L. 498.  >
À Charles Spon,
le 16 octobre 1657

Monsieur, [a][1]

Le 6e d’octobre. Depuis ma dernière du 5e d’octobre qui vous aura été rendue par M. Seignoret, [2] je vous dirai que cent archers sont sortis de Paris pour aller quérir des prisonniers qui sont à dix lieues d’ici, qui étaient des coureurs de Rocroi [3] que l’on a attrapés en chemin et qui sont en danger d’être participants de la mauvaise fortune de Barbezières-Chémeraud. [1][4]

Et voilà, Dieu merci, la vôtre datée du 2d d’octobre qui me fait saillir le cœur de joie. Je souhaite bon voyage et toute sorte de bonheur et de contentement à cette reine des braves femmes. [2][5]

Pour le sieur Basset, [6] je vous avertis que je ne l’ai point vu depuis que je l’ai mis en nourrice, i. depuis qu’il m’emprunta un in‑fo qu’il trouva sur ma table, savoir Consilia medica Silvatici[3][7] Je pense qu’il demeure caché et ne fait plus qu’étudier pour disputer contre tous ceux qui lui contrediront et ne voudront pas être de son avis. Je ne sais s’il prétend d’être plus savant que vous tous ensemble, mais au moins suis-je bien fort assuré qu’il ne le deviendra jamais par l’usage et la lecture de ce livre qu’il m’a emprunté. Pour lui, je ne sais où le prendre car je ne sais pas son logis et ne suis point d’avis de le chercher. J’attendrai qu’il revienne, ce qu’il fera s’il veut ; et en ce cas-là, j’agirai avec lui selon l’esprit de votre Collège [8] et [selon ce] que m’en a mandé M. Falconet, et n’abuserai point de ma commission.

Guénault [9] est fort embarrassé de son mal. Il pisse mieux qu’il ne faisait par ci-devant, mais ce n’est jamais sans douleur, inde suspicio calculi in vesica latentis[4] et se chagrine fort de ce qu’il ne gagne plus d’argent, qu’il ne voit goutte à la fin de son mal, que nous sommes dans une mauvaise saison, imminente adhuc deteriora ; [5] et en cas qu’il ait la pierre, il ne sait s’il doit se faire tailler [10] ni par qui, vu que le roi des tailleurs est mort, qui était feu M. Colot. [11] Cet homme donc est bien empêché, qui a fait le tyran dans nos Écoles et qui a bien abusé, aux dépens du public, de l’iniquité et de l’impunité du siècle auquel Dieu l’a réservé. Si cette maladie l’emporte à la fin, nous avons ici environ 25 ou 30 petits coquins qui deviendront bien penauds et à qui l’oreille baissera bien. [6] S’il meurt de la pierre, ce sera un grand colosse d’un autre tyran que Nabuchodonosor, [7][12] abattu pour le bien public : il a la tête d’or et d’argent car il ne parle que de cela, hoc unum habet in votis[8] mais le reste est de terre et de fange ; je pense qu’il ne vaut pas mieux que Marcion, [13] dans Tertullien, [14] qui peponem habeat loco cordis[9] Bref, c’est un homme qui n’a tâché qu’à s’enrichir par cabale et par fourberies d’apothicaires et de charlatans, et qui n’a jamais eu aucun respect pour la justice ni pour la vertu, hoc unum studuit, ut quavis arte, quovis modo posset locupletari[10]

Enfin notre armée a pris Mardyck, [15] que nous faisons fortifier, et Bourbourg [16] pareillement. [11] On dit que le roi [17] est encore à Metz, [18][19] que delà il ira à Nancy, [20] mais que tout le reste est incertain ; et qu’il y a une paix faite pour huit ans entre France, Portugal et l’Angleterre.

Ce 10e d’octobre. Je vous donne avis que j’ai reçu ce matin le Sennertusen blanc [21] chez M. Pocquet. [12][22] Je vous en remercie, et pareillement M. Devenet. Pour M. Huguetan, je lui en écrirai tout exprès, non plus dois-je réponse à M. Ravaud.

Je vous prie de dire à M. Guillemin [23] que j’ai reçu sa lettre et que je l’en remercie. [13] Je ferai tout ce qu’il me mande sur l’affaire du sieur Basset. Je ne doute pas que vous n’ayez raison et souhaite fort que l’on vous fasse justice, mais votre affaire est entre les mains d’un rapporteur aux Enquêtes (qui sont des gens qui se laissent quelquefois gagner par des financiers) ; il vaudrait mieux qu’elle fût à l’audience de la Grand’Chambre où M. l’avocat général [24] parlerait et serait obligé d’avoir égard au bien public, qui est toujours maintenu par les communautés et toujours combattu ou endommagé par les particuliers, qui rem suam privatam quærunt ; [14] joint que le chicaneur a toujours plus de crédit au Palais que les gens de bien. Voilà le seul grief que j’ai en cette affaire ; du reste, je souhaite fort que vous ayez justice et tout le contentement que vous en pouvez souhaiter. Je vous prie de lui lire cet article tout entier, et à M. Falconet, auquel pareillement je baise les mains. Quand la Saint-Martin sera venue, ne pensez-vous pas d’être obligés d’envoyer ici un homme député de votre Collège pour solliciter votre affaire près du rapporteur, qui a presque tout le moyen de vous faire gagner, et pour voir les autres juges quand il sera temps ? Je vous prie tous d’y penser.

Ce 11e d’octobre. Le roi est encore à Metz. Les officiers qui avaient fini et achevé leur quartier à la fin de septembre ont été la plupart maltraités du côté de Verdun [25] car les uns ont été tués et les autres pris prisonniers.

On dit ici que le maréchal de La Ferté-Senneterre, [26] avec l’armée du roi, a assiégé Arlon [27] dans le Luxembourg, [15][28] qui est une bonne place ; que la Maison d’Autriche est la plus forte en Allemagne, que l’Empire leur demeurera ; que le roi de Suède [29] a été battu sur mer par le roi de Danemark, [30] qu’il a eu du pis contre le roi de Pologne ; [31][32] que le marquis de Brandebourg [33] l’a quitté et est à l’empereur ; et que cette année l’on n’assiégera pas Dunkerque, [34] combien que le dessein en eût été pris et arrêté avec Cromwell, [35] lequel fait fortifier Mardyck et Bourbourg.

Il avait ici couru une fausse nouvelle touchant la ville de Barcelone, [36] savoir que les habitants en avaient chassé la garnison et y avaient fait entrer M. de Candale [37] avec 500 chevaux, mais tout cela est faux. Le roi est encore à Metz d’où l’on dit qu’il ira à Nancy, et puis reviendra à Paris.

On dit que La Milletière [38] avait fait un livre contre vos ministres, mais les jésuites [39] sont intervenus et en empêchent l’impression par le moyen de l’autorité du roi qu’ils y ont employée, voyez la cabale de ces gens-là ! Car il est malaisé de dire quel intérêt ces gens-là prennent à tout ce qui se passe dans l’État, et néanmoins ils se mêlent de tout, et même y réussissent in nomine Domini[16] tant le monde est embabouiné de leurs sornettes. [17]

Un homme, qui a autrefois écrit sous M. Grotius [40] et demeuré chez lui, m’a dit qu’à la fin de l’hiver il ira en Hollande où M. Blaeu [41] veut commencer l’impression de toutes les œuvres de M. Grotius en plusieurs tomes in‑fo ; et entre autres, qu’il y aura un tome de lettres latines sélectes qui sera nommé Epistolæ politicæ, dans lequel il y aura de belles choses bien particulières ; que l’on y mettra tout ce qu’il a fait sur la Sainte Écriture, tous ses Opuscules, son Histoire de Hollande et de plus, toute son Ambassade, laquelle a duré près de dix ans. [18] Cet homme s’appelle M. Mercier. [42]

Le syndic des libraires [43] m’a dit aujourd’hui que les balles de livres de M. Fourmy, [44] votre libraire, sont ici arrivées et qu’elles sont à la douane, et que lui-même est ici attendu dans peu de jours avec son Varandæus. M. Huguetan continue-t-il l’impression du bon Heurnius, quand sera-t-elle faite ?

Ce 13e d’octobre. Je crois dorénavant que mademoiselle votre femme est arrivée à Lyon. Je souhaite de toute mon âme que ce soit en bonne santé. Je vous prie de l’assurer que je l’honore très fort et que je la respecte de tout mon cœur. Je vous tiens bienheureux d’avoir une si digne femme, non sic fecit Deus omni nationi[19][45] J’eusse bien souhaité d’avoir < eu > le temps de l’entretenir ici plus particulièrement que je n’ai pas fait et de la traiter pareillement, elle et sa compagnie ; mais le peu de loisir que j’ai eu durant ce temps-là, le peu qu’elle en a eu elle-même et l’absence de ma femme, [46] laquelle faisait alors ses vendanges [47] à notre Cormeilles [48][49] et qui n’a pu venir ici, en ont été cause. Néanmoins, la mienne a grand regret qu’elle n’a eu le bonheur de la voir et de lui témoigner le ressentiment de l’honneur que vous nous faites tous deux de votre amitié, que je vous supplie très ardemment de nous continuer encore longues années.

J’ai ce matin rencontré M. de Marolles abbé de Villeloin, [50] lequel m’a dit qu’il fait réimprimer la version du Juvénal et y fait mettre le latin, comme aussi qu’il fait imprimer le Stace [51] français et latin in‑8o en deux tomes et le Plaute [52] en quatre tomes in‑8o ; et par après, qu’il travaillera au Pétrone[20][53] Ne voilà pas braver, pour un abbé, de nous faire et donner au public tant de belles versions de ces poètes ?

Guénault se porte mieux, il n’y a plus de soupçon de pierre dans la vessie, mais seulement de la douleur que l’on croit être d’un petit ulcère [54] dans le conduit, qui l’oblige de pisser d’heure en heure. Dieu est si bon qu’il pardonne aux méchants afin qu’ils s’amendent ; et enfin, s’ils s’amendent ou non, il les prend à la fin toujours et ne manque jamais à personne, tôt ou tard, de l’attraper, Mors omnia solvit[21] Il y en a pourtant ici des nôtres quibus remanet aliqua suspicio calculi in vesica[22] à cause qu’il leur a dit que depuis deux ans il a souventes fois eu quelque difficulté in mictione[23] qui est une menace, laquelle continue. Tam grande secretum deterget ipsa dies, et Elias veniet qui revelabit[24][55][56]

Il est ici mort un conseiller de la Grand’Chambre nommé Gratian Ménardeau, [57] qui était un très inique juge, et des plus corrompus de son métier. Il est mort ex suppressa podagra[25][58][59] qu’il avait bien méritée, et d’une suppression d’urine [60] supra renes ; [26] pour de laquelle le délivrer, notre maître Du Clédat, [61] autant ignorant que charlatan, après l’avoir fait bien saigner et purger[62] lui a fait avaler deux fois du vin émétique [63][64] de peur qu’il n’en réchappât, alléguant qu’il ne savait plus que lui faire et qu’il ne lui a ordonné que comme son dernier sacrement : os hominis ? [27][65]

Je vous supplie de savoir de M. Devenet [66] si le Paracelse [67] de Genève est achevé, en trois volumes in‑fo (il est celui de Lyon qui le saura mieux), et de me le mander par la première qu’il vous plaira de m’écrire ; comme aussi quand sera achevée l’édition des œuvres de feu M. Gassendi. [68] M. de La Poterie [69] vous le dira, auquel je vous supplie de faire mes très humbles recommandations.

On dit ici que l’électeur de Cologne [70] est mort. Si cela est vrai, [28] voilà une bonne chape-chute car outre son électorat, il avait beaucoup de bons évêchés, de Münster, [71] du Liège, [72] de Minden, [73] d’Osnabrück [74] et plusieurs autres. [29] Le roi est encore à Metz où le Mazarin [75] a eu de grièves et rudes douleurs de néphrétiques. [76] J’ai peur qu’à la fin il n’ait la pierre et qu’il ne le faille tailler après qu’il en aura tant fait tailler d’autres. [30][77] Néanmoins pour dix qui en pourraient pleurer, je pense que cent mille en pourraient rire, voyant la fin de la fortune de cet homme, laquelle a été si constante en lui et si fantasque en tant d’autres.

Ce 14e d’octobre. Votre M. Basset m’a aujourd’hui rendu visite. Je l’ai tâté de plusieurs côtés, je l’ai menacé du mauvais traitement qu’il aura de tout votre Collège quand même il aurait tel arrêt du Parlement qu’il pourrait désirer. Il pare tout cela, ne se soucie de rien, il veut un arrêt qu’il fera, dit-il, bien exécuter ; que tel le menace aujourd’hui à Lyon, qui n’y sera plus quand il y retournera ; que les autres ne refuseront pas de gagner de l’argent avec lui, etc. Or qu’il s’accorde s’il veut, je ne lui en parlerai plus, il croirait que j’en aurais trop envie, c’est son fait et non pas le mien. À ce qu’il dit, il ne craint rien ; vous autres, Messieurs, ne craignez rien non plus. Je n’ai donc plus que faire de m’en mêler et n’ai plus qu’à dire avec frère Jean, [78] Vogue la galère. On verra l’hiver prochain sur qui tombera le sort et si notre maître Bridoye [79][80] jugera le procès à trois dés ou à l’étiquette du sac[31] Il dit qu’il n’a garde de rendre de l’argent à votre Collège pour ce qui a été déboursé contre lui, mais plutôt qu’il entend qu’on lui en rende, qu’il en a trop donné. Bref, il est plenus irarum atque minarum[32] etc. [81] Dieu le sauve, il dit qu’on lui a extorqué de l’argent qu’il fera bien rendre. Bref, il n’est pas assez sage et assez modéré pour traiter de paix et faire un bon accord avec votre Collège. Il n’a donc plus qu’à se bien soutenir contre vos attaques, et vous à bien solliciter contre lui. Verbum non amplius addam[33]

Le roi de Suède est en mauvais état et presque abandonné de ses meilleurs amis. Le roi de Pologne a repris Cracovie [82] et les Suédois ont été abandonnés par les Transylvains. [83] Depuis trois jours, une charge de maître des requêtes a été vendue 104 000 écus, voilà bien de l’argent pour un peu de fumée. Certes, il faut avouer que le monde est bien fou, tant ceux qui plaident que ceux qui se mêlent de les juger. O miseram Galliam, in qua miserorum populorum sanguine magistratum ventres farciuntur ! [34]

Nous avons beau attendre M. Fourmy, qui ne vient point, pour nous débiter son Varandæus : au moins, est-il parti de Lyon ? Vale carum caput, et me ama[35] Je suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 16e d’octobre 1657.


a.

Ms BnF no 9357, fos 269‑270 ; Reveillé-Parise, no cccxvii (tome ii, pages 348‑350).

1.

Le chevalier Chémeraud de Barbezières (v. note [19], lettre 484), autre coureur du prince de Condé qui avait aussi été attrapé, venait d’avoir la tête tranchée en place de Grève (vlettre à Charles Spon du 5 octobre précédent).

2.

Le compliment visait Marie Seignoret-Spon, l’épouse de Charles, qui venait de visiter Guy Patin en passant à Paris et lui avait fait très vive impression.

3.

V. note [7], lettre 406, pour les Centuries de Benedetto Silvatico (Padoue, 1656) où Bonaventure Basset espérait parfaire ses connaissances médicales.

4.

« d’où le soupçon qu’un calcul demeure caché dans la vessie ». Guy Patin a raconté le début de la crise de lithiase urinaire qui affligeait François Guénault, son pire ennemi médical, dans sa précédente lettre à Charles Spon (5 octobre).

5.

« avec pire encore à attendre ».

6.

« On dit qu’un homme baisse l’oreille, qu’il a les oreilles pendantes, quand il est faible ou humilié, soit par quelque maladie, soit par quelque mauvaise fortune » (Furetière).

7.

Nabuchodonosor ii (605-562 av. J.‑C.), souverain de Babylone, agrandit et embellit son empire en le défendant contre ses voisins. Il fit la conquête de Jérusalem et du royaume de Juda. Le début du Livre de Daniel (3:1,4) fait longuement état de sa tyrannie et de son avidité pour les richesses :

« Le roi Nabuchodonosor fit une statue d’or, haute de six coudées et large de trois, qu’il dressa dans la plaine de Dura, dans la province de Babylone. […] Le héraut fit la proclamation : “ À vous, de tous peuples, nations et langues, voici ce qui a été commandé : à l’instant où vous entendrez sonner trompe, pipeau, cithare, sambuque, psaltérion, cornemuse et toute espèce de musique, vous vous prosternerez et ferez adoration à la statue d’or qu’a élevée le roi Nabuchodonosor. Quant à ceux qui ne se prosterneront ni ne feront adoration, ils seront incontinent jetés dans la fournaise de feu ardent. ” »

8.

« c’est le seul souhait qu’il ait ».

9.

« qui avait un melon à la place du cœur » ; Tertullien (v. note [19], lettre 119) parlant de Jésus-Christ (Contre Marcion, livre iv, chapitre xl, § 3) :

Aut si propterea panem corpus sibi finxit quia corporis carebat veritate, ergo panem debuit tradere pro nobis. Faciebat ad vanitatem Marcionis, ut panis crucifigeretur. Cur autem panem corpus suum appellat, et non magis peponem, quem Marcion cordis loco habuit ?

[Ou s’il se donna pour corps un pain, parce qu’il n’avait pas un corps véritable, c’est donc du pain qu’il a dû livrer pour nous. Il appuyait les rêves de Marcion en crucifiant un pain. Mais pourquoi appeler son corps du nom de pain, plutôt que du melon que Marcion avait en lieu de cœur ?].

Marcion, philosophe gnostique du iie s. de notre ère, fils de l’évêque de Sinope (au bord de la Mer Noire), fut d’abord moine. Excommunié par son père et chassé de Sinope pour avoir séduit une vierge, Marcion partit se réfugier à Rome et se mit à enseigner publiquement la doctrine gnostique avec beaucoup de succès. Il eut pour adversaires Tertullien, Origène et saint Basile (G.D.U. xixe s.).

10.

« il ne s’est appliqué qu’à cette seule et unique chose : de quelle façon et par quel artifice il pourrait s’enrichir. »

11.

Voisines de Dunkerque, Mardyck et Bourbourg avaient été prises en 1645 par Gaston d’Orléans (v. note [6], lettre 124) puis reprises par les Espagnols. Le siège de Mardyck par les Anglo-Français avait débuté le 29 septembre ; après l’avoir prise le 3 octobre, Turenne remit la place aux Anglais, conformément aux engagements pris par la France.

12.

Jean Pocquet avait été reçu libraire de Paris en 1647 ; il était établi rue Saint-Jacques À l’Image Saint-Pierre (Renouard).

13.

Cette lettre, datée de Lyon, le 14 août 1657, est la seule de Pierre Guillemin à Guy Patin que contienne notre édition.

14.

« qui recherchent leur intérêt particulier ».

15.

Arlon (Luxembourg belge) est aujourd’hui une ville frontalière entre Belgique wallonne et Luxembourg.

16.

« au nom du Seigneur ». Théophile Brachet de La Milletière avait lui-même été un zélé huguenot, mais s’était converti au catholicisme en 1645 {a} pour devenir l’un des plus acharnés ennemis de ses anciens coreligionnaires. Les jésuites obtinrent sans doute gain de cause dans cette querelle car le titre du seul ouvrage que La Milletière a publié en 1657 n’évoque pas une attaque contre les ministres protestants :

La Raison certaine de terminer les différends de la religion entre les catholiques et les protestants, {b} adressée aux ministres qui sont dans Paris pour être appelés sur ce sujet à une conférence amiable, par l’ordre du roi, suivant la recommandation que l’Assemblée générale du Clergé en a faite à Monseigneur le cardinal. Imprimé par l’ordre de l’Assemblée générale du Clergé. {c}


  1. V. note [13], lettre 80.

  2. Soit la pacification chrétienne (irénisme) pour laquelle La Milletière a lutté en vain pendant une bonne partie de sa vie, ne parvenant qu’à se faire haïr par les deux partis.

  3. Paris, Antoine Vitré, 1657, in‑4o de 200 pages.

Le propos que Guy Patin tenait ici à son ami calviniste Charles Spon est paradoxal car les jésuites appréciaient en principe les attaques « contre vos ministres ». En revanche, les inclinations pour Port-Royal attiraient leurs foudres : après avoir attaqué La fréquente Communion d’Antoine Arnauld en 1644, La Milletière aurait pu en venir à l’idée que le jansénisme était le moyen de réconcilier les chrétiens ; mais la censure a enseveli son livre, et il serait imprudent d’être catégorique sur ce point.

17.

Embabouiner : « amuser quelqu’un de belles espérances, se rendre maître de son esprit : c’est affaire aux sots à se laisser embabouiner par les femmes ; il s’est laissé embabouiner par ce hableur qui lui promettait de faire sa fortune. Ce mot est populaire et vient de babouin, comme qui dirait traiter quelqu’un en sot, en enfant, en petit babouin » (Furetière).

18.

Annonce fort anticipée de deux rééditions d’écrits de Hugo Grotius, {a} que Guy Patin n’eut jamais l’occasion de lire :

19.

« Dieu n’a pas agi de même pour toutes les nations » (Psaumes, v. note [10], lettre 405).

20.

De Michel de Marolles, abbé de Villeloin, fécond traducteur, allaient en effet paraître ces quatre éditions bilingues :

Les ouvrages précédemment cités par Guy Patin étaient :

21.

« La mort vient à bout de tout. » (adage du droit romain pour dire initialement que la mort seule peut dissoudre le mariage).

22.

« pour qui subsiste quelque soupçon de calcul dans la vessie ».

23.

« à la miction [à pisser] ».

24.

« Le plein jour balaye un si grand secret, et Élie viendra qui lèvera le voile [Matthieu, v. note [3], lettre 417]. »

25.

« d’une podagre supprimée ».

Gratian Ménardeau, seigneur de Sainte-Croix, frère puîné de Claude Ménardeau (v. note [143], lettre 166), avait été reçu en 1622 conseiller en la quatrième des Enquêtes (Popoff, no 1729) ; ce juge avait été rapporteur en faveur de Jean Chartier dans le procès que Guy Patin avait perdu contre lui en 1653 (v. note [21] du mémoire sur ce procès), ce qui explique le mauvais souvenir qu’il en avait conservé.

26.

« d’en amont des reins ». Distincte de la rétention, la suppression est l’arrêt de la production d’urine, ou anurie (v. note [10], lettre 209) : elle est habituellement due à une maladie des reins qui empêche leur fonction excrétrice ; il existe aussi des anuries dites prérénales, liées au fait que les reins ne sont plus correctement irrigués par le sang (déshydratation grave, v. note [3] de l’observation iii ; collapsus circulatoire). L’expression employée par Guy Patin peut surprendre par sa modernité, mais il devait bien avoir en tête l’idée d’une anurie prérénale en écrivant ces mots, car il connaissait parfaitement son Fernel (Pathologie, livre iii, Du pouls et des urines, chapitre xi, Que signifie l’abondance et la paucité de l’urine, pages 182‑183) :

« La petite quantité de l’urine qui ne procède point ni de boire trop peu, ni du manger de choses trop sèches, ni du breuvage âpre et grossier, ni pour avoir beaucoup sué, ni pour avoir le ventre trop lâche, ni pour avoir excessivement travaillé, est marque de maladie, et que le mal est presque dans les conduits de l’urine. L’obstruction des reins ou quelque tumeur qui s’y rencontre outre nature en est le plus souvent la cause […]. Quant à l’urine que l’on rend en petite quantité sans que cela provienne des causes susdites, elle vient d’une humeur grossière et gluante, qui se sépare difficilement et ne sort qu’à peine ; et lors, cette urine est épaisse. La véhémence de la fièvre arrête parfois l’urine et en ce cas, s’ensuivent et la chaleur, et les autres signes de la fièvre. Ceux mêmes qui se portent bien ne rendent guère d’urine quand le breuvage se tourne en la nourriture du corps, ce qui arrive d’ordinaire à ceux qui sont exténués et aux convalescents qui relèvent de maladie. »

Saigner dans une telle situation est bien aujourd’hui la dernière chose à faire : ce serait aggraver à coup sûr le défaut d’irrigation rénale ; donner de l’antimoine ne viendrait plus à l’esprit de personne.

27.

« ne le trouvez-vous pas fort effronté ? »

Une référence à Cicéron (v. note [15], lettre 421) semble ici moins à propos qu’à Martial (Épigrammes, livre ix, xciv, vers 1 et 2) :

Santonica medicata dedit mihi pocula virga :
Os hominis ! mulsum me rogat Hippocrates
.

[Hippocrate m’a donné une potion d’herbe de Saintonge ; quel effronté ! et il me demande en échange du vin miellé].

28.

La nouvelle était fausse : Maximilien-Henri de Bavière, archevêque électeur de Cologne depuis 1650 (v. note [15], lettre 244), ne mourut qu’en 1688.

29.

Osnabrück (Westphalie) est la ville où avait été négociée et signée, le 8 septembre 1648, la paix de Westphalie entre la Suède et l’Empire germanique. Minden se situe sur la Weser, à mi-chemin entre Osnabrück à l’ouest et Hanovre à l’est. C’était un petit État dépendant de l’électeur de Brandebourg.

30.

Jeu de mots entre les deux sens de tailler : opérer pour extraire une pierre de la vessie (v. note [11], lettre 33) et prélever l’impôt de la taille.

31.

V. note [9], lettre 426, pour Vogue la galère, attribué par erreur à frère Jean des Entommeures. Maître Bridoye est une allusion au chapitre xxxix du Tiers Livre de Rabelais, Comment Pantagruel assiste au jugement du juge Bridoye, lequel sentenciait les procès au sort des dés ; Furetière :

« Cette question est si problématique que je la voudrais décider à trois dés. C’est ce que les anciens ont entendu par ce mot alea iudiciorum, ou le hasard des jugements. On dit proverbialement, juger un procès ou une affaire sur l’étiquette pour dire juger une affaire sans l’approfondir, sans voir les moyens et les pièces qui sont dans le sac. {a} Et généralement il se dit de tout jugement téméraire qu’on fait sans considérer les circonstances nécessaires. »


  1. V. note [52] du Borboniana 4 manuscrit.

32.

« rempli de colères et de menaces » : plenus iræ minarumque (Tite-Live, Histoire de Rome, livre vi, chapitre xxxviii).

33.

« Je n’en dirai pas un mot de plus. »

34.

« Ô misérable France, où les ventres des magistrats se gavent du sang des misérables gens ! » (v. note [29], lettre 606).

35.

« Vale, cher Monsieur, et aimez-moi. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 octobre 1657

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(Consulté le 20/04/2024)

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