L. 488.  >
À Charles Spon,
le 10 août 1657

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière, laquelle fut du mardi 17e de juillet, de six grandes pages, je vous dirai que nouvelles sont venues d’Angleterre que Cromwell [2] y a accepté la qualité de protecteur des trois royaumes, avec le sceptre en main. [1] On dit que le roi de Danemark [3] et le roi de Suède [4] sont sur mer pour se battre, tandis que les Transylvains [5] entrent dans la Pologne contre l’empereur et son armée, pour le roi de Suède. [2][6] MM. de Gramont [7] et de Lionne [8] sont allés à Francfort [9] où l’on dit qu’ils ont porté force argent pour gagner les électeurs[10] Tous les marchands de Paris déplorent fort ici la calamité de la ville de Gênes, [11] laquelle est fort affligée de peste. [12] Le voyage de M. le cardinal Antoine [13] est différé et retardé, tant à cause des grandes chaleurs que pour la peste qui augmente à Rome, et en attendant des nouvelles d’un sien secrétaire, nommé l’abbé Brachesi, [3][14] qu’il a envoyé à Rome pour y préparer ses affaires ; c’est-à-dire qu’il ne partira d’ici que l’été passé, fracto et mitigato cestu[4] et selon que la maladie du pape avancera.

Ce 26e de juillet. On dit que ceux de Montmédy [15] se défendent fort bien et qu’ils ont fait quelques sorties sur les nôtres qui leur ont été fort avantageuses ; même que notre armée y diminue fort. On dit aussi que le duc de Bavière [16] nous demande une armée et qu’en ce cas-là, il se fera élire empereur. C’est qu’il a pour cet effet le suffrage de son oncle, l’électeur de Cologne, [17] et la sienne propre ; [5] de plus, il pourrait avoir celle du comte palatin, [18] son cousin, et les deux autres protestants, savoir Saxe et Brandebourg ; [19] et même il pourrait avoir Mayence, [20][21] si nous étions assez sages ; et Trèves [22] pareillement, si nous tenions Montmédy. Mais tout en est incertain, et même l’on dit ici d’aujourd’hui et pour fraîche nouvelle que le prince de Condé [23] marche devers là, avec grande quantité de cavalerie, pour tâcher de nous faire lever le siège.

Ce 27e de juillet. Voilà M. de La Mothe Le Vayer [24] qui vient de sortir de céans, qui avait besoin d’un livre rare que je lui ai prêté, [25] savoir Ocellus Lucanus, de Natura universi ; [26] c’était un ancien philosophe pythagoricien qui scripsit de physicis ante Aristotelem[6] Il m’a dit qu’il transcrirait une physique française qu’il a faite en faveur de son petit prince, [27] laquelle par ci-après on imprimera. [7] Il a été dispensé d’aller en campagne cet été, nomine et prætextu morbi ; [8] le bonhomme s’en va vieux, je pense qu’il n’a guère moins que 70 ans, quelque mine qu’il fasse. J’ai aujourd’hui écrit un mot à M. Guillemin, [28] par occasion, sur son voyage et son retour de Turin ; [29] et par même moyen, un mot à M. Fourmy, [30] que j’ai enfermé dans la lettre de M. Guillemin.

J’apprends que ceux de Rotterdam, [31] par honneur qu’ils portent à la mémoire de celui qui a été l’honneur de leur pays, font faire à leurs dépens une nouvelle impression de toutes les œuvres d’Érasme. [32] Voilà une nouvelle qui me réjouit, il y a encore de la vertu au monde et d’honnêtes gens qui ont du courage ; je prie Dieu qu’il soit vrai. [9] M. Vander Linden, [33] professeur à Leyde, [34] m’a mandé depuis peu qu’il y a 15 feuilles de faites à son Celse[35] qu’il est à la fin du sixième livre, qu’il pourra y avoir environ 21 feuilles, et qu’il m’a grande obligation du secours que je lui ai donné par le moyen de divers Celse que j’avais ici et que je lui ai fait tenir, où il y avait plusieurs corrections de la main de Fernel, [36] Chapelain, [37] Carpentarius, [38] Scaliger, [39] et Nancelius. [10][40][41][42] On dit que M. Rhodius [43] en fait imprimer un in‑4o à Padoue, et nous avons ici M. Mentel [44] qui en promet un pareillement, en vertu de plusieurs manuscrits et révisions qu’il a vers soi. Pour ce dernier, quoiqu’il dise et promette beaucoup, il ne fait jamais rien et dit toujours qu’il fera merveilles ; [11] pour M. Rhodius, il travaille toujours, mais il est bien long à achever ses entreprises. [45][46]

Il court ici un bruit, que si l’affaire de l’élection d’un empereur à Francfort tire de long, que le roi, la reine et le Mazarin ne reviendront point passer l’hiver à Paris, mais qu’ils demeureront à Metz [47] pour être plus près d’Allemagne. [48]

Vous savez bien que la veuve de feu M. Saumaise [49][50] est morte depuis trois mois en cette ville. Elle avait quantité de bons manuscrits qu’elle gardait pour son cadet, qu’elle aimait plus que les autres ; depuis sa mort, ces papiers sont tombés entre les mains du fils aîné [51] qui, par conseil pris avec gens entendus, ses amis, s’en va les faire imprimer à Dijon. [12][52] L’on dit qu’entre autres il y a une histoire naturelle et autres traités restant du naufrage, j’entends du débris de tous les papiers de l’auteur après sa mort, à Spa, [53] le 3e de septembre 1653.

Les coureurs du prince de Condé ne cessent de courir vers Paris et d’attraper toujours quelqu’un, comme ils ont par ci-devant fait à M. Girardin ; [54] ils emmènent prisonniers ceux qu’ils prennent au Catelet [55] et à Rocroi. [56]

L’on dit ici que le Mazarin a la goutte, [57] et que le gouverneur de Montmédy [58] a fait une sortie sur nos gens où il a tué tout ce qui s’est trouvé dans nos tranchées, et qu’il a mandé à M. le maréchal de La Ferté-Senneterre, [59] que dans dix jours viendraient à Montmédy d’autres nettoyeurs qui balaieraient le reste ; [13] en suite de quoi, l’on dit que toutes les troupes espagnoles qui avaient paru sur la frontière de Picardie s’étaient retirées et que le prince de Condé marchait avec grandes forces pour aller vers Montmédy. On dit que le roi de Suède est pressé par le roi de Danemark et que Cracovie, [60] qui est encore occupée par les Suédois, est assiégée par le roi de Pologne [61] assisté des troupes impériales.

Ce 3e d’août. Marsin, [62] qui est un des lieutenants du prince de Condé, a surpris en Lorraine [63] une petite ville nommée Dieuze, [64] où se tenait la gabelle [65] de Lorraine et où l’on vendait le sel du pays. [14] J’ai ici trouvé et acheté Benedicti Silvatici Consiliarum et responsionum medicinalium centurias quatuor, in‑fo, Patavii 1656[15][66] Celui qui me l’a vendu m’a dit qu’on lui a envoyé de Londres et que c’est un libraire anglais nommé Alestri qui en a acheté toute l’impression. Je ne sais pas si quelqu’un de Genève en entreprendra l’impression, mais il me semble que ce livre ne le mérite point. La reine de Suède ne sait plus à quel saint se vouer : elle avait envie de se retirer à Rome, mais la peste [67] y est si grande que l’empêchement en semble fort légitime ; elle a voulu aller à Venise, [68] mais Messieurs les sénateurs l’ont priée de différer en un autre temps, et qu’ils sont trop empêchés pour le présent par la guerre contre les Turcs qu’ils ont aujourd’hui sur les bras. Delà reste qu’elle revienne en France qui est le refuge de tous les coureurs, Orbem receptans hospitem, atque orbi suas Opes vicissim non avara impertiens[16] comme dit quelque part Buchanan ; [69] aussi dit-on qu’elle y viendra passer l’hiver prochain, ainsi nous ne manquerons pas de principautés étrangères. Bourdelot, [70] qu’elle a fait abbé, disait qu’il s’en allait en Italie la trouver, mais il ne bouge et est très mal fait. Il est si maigre qu’il en a le nez aigu, ceux qui le connaissent disent qu’il est si méchant qu’il ne peut engraisser.

Ce 6e d’août. On est venu ce matin céans à six heures du matin, de la part de M. l’ambassadeur de Venise, [17][71] me demander si je veux aller à Venise y faire la médecine ; [72] que j’aurai 6 000 francs d’appointement du sénat, sans l’emploi qui est de grand gain. C’est un médecin de notre Compagnie qui m’y nomma hier, et erat ipse Samaritanus[18][73][74] c’est-à-dire antimonial, [75] mais il n’en donne guère ; c’est le bonhomme M. Des Gorris, [76] qui n’a point grand emploi. J’ai remercié ce Monsieur de la peine qu’il a prise de me venir faire cette proposition, et me suis excusé sur ma santé et sur les habitudes que j’avais à Paris, et que je ne pouvais honnêtement quitter. Là-dessus on m’a proposé de donner mon fils aîné, [77] à quoi j’ai répondu qu’il n’était pas capable d’un tel emploi et qu’il fallait encore qu’il étudiât ici près de moi cinq ou six ans. J’ai prié le porteur de faire cette réponse à Monsieur son ambassadeur et qu’après cela, s’il était besoin, j’irais moi-même saluer mondit sieur l’ambassadeur ; mais quoi que l’on m’offre, je n’irai jamais en ce pays-là, c’est le pays de Merlin Coccaye, [78] patria diabolorum[19] Le pape, les jésuites, les juifs, les turcs sunt nomina mihi odiosissima[20] L’Italie est un pays de vérole, [21][79] d’empoisonnements et d’athéisme, [80] de juifs [81] et de renégats, et des plus grands fourbes de la chrétienté. Tout y est plein de moinerie, de moines [82] et d’hypocrites : patria dæmoniorum : tout cela fait que jamais je n’irai. [11] On dit que la reine de Suède est à Turin, qu’elle vient à Avignon [83][84] et delà, qu’elle viendra ici passer l’hiver ; on dit que le pape [85] lui donne 18 000 écus par an. Mutant cuncta vices[22] voilà la vicissitude des choses humaines : le feu roi son père [86] a autrefois ruiné et pillé l’Allemagne, et aujourd’hui elle pille et mange le pape qui a coutume de manger les autres ; le feu roi son père n’y a procédé que de force ouverte, et celle-ci y va plus finement ; sa prétendue conversion [87][88] lui sert de couverture et de prétexte à faire la pèlerine et à se promener par toute la terre, comme elle en a déjà fait une bonne partie, par le conseil des Espagnols et des jésuites ; ô les bonnes gens !

Ce 7e d’août. Je viens de recevoir un petit paquet de M. Meyssonnier. [89] Bon Dieu quel homme ! il est aussi fou que notre Tardy, [90] j’ai pitié de l’un et l’autre. Il m’a envoyé sa Médecine spirituelle où je n’entends rien. [23] Ce n’est qu’un petit livret et néanmoins, il n’est que trop long. Multæ non possent, una litura potest[24][91] Tout cela n’est que du fatras d’un esprit malade et inquiet. Puisqu’il est si dévot et qu’il a tant de soin du salut de son âme, il devrait s’abstenir de faire de si méchants livres et au lieu de cela, prier Dieu lorsqu’il n’a point de pratique qui le presse et qu’il abonde en loisir, qui est une des choses du monde qui me manque le plus. Je vous prie de lui dire quand vous le rencontrerez, nisi tibi grave fierit[25] que j’ai reçu sa lettre et son livret, et que je l’en remercie. Si vous prenez cette peine, vous me sauverez la peine de lui écrire une lettre et vous lui ferez pareillement plaisir car cela l’exemptera de m’écrire à l’avenir, qui serait une chose que je désirerais fort et de tout mon cœur. Tout ce qu’il écrit ne vaut pas le port de sa lettre que j’ai reçue aujourd’hui. [11]

L’événement du siège de Montmédy est ici réputé fort douteux, Mulciber in Troiam, pro Troia stabat Apollo[26][92][93] Les uns disent qu’il sera pris dans trois jours, mais il y a six semaines que cela se dit ; d’autres disent qu’il n’y a pas encore d’apparence et que le prince de Condé marche pour attaquer les lignes. On dit que le roi et la reine s’ennuient fort de delà. Un conseiller de la cour me vient de dire que nous aurons Montmédy cette semaine.

Ce 8e d’août. [J’ai aujourd’hui délivré à M. Ferrus, [94] qui fait balle pour Lyon, un petit paquet dans lequel vous trouverez quelques petites curiosités du temps, dont vous prendrez une part pour vous et l’autre pour M. Gras, [95] notre bon ami, à qui vous la délivrerez, s’il vous plaît, avec mes très humbles recommandations ; et outre cela, vous y trouverez le privilège du Varandæus [96] pour M. Fourmy, [27] auquel vous le rendrez s’il vous plaît, et lui direz que j’ai reçu sa lettre du 3e d’août et que je le remercie. On nous promet toujours ici la 19e lettre de Port-Royal. [97][98][99] J’ai choisi cette voie comme bien sûre, et laquelle ne pâtira rien car le messager est tout à fait déraisonnable pour les petits paquets ; je m’étonne comment on souffre cette tyrannie.] [28]

Ceux de Montmédy capitulent, nous les aurons bientôt. Leur gouverneur a été tué sur leur rempart d’un coup de canon, [13] il avait autrefois été page du roi d’Espagne. Le cardinal de Retz [100] a passé par Milan et delà a écrit au pape une belle lettre ; c’est le nonce du pape [101] qui a ici débité cette nouvelle.

Les charges de maîtres des requêtes sont ici tellement rehaussées de prix que les deux dernières ont été vendues 110 000 écus la pièce, qui est une effroyable cherté. Ces deux derniers vendeurs ont été MM. de Marillac [102] et Du Boulay-Favier, [29][103] que l’on dit être plus sages que ceux qui achètent si chèrement des charges qui n’ont que 1 500 livres de gages.

J’ai changé d’avis pour le privilège de M. Fourmy : j’ai fait le paquet un peu plus gros et j’ai délibéré de le donner au messager de Lyon qui le remettra entre les mains de M. Fourmy, qui en paiera le port ; je l’ai moi-même délivré au commis du messager qui l’a écrit sur son livre ; [30] ce que je fais ainsi d’autant que j’ai remarqué à la fin de sa lettre qu’il me mande que je prenne cette voie et qu’il a besoin que je lui renvoie ledit privilège en diligence pour en achever son impression. Utinam secundæ cogitationes sint meliores[31] Vous recevrez le reste de M. Fourmy et y trouverez un petit in‑fo que je vous prie d’envoyer à Nuremberg [104] à M. Volckamer quand vous en trouverez la commodité.

Nouvelles sont ici arrivées, que l’historiographe Scipion Dupleix, [105] âgé de 86 ans, est à Bordeaux tellement malade que l’on n’y attend plus rien. Je le tiens pour mort puisqu’il est si malade en un si grand âge. [32]

Nos ambassadeurs qui allaient à Francfort ont reçu commandement et ordre du roi de s’arrêter et de ne point passer plus outre jusqu’à nouvel ordre. J’écris un mot à M. Fourmy et lui donne avis du paquet que je lui envoie par le messager qui part aujourd’hui. J’enferme celle-ci dans sa lettre afin qu’il vous la rende dès qu’il l’aura reçue ; ce que je lui écris n’est que réponse à la sienne. Je vous supplie de faire mes recommandations à MM. Gras, Guillemin, Falconet, Garnier et Sauvageon, et aux deux frères MM. Huguetan, comme aussi à MM. Devenet et Fourmy. Je dois quelque chose à M. Devenet que je lui ferai tenir, je vous prie de lui dire. M. de Tournes [106] s’en est retourné à Genève, content de moi. Si votre paquet des manuscrits de feu M. Hofmann, [107] et du Sennertus[108] n’est encore parti, je pense que vous le pourriez mettre entre les mains de M. Fourmy lorsque son Varandæus sera achevé ; vu que je ne doute point qu’il en enverra ici quelque bon nombre à quelqu’un de nos libraires qui me remettrait ledit paquet. J’ai toujours fait état de M. Varanda, je l’ai publiquement loué en mes leçons et l’ai recommandé comme un bon livre à mes écoliers, dont j’ai eu bon nombre cette année. Quand je l’aurai céans, j’espère d’y profiter et de m’en amender par la lecture de quelque traité nouveau, qui si non arrideat[33] je relirai son traité de Indicationibus qui m’a autrefois semblé fort beau.

Quelle nouvelle me direz-vous de mes deux tomes de Heurnius que j’ai envoyés à M. Huguetan, les réimprimera-t-il ? [109] S’il n’en fait rien, je voudrais bien qu’il me les voulût renvoyer. Il y avait ici des laquais qui voulaient recommencer à porter des épées, mais ils en ont été mauvais marchands : ils en ont eu le fouet par les carrefours, et même on saisit tous ceux qui portent ici épées. [34][110]

Les charges de maîtres de requêtes sont ici tellement renchéries que l’on dit qu’avant-hier il y en eut un qui en offrit 112 000 écus, o miram et meram infamiam ! [35] Je ne sais plus où l’on trouvera des sages. L’amour, l’avarice et l’ambition gâtent tout et renversent tout ce qui reste de beau au monde, adeo verum est quod ille sapienter dixit, quamvis in re dispari : Si omnes fatui ad arma properabunt, non inveniet sapientia defensores[36]

On m’a dit que votre M. Meyssonnier a fait quelque chose qu’il a ajouté à une Pharmacie de Bauderon [111] depuis peu imprimée à Lyon. [37] Si cela se vend à part, je vous prie de me l’acheter, et de me l’envoyer avec quelque autre chose ; mais ne lui en parlez point, je ne veux point de commerce avec cet homme. On attend d’heure à autre la lettre de cachet [112] du roi [113] pour faire chanter le Te Deum à Notre-Dame [114] touchant la prise de Montmédy. [115] La paix entre nous et les Hollandais s’exécute de part et d’autre au grand contentement des deux partis, et les Hollandais en portent un fort grand honneur à M. le président de Thou, [116] dont je suis ravi car il est excellent personnage. [38]

M. de Brienne, [117] secrétaire d’État, a fait donner une commission à un de nos compagnons, j’entends à un professeur du roi en mathématiques. C’est celui qui a succédé à M. Morin, [118] natif de Villefranche en Beaujolais ; [119] il est de Saint-Quentin [120] en Vermandois. Il est allé à Calais, delà il passe en Hollande puis à Hambourg ; [121] delà il doit chercher le roi de Suède, [122] puis après aller vers le marquis de Brandebourg, et après aller vers le duc de Saxe ; [123] et delà se rendre à Francfort, où se doivent rendre tous les députés. Il s’appelle M. Blondel ; [39][124] il a autrefois été précepteur du fils aîné de M. de Brienne [125][126] et a fort voyagé avec lui. [40][127] On dit qu’après tous ces voyages on lui fendra la tête, et [41] qu’on le fera évêque avec une belle mitre. On commence fort à dire que ce sera M. le président de Mesmes [128] qui sera premier président de notre Parlement[42] et que M. de Lamoignon, [129][130] son beau-frère, qui est maître des requêtes, aura sa charge de président au mortier ; [43][131] et que M. de Nesmond [132] le fils, conseiller de la Cour, sera maître des requêtes à la place de son oncle. [44] Si cela arrive, ce sera un premier président fort ami des jésuites et grand ennemi de tous ceux qui les haïssent, mais il faut se résoudre à tout. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 10e d’août 1657.


a.

Ms BnF no 9357, fos 260‑261 ; les éditions antérieures en ont repris des fragments : Reveillé-Parise, nos cccxiii (tome ii, pages 334‑336), à Charles Spon, le 10 août 1657, et cccclii (tome iii, pages 78‑81), lettre fabriquée, non datée, adressée à André Falconet ; Du Four (édition princeps, 1683), no lxviii (pages 219‑223), à Falconet, le 18 août 1657 ; Bulderen, no cxvi (tome i, pages 297‑300) au même, non datée.

1.

Ayant définitivement renoncé à la royauté, le 18 mai (v. note [31], lettre 484), Cromwell avait de nouveau été sacré Lord Protector des trois royaumes (Angleterre, Écosse, Irlande) le 6 juillet à Westminster au cours d’une cérémonie qui ressemblait fort à un sacre royal (v. note [7], lettre 471) ; à la couronne près, car il reçut les autres attributs : manteau rouge bordé d’hermine, épée, sceptre doré (Fraser pages 770‑772).

2.

En juin 1657, les Danois avaient pris, en s’emparant du duché de Holstein-Gottorp, l’initiative des hostilités ; mais en janvier 1658, le roi de Suède, Charles x Gustave, allait riposter durement en envahissant le Danemark. La suspension depuis novembre 1656 (v. note [8], lettre 456) de la guerre russo-polonaise, dite de Treize ans, n’avait pas entièrement pacifié le nord-est de l’Europe.

3.

Visitant Rome en 1675, Jacob Spon (fils de Charles, v. note [6], lettre 883), a noté dans son Voyage d’Italie… (Lyon, 1681, v. note [21], lettre 201), page 284, que :

« le cabinet des médailles de l’abbé Brachesi est un des mieux choisis, particulièrement pour une suite d’empereurs de grand bronze. Il a aussi quelques bustes antiques et de bons tableaux. »

4.

« après que le combat aura été rompu et apaisé ».

5.

« et sa propre voix ». L’archevêque-électeur de Cologne, Maximilien-Henri de Bavière (v. note [15], lettre 244), était le cousin germain et non pas l’oncle de Ferdinand-Marie, duc électeur de Bavière : leurs pères respectifs, Albert et Maximilien ier de Bavière étaient en effet les fils aîné et benjamin de Guillaume v, duc électeur de Bavière.

V. note [29], lettre 484, pour le compte des voix catholiques et protestantes de l’élection impériale qui traînait en longueur à Francfort.

6.

« qui a écrit sur les sciences naturelles avant Aristote » : Guy Patin avait prêté à François i de La Mothe Le Vayer (v. note [14], lettre 172) l’exemplaire de l’Ocellus Lucanus de Universi Natura [Ocellus de Lucanie sur la Nature de l’Univers] (Bologne, 1649) qu’il avait acheté en 1649 (v. note [55], lettre 166).

7.

Depuis 1647, François i de La Mothe Le Vayer était le précepteur du frère le Louis xiv, Philippe. {a} L’ouvrage d’histoire naturelle qu’il préparait à l’intention de son élève était :

La Physique du prince. {b}


  1. Monsieur, duc d’Anjou, né en 1640 (v. note [5], lettre 51), futur duc d’Orléans (après la mort de son oncle Gaston en 1660).

  2. Paris, Augustin Courbé, 1658, in‑8o de 346 pages, dédié au cardinal Mazarin.

    Pour l’éducation de son élève princier, La Mothe Le Vayer a aussi composé des traités de géographie, de rhétorique, de morale, d’économie, de politique et de logique.


Ocellus y est mentionné pages 62‑63 :

« Quoi qu’il en soit, je veux conjoindre le raisonnement d’Ocellus Lucanus, pythagoricien qui croyait < en > l’éternité du Monde, {a} à celui d’Aristote, touchant les changements périodoques dont nous parlons : ca il assure que, comme la Grèce avait été déjà plusieurs fois très barbare, son commencement sous Inachus {b} regardant plus l’histoire que la physique, elle retournerait encore dans la même barbarie, par la révolution nécessaire de toutes choses ; ce qui peut passer pour une < juste > prophétie de cet ancien auteur, eu égard à l’état déplorable où cette belle province est à présent réduite sous la domination détruisante {c} et par trop despotique des Turcs. »


  1. V. note [48] du Borboniana 1 manuscrit pour ce débat, en lien avec la véracité de la Bible.

  2. Dieu-fleuve d’Argolide à qui le mythe attribue la création de la Grèce.

  3. Sic pour « destructrice » ; la Grèce était ottomane depuis le xive s.

8.

« au nom et prétexte de mauvaise santé. » « Aller en campagne » voulait dire suivre la cour royale à la guerre.

9.

C’était l’annonce fort anticipée d’un projet qui ne se réalisa qu’au tout début du xviiie s. (v. note [2], lettre 750).

10.

V. note [20], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657, pour le Celse de Johannes Antonides Vander Linden (Leyde, 1657).

Nicolas de Nancel (Nicolaus Nancelius, Tracy-le-Mont, près de Noyon 1539-1610), brillant élève de Ramus au Collège de Presles, avait été maître ès arts à 13 ans, et régenté le latin et le grec à 18. Il étudia ensuite la médecine, passa en Flandre lors des troubles religieux et enseigna les humanités à Douai. De retour à Paris il reçut le bonnet de docteur en médecine, alla exercer à Soissons puis à Tours et devint, en 1587, médecin de la princesse Éléonore de Bourbon, abbesse de Fontevraud (v. note [42] du Borboniana 3 manuscrit).

Nancel a laissé de nombreux ouvrages philologiques, philosophiques et médicaux. Il ne figure pas dans la liste des bacheliers, licenciés et docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris établie par Baron (qui comporte des lacunes au xvie s.).

Nancel a aussi revu et copieusement annoté un exemplaire du recueil de 13 ouvrages médicaux latins anciens, paru à Venise en 1547, incluant ceux de Celse et de Cælius Aurelianus (v. note [2], lettre latine 44). L’analyse de ce livre conclut qu’on doit à Nancel le Cælius Aurelianus qui a paru à Lyon en 1567 (v. note [5], lettre de Charles Spon datée du  5 mars 1658). Bien qu’entièrement prêt à la publication en 1600, le reste de son travail sur tous ces textes n’a encore jamais vu le jour. La notule {b} de ladite note [2], lettre latine 44, établit néanmoins que Johannes Antonides Vander Linden en a disposé pour établir sa propre édition de Celse, parue à Leyde en 1657 (v. note [20], lettre de Charles Spon datée du 28 août 1657).

Qui plus est, M. Jean-François Vincent, chef du service d’histoire de la santé de la BIU Santé et enthousiaste rédacteur en chef de notre édition, a découvert que la première page d’un exemplaire de la Practica [Pratique] d’Alexandre de Tralles, dans l’édition latine de Venise, 1522, {a} porte une longue inscription manuscrite intitulée Nic. Nancelius Noviodunensis medicus Lectori S. {b}

11.

Ce paragraphe se trouve dans une lettre non datée adressée à André Falconet dans les éditions antérieures (Bulderen, cxvi, tome i, pages 297-300, et Reveillé-Parise, cccclii, tome iii, pages 78-81), qui doit donc être considérée comme fabriquée.

12.

Claude ii Saumaise, sieur de Saint-Loup, deuxième fils de Claude i, était devenu l’aîné après la mort de son frère Bénigne-Isaac, en 1655 (v. note [15], lettre 458) ; il a édité à Dijon, en 1660, la Responsio de son père à Milton (v. note [1], lettre 642).

Anne Mercier (v. note [5], lettre 95), la veuve de Claude i Saumaise, retirée à Paris, était morte le 19 avril 1657. Son fils cadet « qu’elle aimait plus que les autres », dont parlait ici Guy Patin, pouvait être (au sens relatif) Josias, le puîné de Claude ii, ou (au sens absolu) Louis-Charles, le benjamin des cinq fils.

13.

Jean d’Allamont (Montmédy 1626-ibid. 4 août 1657), seigneur de Malendry etc., gouvernait Montmédy pour le compte des Espagnols. Depuis le début du siège par les troupes royales françaises et le contingent anglais envoyé par Cromwell, le 11 juin 1657, il faisait preuve d’une efficacité défensive remarquable : en deux mois, sa garnison de 736 hommes provoqua la perte de 5 000 assiégeants. Allamont fut emporté par un boulet de canon et sa mort fut cause de la reddition de la ville à Louis xiv le 10 août.

14.

Dieuze (Moselle) est une ville du Saulnois, située à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Nancy. Siège d’importantes salines royales, c’était un des principaux sites lorrains d’exploitation minière du sel gemme.

15.

V. note [7], lettre 406, pour les Centuries de Benoît Silvaticus, médecin de Padoue (Pavie, 1656), rééditées in‑fo à Genève par Jean-Antoine de Tournes en 1662.

16.

« qui reçoit le monde en hôte et qui en retour, fait participer sans cupidité le monde à ses œuvres » : George Buchanan, Fratres fraterrimi, poème intitulé Adventus in Galliam [Arrivée en France], vers 12‑13, Poemata, page 305 (Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65), avec tuas au lieu de suas.

17.

Pendant les absences de Giovan Battista Nani (v. notule {a}, note [4], lettre 112), l’ambassadeur de Venise à Paris était alors Francesco Giustiniani (1628-1660).

18.

« et lui-même était samaritain ».

Dans la guerre de l’antimoine qui faisait alors rage à la Faculté de médecine de Paris, Guy Patin appelait « bons israélites » (v. note [22], lettre 406) les ennemis, et « samaritains », les partisans du médicament ; c’est-à-dire les orthodoxes d’un côté, et les hérétiques de l’autre. Cela venait de la division qui arriva parmi les israélites sous Roboam, fils de Salomon, qui les sépara en deux royaumes. Le royaume de Juda renfermait les bons israélites, qui demeurèrent attachés à Roboam et à la famille de David. Le royaume de Jéroboam prit Samarie pour capitale, et sous l’influence des Babyloniens, les samaritains se livrèrent temporairement à l’idolâtrie.

19.

« la patrie des diables. »

Teofilo Folengo (Mantoue 1491-près de Bassano 1544), plus connu sous le pseudonyme de Merlin Coccaye ou Coccaïe, était un moine bénédictin qui s’enfuit de son couvent (1512), erra en Italie avec une femme nommée Geronima et publia des poésies burlesques auxquelles il donna le nom de Macaronées, par probable allusion au macaroni (Furetière) :

« Sorte de mets dont les Italiens sont fort friands. Il est fait de farine et de fromage, qu’on cuit dans le pot avec la viande. Quand ils sont taillés en menus filets, on les appelle vermicelli. Ménage dit que ce mot vient de makar qui, en grec, signifie heureux, comme si c’était le mets des heureux. »

Ce genre de poésie était un mélange de mots latins et de mots italiens avec une terminaison latine, le tout entremêlé de mots pris aux divers dialectes de l’Italie. Telle serait l’origine de la poésie macaronique.

Si Folengo ne fut pas le créateur de cette bizarrerie littéraire, au moins fut-il le premier qui la cultiva avec succès. Ses Macaronées sont un mélange d’idées grotesques, de saillies de mauvais goût, de tableaux licencieux et de quelques bouffonneries originales que Rabelais n’a pas dédaigné d’imiter. Folengo finit par rentrer dans un monastère de son Ordre et acheva ses jours dans le couvent de Santa-Croce. Pour expier ses œuvres de jeunesse et ses égarements, il s’était mis à composer des poésies religieuses dont l’orthodoxie ne compensait pas la médiocrité. Ses poésies macaroniques, publiées sous le titre d’Opus macaronicorun (Venise, 1520, in‑8o), ont été traduites en français :

Histoire macaronique de Merlin Coccaie, prototype de Rabelais. Où est traité les ruses de Cingar, les tours de Boccal, les aventures de Léonard, les forces de Fracasse, enchantements de Gelfore et Pandrague, et les rencontres heureuses de Balde, etc. Plus l’horrible Bataille advenue entre les Mouches et les Fourmis. {a}


  1. Paris, Toussaint du Bray, 1606, in‑12 de 900 pages. Les diables y sont omniprésents.

On a encore de Folengo, entre autres, l’Orlandino (Venise, 1520), poème burlesque de l’enfance de Roland, et Chaos del tri par uno (Venise, 1527, in‑8o), sorte d’autobiographie en vers et en prose, etc. (G.D.U. xixe s.).

V.  note [41] du Faux Patiniana II‑4 pour Giambatista Folengo, frère de Teofilo.

20.

« sont pour moi des noms tout à fait odieux. »

21.

En raison de son éclosion européenne lors des guerres franco-italiennes du début du xvie s., la syphilis (vérole, v. note [9], lettre 122) a longtemps été prénommée mal italien de ce côté-ci des Alpes, mais male Francese, de l’autre.

22.

« Les destinées bouleversent tout » : le mot vicissitude dérive du latin vicis, pluriel vices, « retournements, revers ».

23.

V. note [22], lettre de Charles Spon, le 28 août 1657, pour les Medicinæ spiritualis institutiones… [Institutions de Médecine spirituelle…] de Lazare Meyssonnier (Lyon, 1657). Sa lettre du 1er août 1657 à Guy Patin, qui accompagnait cet envoi, aide à comprendre le jugement de Patin sur celui qui l’a rédigée.

24.

« Une seule rature peut faire ce que mille ne pourraient » (Martial, v. note [18], lettre 435).

25.

« si ça n’est pas trop vous demander ».

26.

« Si Vulcain prit parti contre Troie, Apollon se déclara pour elle » (Ovide, Les Tristes, élégie ii, vers 5).

27.

Opera omnia [Œuvres complètes] de Jean Varanda (Lyon, 1658, v. note [10], lettre 485).

28.

Passage entre crochets biffé de trois traits verticaux par Guy Patin, qui a écrit plus loin qu’il changeait d’avis sur l’expédition du colis.

29.

Jacques Favier, seigneur du Boulay-Thierry, vicomte hérédital de Nogent-le-roi, avait été reçu conseiller en la troisième Chambre des enquêtes du Parlement de Paris, en 1628, puis maître des requêtes en 1636. Le 6 juillet 1657, il était devenu maître des requêtes honoraire. Il mourut en 1671 (Popoff, no 1153).

V. note [56], lettre 156, pour Michel ii de Marillac (mais il ne résigna apparemment sa charge de maître des requêtes qu’en 1660, pour devenir conseiller d’État).

30.

Précision ajoutée par Guy Patin dans la marge.

31.

« Dieu veuille que les secondes pensées soient les meilleures. »

32.

Pronostic trop pessimiste de Guy Patin : Scipion Dupleix (v. note [9], lettre 12) ne mourut qu’en mars 1661, âgé de 91 ans.

33.

« et s’il ne me plaît pas ». Le traité de Jean Varanda « des Indications » est inclus dans sa Physiologia et pathologia… (v. note [42], lettre 209).

34.

La déclaration royale désarmant les laquais avait déjà été annoncée dans la lettre à Charles Spon datée du 26 janvier 1655 (v. sa note [12]). V. notes [12], lettre 446, pour les œuvres complètes de Jan i van Heurne (réédition de 1658) et [46], lettre 485, pour le traité de cet auteur que Guy Patin avait prêté au libraire lyonnais Jean-Antoine ii Huguetan.

35.

« ô la pure et admirable infamie ! »

L’Esprit de Guy Patin a prolongé ce passage : v. note [50‑3] du Faux Patiniana II‑1.

36.

« tant est vrai ce qu’a sagement dit celui-ci, bien que dans une circonstance différente : “ Si tous les insensés se ruent sur les armes, alors la sagesse n’aura plus guère de défenseurs ” [v. note [47], lettre 156]. »

37.

V. note [25], lettre 426, pour la Pharmacopée de Bauderon [v. note [15], lettre 15] éditée (pour la quatrième fois depuis 1650) par Guillaume Sauvageon, à Lyon en 1655.

38.

Ce succès diplomatique n’était pas mince car il brisait le projet d’alliance hispano-hollandaise contre la coalition franco-britannique (v. note [41], lettre 469).

39.

François Blondel (Saint-Quentin-en-Vermandois 1617-1686), plus connu comme architecte que comme mathématicien, avait été choisi en 1652 pour accompagner le jeune comte de Brienne (v. infra note [40]) dans ses voyages de trois ans en Europe. Une relation en latin fut publiée en 1663 et 1665. À la fin de 1656, Blondel avait succédé à Jean-Baptiste Morin dans la chaire de mathématiques du Collège royal. Cela ne l’empêcha pas d’assurer régulièrement des missions diplomatiques, sur la recommandation du comte Henri-Auguste de Brienne, secrétaire d’État aux Affaires étrangères.

Celle dont parlait ici Guy Patin consistait à influer sur l’élection de l’empereur germanique, en évitant qu’elle ne se fît une fois encore au profit des Habsbourg. Blondel devait successivement rencontrer Charles x Gustave, roi de Suède, le Grand Électeur Frédéric Guillaume, marquis de Brandebourg (v. note [10], lettre 150), et l’électeur de Saxe, Jean Georges ii (v. note [9], lettre 369). Plus tard, Blondel voyagea en Égypte et en Turquie pour aider à résoudre la délicate affaire de l’ambassadeur de France emprisonné à Constantinople (v. note [4], lettre 539). Comme architecte, il a surtout brillé dans les bâtiments monumentaux comme, par exemple, l’arc de triomphe de la porte Saint-Denis, toujours debout au croisement de la rue Saint-Denis et des grands boulevards. Louis xiv récompensa généreusement les nombreux mérites de Blondel en le nommant conseiller d’État, membre de l’Académie royale des sciences en 1669, directeur et professeur de l’Académie royale d’architecture fondée en 1671 et maréchal de camp en 1675 (Michaud).

40.

Louis-Henri de Loménie (1635-1698), futur comte de Brienne, était le fils aîné de Henri-Auguste (v. note [49], lettre 292).

Entré dans la carrière diplomatique dès l’âge de 17 ans, Loménie parcourut l’Europe continentale de l’Italie à la Suède, entre août 1652 et décembre 1655. Il a laissé le court récit de ce périple, dont Guy Patin ne se doutait pas que son fils Charles allait en donner la réédition : {a}

Ludovici Henrici Lomenii, Briennæ Comitis, Regi a Consiliis, actis, et epistolis, Itinerarium. Editio altera auctior et emendatior. Curante Car. Patin, D.M.P.

[Voyage de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne, conseiller du roi pour les actes et dépêches. Seconde édition revue et augmentée. {b} Par les soins de Charles Patin, docteur en médecine de Paris]. {c}


  1. Première édition, sous le seul tire d’Itinerarium : Paris, Imprimerie Cramoisy, 1660, petit in‑fo de 39 pages, sans participation apparente de Charles Patin.

  2. En 1662, Charles Patin, âgé de 29 ans (v. notes [32], lettre 146, et [8], lettre latine 232), manifestait déjà son attrait pour les travaux littéraires et la fréquentation des grands officiers royaux.

  3. Paris, Claude Cramoisy et Jean du Bray, 1662, in‑8o de 73 pages ; avec un Index Geographicus [Index géograhique] de 22 pages, et une carte géographique, établis par Nicolas Sanson (v. note [15], lettre 342).

Mis à la tête du département des Affaires étrangères en 1663, Louis-Henri se démit au bout de quelques mois pour se faire oratorien (v. note [5], lettre 766). Louis xiv avait exigé son départ parce qu’il avait filé la carte [triché] à la propre table de jeu du roi. Une passion fort vive qu’il conçut pour la princesse de Mecklembourg le fit chasser de l’Oratoire, et renfermer comme fou à Saint-Lazare, à la prière de ses parents. Voltaire l’a dépeint dans Le Siècle de Louis xiv (page 1130) :

« < il > eut la vivacité de son père, mais n’en eut pas les autres qualités. Étant conseiller d’État dès l’âge de 16 ans, et destiné aux affaires étrangères, envoyé en Allemagne pour s’instruire, il alla jusqu’en Finlande et écrivit ses voyages en latin. Il exerça la charge de secrétaire d’État des Affaires étrangères à 23 ans ; mais ayant perdu sa femme, Henriette de Chavigny, il en fut si affligé que son esprit s’aliéna ; on fut obligé de l’éloigner de la société. Le reste de sa vie fut très malheureux. On a déchiré sa mémoire dans les derniers dictionnaires historiques ; on devait montrer de la compassion pour son état et de la considération pour son nom. »

Comme son père, Louis-Henri a écrit ses mémoires, publiés en 1720, par lesquels on apprit, entre autres, la façon dont Louis xiv annonça son désir de gouverner seul après la mort de Mazarin en 1661 :

« Nous étions huit en tout […]. Le roi […] adressa la parole à M. le Chancelier : “ Monsieur, je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que jusqu’à présent j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal ; il est temps que je gouverne moi-même. Vous m’aiderez de vos conseils quand je vous le demanderai […]. Je vous prie et je vous ordonne, M. le Chancelier, de ne rien sceller en commandement que par mon ordre, et sans m’en avoir parlé. ” »

41.

« et » pour « c’est-à-dire ». La mitre épiscopale est un « bonnet rond pointu et fendu par en haut, ayant deux fanons qui pendent sur les épaules » (Furetière). Louis-Henri de Loménie ne fut jamais évêque, il opta pour une autre carrière, mais finit par entrer à l’Oratoire (v. supra note [40]).

42.

Jean-Antoine de Mesmes (vers 1600-1673), seigneur d’Irval, était frère benjamin du président Henri ii de Mesmes (v. note [12], lettre 49) et du comte d’Avaux, Claude de Mesmes (v. note [33], lettre 79), tous deux morts à la fin de 1650. Conseiller au Parlement de Paris en 1621, maître des requêtes en 1627, Jean-Antoine avait succédé en 1651 à son frère aîné Henri ii dans sa charge de président à mortier. Il avait épousé en 1628 Anne Courtin (Popoff, no 121).

43.

Guillaume de Lamoignon, marquis de Bâville (Bâville, Essonne 1617-ibid. 1677), était l’un des plus brillants magistrats du Parlement de Paris. Issu d’une famille de robe originaire du Nivernais et anoblie au xvie s., il avait successivement été avocat et conseiller au Parlement de Paris en la quatrième Chambre des enquêtes dès l’âge de 18 ans (1635), maître des requêtes et conseiller d’État en 1645. Pendant la Fronde, il avait d’abord été du nombre des membres du Parlement qui résistèrent à Mazarin, mais finit par se rallier au parti de la cour. « Je me rangeai, dit-il, pour ne pas être soumis à la populace, dont la tyrannie est plus extravagante et plus insupportable aux gens de bien que ne le seraient les princes les plus cruels. »

Contrairement à ce que pronostiquait ici Guy Patin, Mazarin choisit Lamoignon pour succéder au premier président de Bellièvre en 1658. Une solide amitié liait Lamoignon à Patin, comme la suite de ses lettres en a abondamment témoigné.

Outre ses très hautes compétences en droit, Lamoignon a eu la réputation d’un homme instruit, désintéressé, sage et intègre. On cite sa belle attitude lors du procès de Nicolas Fouquet dont on l’avait chargé : il se récusa pour protester contre les pressions qu’exerçait Colbert. Il réunit autour de lui à partir de 1667, dans son hôtel parisien de la rue Pavée (actuelle Bibliothèque historique de la Ville de Paris), un cercle savant que fréquentèrent, entre autres, Guy et Charles Patin, le P. René Rapin (v. note [8], lettre 825), Nicolas Boileau-Despréaux et Jacques-Bénigne Bossuet. On s’y intéressa beaucoup à la philosophie de Descartes, mais aussi à la circulation du sang ; Lamoignon défendait Harvey et inspira à Boileau son Arrêt burlesque (1671).

L’Académie Lamoignon (v. note [2], lettre 566) n’avait rien d’un salon libertin car son meneur était l’un des membres très influents de la secrète et dévote Compagnie du Saint-Sacrement (v. note [1], lettre 540) qui parvint notamment à faire interdire le Tartuffe de Molière en 1664 (v. note [6], lettre 777). On devait pourtant y avoir l’esprit large car Patin y tenait assidûment sa place, en dépit de sa légendaire opposition à la circulation et de la réputation de libertin érudit que la postérité lui a réservée.

Guillaume de Lamoignon avait épousé en 1640 Marie Potier d’Ocquerre, sœur de René Potier de Blancmesnil. De leur union naquirent neuf enfants dont six atteignirent l’âge adulte : l’aîné, Chrétien-François (1644-1709, v. note [5], lettre 816), devint président à mortier du Parlement de Paris ; Nicolas (1648-1724) devint conseiller au Parlement puis intendant du Languedoc ; leurs deux sœurs plus âgées, Marie (v. note [4], lettre 922) et Magdelaine (v. note [5], lettre 922), se marièrent, l’une avec le comte de Broglie et l’autre avec Achille iii de Harlay (premier président en 1689) ; les deux cadettes, Élisabeth et Anne, se firent religieuses (R. et S. Pillorget, Jean Pradel, Dictionnaire du Grand Siècle, et Popoff, 111).

44.

Guillaume de Nesmond, sieur de Combron, fils aîné de François-Théodore (v. note [15], lettre 180) et d’Anne de Lamoignon, sœur de Guillaume, avait été reçu conseiller au Parlement en 1649 (deuxième Chambre des enquêtes). Il devint maître des requêtes en 1659 puis président à mortier le 1er décembre 1664, en survivance de son père. Il avait épousé la fille unique de Jacques de Beauharnois, seigneur de Miramion ; il mourut en 1693 (Popoff, no 127). Guillaume de Lamoignon était bien oncle de Guillaume de Nesmond, mais n’était pas, comme disait ici Guy Patin, beau-frère de Jean-Antoine de Mesmes.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 10 août 1657

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(Consulté le 05/10/2024)

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