L. 516.  >
À Charles Spon,
le 26 février 1658

Monsieur, mon bon et cher ami, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le mardi 5e de février. Depuis ce temps-là, j’apprends que M. Gontier, conseiller de la Grand’Chambre[2] est mort. Il était cousin germain de feu M. l’évêque de Belley, [3] et aussi fantasque que son cousin l’évêque était bon et honnête homme. [1] On dit que cette année, M. le duc d’Anjou [4] commandera notre armée en Flandres, [5] tandis que M. le maréchal de Turenne [6] commandera une grande armée en Allemagne. Le pape [7] et le Mazarin [8] s’entre-demandent et s’entre-refusent plusieurs choses, à cause desquelles ils pourront bien à la fin rompre ensemble.

Ce 6e de février. Je viens de consultation [9][10] avec un des nôtres, lequel a vu aujourd’hui Guénault [11] sur les onze heures en sa maison. Guénault se plaint du peu de santé qu’il a de reste, qu’il a ce matin été à la messe (vous voyez comment les méchants y vont aussi bien que ceux qui pensent être bons, Domitius Calderinus [12] prié et invité d’aller à la messe, où plusieurs autres ont coutume d’aller, répondit Eamus ad communem errorem), [2][13][14][15][16] mais qu’il en est revenu très morfondu ; qu’il n’a point présentement de grande douleur à la vessie, mais plutôt qu’il y sent un grand froid. Les conséquences de tout cela ne valent rien, Mali corvi malum ovum[3]

Voilà M. Dinckel [17] qui vient de sortir de céans, qui est en peine de votre santé et si vous avez reçu celle qu’il vous a écrite. Il vient quelquefois me voir les matins et je le mène chez quelques malades afin de lui apprendre quelque chose de la bonne méthode, en quoi je le trouve extrêmement neuf et apprenti. M. Perreau [18] le bonhomme a montré les opérations de chirurgie publiquement dans nos Écoles, in cadavre virili[4] il y a assisté et en est fort content. Il dit qu’il y a ici bien des choses à apprendre dans nos Écoles, [19] tant auxdites opérations qu’aux dissections, aux disputes et aux leçons publiques. [20][21] Dans deux mois il verra tailler [22] de la pierre autant qu’il voudra, ce lui sera un surcroît de matière pour aimer Paris. On lui a parlé d’une condition [5] pour demeurer en Poitou avec un gentilhomme qui se veut entretenir d’allemand et d’italien ; il a écrit à Strasbourg à son beau-père et en attend réponse dans huit jours. Je l’ai averti de ne se fier à qui que ce soit et de ne jamais partir de Paris pour aller si loin qu’on ne lui paie tout au moins son voyage par avance. [6]

Ce 12e de février. Le poignardeur de la reine de Suède [23] s’appelle Santinelli. [24] Le pape lui a mandé qu’il ait à l’aller trouver à Rome pour lui rendre compte de cet attentat ; dont il se gardera bien : il a quitté la reine de Suède, mais on ne sait pas encore ce qu’il est devenu. Ce serait un beau miracle si le pape ressuscitait ce pauvre poignardé Monaldeschi [25] et qu’il ne parût aucune cicatrice de coups de poignard à sa gorge. [7]

Les jésuites [26] ont fait une réponse aux 18 lettres du Port-Royal, [27][28][29] dans laquelle ils défendent leur morale prétendue. Les curés de Paris se sont assemblés et en ont demandé justice et à la Sorbonne [30] et au Parlement. Comme l’affaire s’avançait, le roi, [31] qui est tout bon et qui veut que la paix soit partout, a envoyé quérir ces curés et leur a fait défendre de poursuivre ; et par là, vous jugerez quel crédit ont ces bons pères ; nonobstant quoi, les curés ne laissent point de gronder et poursuivent encore au Parlement. La reine de Suède est toujours à Fontainebleau [32] où elle passe fort mal son temps. On dit qu’elle voudrait bien venir ici pour y voir les bals et ballets, [8][33] et la foire de Saint-Germain. [34] Le Mazarin a envoyé quérir les curés et leur a permis de poursuivre la censure du livre des jésuites in foro Ecclesiastico[9] mais non pas au Parlement, ce qu’ils lui ont promis ; en vertu de quoi, ils en pressent et poursuivent maintenant la censure en Sorbonne ; et pour ce qu’ils lui ont promis de ne rien poursuivre au Parlement, il leur a accordé une petite grâce pour M. Duhamel, [35] curé de Saint-Médéric, [36] que l’on voulait envoyer à Quimper-Corentin, [37] en Basse-Bretagne : [10] qu’il ne bougera de chez son père, en Gâtinais, qu’il ne se fera point tant suivre par les pauvres gens, qu’il ne fera plus d’aumônes, etc. ; on lui défend d’être homme de bien, o mores, o tempora ! [11]

Vous savez bien que nous avons ici la foire de Saint-Germain où il y a plusieurs boutiques de libraires fort bien garnies et entre autres, celle du sieur Du Buisson [38] qui est venu de Montpellier aussi glorieux que jamais : c’est peut-être l’air du pays d’où il vient. On dit qu’il n’y retournera plus, qu’il veut demeurer à Paris et y trafiquer de vieux livres, où il espère de devenir riche ; à cause de quoi il fera des voyages par toute la France, et ira même en Italie et en Espagne pour en apporter ici. Ce petit homme a beaucoup de vanité et parle de Montpellier avec beaucoup de mépris, et des docteurs qui y restent. Il est un de ceux que je ne puis souffrir, je n’ai rien acheté de lui, mais d’un d’ici nommé Clousier, [39] Guil. Fabricii Hildani Opera omnia in‑fo 1646[40] qui est bien plus ample que l’in‑4o de Lyon, [12] avec un in‑4o imprimé à Bologne [41] l’an 1656 intitulé Noctes geniales, auctore Io. Nardio Florentino[42] c’est le même qui a travaillé sur Lucrèce. [13] J’ai pareillement recouvré un Bravus Petrafitanus de medicamentorum Delectu[43] qui n’est pas mauvais, c’est celui qui a travaillé sur les Pronostics d’Hippocrate. [14][44] J’y ai vu un Hippocrate de Martianus [45] de la nouvelle édition de Venise in‑fo, mais je me suis contenté du mien, de l’an 1626. On ne parle plus du Paracelse de Genève, [46] est-il demeuré là ? [15] Demandez-en, s’il vous plaît, quelques nouvelles à M. Devenet.

N’avez-vous jamais vu un livre in‑4o imprimé à Augsbourg, [47] l’an 1569, de Lucas Stengelius, [48] intitulé Apologia adversus stibii spongiam, etc. [16] Ce livre est bon et fort contre l’antimoine, [49] il mériterait d’être imprimé, il pourrait servir au public. Il y avait des bonnes gens dès ce temps-là, et des méchants aussi. Si Guénault avait vu ce livre, il serait bien empêché d’y répondre. Il faut que je tâche de le faire imprimer à quelqu’un de nos libraires, ut faciam medicinam nostris insipientibus[17]

Ce 17e de février. Voilà votre M. Robert [50] qui me vient de dire adieu. Il dit qu’il espère de partir d’ici pour Lyon après-demain, qui sera mardi 19e, et qu’il espère de s’en aller en poste avec le prévôt des maréchaux [51] de votre ville. [18] Cela est cause que je ne lui ai rien baillé à vous porter, j’entends un livre de Balzac [52] avec quelques thèses, [53] dont le nombre s’accroîtra dans la fin du carême. Les grandes gelées qui durent ici depuis longtemps ont empêché les imprimeurs [54] de travailler et cela est cause que le livre de M. Riolan [55] n’est pas achevé ; néanmoins, il n’y a plus qu’une feuille en tout. [19] M. Robert n’a pas encore son arrêt, mais il espère de l’avoir bientôt. Nous verrons ci-après ce que fera votre M. Basset [56] et comment il se comportera avec votre Collège [57] pour regagner les bonnes grâces de tous vos Messieurs.

On parle ici fort diversement de la mort de M. de Candale : [58] les uns disent qu’il est mort de la peur qu’il a eue d’être tué par les gens que le comte de Montrevel [59] et le comte de Saint-Martin, [60] son fils, avaient mis sur les chemins pour venger la mort du chevalier de Montrevel, [61] son frère ; [20] les autres disent qu’il a été empoisonné lui huitième, et que les sept autres en sont morts ; [21][62] d’autres disent qu’il est mort tout gangrené et tout pourri d’une vieille chaude-pisse [63] supprimée. Quoi qu’il en soit, personne ne le plaint ni n’en blâme les médecins qui l’ont traité à Lyon de sa fièvre continue, [64] avec laquelle il a passé et pénétré le guichet et s’en est allé au pays où vont les grands seigneurs qui meurent ici sans payer leurs dettes, qu’il laisse fort grandes à ce qu’on dit.

Un courtisan m’a dit aujourd’hui que le roi partira d’ici à la fin du carême pour s’en aller à la guerre et qu’il fera une longue campagne, on croit qu’il ira vers Brisach ; [65] mais il dit que les électeurs derechef ne veulent point nommer ni proclamer d’empereur [66] que les deux couronnes ne soient d’accord et que cette paix générale ne soit en la chrétienté ; que l’Espagnol la voudrait bien, mais que France l’empêche, qui n’y veut entendre.

Pour réponse à l’agréable vôtre datée du 12e de février, pour laquelle je vous remercie très affectueusement, je vous dirai que la gelée a été ici rude au dernier point, jusque-là même que l’encre a gelé sur ma table. Les chartreux [67] ont fait rechercher fort soigneusement leur moine Boquet [68] et ont pensé l’attraper ; même, ils disent qu’ils l’attraperont et le feront pendre ; zest, [22] sont paroles de moines. Je suis bien fâché de la mort du pauvre M. Musnier [69] de Gênes [70] et il y a longtemps que je m’en défiais, vu qu’il y a un an entier que je n’avais reçu de lui aucune lettre. Quiescat in sinu Abrahæ[23][71]

Pour l’endroit des Coaques[72] au bas de la page 170, il n’y a que deux lignes sautées, les voici : curatio ulcerum duce natura suscipitur atque absolvitur. Nihil enim crescit quod suæ accretionis fundamentum et basin non habeat. Ac talia ulcera oppositarum partium erosione nata, vere sunt εμμεστα : qualia leguntur nephritica, etc[24][73] La dernière impression de Meturas [74] vaudra mieux, d’autant qu’elle a été faite sur la première édition qui est de 1588, omnium prima atque optima[25] Je tiens pour très vrai tout ce que vous me mandez de votre député M. Robert et adhuc etiam deteriora suspicor[26] car je pense qu’il est bien ignorant en son métier, et sa fidélité pour votre parti, je n’en dis mot ; neque enim merum esse puto aliena ista sacra attingere[27]

Guénault est ici mal de sa vessie, [75] il ne pisse qu’avec une sonde [76] et n’ose sortir de sa maison. S’il ne guérit bientôt, il enragera de ne plus gagner, et præ nimio dolore contabescet [28] car il est le plus avare homme qui soit sur terre. Touchant Le Gagneur, [77] en êtes-vous encore là ? Il est plus à Guénault que les sergents et les moines ne sont au diable. [29] C’est Guénault qui l’a mis près du prince de Conti, et lui en a de l’obligation vu qu’il ne faisait ici rien du tout et qu’il ne savait à quoi employer son temps ni de quel bois faire flèche. On dit qu’il est devenu fin et rusé à la cour, coluber mala gramina pastus[30][78] Il est ici un des couteaux pendants de Guénault, mais peut-être que Guénault ne régnera plus guère puisque ce mal est si fâcheux et qu’il continue avec tant de rigueur. Je vous remercie, et M. Garnier [79] pareillement, du beau portrait que vous m’avez envoyé du P. Théophile Raynaud. [80] Je tâcherai d’avoir une des thèses du thé [81] pour M. Garnier, il y en a une pour vous dans le paquet. [31]

Le mécontentement que j’ai du sieur de La Poterie [82] est pour cette lettre dont il vous a parlé. Il dit qu’il ne la faut point imprimer puisque feu M. Gassendi [83] n’y a pas fait réponse, et moi je désire fort qu’elle soit imprimée, bien assuré que je suis que, parmi tant d’autres, elle passera pour bonne et qu’il en est de pires ; joint qu’il ne peut pas y avoir de réponse, vu qu’en ce même temps M. Gassendi tomba malade de la maladie dont il passa au bout de trois mois en l’autre monde. Damnabit me voto [32] pourvu qu’elle la passe dans l’ordre qu’elle lui a été envoyée, cetera nugæ[33] Ne lui faites semblant de rien de peur de l’irriter, il ne se souvient pas qu’en sa présence même je parlai à M. Gassendi, son maître, de cette difficulté et de cette mienne épître. [84]

Harvæus, [85] auteur et inventeur de la circulation du sang, [86] est mort à Londres l’été passé, il me semble que je vous l’avais mandé. On dit que l’affaire de Nîmes [87] s’accommodera à cause que ceux du pays ont parlé fort hardiment et que l’on croit qu’ils se défendraient bien si ceux de deçà les faisaient attaquer, qui ont bien d’autres affaires : la guerre d’Allemagne nous occupe assez de la peur que l’on nous en fait. [34] Je remets entièrement à vos soins l’affaire et les intérêts de ce pauvre Erastus ; [88] vous savez bien que ce n’est que pour le bien public et contre l’abus des chimistes, [89] tout ce que j’en fais. Si M. Fourmy [90] le veut imprimer, j’en prendrai 50 exemplaires que je lui paierai comptant et nummis præsentibus[35] outre le soin que j’apporterai pour le faire débiter de toutes parts, tant par mes auditeurs que par toutes les connaissances que j’ai en divers endroits du royaume et hors d’icelui. L’évêque d’Oleron est mort, [91][92] voilà frairie pour celui qui tire profit de telles collations[36]

Vendit Alexander missas, altaria, Christum,
Emerat ille prius, vendere jure potest
[37][93][94]

Le prince de Condé [95] a obtenu dans la Flandre les meilleurs quartiers d’hiver pour ses troupes. Le Brabant [96] lui a été accordé, [38] où il a envoyé ses régiments qui y ont tant fait d’insolences qu’enfin le pays et les paysans se sont soulevés contre eux et ont pris les armes ; mais ils n’ont pas été les plus forts, nos gens s’en sont rendus les maîtres et en ont bien tué ; si bien que tout le pays en est désolé, d’autant plus qu’ils y vivent à discrétion et sans discrétion. [39] Jugez si ces gens-là bénissent la guérison du prince de Condé et s’ils enverront des présents à Guénault pour lui avoir rendu quelque service en sa maladie.

Aujourd’hui, 20e de février, tout au milieu de la Vallée de Misère, [40][97] ont été pendus et étranglés [98] trois hommes qui avaient enlevé aux fêtes de la Toussaint dernière, sur le Pont-au-Change, [99] un marchand de Paris nommé M. Sergeant afin de l’obliger de lui faire rendre certaines bagues, joyaux et tapisseries qu’il tient en gage d’une certaine Mme de Pons [100] que l’on disait avoir été maîtresse ou femme de M. le duc de Guise. [41][101] La demoiselle qui les avait mis en besogne a été bannie pour cinq ans. Les archers, exempts de crime et même de soupçon, ont été mis hors de prison et en liberté, ne sachant point qu’il y eût dol ni fraude ; mais ces trois ici ont été pendus, qui savaient et faisaient le mal, et qui contrefaisaient les exempts avec leurs casaques et bâtons. On dit que tous trois avaient fort bonne mine. Demain on rompra à la Grève [102] deux Bohémiens [103] ou Égyptiens, Cingari dicuntur isti nebulones[42] pour plusieurs vols et massacres qu’ils ont commis en divers lieux près de Senlis [104] et de Corbeil. [105] L’un était normand et l’autre bourguignon, et se contrefaisaient égyptiens, ils ont été tous deux rompus tout vifs. [106]

Ce 22e de février. Hier avant midi, on mit prisonnier dans la Conciergerie [107] 13 faux-sauniers[108] que l’on amena d’Amiens [109] liés et garrottés dans un grand chariot tiré à six chevaux. Aujourd’hui à la Croix du Trahoir, [110] deux autres contrefaisant les Égyptiens, impliqués du même crime que ceux d’hier, ont été rompus ; et à la Grève, a été pendu le fils du procureur du roi de La Rochelle [111] qui avait tué à coups de couteau son compagnon avec qui il était ligué, de sang-froid, dans son lit, à cause que le jour d’auparavant il avait gagné son argent ; et ce pauvre garçon qui a été tué était fils d’un conseiller de Bordeaux. Les curés continuent toujours contre les jésuites, [112] et même au Parlement, combien que le procureur général, M. Fouquet [113] idemque summus ærarii Præfectus[43] soit le bon et féal ami des carabins du P. Ignace, [114] et qu’il cache et retienne leur requête. Ces Messieurs les curés font imprimer ici quelque chose touchant ce procès et touchant le livre des jésuites, mais je n’en ai encore rien vu. De l’Encheiridium anat. et pathol. de feu M. Riolan, [19] il n’y en a plus qu’une dernière feuille à tirer ; c’est l’extrême froid qui a duré jusqu’à présent qui les a empêchés d’achever plus tôt. On dit qu’en Hollande le froid a été si grand et si rude qu’il en est mort beaucoup de monde en chemin, dans les prisons et partout ailleurs. Il y a ici grosse querelle entre les libraires et maîtres imprimeurs [115] contre les compagnons [116] qui ont tous mis bas et qui veulent encore gagner davantage ; en sorte qu’aujourd’hui l’on n’imprime rien à Paris, si ce n’est le maître ayant quelque apprenti ; je ne sais où cela aboutira.

Ce 24e de février. Il y a ici grand désordre pour les eaux : la rivière [117] est tellement grossie que tout le monde a peur d’être submergé ; elle est aussi grande que jamais, mais elle est vingt fois plus rapide qu’elle ne fut en l’an 1651 en ce même mois de février. On ne voit passer sur la rivière que bois, paille, paillasses et lits, qui sont des marques qu’elle a puissamment fait des ravages par où elle a passé en venant à Paris. Il n’est pas jusqu’à la petite rivière de Bièvre, [118] Bibara, vulgo [44] rivière de Gentilly ou des Gobelins, qui n’ait fait rage dans le faubourg Saint-Marceau, [119] où elle a bien noyé du monde et abattu des maisons. La Grève est si pleine d’eau que l’on n’en approche que par bateau, toutes les rues prochaines en regorgent. Guénault se porte mieux, il commence à sortir. Il se vante qu’on lui a fait des injections dans la vessie d’un secret qu’il n’y a que lui qui sait, dont ses douleurs sont apaisées. Tout cela n’est qu’afin de se donner de la réputation et que ceux qui auront des difficultés d’urine l’envoient quérir comme un homme de grands secrets. [120] Voyez la fourberie et l’imposture de ce tyran. On dit que M. de Mesmes [121] s’en va être premier président et que cela a été résolu dans le Conseil de la reine. Si cela est, ne doutez pas que les pères de la Société n’y aient bien contribué car il est tout à fait à eux, âme moutonnière et pecus plane loyoliticum[45] Je viens de recevoir une lettre de M. Io. Daniel Horstius, [122] qui est fort belle, mais je ne sais par qui lui faire réponse ; si vous lui écrivez pendant Pâques, obligez-moi de lui faire mes recommandations.

Ce 25e de février. La reine de Suède devait hier arriver à Paris, mais les grandes eaux l’en ont empêchée. La rivière de Seine est toujours également grande, mais elle me semble aujourd’hui moins rapide, ce qui fait espérer qu’elle diminuera bientôt.

Ce 26e de février. La reine de Suède est arrivée, elle est logée au palais Mazarin. Elle a vu le ballet et la comédie à l’hôtel de Bourgogne, [123] où elle doit retourner demain avec la reine, [124] Mademoiselle, [125] etc. [46] On dit qu’elle sortira de Paris avant qu’il soit huit jours. Nous avons ici les eaux si grosses que les marques du débordement passent celles de l’an 1651. Je me recommande à vos bonnes grâces de toute mon affection, et à cette vôtre très sage, très bonne et incomparable femme que j’honore de tout mon cœur, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 26e de février 1658.


a.

Ms BnF no 9357, fos 297‑299 ; Reveillé-Parise, no cccxxv (tome ii, pages 375‑378).

1.

Jacques Gontier, sieur de Longeville et de Goudreville, était le sixième fils de Jacques Gontier, conseiller au Parlement de Paris, et de Marie Camus de Saint-Bonnet, tante paternelle de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley. Reçu lui-même conseiller au Parlement en 1616, en la troisième des Enquêtes, il était monté à la Grand’Chambre en 1642 (Popoff, no 1325).

2.

« Allons voir l’erreur populaire ». Guy Patin a tiré sa parenthèse des cinq livres de Juan Luis Vives de Veritate fidei christianæ [sur la Vérité de la foi chrétienne], {a} fustigeant deux ancêtres du « libertinage érudit » {b} (livre ii, page 264‑265) :

Angelus Politianus totam sacram lectionem aspernabatur. Domitius Calderinus ne missam quidem volebat audire, et quum ab amicis eo duceretur, dixisse fertur, Eamus ad communem errore. Sciamus quæ tandem erant occupationes istorum, præ quibus sordebant eis sacra et pietas : nam maximas et præclarissimas fuisse oportet. Domitius erat occupatus in exponenda Priapeia Vergilii, seu Ovidii potius : quid potest dici fœdius, ac detestabilius ? Politianus quærebat, decendum ne esset Carthaginensis an Carthaginiensis, scribendum primus an preimus, Vergilius an Virgilius : et de hisce nugis instruebat centurias, quibus ordinandis defessus, transferebat se ad componendum festivum aliquod epigrammation de mascula Venere græcum, ut haberet plus Veneris, et latini non intelligerent. O hominum curas, propter quas merito pietatem vel contemnerent, vel negligerent.

[Angelus Politianus {c} répugnait à toute lecture sacrée. Domitius Calderinus {d} ne voulait pas même entendre la messe, et quand des amis l’y menaient, il leur répondait, dit-on : « Allons voir l’erreur populaire ». Sachons donc à quoi s’occupaient ces gens, qui n’accordaient de valeur ni aux rites sacrés ni à la piété, car il devait s’agir de bien grandes et brillantes affaires : Domitius travaillait à commenter les Priapées de Virgile, ou plutôt d’Ovide, {e} et que peut-on juger plus ignominieux et détestable ? Politianus cherchait à savoir s’il valait mieux dire Carthaginensis ou Carthaginiensis, et écrire primus ou preimus, Vergilius ou Virgilius, {f} et il composait des centuries sur ces sornettes ; puis lassé d’y mettre bon ordre, il se mit à composer quelque divertissante épigramme grecque sur les amours masculines, prétendant qu’elles procuraient plus de plaisir, mais que les Latins ne l’avaient pas compris. Voilà bien les préoccupations d’hommes qui les mènent tout droit à mépriser ou à négliger la piété !]


  1. Bâle, 1544, v. note [14], lettre 409.

  2. V. note [9], lettre 60.

  3. Ange Politien, v. note [7], lettre 855.

  4. L’humaniste italien Domizio Calderino (Torri, près de Calderio vers 1447-Rome 1478) avait fait de si rapides progrès qu’en 1471 le pape Paul ii le nomma professeur de belles-lettres à Rome. Sixte iv l’appela aux fonctions de secrétaire apostolique. Après un voyage qu’il fit en Avignon, Calderino mourut à Rome de la peste ou, selon quelques-uns, par suite d’excès de travail. L’Académie de Rome lui fit de pompeuses funérailles. On a de lui plusieurs bonnes éditions d’auteurs latins anciens, avec des commentaires, et une édition de la Géographie de Ptolémée (Rome, 1478, in‑fo), remarquable surtout en ce qu’elle contient les premières cartes gravées sur cuivre (G.D.U. xixe s.).

  5. V. note [20], lettre 345, pour cette anthologie latine d’érudition licencieuse, imprimée pour la première fois à Venise en 1517.

  6. Subtilités philologiques sur la meilleure forme des mots « Carthaginois », « premier » et « Virgile ».

Bayle sur Calderinus cite le propos rapporté par Vivès, et ajoute :

« De là vint que Politien le régala de cette épigramme :

Audit Marsilius Missam : missam facis illam
Tu, Domiti, magis est religiosus uter ;
Quis dubitet ? tanto es tu religiosior illo,
Quanto audire minus est bona quam facere
. » {a}


  1. « Marsilius écoute la messe : toi, Domizio, tu la dis, tu es le plus religieux des deux ; qui en douterait ? Tu es plus religieux que lui car écouter les bonnes choses est moins bien que les faire. »

3.

« Méchant œuf d’un méchant corbeau » (v. note [15], lettre 380).

4.

« sur un cadavre d’homme ».

5.

D’un emploi.

6.

Guy Patin a expliqué que, par sa mère, Johann Rudolf Dinckel était petit-fils de Johann Rolf Saltzmann à la fin de sa lettre du 23 novembre 1657 à Charles Spon (v. sa note [36]).

7.

Après le meurtre de Gian Rinaldo Monaldeschi à Fontainebleau sur l’ordre de Christine de Suède (v. note [39], lettre 503), les deux frères Santinelli, Lodovico, qui avait tenu le poignard, et Francesco Maria, qui était à Rome au moment des faits, durent quitter le service de la reine.

8.

Le ballet royal d’Alcidiane fut dansé le 14 février 1658 en présence des trois reines, de France, d’Angleterre et de Suède. Sur une musique de Jean-Baptiste Lulli, le livret conte les aventures de Polexandre pour atteindre l’île bienheureuse, où règne Alcidiane dont il conquiert le cœur.

9.

« devant la cour ecclésiastique ». Mazarin autorisait les curés jansénistes de Paris à y « poursuivre la censure du livre des jésuites », écrit anonyme attribué à François Annat, Claude Lingendes, Jean de Brisacier et Jacques Nouet : {a}

Réponses aux Lettres provinciales publiées par le secrétaire du Port-Royal, contre les PP. de la Compagnie de Jésus. Sur le sujet de la morale des dits pères. {b}


  1. V. notes [15], lettre 295, pour François Annat, [39], lettre 106, pour Claude de Lingendes, et [4], lettre 664, pour Jean de Brisacier.

    Jacques Nouet (Mayenne 1605-Paris 1680), théologiens jésuites, ont consacré leur plume à la lutte contre le jansénisme et le calvinisme.

  2. Liège, Jean Mathias Hovius, 1658, in‑12 en deux parties de 90 et 450 pages.

    Sont transcrits à la fin : deux arrêts du parlement d’Aix (9 février 1657) et de la prévôté de Paris (25 juin 1657) condamnant les Provinciales au bûcher, et la traduction française de la bulle d’Alexandre vii, « par laquelle sa Sainteté confirme la bulle d’Innocent x, son prédécesseur, touchant les cinq Propositions extraites du Livre de Jansenius » (Ad sacram, 16 octobre 1656). Seul le nom du P. Annat apparaît dans les approbations de l’ouvrage.


10.

Quimper, en Basse-Bretagne (Finistère), portait alors appelée Quimper-Corentin en référence à saint Corentin, son premier évêque, au ive s., et pour la distinguer des autres villes bretonnes portant le même nom (Kemper en breton). Guy Patin n’en a jamais parlé que comme l’un des lieux les plus reculés du royaume où un ordre du roi exilait ceux qui l’avaient mal servi.

11.

« Quels temps ! quelles mœurs ! » (Cicéron, v. note [52], lettre 292).

V. note [27], lettre 368, pour Henri Duhamel, curé de Saint-Merri, banni depuis 1654.

12.

Guy Patin avait acheté les :

Guilhelmi Fabricii Hildani, illustrissimi Marchionis Badensis et Hochbergensis, etc., necnon inclytæ Reipublicæ Bernensis medico-chirurgi ordinarii, Opera quæ extant omnia, partim ante hac excusa, partim nunc recens in lucem edita. Omnia ab authore recognita, multisque in locis, tum epistolis clarissimorum virorum, tum observationibus et exemplis novis, aucta. In ultima hacce editione instrumenta quamplurima, in præcedentibus editionibus inepte depicta, et sculpta, nunc singulari artificio ad vivum adumbrantur, multaque alia ab authore inventa adiiciuntur. Cum indice rerum et verborum locupletissimo. Cum gratia et privilegiis S.C. M. Fernandii iii et regis Christianissimi.

[Toutes les œuvres qui existent de Guillaume Fabrice de Hilden, {a} illustrissime marquis de Bade-Baden et Höchberg, etc., ainsi que médecin-chirurgien ordinaire de la célèbre République de Berne, pour partie précédemment imprimées, et pour partie publiées pour la première fois. L’auteur les a toutes revues et augmentées en de multiples endroits, tant par des lettres d’hommes très connus que par des observations et exemples nouveaux. Dans cette ultime édition, quantité d’instruments, qui avaient été malhabilement décrits et dessinés dans les précédentes éditions, sont dépeints avec un soin remarquable, et on en a ajouté beaucoup d’autres que l’auteur a inventés. Avec un index très riche des sujets et des mots. Avec grâce et privilèges de l’empereur Ferdinand iii et du roi très chrétien]. {b}


  1. V. note [7], lettre 62.

  2. Francfort, Ioannes Beyerus, 1646, in‑fo illustré de 1 043 pages ; réédition ibid. 1682.

    La précédente édition de Lyon était partielle : Observationum et curationum chrirugicarum centuriæ… [Centuries d’observations et de guérisons chirurgicales…] (Jean-Antoine Huguetan, 1641, 2 volumes in‑4o).


Les frères François (reçu en 1631) et Gervais (1634) Clousier, libraires à Paris, exerçaient séparément ou en association selon les périodes.

13.

L’autre achat de Guy Patin était les :

Noctes geniales Auctore D. Ioanne Nardio Florentino Annus primus.

[Nuits fécondes, Première année, par Me Giovanni Nardi {a} de Florence].


  1. V. note [9], lettre 283, pour Giovanni Nardi (mort en 1654) et son Lucrèce (Florence, 1647).

  2. Bologne, Io. Baptista Ferronius, 1656, in‑8o de 748 pages ; édition posthume préparée par Filippo Nardi, fils de l’auteur.

    Dédié à Cronos (Saturne, dieu du Temps, v. note [31] des Deux Vies latines de Jean Héroard), ce recueil est composé de dix Nuits abordant des sujets médicaux très divers (anatomie, physiologie, pathologie, thérapeutique, critique des auteurs anciens, etc.) rangés sans autre ordre apparent que l’inspiration qui a guidé l’auteur dans ses meditations (élucubrations) ; v. note [4], lettre latine 97, pour un exemple.


14.
Ioannis Bravi Petrafitani, Doctoris Medici, et rei Medicæ in Samanticensi Academia interpretis. De simplicium Medicamentorum delectu et præparatione Libri duo : qui ars pharmacopœa dici possunt. Ad Senatum Petrafitanum ad eiusdemque populi Rempubli.

[Deux livres de Ioannes Bravus natif de Piedrahita, {a} professeur de matière médical en l’Université de Salamanque sur le choix et la préparation des Médicaments simples, qu’ont peut appeler l’art pharmaceutique. Au Sénat de Petrahita et pour le bien public de son peuple]. {b}


  1. Piedrahita (Petrafitanus), province d’Avila, est la ville natale de Juan Bravo (1527-1610). Il a aussi publié en latin :

    • In Hippocratis Prognostica commentaria… [Commentaires sur les Pronostics d’Hippocrate, avec leur traduction en latin…] (Salamanque, héritiers de Matthias Gastius, 1579, in‑8o de 566 pages) ;

    • De Saporum et Odorum differentiis, causis, et effectionibus Liber unus… [Un livre sur les différences, causes et mécanismes des Odeurs et des Goûts…] (Venise, Ioan. Baptista Ciottus, 1591, in‑8o de 166 pages).

  2. Salamanque, frères Ioannes et Andræa Renaut, 1592, in‑8o de 240 pages.

15.

V. notes [21], lettre 7, pour les deux éditions de l’Hippocrate de Prospero Marziano (Rome, 1626, et Venise, 1652), et [8], lettre 392, pour les Opera omnia de Paracelse en cours d’impression à Genève.

16.

Lucas Stengel (Augsbourg 1523-1587), reçu docteur en médecine à Padoue en 1549, retourna à Augsbourg où il devint médecin ordinaire et fonda le Collège des médecins. Il était en effet persuadé que le moyen le plus efficace de contribuer au progrès des sciences est de réunir en corps les personnes qui s’en occupent. Il engagea donc ses confrères à se réunir régulièrement afin de se communiquer les observations qu’ils auraient l’occasion de faire dans le cours de leur pratique. Guy Patin citait son :

Apologia adversus stibii spongiam, non ita dudum a Michaele Toxite Rhoeto, medico Argentoratense, in lucem editam ; in qua multa, eaque scitu digna, de viribus et facultatibus stimmios, accurata diligentia explicantur. Cui insuper adiuncta est quæstio : Num idipsum ab ægris citra ullum incommodum per os assumi possit.

[Apologie contre l’éponge d’antimoine, que Michael Toxites, natif de Rhétie, {a} médecin de Strasbourg, a publiée depuis peu : où sont expliquées avec grand soin beaucoup de choses, dignes d’être connues, sur les vertus et facultés de l’antimoine. Avec en outre la question de savoir si on peut sans aucun inconvénient le donner aux malades par la bouche]. {b}


  1. Michael Toxites (Johann Michael Schütz, Sterzing, Tyrol-Haguenau 1581) était un médecin antimonial et alchimiste de Strasbourg.

    Dans sa Spongia stibii adversus Lucæ Stengelii aspergines [L’éponge d’antimoine, contre les aspersions de Lucas Stengel] (Strasbourg, 1567, in‑4o), Toxites avait attaqué les Quæstiones iii. Quarum prima est. An stimmi seu antimonium ægrotantibus citra noxam exhiberi possit. Altera. An ratio curandæ pestis a missione sanguinis, an ab alexipharmaci usu auspicanda sit. Tertia. An pestem necessario sequatur febris [Trois questions : 1. si on peut prescrire sans danger du stibium ou antimoine aux malades ; 2. s’il faut soigner la peste par la saignée, ou commencer par l’emploi d’un alexipharmaque ; 3. si une fièvre accompagne nécessairement la peste] de Stengel (Augsbourg, Philippus Ulhardus, 1566, in‑4o).

  2. Augsbourg, Matthæus Francus, 1569, in‑4o de 20 feuilles.

17.

« pour administrer une potion à nos insensés. »

18.

V. note [1], lettre 341, pour la maréchaussée et ses prévôts.

19.

V. note [37], lettre 514, pour cette quatrième édition posthume de l’Encheiridium Anatomicum et Pathologicum de Jean ii Riolan (Paris, 1658).

20.

Le marquis Charles de Saint-Martin (mort en 1666) était le fils aîné du comte Ferdinand de Montrevel, dont le troisième fils, François, chevalier de Montrevel, avait été tué au cours d’une échauffourée avec le comte de Candale et ses sbires en avril 1657 (v. note [13], lettre 478).

21.

« lui huitième » n’est pas ici à prendre au sens de « il y a sept jours » (v. note [5], lettre 307), mais comme voulant dire que le comte de Candale était le huitième des assassins du chevalier de Montrevel à succomber aux effets d’un poison vengeur.

Mme de Motteville (Mémoires, page 463) :

« Le duc de Candale, le premier de la cour en bonne mine, en magnificence et en richesses, celui que tous les hommes enviaient, ce jeune seigneur, qui en effet était aimable, revenant de Catalogne où il avait commandé cette année les armées du roi, mourut à Lyon comme il revenait à Paris. Il fit paraître beaucoup de repentir de ses fautes et reçut fort chrétiennement tous les sacrements. Les prières de Mlle d’Épernon, sa sœur, qui avait préféré le couvent des carmélites aux duchés que le duc d’Épernon, son père, lui pouvait donner, attirèrent sans doute une si bonne part de la miséricorde de Dieu. […]

Il fut aussi infiniment regretté de toute la cour et sa fin parut étonnante à toute la France : il semblait que la mort, en sa personne, avait fait un coup trop hardi, dont, si on eût osé, on lui eût fait des reproches ; mais cette rigoureuse ennemie du genre humain ne fait pas grand cas de nos plaintes, elle ne respecte ni les jeunes ni les grands, il semble au contraire qu’elle se divertit à cueillir les plus belles fleurs du parterre du monde. Quelques-uns s’imaginèrent qu’il avait été empoisonné, mais le soupçon ne parut avoir aucun fondement. »

22.

Zest (Furetière) : « pellicule dure qui est au milieu de la noix, qui est entre ses quatre cuisses. Se dit quelquefois ironiquement, et absolument, pour montrer qu’on ne fait point de cas d’une chose, qu’elle est de nulle valeur, comme le zest qui est au milieu de la noix : cela ne vaut pas un zest ; on a beau le menacer, il dit zest, il ne fait que s’en moquer. »

23.

« Qu’il repose en paix dans le sein d’Abraham » ; Évangile de Luc (16:22) :

Factum est autem ut moreretur mendicus et portaretur ab angelis in sinum Abrahæ.

[Or le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham].

24.

Guy Patin recopiait pour Charles Spon, à qui elles manquaient, {a} les deux dernières lignes de la pages 170 des Hippocratis magni Coacæ Prænotiones, commentées par Louis Duret {b} [les passages entre crochets restituent ce qui les précède et ce qui les suit] :

« [C’est en effet ainsi que s’engendre ce mal qui par lui-même est extrêmement grave dans l’une comme l’autre partie. Mais dans cet ulcère en terrier à lapin, la place n’est pas abandonnée aux carnosités où, sous sa seule] {c} conduite, la nature procure et accomplit la guérison des ulcères. En effet, rien ne pousse sans avoir de base ni de fondation pour son accroissement. Et de tels ulcères, qui sont nés de l’érosion des parties contraires, sont véritablement comblés : ce sont ceux qu’on appelle néphritiques, [où, en même temps, le pus se précipite dehors, et des urines purulentes sont émises]. » {d}


  1. V. note [14], lettre de Spon datée du 12 février 1658.

  2. Paris, 1588, v. note [4], lettre 514.

  3. Sic enim geminatur malum quod ipsum per se in alterutra parte. Nec vero in hoc cuniculoso ulcere locus relinquitur σαρκωσει, qua una…

  4. in quibus et una pus foras erumpit, et una purulentiæ urinæ.

25.

« la première et la meilleure de toutes. » La réédition en cours était celle des :

Hippocratis magni Coacæ Prænotiones. Opus admirabile, in tres libros distributum. Interprete et enarratore Ludovico Dureto. Cum rerum memorabilium indice amplissimo.

[Les Prénotions coaques du grand Hippocrate. Ouvrage admirable, distribué en trois livres. Dans la traduction et avec les commentaires de Louis Duret. Avec un très copieux index des faits mémorables]. {a}


  1. Paris, Gaspard Meturas, 1658, in‑fo de 578 pages ; v. note [10], lettre 11, pour la première édition, ibid. 1588.

26.

« et je soupçonne même encore pire ».

27.

« car je ne le crois pas assez pur pour se mêler d’autres affaires sacrées que les siennes. »

28.

« et il dépérira sous l’effet d’un si énorme tourment ».

29.

« On a appelé autrefois sergents de Dieu, les dévots, au lieu de dire serviteurs de Dieu » (Furetière).

30.

« une couleuvre qui a mangé de mauvais grains » (Virgile, Énéide, chant ii, vers 471).

31.

V. note [33], lettre 504, pour la thèse quodlibétaire de Pierre Cressé sur le thé, que Pierre Garnier désirait avoir.

32.

« Il exaucera mon vœu ».

33.

« quant au reste, ce sont des balivernes. »

34.

V. note [17], lettre de Charles Spon, le 15 janvier 1658, pour les graves événements qui secouaient Nîmes.

35.

« et de bon argent ».

36.

Frairie : « terme populaire, qui signifie débauche, réjouissance » (Furetière).

Jean de Mossians avait été nommé évêque d’Oleron (aujourd’hui Oloron-Sainte-Marie, Pyrénées-Atlantiques) en 1652, à la mort de Pierre de Gassion, frère du maréchal Jean de Gassion. Il avait été consacré le 9 février 1653 par Pierre de Marca, archevêque de Toulouse (Gallia Christiana).

« Celui qui tire profit de telles collations » était le pape dont les bulles étaient indispensables à l’attribution des évêchés vacants.

37.

« Alexandre vend les messes, les autels, le Christ ; il peut légitimement les vendre puisqu’il les a naguère achetés. »

Il existe diverses variantes de ce distique anonyme {a} dénonçant la simonie {b} effrénée du pape Alexandre vi ; {c} par exemple :

Missificans vendit cruces, altaria, Christum,
Instar Alexandri, vendre iure potest
.

[L’officiant de la messe vend des croix, des autels, le Christ, l’exemple d’Alexandre lui permet de le faire légitimement]. {d}


  1. Ressemblant à un pasquin (v. note [5], lettre 127).

  2. V. note [4], lettre 586.

  3. Rodrigo Borgia a dirigé l’Église romaine de 1492 à 1503 (v. note [19], lettre 113).

  4. Glossarium Latinobarbarum [Glossaire latinobarbare] du théologien réformé hollandais Iohannes Lydius (Leyde, Iohannes Balduinus, 1613, in‑4o), sur le mot missa, « messe », pris dans le sens de mercatus, nundinæ, « marché, trafic » (page 68).

38.

Le Brabant est la partie des Pays-Bas bornée au nord par la Hollande et la Gueldre, à l’ouest par la Zélande et la Flandre, au sud par les comtés de Hainaut et de Namur, à l’est par le pays de Liége. Le duché de Brabant était alors scindé en deux régions : le Brabant espagnol (où Condé avait retiré ses troupes) était la partie méridionale, où sont Louvain, Bruxelles, capitale du duché, Anvers et Malines ; le Brabant hollandais était la partie septentrionale du Brabant, avec Bois-le-Duc, Breda et Berg-op-Zoom.

39.

Discrétion (Furetière) : « prudence, modestie qui sert à conduire nos actions et nos paroles. On dit en contresens des soldats qu’ils vivent à discrétion lorsqu’ils vivent en liberté chez leurs hôtes et qu’il n’y a aucune taxe ni paiement de ce qu’ils prennent. Le vrai moyen de ruiner une ville, c’est d’y laisser des soldats vivre à discrétion. »

40.

La Vallée de Misère était le nom (d’origine obscure) qu’on donnait à la partie orientale du quai de la Mégisserie, aux abords du Pont-au-Change, tout près du grand Châtelet et de la maison de Guy Patin, place du Chevalier du Guet.

41.

Alexandre Dumas, au chapitre xv (1647-1648) de son Louis xiv et son siècle (tome i, pages 262‑264, de l’édition de Paris, 1856), a conté l’amour extravagant du duc de Guise pour Suzanne de Pons de La Caze, fille d’honneur d’Anne d’Autriche. Le duc alla jusqu’à se rendre à Rome pour solliciter en vain du pape la rupture de son mariage et pouvoir épouser sa bien-aimée du moment.

Tallemant des Réaux (Historiettes, tome ii, pages 369‑373, M. de Guise, petit-fils du Balafré) parle d’une cassette de deux cent mille livres de pierreries que le duc voulut alors récupérer de sa mère et de sa légitime épouse, mais ni lui ni Dumas n’ont relaté ce peu glorieux retour de flamme de 1658.

42.

« on appelle ces vauriens Cingari [Tziganes] ».

Bohémien (Furetière) :

« se dit de certains gueux errants, vagabonds et libertins qui vivent de larcins, d’adresse et de filouteries, qui surtout font profession de dire la bonne aventure au peuple crédule et superstitieux. […] Borel dérive ce mot de boëm, vieux mot français qui signifiait ensorcelé ; mais Pasquier en rapporte l’origine, et dit que le 17 avril 1427 vinrent à Paris 12 penanciers, c’est-à-dire, pénitents, comme ils disaient, un duc, un comte et dix hommes à cheval, qui se qualifiaient chrétiens de la basse Égypte chassés par les Sarrasins, qui, étant venus vers le pape confesser leurs péchés, reçurent pour pénitence d’aller sept ans par le monde sans coucher en lit. Leur suite était d’environ 120 personnes, tant hommes que femmes et enfants, restant de 1 200 qu’ils étaient à leur départ. On les logea à La Chapelle où on les allait voir en foule. Ils avaient les oreilles percées où pendait une boucle d’argent. Leurs cheveux étaient très noirs et crêpés, leurs femmes très laides, sorcières, larronnesses et diseuses de bonne aventure. L’évêque les obligea à se retirer, et excommunia ceux qui leur avaient montré leurs mains. Par l’ordonnance des états d’Orléans de l’an 1560, il fut enjoint à tous ces imposteurs sous le nom de Bohémiens ou Égyptiens de vider du royaume à peine des galères. Raphaël Volaterran en fait mention, et dit que cette sorte de gens était extraite des Euxiens, peuples de la Perside qui se mêlaient de dire la bonne aventure. »

43.

« qui est aussi le surintendant des finances ».

44.

« vulgairement dite ».

La Bièvre est une petite rivière d’Île-de-de France qui prend sa source à l’étang de Saint-Quentin à 3 kilomètres au sud-est de Saint-Cyr-l’École, passe au Bouvier, à Bac, à Jouy, à Bièvre, au bas du Bois de Verrières, à Amblainvilliers, à Berny, à Villejuif, Arcueil, Gentilly, entre à Paris sous le nom de rivière des Gobelins, passe aux Gobelins sous le faubourg Saint-Marcel (alors Saint-Marceau) et tombe dans la Seine au quai de l’Hôpital, un peu en amont du pont d’Austerlitz, après un cours de 40 kilomètres. Elle fournissait de l’eau à un grand nombre d’établissements industriels, tels que tanneries, blanchisseries, teintureries (G.D.U. xixe s.). Désormais enfouie sur la fin de son lit, la Bièvre sert d’égout. Elle doit son nom à bebros, bièvre, qui est l’ancienne dénomination du castor.

45.

« et bétail tout à fait loyolite. »

46.

L’hôtel de Bourgogne était une salle de théâtre parisienne construite rue Mauconseil (aujourd’hui rue Étienne Marcel) en 1548 par les confrères de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour y présenter des mystères. Après que le Parlement eut interdit d’y jouer des spectacles religieux, les confrères avaient obtenu le monopole des représentations théâtrales profanes à Paris et louaient leur salle aux troupes de comédiens.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 26 février 1658

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(Consulté le 25/04/2024)

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