pas, ayant déjà assez de pénétration pour entendre cet éloquent langage qui persuade bien plus sans rien dire que les plus belles paroles du monde. Il se peut faire aussi que l’inclination particulière que j’avais pour le roi, en qui j’avais trouvé des qualités bien plus considérables et un mérite bien plus grand qu’à pas un autre homme de son royaume, m’eût rendue plus savante en cette matière qu’en toute autre.

Le témoignage de mes yeux ne me suffisait pas pour me persuader que j’avais fait une conquête de cette importance. Les gens de cour, qui sont les espions ordinaires des actions des rois, avaient, aussi bien que moi, démêlé l’amour que Sa Majesté avait pour moi et ils ne me vinrent que trop tôt confirmer cette vérité par des devoirs et des respects extraordinaires. D’ailleurs les assiduités de ce monarque, les magnifiques présents qu’il me faisait et plus que tout cela, ses langueurs, ses soupirs et une complaisance générale qu’il avait pour mes désirs ne me laissèrent rien à douter là-dessus.

Il vint une tempête qui troubla pour quelque temps la douceur de ces jours, mais elle passa bientôt. On parla de marier le roi avec la princesse Marguerite de Savoie, fille de Madame Royale, qui fut depuis duchesse de Parme, princesse assurément d’un grand mérite, et cela obligea la cour de faire le voyage de Lyon. {d} Cette nouvelle était capable de donner bien du trouble et de la peine à un cœur. Je le laisse à penser à ceux qui ont aimé quel tourment ce doit être la crainte de perdre ce qu’on aime extrêmement, surtout quand l’amour est fondé sur si grand sujet d’aimer ; quand, dis-je, la gloire autorise les mouvements du cœur et que la raison est la première à le faire aimer.

Comme mon mal était violent, il eut le destin des choses violentes : il ne dura pas longtemps et ce mariage du roi se rompit avec la même promptitude qu’il avait été entamé. »


  1. Pendant ce temps.

  2. Philippe, alors duc d’Anjou.

  3. Ensuite.

  4. 1658.

La liaison ne se brisa définitivement qu’en 1660, quand Louis xiv épousa l’infante Marie-Thérèse. Marie Mancini n’était peut-être pas tout à fait étrangère à la maladie (écoulement urétral) pour laquelle Antoine Vallot soignait alors le roi (v. note [8], lettre 402).

2.

Paradoxe : « proposition surprenante et difficile à croire à cause qu’elle choque les opinions communes et reçues, quoiqu’elle ne laisse pas quelquefois d’être véritable » (Furetière).

3.

Religions : couvents.

4.

Il s’agissait des trois filles de Christine de France, Madame Royale, et de Victor-Amédée ier de Savoie : v. note [9], lettre 378.

Ferdinand-Marie (Ferdinand Maria von Wittelsbach, der Friedliebende [le Pacifique], Munich 1636-ibid. 1679), fils aîné de Maximilien ier (v. note [54], lettre 150) avait été couronné duc électeur de Bavière le 31 octobre 1654. Allié de la France, il s’abstint toutefois, en 1657, de briguer le sceptre impérial pour éviter d’entrer en conflit avec les Habsbourg.

5.

Claude i Mangot, seigneur de Villarceau, avait été reçu conseiller au Parlement de Paris et commissaire aux requêtes du Palais en 1588, puis maître des requêtes en 1600, ambassadeur en Suisse par le crédit du maréchal d’Ancre, Concino Concini, qui le fit connaître à Marie de Médicis. Nommé garde des sceaux le 25 novembre 1616, il les perdit cinq mois plus tard, après l’assassinat du ministre qui le protégeait.

Ses quatre fils furent aussi maîtres des requêtes (Popoff, no 1657) :

6.

De Michel Moreau, conseiller au Grand Conseil, prévôt des marchands (1632-1638), lieutenant civil de la prévôté et vicomté de Paris, Tallemant des Réaux (Historiettes, tome ii, page 261) dit qu’il :

« avait emprunté pour être lieutenant civil. On disait “ cet homme s’acquitte bien de sa charge ” car il volait en diable et demi. {a} Il n’avait pas passé pour voleur dans les intendances qu’il avait eues. Je crois qu’il avait les mains nettes. Il était effectivement bon homme ; je ne lui ai jamais vu rien reprocher que ce que je viens de marquer. »


  1. « comme tous les diables » (Furetière).

De son mariage avec Isabelle Luillier (épouse en secondes noces d’Étienne d’Aligre) naquit Michel-Jérôme qui fut reçu conseiller au Grand Conseil le 21 novembre 1652 à la place de Jacques Amelot. Il fréquenta Pellisson et Mlle de Scudéry, et figure dans la Gazette de Tendre sous le nom d’un jeune étranger. Il avait été l’ami de Paul ii Scarron (v. note [29], lettre 642), qui lui dédia la première de ses Nouvelle tragi-comiques, intitulée La Précaution inutile (Paris, Antoine de Sommaville, 1655, in‑8o), mais avec cet avis À qui lira :

« J’étais prêt d’envoyer mon livre à Monsieur Moreau, quand on m’est venu affliger des nouvelles de sa mort. J’ai voulu conserver à la mémoire d’un ami, qui me fut si cher, ce que je lui avais destiné pendant sa vie. Je n’ai point connu d’homme de son âge qui eût plus de mérite que lui et je crois qu’il n’a pas un de ses amis qui le regrette plus que moi. »

Ami estimé de Ninon de l’Enclos, il mourut sans en avoir reçu aucune faveur, dit de lui Tallemant des Réaux (Adam).

7.

Isaac Renaudot, le fils aîné de Théophraste, le Gazetier, défunte bête noire de Guy Patin.

8.

Il n’est pas nouveau de dire que la rumeur fait monter les prix.

9.

Pour dire la hauteur d’une pique, ordinairement 14 pieds, environ 4,5 m. La cour était arrivée à La Fère (v. note [5], lettre 175) le 6 juin. L’accident dû à l’emballement des chevaux qui tiraient le carrosse royal était survenu le 10 (Levantal).

10.

« Dieu n’a pas agi de même pour toutes les nations », Psaumes (147:20) :

Non fecit taliter omni nationi et iudicia sua non manifestavit eis.

[Il n’a pas agi de même pour toutes les nations, et elles ne connaissent pas ses commandements].

Les rois d’Angleterre comme ceux de France (v. note [8], lettre 524) étaient réputés investis du pouvoir de guérir les écrouelles (v. note [10], lettre 274), scrofula en latin (King’s evil [mal du roi] en anglais). Guy Patin ne cachait pas ici la crainte qu’il avait eue, aux pires heures de la Fronde, que la France ne décapitât son roi comme avait fait l’Angleterre de Charles ier en février 1649.

11.

Peut-être Nicolas Le Clerc qui exerça la recette générale des finances de la généralité de Châlons-en-Champagne (Dessert a, no 310).

12.

Avouer un homme : « déclarer qu’on l’approuve en tout ce qu’il a fait ou qu’il fera » (Académie).

13.

Le val Saint-Martin est l’une des trois vallées vaudoises du Piémont. Elle porte aujourd’hui le nom de val Germanasca.

14.

Nouvelle allusion aux Pâques piémontaises, v. note [11], lettre 403. Le 3 juin, Cromwell avait écrit par toute l’Europe pour inciter les gouvernants protestants à se liguer contre le duc de Savoie. Le lendemain, il avait décidé de rompre les négociations de paix avec la France aussi longtemps que Louis xiv n’aurait pas intercédé auprès du duc de Savoie pour qu’il mît fin aux persécutions des vaudois. Le 12 juin, le roi avait accepté d’intervenir en leur faveur (Plant).

15.

V. note [21], lettre 312, pour L’Antimoine justifié et l’antimoine triomphant… d’Eusèbe Renaudot.

Tallemant des Réaux a consacré une historiette à Macé i Bertrand, sieur de La Bazinière, ainsi qu’à ses deux fils et à ses deux filles (tome ii, pages 201‑212). Mort le 10 novembre 1642 dans sa maison de la rue des Petits-Champs, Macé i avait été commis de Daniel Voisin, greffier du Conseil, avant de devenir trésorier de l’Épargne.

« Il était fils d’un paysan d’Anjou et à son avènement à Paris, il fut laquais chez le président Gayant, président des Enquêtes. C’était même un fort sot garçon, mais il fallait qu’il fût né aux finances. Après, il fut clerc chez un procureur, ensuite commis, et insensiblement il parvint à être trésorier de l’Épargne. »

Son épouse s’appelait Marguerite de Verthamon (Popoff, no 2448), veuve de Daniel Voisin ; elle mourut en 1658, saluée dans la Muse historique de Loret, livre ix, lettre xlix, le 14 décembre, page 564 (vers 29‑36) :

« L’autre jour, avec un long deuil,
On mit dans un triste cercueil
Madame de La Bazinière,
Non la belle, mais la douairière ;
Sans que son argent, ni son or,
Dont elle avait un grand trésor,
eussent pu, du moindre intervalle,
Retarder son heure fatale. »

Elle avait fait avant sa mort de grands dons aux hôpitaux de Paris. La fille aînée des La Bazinière, celle dont Guy Patin narrait ici la mort, se prénommait Marie ; Tallemant des Réaux (tome ii, page 210) :

« Bautru, {a} qui, avec 500 000 écus de bien, ne cherchait encore que de grands partis, ayant manqué Mme de Noailles, maria son fils, qu’on appelle M. de Serrant, {b} avec cette fille qui n’avait guère que 12 ans et à qui on donna 400 000 livres en mariage. […] Elle haïssait son mari mortellement ; c’était une étourdie, et lui un benêt qui voulait railler et faire l’esprit fort {c} comme son père ; mais cela lui réussit si mal qu’il fait pitié. Il fait toutes choses à contretemps ; il prend tout de travers ; on lui fait les cornes en jouant avec lui. Sa femme disait : “ Quand je serai veuve, je ferai ceci et cela car je suis assurée que M. de Serrant mourra jeune. ” Elle s’est fort trompée car elle est morte à 22 ans et a laissé deux enfants, que je crois à ce mari qu’elle devait enterrer. »


  1. Guillaume i de Bautru, comte de Serrant, v. note [15], lettre 198.

  2. Guillaume ii de Bautru (Angers 1621-Serrant 1711), fils de Guillaume i, fut intendant de Touraine, puis chancelier du duc Philippe d’Orléans (A. Adam).

  3. V. seconde notule {a}, note [1] du Faux Patiniana II‑4.

Son mari mourut 16 ans plus tard, le 7 septembre 1671 (Adam). Patin a parlé plus loin de Macé ii Bertrand de La Bazinière, fils aîné de Macé i.

16.

Guy Patin avait parlé de cet assassin à la fin de sa lettre à Charles Spon, datée du 6 juin précédent.

17.

V. notes [10] et [11], lettre 342, pour ces deux libelles antistibiaux ; François Blondel était l’auteur de l’Alethophanes.

18.

Raggrave ou réaggrave : « c’est la dernière des monitions qu’on fait dans les censures ecclésiastiques, pendant laquelle on allume une petite chandelle, et si le pécheur ou le rebelle à l’Église ne vient se soumettre aux ordres de l’Église avant qu’elle soit éteinte, on fulmine l’excommunication et on en déclare toutes les peines encourues » (Furetière). Littré DLF cite ce passage de Guy Patin pour illustrer l’emploi du mot.

V. note [17], lettre 398, pour les monitoires.

19.

« comme ils disent communément ».

20.

« c’est une foudre aveugle » ; Brutum fulmen est une expression que Pline a employée au pluriel (bruta fulmina) dans son Histoire naturelle (livre ii, chapitre xliii ; Littré Pli, volume 1, page 120) :

Sed hæc omnia esse fortuita : hinc bruta fulmina et vana, ut quæ nulla veniant ratione naturæ ; his percuti montes, his maria, omnesque alios irritos jactus.

« De là des foudres aveugles et vaines toujours, n’étant le produit d’aucune des lois de la nature : elles frappent les monts, elles se précipitent dans les mers et portent tant d’autres coups inutiles. »

Cette expression renvoie aussi au violent orage provoqué par la bulle d’excommunication que le pape Sixte Quint avait prononcée en 1585 par contre le roi de Navarre et le prince de Condé. {a} Jacques-Auguste i de Thou l’a commentée dans le livre lxxxii de son Histoire universelle (Thou fr, volume 9, page 378) :

« Dans la suite, François Hotman écrivit aussi contre cette bulle. Celui-ci choisit un style badin et donna pour titre à son livre Brutum Fulmen, {b} c’est-à-dire la foudre sans effet. »


  1. V. note [18] du Borboniana 4 manuscrit.

    Furetière donne pour premier sens au verbe fulminer : « vérifier, exécuter une bulle ou autre récrit de cour de Rome ; “ Ces bulles, cette dispense se doivent fulminer par l’official d’un tel lieu, qui est un de ceux auxquels elles sont adressées ” ; on dit aussi “ fulminer une excommunication. ” »

  2. François Hotman (v. note [19], lettre 176) :

    Brutum fulmen Papæ Sixti v. adversus Henricum Sereniss. Regem Navarræ, et illustrium Henricum Borbonium, Principem Condæum. Una cum protestatione multiplicis nullitatis.

    [La Foudre aveugle du pape Sixte Quint contre le sérénissime roi Henri de Navarre et l’illustrissime Henri de Bourbon, prince de Condé. Avec protestation de multiples causes de nullité]. {i}

    1. Rome, héritiers d’Antonius Bladius, 1585, in‑8o anonyme de 234 pages.

21.

« On dit Maître Gonin est mort, le monde n’est plus grue à ceux dont on a découvert la finesse et qui nous voulaient tromper » ; Furetière :

22.

« Du temps que Berthe filait » est une locution proverbiale pour dire : au bon temps des mœurs simples où reines et grandes dames ne dédaignaient pas de s’appliquer à des travaux manuels ; dans un temps reculé et même fabuleux.

Berthe y était Bertrade de Laon, dite Berthe au Grand Pied (726-783), épouse de Pépin le Bref et mère de Charlemagne. V. note [15], lettre 151, pour le loup-garou.

23.

Juif est ici à prendre au sens méprisant de cupide : v. note [4], lettre 397, pour l’âpreté de Pierre ii Sanche à obtenir une chaire professorale à Montpellier.

24.

« par tous les moyens, bons comme mauvais [de façon licite comme illicite], par collusion avec les pharmaciens ».

25.

Thomas Jolly, libraire de Paris, avait été l’un des cinq libraires de la société que Guy Patin avait réunie pour l’édition des Opera omnia de Daniel Sennert en 1641 (v. note [12], lettre 44). Il avait été reçu maître libraire en 1648, après avoir été apprenti de Roland Touzard en 1639 puis de Jean Branchu en 1640. Il mourut avant septembre 1695. Il était installé au Palais, avec un magasin rue Saint-Jacques, à l’enseigne des Armes de Hollande (Renouard).

26.

Pietro Aretino (d’Arezzo, sa ville natale, v. note [35] de l’Autobiographie de Charles Patin), dit l’Arétin, est un poète satirique italien (1492-1556) dont les Ragionamenti [Dialogues] sont l’œuvre la plus fameuse (v. notule {e}, note [13] de la lettre de Guy Patin venue de Russie) ; mais je n’ai pas trouvé trace de l’édition (clandestine) correspondant aux indications de Guy Patin ; celui de son traducteur, qu’il appelait Saint-Ange, était sans doute Jean L’Ange, écuyer et gentilhomme servant du roi (v. note [10], lettre 411).

V. note [12] du Patiniana I‑3, pour un complément d’information sur l’Arétin.

27.

« il connaissait l’art de se taire, au point qu’on pouvait le compter à juste titre parmi les pythagoriciens. »

Pythagore, philosophe grec, auteur du système de la métempsycose, vivait au vie s. av. J.‑C. ; il avait formé de son école une sorte de corporation monastique vouée à des pratiques austères. {a}

Pythagoriciens (Trévoux) :

« Nom d’une secte d’anciens philosophes qui suivaient la doctrine de Pythagore de Samos, fils d’un lapidaire qui mourut âgé de 90 ans, l’année 4e de la 70e olympiade, c’est-à-dire environ cinq cents ans avant Jésus-Christ. Pythagoricus, Pythagoræus. On appellait aussi cette secte, la secte italique, parce que Pythagore, après avoir voyagé en Égypte, dans la Chaldée et jusqu’aux Indes, pour s’instruite, et étant revenu dans sa patrie, mais ne pouvant souffrir la tyrannie de Polycrate, ou de Syloson, il se retira dans la partie orientale d’Italie, qu’on appelait la Grande Grèce, {b} et c’est là qu’il enseigna et qu’il forma sa secte. Habile en tout, il excellait principalement dans les mathématiques. Il donna de nouvelles règles d’arithmétique et perfectionna la géométrie. Il se fondait beaucoup sur la science mystérieuse des nombres. Il enseigna le premier la métempsycose. {c} Il se fit si fort estimer par sa science, son habileté et sa vertu qu’on le regarda comme un dieu. Les Métapontins {d} lui érigèrent un temple et des autels. C’était le héros, ou plutôt l’idole de Porphyre et de Jamblique, ils l’opposent à Jésus-Christ. {e} Ils en font un dieu descendu tout exprès du ciel pour sauver les mortels. »


  1. V. note [31] du Faux Patiniana II‑4 pour le silence que Pythagore était réputé commander à ses disciples, et pour une de ses funestes conséquences.

  2. V. note [67] du Patiniana i‑2. Polycrate était un tyran de Samos, et Syloson, son frère.

  3. Réincarnation : une même âme peut animer successivement plusieurs corps humains ou animaux, voire végétaux.

  4. Habitants de Metaponte dans le sud de l’Italie (Basilicate).

  5. V. notes [27] (notule {c‑v}) du Borboniana 9 manuscrit pour Prophyre, et [46] du Borboniana 7 manuscrit pour Jamblique et les néoplatoniciens dont la philosophie était imprégnée de pythagorisme.

L’oncle de Siméon Courtaud, Jean Héroard, médecin de Louis xiii, tint le journal de santé de son illustre patient, sous le titre de Ludovicotropie (v. note [30], lettre 117) ; aucune partie de ce manuscrit n’a été imprimée avant 1834.

Le Genius Pantoulidamas (Paris, 1654, v. note [35], lettre 399) contient une biographie de Héroard, écrite en latin par les Montpelliérains ; elle est trancrite, traduite et annotée dans les Les deux Vies de Jean Héroard (v. ses notes [45][80]).

28.

V. notes [33], lettre 285, pour les Opera de Daniel Sennert (édition de Lyon, 1656, par Charles Spon), et [43], lettre 297, pour le titre laudatif de son épître dédicatoire à Guy Patin.

29.

Je n’ai pas trouvé trace imprimée d’un traité « sur l’Éléphantiasis » par Guy Patin : c’était une de ses leçons restée à l’état de manuscrit. Au xviie s., le plus copieux ouvrage (61 pages) sur ce sujet a été le Tractatus de Elephantiasi seu Lepra… [Traité sur l’Éléphantiasis ou lèpre…] de Jean Varanda (Montpellier, 1620, v. note [42], lettre 209).

30.

« On ne voit plus aujourd’hui d’éléphantiasiques dans toute la Gaule belgique et celte ; mais il en persiste beaucoup en Gaule narbonnaise et aquitaine, et en Provence » (cette phrase n’est pas extraite du traité de Varanda).

La Gallia Braccata était le nom romain de la Gaule narbonnaise (à cause de l’espèce de pantalons larges, braccæ, qu’y portaient les habitants) ; Guy Patin précisait donc avec raison, mais non sans pédanterie, qu’il utilisait cette expression pour désigner la Provence.

31.

« à cause du tempérament atrabilaire [mélancolique] qui y prédomine. »

32.

Pour la seconde fois dans sa lettre, Guy Patin déplorait que le tribunal ecclésiastique (présidial) se fût mis au service du parti antimonial en faisant publier dans les églises de Paris des monitoires incitant les paroissiens à dénoncer ceux qui avaient écrit, imprimé ou diffusé les libelles contre François Guénault et ses alliés. Il est vrai que la querelle avait pris un tour religieux en invoquant sa ressemblance avec celle des jésuites et des jansénistes, et le Pax vobis du pape à ce sujet (v. note [26], lettre 399).

33.

V. note [26], lettre 308, pour Charles Vasa, évêque de Breslau (v. note [6], lettre de Charles Spon, datée du 24 avril 1657), frère cadet du roi de Pologne, Jean ii Casimir Vasa.

34.

Déjà engagée à l’Est dans la guerre de Treize Ans contre la Russie (v. note [7], lettre 374), la République polono-lithuanienne allait être envahie à l’Ouest et au Nord par les Suédois le 21 juillet 1655. C’était le début de la guerre du Nord (1655-1660) qui allait aussi impliquer successivement la Russie, la Prusse (Brandebourg), l’Empire et le Danemark.

35.

V. note [37], lettre 402.

36.

« mais cet espoir s’en est aussitôt allé. »

Nicolas Papin (natif de Blois, mort à Neuchâtel en 1655) médecin français, protestant, était le père de Denis Papin (1647-entre 1710 et 1714), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, inventeur de la machine à vapeur.

Nicolas Papin a notamment publié :

Les précisions que Guy Patin a fournies sur sa vie ne se trouvent pas dans les ouvrages biographiques que j’ai consultés.

37.

Canton de la Confédération helvétique depuis 1814, le comté de Neuchâtel était alors une principauté indépendante, apanage des Orléans-Longueville.

38.

« Et voilà enfin que j’en ai terminé ».

39.

« en l’absence d’archevêque. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 22 juin 1655

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(Consulté le 19/03/2024)

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