L. 411.  >
À Charles Spon,
le 17 août 1655

Monsieur, [a][1]

Je vous ai envoyé ma dernière par un gentilhomme anglais nommé M. du Pont qui est un jeune homme qui s’en allait en Italie. Depuis ce temps-là, nous apprenons ici que le roi [2] avec son armée est en Flandres [3] vers Binche [4] et que l’on parle d’assiéger Avesnes [5] ou Namur ; [1][6] et que le prince Thomas [7] a assiégé Pavie en Italie. [2][8] On dit aussi que le roi a fait mettre le siège devant Mariembourg. [3][9] Le livre de M. Riolan [10] s’imprime adversus Pecquetum et Pecquetianos, ambo doctores Parisienses[4][11] ce sont Mentel et Mersenne [12][13] qu’il entend. Il y en a dix feuilles de faites in‑8o. Il m’a dit que M. Sorbière, [14] qui s’est retenu le beau nom d’Alethophilus, y trouvera son fait en passant et qu’il les relèverait bien de ce qu’ils ont dit que tout s’en allait perdu en médecine, etc., si vous et moi n’y avions été nommés. Je pense qu’il entend la page 172 où nous sommes l’un près de l’autre avec quelques autres docteurs de différente nation. [5] Mentel, qui en a entendu parler, fait feu et flamme contre M. Riolan et dit qu’il empêchera le livre de M. Riolan, qu’il lui montrera ses fautes, etc. ; mais notre bonhomme s’en moque et dit qu’il ne le craint point. Littora littoribus, etc[6][15] Ces Messieurs ne sont-ils pas bien plaisants ? Ils veulent que M. Riolan soit de leur avis et faute de ce faire, ils le veulent assommer et accabler d’injures ; et néanmoins, il se porte fort bien, Dieu merci, et puisse-t-il vivre encore fort longtemps en dépit d’eux. Ce bonhomme pollet adhuc ingenii plenitudine et memoris firmitate incredibili[7] et a encore bons desseins pour le bien du public. On m’est ici venu demander de la part du nonce du pape [16] si je voudrais aller à Bologne la Grasse [17] pour y être le cathédrant in primo loco[8] avec 2 000 écus de gage, et que j’en pourrais gagner encore autant en pratique. Je l’ai bien humblement remercié de l’honneur qu’il me faisait et ai répondu que je n’avais ni assez d’ambition, ni assez d’avarice pour tant d’honneurs et pour quitter Paris ; que j’avais il y a cinq ans refusé d’aller en Suède à de très bonnes conditions, et bien meilleures que celles qu’on me proposait pour Bologne ; [9] et que j’avais fait vœu de n’aller nulle part, désirant fort d’être enterré dans le cimetière des Innocents de Paris. [18][19][20]

On a ici pendu en effigie un nommé Millot, [21] avéré auteur d’un infâme livre intitulé l’École des filles, que l’on dit être tiré de l’Arétin. [10][22][23]

J’ai ce matin rencontré un de nos compagnons nommé M. Blondel [24] qui m’a dit qu’au premier livre raisonnable que les antimoniaux mettront en lumière, il leur en opposera un en latin auquel il mettra son nom, afin d’exempter Guénault [25] de faire jeter des monitoires [26] ni de faire faire des interrogatoires par devant un commissaire du Châtelet [27] pour découvrir ce qu’il cherche et qu’il n’a pu encore trouver. Je lui répondrai, dit Blondel, en face, et au milieu de tout le Parlement, je lui soutiendrai et lui prouverai que tous ceux qui se servent de l’antimoine [28] comme lui sont des empoisonneurs publics qui méritent punition. [11]

On minute ici un changement en chirurgie. Nos barbiers chirurgiens, [29] qui sont maîtres de chefs-d’œuvre, et les chirurgiens [30] de Saint-Côme, vulgo dicti togati et bullati chirurgi[12] ordinairement nommés chirurgiens de longue robe, quibus tegit errantes instita longa pedes[13] sont prêts de s’accorder ensemble, de s’unir et de ne faire qu’un corps s’ils peuvent faire trouver à notre Faculté cette union agréable, vu que les uns et les autres dépendent de nous et qu’ils ne peuvent rien faire sans nous. [14] C’est pour cet effet que nous serons tous assemblés un de ces jours en notre Faculté, où l’on dit qu’il y a un de nos docteurs qui a dessein de prendre aussi un accord entre les deux partis des antimoniaux et de ceux qui leur résistent. On m’a dit aussi qu’ils ont quelque chose sur la pr[esse que nous] verrons le mois qui vient. Nous sommes tous accoutumés à entendre des injures.

Obligez-moi de me mander si l’on trouve à Lyon ou à Genève un livre du P. Th. Raynaud [31] intitulé Anomala circa sacramentum pænitentiæ[15][32] et si on le trouve, obligez-moi de me l’acheter.

Ce 15e d’août. Je partis hier à six heures du soir pour aller coucher à Argenteuil [33] avec un de mes compagnons nommé M. Puilon, [34] où nous avons consulté [35][36] pour une femme quæ miserando morbo laborat, nempe stridore dentium et tremore convulsivo totius corporis, ab hydrargyrosi præpostere administrata propter latentem syphilidem[16][37][38] Le mari a fait le mal, et le barbier impertinent et ignorant l’a augmenté. À mon retour, j’ai trouvé votre agréable lettre du 10e d’août pour laquelle je vous remercie très humblement. Le libraire Léonard, [39] natif de Bruxelles, [40] qui est ici un de nos gros libraires de la rue Saint-Jacques, [41] a eu 15 exemplaires du Matthiæ Martinii Lexicon etymologicum [42] qu’il a tous vendus, combien que très chèrement. [17] Il n’est pas jusqu’aux jésuites qui en ont acheté un, qu’ils ont fait relier en deux volumes comme le P. Labbe [43] m’a fait voir, ayant été appelé chez eux en consultation. [44] Je vous prie donc de dire, s’il vous plaît, à M. Ravaud [45] que je le supplie de m’envoyer celui qu’il a pour moi au plus tôt afin que je m’en serve, il y a cinq ans passés qu’il me fait besoin. Je lui baise très humblement les mains, et à M. Huguetan son associé.

Pour les écrits de M. Gassendi [46] (qui est de présent aux champs près de Chevreuse, [47] au Mesnil-Saint-Denis [48] chez M. de Montmor, [18][49] maître des requêtes, son hôte, où il est allé pour tâcher de fortifier son poumon avec du lait d’ânesse), [50][51] je vous avertis qu’ils ne sont point prêts. Il travaille toujours à polir sa copie et suis fort de l’avis de MM. Hug. et R. qui croient qu’il ne faut rien commencer que le tout ne soit achevé. Quiconque fera autrement, hasardera trop, le bonhomme est bien vieux et n’en peut plus. Vitæ summa brevis, etc[19][52] Si en cette occasion ou en quelque autre j’étais si heureux de les pouvoir servir, je le ferais de toute mon affection. Je dis toute la même chose pour M. Barbier.

De 3o libello D. Guillemeau, idem tecum sentio : [20][53] c’est trop d’injures de part et d’autre, il vaut mieux que tous deux se taisent ; en cas que les Courtaud se taisent les premiers car pour M. Guillemeau, il a d’autres affaires en main dont nous aurons des nouvelles l’an prochain. Mais puisque vous haïssez si fort les injures, je pense que vous trouvez bien étranges toutes celles qui sont dans le livre de Pecquet, tant par l’Alethophilus, qui est M. Sorbière, que par Hyginus Thalassius, qui est Mersenne, et par les autres.

Pour M. Rigaud, s’il vient ici, je parlerai à lui. En attendant, gardez la copie manuscrite et ne lui rendez jamais s’il vous plaît. Pour l’imprimeur [54] qui a votre copie du traité de Spiritibus[21][55] c’est qu’il prétend qu’on lui doit quelque chose ; tâchez de savoir, s’il vous plaît, ce qu’il demande pour sa composition d’une feuille et je lui paierai afin que votre copie vous soit rendue ; outre qu’il ne faut point qu’elle lui demeure, de peur qu’il ne l’imprime ou quelque autre après lui.

Je vous remercie de ce que vous m’avez appris de Strasbourg et de Bâle. [56] Si Casaubon [57] contre Baronius [58] est réimprimé à Genève, [22] je vous prie de dire à M. Ravaud que je le supplie de m’en envoyer un avec le Lexicum etymolog. Martinii et que je lui en paierai ce qu’il voudra.

Je viens d’apprendre que M. Gassendi ne se trouve pas bien aux champs ; s’il ne s’y fortifie, gare l’hiver prochain, tout y est à craindre. Quelles nouvelles savez-vous de l’Hippocrate de Foesius que l’on imprime à Genève ? [23][59][60] On dit que nos antimoniaux font imprimer quelque chose ; s’ils ne font mieux que par le passé, on se moquera encore d’eux car ils n’ont jusqu’ici rien fait qui vaille. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 17e d’août 1655.

Vous ne m’avez jamais dit votre avis des vers de l’Alethophanes, ni du Pithœgia vindicata, ni des Épîtres latines de feu M. de Sarrau ; [24][61] vous m’en direz deux mots quand il vous plaira. Quels sont les Commentaires sur la Sainte Écriture que fait imprimer aujourd’hui M. Huguetan ? [62] L’on m’a dit qu’il s’en va faire imprimer une continuation des Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius faite par un père de l’Oratoire [63] nommé Rinaldi. [25][64] A-t-il fait quelque commentaire sur la Bible depuis cinq ans ? Avez-vous ouï parler d’un livre que je voudrais bien avoir, qui est Patriarchæ, sive Genealogia I. Christi, etc., auctore Emanuele Thesauro, Turinensi, Brugelæ, 1642, in‑fo ? [26][65] On dit que c’est quelque part en Savoie [66] qu’il a été imprimé, je vous prie de m’en acheter un s’il se trouve à Lyon, à quelque prix que ce soit.

M. Du Prat [67] vous baise les mains, il vous enverra bientôt, par un de ses amis qui s’en va à Lyon, un petit traité d’un monstre [68] qu’on a vu ici, qui est in‑4o ; [27][69] voilà ce qu[e je] me suis chargé de vous dire de sa part. J’ai ce matin consulté avec M. Moreau, [70] le bonhomme, qui se recommande à vos bonnes grâces. Il m’a dit que nous aurions [bien]tôt un livre que les antimoniaux font imprimer où nous serions, tous les gens de bien, fort sanglés et chargés de beaucoup d’injures. J’ai répondu à cela que je n’y trouvais rien d’étrange et que je serais bien marri que ces gens-là, qui ont si peu de raison, ne me chantassent point d’injures. Il m’a répondu qu’il en était de même sentiment et qu’il ne craignait rien d’eux. Je vous envoie la présente par M. Müller, [71] votre bon ami, qui s’en va en Italie ; [28] c’est [un] honnête homme, Dieu le veuille bien conduire. On dit tout fraîchement que les Anglais ont été battus en l’Amérique [72] et que M. Courtaud de Montpellier [73][74] env[erra] bientôt le manuscrit de la vie qu’il a faite de feu M. Héroard, [75] son oncle, pour l’y faire imprimer in‑4o[29]


a.

Ms BnF no 9357, fo 184 ; Reveillé-Parise, no cclxxiv (tome ii, pages 193‑194).

1.

Louis xiv séjournait alors dans le Hainaut. Binche (ici écrit Bins par Guy Patin) s’y trouve à mi-chemin entre Charleroi à l’est et Mons à l’ouest. Avesnes-sur-Helpe (Nord), sur les premiers contreforts des Ardennes, était espagnole depuis 1556.

2.

La Gazette, ordinaire no 108, du 14 août 1655 (pages 895‑897) :

3.

Mariembourg était une petite place wallonne, à six kilomètres au nord de Couvin, dans la province de Namur.

4.

« contre Pecquet et les pecquétiens, tous deux docteurs de Paris » ; v. note [1], lettre 414.

5.

V. note [5], lettre 390, pour ce passage de la lettre que Samuel Sorbière (Sebastianus Alethophilus) a publiée (1654) en faveur des découvertes de Jean Pecquet, où il cite les noms de Charles Spon et Guy Patin.

6.

« Rivages contre rivages, etc. » (Virgile, v. note [1], lettre 418).

7.

« jouit toujours d’une intelligence intacte et d’une incroyable solidité de la mémoire ».

8.

Premier professeur.

V. note [11], lettre 9, pour Bologne (Boulogne pour Guy Patin et ses contemporains) qui était alors rattachée aux États Pontificaux. « La situation de cette ville est charmante et son terroir si abondant en toutes sortes de biens qu’elle en a pris le nom de Boulogne la Grasse » (Trévoux). Le nonce du pape à Paris était Nicolo Guido di Bagno (v. note [29], lettre 113).

9.

Dans ses lettres à Charles Spon datées des 18 juin et 5 juillet 1652 (soit trois et non cinq ans auparavant), Guy Patin a évoqué l’invitation de Claude i Saumaise à le rejoindre en Suède pour être médecin de la reine Christine.

10.

L’École des filles est un court roman anonyme ayant la forme d’un dialogue licencieux entre deux cousines : l’une, Suzanne, explique à l’autre, Fanchon, les plaisirs de l’amour pour la débaucher en faveur d’un jeune galant nommé Robinet. Aucun des 300 exemplaires publiés à Paris en 1655 n’a résisté à la destruction ordonnée par les juges. L’École des filles ou la philosophie des dames leur indiquant le secret pour se faire aimer des hommes, quand même elles ne seraient pas belles, et le plus sûr moyen d’avoir du plaisir pour le temps de leur vie, en deux dialogues par A.D.P. a été rééditée à Leyde (sans nom) en 1665. Partant d’une réimpression hollandaise augmentée de 1668, Jacques Prévot en a donné une édition à la fin du tome i des Libertins du xviie s.

L’original de 1655 avait été imprimé par Louis Piot qui, au cours de l’instruction immédiatement ouverte, dénonça ses commanditaires, présumés auteurs, au lieutenant général civil et criminel au bailliage du Palais de Paris, Claude Hourlier. Selon toute apparence, Jean L’Ange avait transcrit le texte rédigé par Michel Millot : le premier était écuyer et gentilhomme servant du roi et fut arrêté le 12 juin ; le second, contrôleur-payeur des Suisses fut prévenu du danger et parvint à s’échapper. Par leurs hautes fonctions et la protection probable de Nicolas Fouquet, tous deux échappèrent à la sévère condamnation de la Cour : Millot à « être pendu et étranglé à une potence plantée au même lieu où les exemplaires seront brûlés » avec en sus une amende de 800 livres, et L’Ange « à faire amende honorable devant le portail de l’église Notre-Dame, tête et pieds nus » et « à servir le roi dans ses galères comme forçat le temps et espace de cinq ans » avec une amende de 400 livres. Millot ne subit aucun châtiment autre que la pendaison en effigie dont parlait ici Guy Patin et L’Ange s’en tira avec un verdict adouci par les juges, assorti d’une détention de quatre mois.

Le texte de l’Arétin (v. note [26], lettre 405) dont Millot s’était inspiré est la première journée de la seconde partie de ses Ragionamenti [Dialogues], « au cours de laquelle la Nanna apprend à la Pippa, sa fille, le métier de putain » (J. Prévot).

11.

François Blondel a beaucoup contribué aux libelles antistibiaux de 1654-1655, mais n’en a signé aucun de son nom ; son Alethophanes (v. note [6], lettre 394) avait mis les antimoniaux en furie, François Guénault remuait le ciel et la terre pour en identifier l’auteur.

12.

« vulgairement appelés chirurgiens à robe et à bonnet ».

Pratiquant un métier manuel, les chirurgiens barbiers (v. note [1], lettre 6) ne pouvaient être reçus maîtres qu’après avoir subi l’examen d’un jury composé de membres jurés de leur corporation (v. note [8], lettre 361). L’épreuve portait sur leurs connaissances théorique du métier, mais aussi pratiques, sous la forme d’un chef-d’œuvre, terme que Furetière définit pour les artisans comme :

« un ouvrage excellent que les aspirans à la maîtrise dans chaque métier doivent faire en présence des jurés par forme d’examen pour montrer qu’ils en sont capables. Il y a des maîtres de lettres, {a} et des maîtres de chef-d’œuvre. Les fils de maîtres font, au lieu de chef-d’œuvre, une simple expérience. Le chef-d’œuvre des selliers est un arçon à corps ; {b} celui des boulangers est du pain broyé ; {c} celui des savetiers un soulier qui se retourne. {d} Mais on tient que le principal point est de bien arroser le chef-d’œuvre, c’est-à-dire, de faire bien boire les jurés. » {d}


  1. « Les lettres de maîtrise sont des lettres de privilège que le roi accorde à quelques artisans pour les dispenser de faire chef-d’œuvre » (ibid.).

  2. Une selle dont l’arçon arrière remontait jusqu’au milieu du dos du cavalier.

  3. Petit pain de fine farine.

  4. Soulier ou botte dont la tige est souple et se retourne à la manière d’un gant.

  5. Pour les chirurgiens barbiers, le chef d’œuvres consistait à pratiquer une saigné ou à poser un pansement (appareil).

    En qualifiant les chirurgiens barbiers de « maîtres de chef-d’œuvre. », Guy Patin voulait signifier qu’ils étaient des artisans soumis aux médecins de la Faculté, les distinguant bien en cela des chirurgiens de Saint-Côme, dits de longue robe, beaucoup plus indépendants de la Faculté.

13.

« dont le long drapé couvre leurs pieds qui divaguent » ; Ovide (Tristes, livre ii, élégie 1, vers 247‑248) :

este procul, vittæ tenues, insigne pudoris,
quæque tegis medios instita longa pedes !

[Arrière rubans, {a} marques de la pudeur, et toi, long drapé qui couvres jusqu’à mi-pied !]. {b}


  1. Les vittæ étaient les rubans que les Romaines appartenant à la classe libre employaient pour nouer leurs cheveux.

  2. Reprise par Ovide de ses propres vers 31‑32, livre i, de L’Art d’aimer.

14.

La Liste funèbre des chirurgiens de Paris (pages 349‑351) fournit une copie manuscrite du Contrat d’union passé le 1er octobre 1655 entre les chirurgiens de l’ancien Collège (Saint-Côme, v. note [1], lettre 591) et les chirurgiens barbiers qui formaient deux corporations séparées depuis le xiiie s. :

« Par devant les notaires garde-notes du roi notre Sire en son Châtelet de Paris soussignés, furent présents en leurs personnes Maître Jean Houllier, maître chirurgien juré de longue robe et prévôt du Collège des chirurgiens jurés de cette ville de Paris, Maîtres Jean-Baptiste Boudet doyen dudit Collège, Antoine Piètre, Maurice Gigot, Pierre Benard, Pierre Mattot, Jean Guillauteau, Pierre Aubin, Nicolas Bailly, Pierre Corbilly, Jacques Colombe, Étienne Boison, Étienne Navarre, Jean Gillet, Martin Roger et Jean Bronsard, aussi maîtres chirurgiens jurés de robe longue à Paris. Et encore lesdits Houllier, Boudet, Piètre, Gigot, Benard, Mattot, Guillauteau, Aubin, Bailly, comme procureurs desdits sieurs de Corbilly, Boison, Navarre, Gillet, de Jean Roger {a} et Jean Bronsard, fondés de leur procuration passée par devant Cornille et Guyon notaires soussignés, {b} le 18 septembre, écrite au bas des articles faisant mention des conditions ci-après déclarées, […] et maîtres François Fremin, Jacques Le Feure, Léonard Dollé et Bonaventure Guyart, maîtres barbiers chirurgiens à Paris, jurés et gardes de la Communauté des maîtres barbiers chirurgiens à Paris, Charles Petitbon, Séverin Du Vieux, Pierre Hideux, Jacques Claquenelle, Julien Bénard, Pierre Tourbier, Jacques Juif, Paul Emmerez, aussi maîtres barbiers chirurgiens à Paris, tous députés et ayant pouvoir pour l’effet des présentes de ladite Communauté desdits maîtres barbiers chirurgiens, par acte du 4 août dernier, signé de La Marche, greffier de ladite communauté […]. Lesquelles parties désirant vivre à l’avenir en paix et union entre lesdites communautés pour la gloire de Dieu, utilité publique et repos desdites deux communautés, augmenter si faire se peut l’honneur de leur profession, éviter et terminer tous les procès et différends qui sont et naissent journellement entre elles, ont sous le bon plaisir du roi et de Nosseigneurs de la Cour de Parlement fait et accordé entre elles ce qui ensuit. C’est à savoir :

Et pour faire homologuer le présent contrat en la Cour de Parlement et obtenir toutes les lettres nécessaires, lesdites parties ont fait et constitué, savoir lesdits maîtres chirurgiens jurés, Me Claude Chevalier procureur en Parlement, et lesdits maîtres barbiers chirurgiens, Me Pierre de La Marche, procureur audit Parlement, auxquels ils donnent pouvoir de ce faire, car ainsi a été accordée entre lesdites parties […] fait et passé […] l’an 1655, le 1er jour d’octobre après-midi […]. »


  1. Sic pour Martin Roger.

  2. Eustache Cornille et André Guyon.

15.

« Irrégularités concernant le sacrement de pénitence » ; ce titre ne correspond exactement à aucun des ouvrages du P. Théophile Raynaud qu’a recensés Sommevogel, mais rappelle les Heteroclita spiritualia, et anomala pietatis [Irrégularités spirituelles et anomalies de la pitié] :

16.

« qui souffrait d’un déplorable mal, avec force grincements de dents et tremblements convulsifs de tout le corps, parce qu’on lui avait malencontreusement administré du mercure pour soigner une syphilis latente. »

17.

Frédéric Léonard (1624-vers 1711, orthographié Lionard par Guy Patin) était entré en apprentissage chez le libraire Jean Billaine le 19 juin 1646, mais quatre jours plus tard, la Communauté l’avait assigné pour lui faire rendre son brevet parce qu’il était natif de Bruxelles ; il avait fallu une intervention du garde des sceaux pour lui faire obtenir la maîtrise lui permettant d’acheter le fonds de Sébastien Huré et de s’installer en 1653 rue Saint-Jacques à l’enseigne de l’Écu de Venise. Léonard devint plus tard imprimeur ordinaire du roi (avant 1670) puis imprimeur du Clergé de France en 1674, après Antoine Vitré (Renouard).

V. notes [2] des Déboires de Carolus pour la plainte de Léonard contre Charles et Guy Patin en 1666, et [2], lettre 408, pour le « Dictionnaire étymologique » de Matthias Martini, alors tout récemment réédité à Francfort.

18.

Depuis 1543, la famille Habert possédait des terres au Mesnil-Saint-Denis en Île-de-France (Yvelines), neuf kilomètres au nord-est de Chevreuse. À la fin du xvie s., Louis Habert de Montmor, père de Henri-Louis, le protecteur de Pierre Gassendi, y avait fait construire un château (aujourd’hui mairie de la commune) et fait ériger son domaine en seigneurie du Mesnil-Habert.

19.

« La vie est courte etc. » ; vers d’Horace, v. note [12], lettre 98.

20.

« Sur le troisième libelle de M. Guillemeau [Margarita… v. note [19], lettre 407], je suis de même avis que vous ».

21.

De Spiritibus et calido innato [Des Esprits et de la chaleur innée] : l’un des traités des Chrestomathies manuscrites de Caspar Hofmann que Guy Patin cherchait toujours désespérément à faire imprimer.

22.

V. note [12], lettre 406.

23.

V. note [41], lettre 396, pour l’Hippocrate d’Anuce Foës.

24.

V. notes [6], lettre 379, pour les Épîtres latines de Claude Sarrau, et [6], lettre 394, pour les deux libelles contre l’antimoine, Alethophanes et Pithœgia vindicata.

25.

V. note [21], lettre 408, pour les « Annales ecclésiastiques » de Baronius continuées par Odorico Rinaldi (Rome, 1646-1677).

Quant à l’imprimerie Huguetan cette année-là, le seul titre qui puisse correspondre aux « Commentaires sur la Sainte Écriture » est la :

R.P.D. Thomæ Del Bene, Clerici regularis, sacræ Theologiæ Professoris in Urbe, Examinatoris sancti Officii Qualificatoris, aliorumque S.S. Congregationum Consultoris, Summa Theologica. Non solum Scholasticis, sed etiam, propter Scripturarum, Conciliorum, et Patrum discussas authoritates, SS. Congregationum Theologis, Concionatoribus, et D. Scripturæ, ac Controversiarum studiosis admodum utilis, et necessaria, triplici indice locupletata. Nunc primum prodit.

[Somme théologique du R.P. Thomas Del Bene, {a} clerc régulier, professeur de théologie sacrée à Rome, juge de la sainte Inquisition et conseiller d’autres saintes congrégations ; non seulement fort utile et nécessaire pour les scolastiques, mais aussi, pour les autorités des Écritures, des conciles et des Pères qui y sont discutées, aux théologiens des saintes congrégations, aux prédicateurs et à ceux qui étudient l’Écriture sainte et les controverses. Éditée pour la première fois et enrichie de trois index]. {b}


  1. Le théologien Tommaso Del Bene (1592-1673) appartenait à l’Ordre des théatins.

  2. Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1655, in‑fo de 388 pages.

26.

Patriarchæ, sive Christi Salvatoris Genealogia per Mundi ætates traducta, a D. Emanuele Thesauro, Patritio Taurinensis, Comite, et Magnæ Crucis Equite. Sanctorum Mauritii et Lazari. Editi ad Emin. et Reverend. DD. Cæsarem Montium S.R.E. Cardinalem, et Eccles. Mediol. Archiepiscop.

[Les Patriarches, ou la Généalogie du Christ Sauveur transmise à travers les siècles du monde, par Emanuele Tesauro, {a} gentilhomme de Turin, comte et chevalier de la Grande Croix des Saints-Maurice-et-Lazare. {b} Dédiés à l’éminetissime et révérendissime Mgr Cesare Monti, {c} cardinal de sainte Église romaine et archevêque de Milan]. {d}


  1. Emanuele Tesauro (Turin 1591-1677) avait fait d’excellentes études sous la direction de son père, le poète Alessandro Tesauro. Il était entré dans la Compagnie de Jésus en 1611 et l’avait quittée en 1634, après avoir enseigné à Milan pendant trois ans puis s’être appliqué au ministère de la chaire (Sommervogel). Sa Genealogia est une suite de poèmes latins sur chacun des prédécesseurs bibliques de Jésus.

    Parmi ses nombreux autres ouvrages, écrits en italien, les plus connus sont une Histoire du Piémont, écrite à la demande du duc de Savoie, et un traité sur l’esthétique et la métaphore baroque, intitulé Il Cannocchiale Aristotelico… [La Lunette d’Aristote…].

  2. Fusion de l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem (fondé en Palestine au xiie s.) et de l’Ordre de Saint-Maurice (fondé en 1434 par le duc de Savoie), l’Ordre charitable de la Grande Croix des Saints-Maurice-et-Lazare avait été fondé par le pape Grégoire xiii en 1572 au service de la Maison de Savoie.

  3. Mort en 1650, v. note [53], lettre 242 ; la dédicace du libraire est datée de Milan le 6 octobre 1644.

  4. Milan, Io. Baptista Bidellius, 1652, in‑8o de 224 pages. La plus ancienne édition de cet ouvrage qui soit recensée a bizarrement paru à Londres (1651, Roger Daniel, in‑8o). Je n’ai pas trouvé la référence donnée par Guy Patin, « 1642, in‑fo », ni compris quel était son lieu d’impression, car Brugelæ ne correspond à aucun toponyme latin courant.

27.

Histoire de deux monstres nouvellement vus à Paris. Le premier est d’un corps humain qui fut trouvé il y a quelque temps par Monsieur Peu, {a} chirurgien juré de robe longue : L’autre est d’une brute qui a été depuis peu rencontrée par Messieurs Rochette, apothicaire du roi, et Rousseau, chirurgien. Avec les figures qui les représentent au naturel et un récit véritable de tout ce qui a été remarqué en l’anatomie qui en a été faite. {b}


  1. Philippe Peu (Liste funèbre des chirurgiens de Paris…, page 198) :

    « né à Paris, ancien prévôt et ancien chirurgien de l’Hôtel-Dieu, s’était donné tout entier à la pratique des accoucheents. Il donna ensuite son volume d’observations sur cette pratique, écrit avec beaucoup d’ordre et d’élégance ; {i} et le succès qu’il eut dans ses opérations le fit regarder comme un des plus habiles accoucheurs de son temps. Il mourut le 10 février de l’année 1707. Il laissa un fils unique, docteur de la Maison de Sorbonne, chanoine et théologal de Chartres. »

    1. La Pratique des accouchements. Par M. Peu, maître chirurgien, et ancien prévôt et garde des maîtres chirurgiens jurés de Paris (Paris, Jean Boudot, 1694, in‑8o de 613 pages avec annexes).
  2. Paris, Edme Martin, 1655, in‑4o illustré de 24 pages, dédié « À Mr [Antoine] Vallot, seigneur de Magnan, conseiller du roi en ses conseils d’État et privé, et premier médecin de Sa Majesté » par P. Peu, J. Rousseau et M. Rochette.

Les deux observations sont intiulées :

  1. Histoire d’un animal monstrueux apporté à Paris le 13e de juin 1655, ayant deux têtes, six pieds, deux queues et le ventre sur le dos, avec trois figures représentant deux veaux soudés par le train arrière, en vie et sur la table de dissection ;

  2. Histoire d’un monstre humain ayant deux têtes, né à Paris en l’année 1650, avec deux figures montrant un fœtus féminin bicéphale (jumelles conjointes, autrement dites siamoises) de face et tier, et de dos, disséqué avec ouverture le long de la colonne vertébrale.

    On y lit (pages 17‑19) :

    « Je ne crois pas que l’on trouve étrange que nous ayons mis ce monstre humain en suite de celui d’une brute, quand on saura que nous ne les avons pas placés ici selon l’ordre de dignité, mais dans le rang qu’ils nous ont été présentés, car ayant achevé notre premier discours, Monsieur Peu, chirurgien juré de robe longue, fit voir chez Monsieur Cattier, {a} médecin du roi, en la présence de plusieurs personnes, un monstre humain qu’il a embaumé et conservé avec un grand soin depuis quelques années, lequel est digne d’admiration et mérite bien de n’être pas enseveli dans l’oubli comme ont été plusieurs autres choses mémorables, faute de les avoir rédigées par écrit. Le récit qu’il nous en a fait est tel : il y a quelque temps qu’une femme âgée de trente-cinq ans ou environ accoucha à sept mois d’un enfant difforme et monstrueux qui fut porté à l’Hôtel-Dieu de Paris, où Monsieur Peu demeurait alors et pansait les malades ; lequel il obtint avec beaucoup de peine de quelques-uns des Messieurs les administrateurs, tant du spirituel que du temporel. Quant à l’extérieur, ce monstre a deux têtes égales, l’une à côté de l’autre, posées sur deux cous, et néanmoins n’a qu’un corps auquel sont attachés deux bras et deux mains, deux jambes et deux pieds seulement. […] Les yeux sont semblables à ceux d’un lièvre, le nez à celui d’un hibou, les joues à celles d’une guenon, et les oreilles sont doubles et ressemblantes à celles d’un singe. […] L’épine du dos est double, à laquelle néanmoins ne sont attachées que vingt-quatre côtes. {b} À l’extrémité des deux épines sont deux coccyx qui se terminent jusqu’au col de la matrice. Ce monstre pour lors fut vu de plusieurs personnes de grande condition, entre autres de Monsieur le premier président, maintenant garde des sceaux, de Monsieur le président Le Bailleul, {c} et de plusieurs médecins et chirurgiens de la ville de Paris. »


    1. V. note [11], lettre 351, pour Isaac Cattier.

    2. Soit les 12 paires ordinaires à un tronc unique.

    3. V. notes [52], lettre 101, pour Mathieu i Molé, premier président du Parlement de paris, et [23], lettre 293, pour Louis Le Bailleul, président à mortier au même Parlement.

28.

Ce Müller pouvait être le même que celui dont Siméon Courtaud avait parlé à Charles Spon dans sa lettre du 17 septembre 1654 (ms BIU Santé no 2190, page 204) :

« Votre seconde lettre me donne la connaissance d’un noble docteur allemand M. Müller. Je ne sais s’il est de la famille du savant Mullerus qui a fait Miracula chymica. {a} Je me suis employé pour le loger non chez un professeur, car il n’y avait adonc aucun que moi en ville, mais chez M. Haguenot, docteur excellent et médecin expert, lequel il fut voir ; mais je ne l’ai vu depuis. »


  1. Philipp Müller, auteur de Miracula chymica et mysteria medica libris quinque enucleata… [Chimie miraculeuse et médecine mystérieuse épluchées en cinq livres…] (Wittemberg, Morenz Seuberlich, 1611, in‑12, pour la première de nombreuses éditions).

29.

La seule biographie connue de Jean Héroard, écrite en latin par les Montpelliérains, est celle qui est contenue dans le Genius Pantoulidamas (Paris, 1654, v. note [35], lettre 399). Elle est transcrite et traduite dans Les deux vies de Jean Héroard, premier médecin de Louis xiii. Siméon Courtaud, son neveu, n’a pas publié celle qu’il avait l’intention d’écrire (v. note [15], lettre 398).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 17 août 1655

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(Consulté le 29/03/2024)

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