L. 525.  >
À Charles Spon,
le 7 mai 1658

Monsieur mon cher ami, [a][1]

En suite de ma dernière, datée du vendredi 26e d’avril, emortuali Ioannis Fernelii die ante centum annos[1][2] voilà que je me remets à vous écrire afin que soyez participant des nouvelles que nous apprenons de deçà, tam de aula et re bellica, quam de re literaria[2] Vous saurez donc que le roi [3] est parti d’ici le jeudi 25e d’avril avec la reine [4] et toute la cour. On disait que le roi allait à Amiens, [5] il y a envoyé la reine {mais lui et le Mazarin sont allés à Péronne} [6] falsum[3] L’on dit que c’est pour en ôter le gouvernement au marquis d’Hocquincourt, [7] de peur qu’il n’ait quelque intelligence avec le maréchal son père. [4][8] Laissons-les voyager sur la frontière pour empêcher que les ennemis n’entrent en France ; et en attendant, je vous dirai que voilà que je reçois la vôtre datée du 23e d’avril, pour laquelle je vous rends mille et mille grâces.

Ce 28e d’avril. Je vous remercie d’avoir écrit pour moi à M. Io. Daniel Horstius. [9] Si son cousin [10] fût venu à Paris l’hiver passé, [5] il aurait pu y voir des dissections [11] tout à son aise car on n’y en fit jamais tant : on en a fait quatre publiques en nos Écoles, dont il y en a eu deux de femmes, et plus de six particulières, chez des chirurgiens, qu’il aurait pu voir. Je vous conjure au nom de Dieu de vous souvenir de l’âge de Fernel et de marquer qu’il n’est mort qu’âgé de 52 ans. [6][12] Je ne sais point le lieu du Poitou où est allé M. Dinckel, [13] et n’en ai eu aucune nouvelle depuis son départ ; il m’a dit qu’il n’y serait que six mois, dont il y en a déjà deux de passés. Je n’ai reçu aucune lettre de M. Lyonnet [14] depuis son départ, mais je serais ravi qu’il donnât au public l’ouvrage dont vous me faites mention. [7] Les vertiges [15] menacent ce bonhomme d’apoplexie [16] et j’en ai grand regret. Je vous supplie de l’assurer de mes très humbles services si vous lui écrivez. Il y a ici fort peu de malades, l’hiver y dure encore : il y fit avant-hier autant froid qu’il faisait il y a trois mois, et néanmoins les arbres commencent à pousser ; notre jardinier de Cormeilles [17] était hier céans, qui me disait que tous nos arbres étaient chargés de boutons et qu’ils auraient tous du fruit cette année. C’est qu’il y a environ 400 petits et jeunes arbres que j’y ai fait mettre depuis trois ans et qui commencent à porter ; il y en a d’autres plus vieux, environ 200, sans ceux que j’y ai fait mettre depuis le mois de novembre, et encore la valeur d’un cent que l’on y mettra dans six ou sept mois. Ainsi, nous en aurons de toute sorte et à tout âge : des poires de bon-chrétien, [18] de bergamote, [19] d’amadote, [8][20] des pavies, [9][21] des abricots, [22] des prunes de plusieurs façons, des figues, [23] etc. ; mais l’hiver trop long et trop rigoureux y a tué trois de mes figuiers, si le reste y demeure et continue d’amender, nous y aurons bien du fruit dans deux ans. Notre terre y est assez bonne, mais les étés y ont été bien divers depuis quelque temps. Les bonnes gens disent que les saisons sont changées à cause que le monde est trop méchant, cela pourrait bien être. Quoi qu’il en soit, si tous mes poiriers portent, j’aurai bientôt huit ou neuf cents poires de bon-chrétien d’hiver, sans les autres sortes de bon fruit.

On a tiré de la Bastille, [24] et mis en liberté un certain abbé de Courtenay [25] qui s’était ici rendu suspect à cause du cardinal de Retz ; [26] et en sa place, y ont été mis certains Anglais qui médisaient atrocement de Cromwell [27] et qui n’y sont qu’à sa recommandation, car c’est lui qui a prié pour les y faire mettre. On dit ici que, depuis la mort du feu roi, [28] le meilleur conseil qui ait été pris entre tous a été celui de gagner à nous ce Cromwell et de faire paix avec l’Angleterre ; d’autant que si nous ne l’eussions gagné, l’Espagnol l’eût eu de son côté, qui nous eût bien fait de la peine. Cromwell est fort paisible dans Londres et n’y a ni bruit, ni révolte ; nous sommes en très bonne intelligence avec lui et l’on dit qu’il va nous envoyer 12 000 hommes sur notre frontière, qui, étant joints avec les nôtres, feront une grande et puissante armée, de laquelle on assiégera Gravelines. [10][29]

Comme le roi partait d’ici, un courrier arriva qui apporta une nouvelle qui déplut, de Francfort, [30] savoir que l’empereur [31] serait bientôt élu et que les électeurs s’étaient déjà assemblés trois fois ; [11] et MM. de Gramont [32] et de Lionne [33] avaient auparavant mandé qu’ils avaient obtenu que l’élection ne se ferait de plus de six mois, à quoi l’on s’attendait.

Le duc d’Orléans [34] est parti de Blois [35] le 24e d’avril pour aller à Bourbon, [36] sous ombre de guérir par ces eaux d’une loupe [37] qu’il a au dos, [12] laquelle a par ci-devant été ouverte et s’est encore rouverte depuis. On dit que ce prince, à ses heures de loisir, travaille à notre histoire de France depuis la mort du feu roi. [38] Je voudrais bien avoir vu cela, il peut dire de belles choses de notre gouvernement et de nos deux ministres, tant femelle que mâle. [13] On dit que le cardinal de Retz en fait autant à sa mode ; [14][39] que l’empereur sera bientôt élu ; que les gentilshommes de Normandie, de Bretagne, d’Anjou, du Maine et du duché d’Orléans continuent leurs lettres circulaires et leurs assemblées.

On imprimait ici la Vie des cardinaux illustres en sainteté in‑fo en latin, en trois tomes, de M. d’Attichy, [40] évêque d’Autun, par ci-devant de Riez, [41] et minime ; [42] mais la querelle des imprimeurs et des libraires l’a fait mettre bas. [15] Ces pauvres imprimeurs, [43] ne pouvant gagner leur vie, s’en vont par désespoir à la guerre où la plupart mourront, et puis après on ne pourra plus rien imprimer.

Il y a ici grosse querelle entre les jésuites et les pères de l’Oratoire à cause du P. Senault, [44][45] supérieur des pères de l’Oratoire du faubourg Saint-Jacques, qui a fait trois sermons contre la nouvelle Théologie des cas de conscience des révérends pères de la Société, qui s’en vont écrire contre lui : [16] autel contre autel, guerre de gens désarmés et qui n’ont point d’épée, Arma armis, littora littoribus contraria, fluctibus undas, pugnent ipsique nepotes, odiis mutuis, lingua et calamo[17][46] Il me semble que je n’entends plus parler que de moines, [47] de leurs débauches, de leurs prisons et de leurs querelles. Un grand et nombreux Parlement n’est point capable de les apaiser. Il faudrait, afin d’avoir ici la paix, mettre toute cette vermine monacale dans des bateaux et les envoyer à la Mozambique, [48] ou au royaume de Monomotapa, [49] d’où l’on n’entendrait guère leur bruit ; [18] ou bien dans l’Amérique, [50] pour les y employer à la conversion des sauvages ou travailler aux mines d’or et d’argent qu’ils aiment tant.

On imprime à Genève deux livres nouveaux de M. Daillé, [51] ministre de Charenton, [52] l’un desquels est de Confirmatione, contre le P. Sirmond. [19][53] Je fais état de cet auteur qui est un habile homme et qui écrit bien.

Il est ici mort un vieux notaire nommé M. Richer, [54] âgé de 72 ans et homme fort riche, on dit qu’il laisse un million de biens ; il est mort d’une suppression d’urine [55] avec la gangrène [56] dans la vessie, pour laquelle empêcher, sa vessie lui fut ouverte au périnée quasi calculo eximendo laborasset[20] ce qui l’a fait vivre environ 15 jours plus longtemps qu’il n’eût vécu. Il est mort à Rome d’une mort subite [57] un cardinal vénitien nommé Bragadino. [21][58] Le roi n’a point été à Péronne, mais il y a envoyé deux compagnies de Suisses [59] qui y ont été fort bien reçues. Un de mes amis me vient de prier, que je lui fasse acheter dans Lyon, un livre in‑4o, impression de Lyon, intitulé 3Argoli 2parvus 1Ptolemæus ; [22][60][61] je vous supplie de vous charger de cette commission, et quand vous l’aurez, nous chercherons le moyen de le faire venir. Vous en mettrez le prix sur mes parties, il y a bien encore autre chose que je vous dois ; vous pouvez le mettre avec le Io. Heurnius, [62] qui pourra être fait en ce temps-là, et duquel vous ne m’avez rien appris par votre dernière. [23]

Ce 30e d’avril. On dit qu’il est arrivé ce matin une bonne nouvelle de Francfort, en vertu de laquelle l’élection de l’empereur pourra être différée. M. le maréchal de Gramont n’a pas voulu recevoir la visite de l’électeur de Saxe, [63] d’autant qu’il avait été voir le premier le comte de Pigneranda, [64] ambassadeur d’Espagne. [24] Vous savez quels droits nous avons de préséance par-dessus tous les autres princes de l’Europe, en tant que nous sommes les fils aînés de l’Église ; il n’y a que ces Morisques d’Espagne [65] qui aient l’impudence et l’effronterie de nous disputer ce droit de primogéniture ecclésiastique. [25]

Je viens de recevoir une lettre de Gênes [66] en latin écrite par un certain docteur en médecine nommé Paulus Franciscus Pallierius, [67] qui se dit avoir été écolier de feu M. Alcide Musnier, [68] par laquelle il m’annonce la mort du dit Musnier, que je savais bien, et même vous me l’aviez mandé ; cela m’en a renouvelé la douleur, mais je n’y sais point de remède. Sa lettre est datée du dernier de janvier et ne l’ai reçue qu’au bout de trois mois. Je voudrais qu’il m’eût mandé le jour de la mort de ce précieux ami qui a été si fort malheureux. [26]

Ce 1erde mai. On dit ici à l’oreille que le cardinal de Retz est quelque part en Allemagne où il a [cru] être assassiné. Il ne s’en est fallu que demi-heure : deux de ses domestiques l’avaient vendu ; il montait à cheval, déguisé et inconnu, avec ces deux traîtres pour faire un petit voyage ; à demi-heure delà, 30 cavaliers le devaient rencontrer et le massacrer malheureusement ; mais ayant reçu l’avis de sa mort infaillible et comme il était averti par ce billet que ces deux coquins, siens domestiques auxquels il se fiait le plus, étaient ceux qui le trahissaient, il descendit et fit arrêter ces deux malheureux pendards. Voilà ce qui m’en a été dit ce matin. Si cela est vrai, Dieu sait de quelle part vient ce mauvais dessein : ou du prince de Condé qui a par ci-devant été son rude ennemi, ou de quelque autre qui ait peur de la fortune de cet homme exilé si jamais il revient de si loin. [27]

Si l’on vend à Lyon un livre in‑fo intitulé Annales Massilienses[28][69] je vous prie de me l’acheter, en blanc ou relié, et de me l’envoyer à la première commodité avec le Heurnius [70] ou quelque autre. M. de Turenne, [71] que les courtisans appellent Thomas a Kempis [72] à cause qu’il excelle dans l’intelligence et dans l’art de camper une armée (Pyrrhus primus omnium docuit castrametationem, à ce que dit Plutarque [73] in Annibale), [29][74][75][76][76] est parti ce matin ; mais on ne dit rien encore du dessein d’assiéger, on soupçonne seulement que ce sera Gravelines pour cette année et que Cromwell doit envoyer 12 000 hommes par ses vaisseaux d’Angleterre, qui débarqueront à nos ports. Il faut prendre patience, donec transeat iniquitas ; leniter ferendum est quod emendari non potest : Deus enim ferreo seculo nos inclusit[30] Il n’est pas jusqu’à la saison qui ne soit fort déréglée : il y a neuf mois entiers qu’il fait froid à Paris, car nous l’avons eu sensible dès le mois d’août ; septembre et octobre, il a fait froid et humide ; le grand hiver est venu, qui a duré jusqu’à présent ; le 26e et le 30e d’avril derniers, il fit ici autant froid qu’en janvier. Ce grand et long froid a merveilleusement concentré et poussé les humeurs in penetralia corporis. Adeat ex impedita transpiratione insensibili adaucta putredo, multorum morborum cacoethia non vulgari præditorum proventum minetur, cum multa pernicie et strage ; et ne quid desit ad infelicitatem et perniciem nostram, pestilentes morbi vigebunt ante autumnum, quibus percurandis impares erunt theriaca, mithridatium, confectiones alkermes et de hyacintho, et aliæ similes Arabum quisquiliæ. In tanta segete malorum facile est hariolari, sed utinam sim vanus aruspex[31][78][79][80][81][82][83]

Le roi de Hongrie [11][84] est sorti de Francfort avant Pâques et est allé passer la fête à Mayence. [85] Le roi est à Amiens. Le Mazarin [86] a envoyé la femme [87] de M. de Fargues [88] dans Hesdin [89] pour y traiter avec son mari, cela fait dire qu’il y a encore espérance. Il y a révolte devers Sens [90] de plusieurs villages contre les exacteurs et collecteurs des tailles, [91] c’est à Saint-Fargeau [92] que la querelle a commencé. Si vous achetez le Ptolomæus parvus Argoli[22] je vous supplie de me l’envoyer au plus tôt par le messager ou le coche de Lyon : voilà un honnête homme, pour qui c’est, qui m’en vient derechef de prier. Excusez<-moi > de tant d’importunités que je vous donne, c’est votre courtoisie même qui me fait pécher tant de fois et si souvent contre votre bonté ; nosti veterem versiculum Martialis[93]

Omnis inhumanos habet officiosus amicos[32]

La Bible nouvelle [94] que l’on fait en Angleterre, de plusieurs langues et en plusieurs tomes, est presque achevée ; [33][95] il y aura six tomes, lesquels reviendront en blanc à 200 livres ou très peu moins. Elle n’est pas de si beau papier ni de si belle impression que celle de Paris, [96] mais il y a quelque texte ou quelque langue davantage. Celle de Paris ne s’est guère bien vendue, voire même presque point, et a été malheureusement décriée par je ne sais quel rencontre de gens qui prétendaient plusieurs fautes dans les versions[34][97] Entre autres, il y a eu un de nos professeurs du roi en hébreu, nommé M. de Flavigny, qui en a fait quelques petits livres exprès ; [35][98] et cette non-vente a ruiné celui qui en avait fait la dépense, qui était un riche avocat nommé M. Le Jay, qui, étant devenu veuf, a été fait doyen de Vézelay, ville natale de M. Théodore de Bèze [99] qui a si heureusement travaillé sur le Nouveau Testament. [36][100]

M. de Bar [101] est allé à Hesdin avec la femme de M. de Fargues pour accorder la reddition d’Hesdin moyennant 100 000 écus qu’on leur donne et le gouvernement qu’on leur laisse pour trois ans, au bout desquels ils remettront la ville entre les mains du roi ; et c’est Cromwell qui les assure de la parole que le roi leur donne, etc. ; mais à tout cela, il n’y a encore rien d’assuré. Ceux qui tiennent Hesdin ont découvert une conspiration : c’est qu’un nommé Sainte-Marie Papillon, [102] qui commandait là-dedans une compagnie, avait été gagné et devait laisser entrer les troupes du roi dans Hesdin par la porte à laquelle il commanderait le jour qu’il serait en garde ; cela a été découvert et a été mis prisonnier ; le lendemain, on l’a trouvé mort dans la prison, i. poignardé, et sa baïonnette près de lui afin de faire croire que lui-même s’est poignardé. J’ai connu cet homme, ce n’était qu’un fripon débauché, enfant de Paris, glorieux et superbe, fils d’un tireur d’armes.

L’élection de l’empereur est reculée. Avant que d’en venir là, les électeurs veulent tâcher de faire faire la paix générale et d’y porter les deux couronnes par leur médiation ; à cause de quoi ils ont délibéré d’envoyer en France et en Espagne deux ambassadeurs. Celui qui viendra ici est le comte de Furstenberg, [37][103] celui qui ira en Espagne est du Conseil de Mayence. [104] Après leur retour, on parlera d’élire un empereur ; mais je crois que, inter illas moras[38] on verra ce qu’entreprendra, du côté de l’Allemagne, le roi de Suède. [105] On ne sait aussi encore rien d’assuré du dessein de Cromwell ni de tant de troupes que l’on fait aller à Calais et là alentour, si ce n’est pour attaquer Gravelines ou Dunkerque. [106] Quelques-uns disent que Cromwell a dessein d’envoyer une puissante armée navale contre l’Espagne, en quoi il sera aidé des Portugais, et que si les Hollandais se mêlent contre lui, qu’il ne leur pardonnera pas. M. de Neuchèzes, [107] évêque de Chalon-sur-Saône, [108][109] est mort. [39] Voilà un évêché et trois bonnes abbayes qui tombent dans la ferme des bénéfices dont M. Ondedei, [110] secrétaire de l’Éminence et évêque de Fréjus (mais dont il n’a pu encore avoir les bulles), [111] est le dispensateur, nummis præsentibus et auro numerato[40]

Ce 3e de mai. M. Henry [112] est ici fort en peine pour le portrait de feu M. Gassendi [113] que Nanteuil, [114] célèbre graveur, doit faire ; et même le devait rendre tout fait dès le mois de novembre passé. Ces bons ouvriers se font merveilleusement courtiser : il a reçu de l’argent d’avance il y a près de 10 mois et néanmoins, on n’en peut venir à bout ; je crois sans hyperbole que M. Henry, depuis ce temps-là, y a fait plus de 300 voyages ; c’est un martyre que d’avoir affaire à de tels ouvriers. Itque reditque viam toties[41] il n’a fait qu’aller chez M. de Montmor [115] et chez Nanteuil, et n’avance rien per ignaviam illius artificis ; [42] et néanmoins, tout ce travail lui semble doux à cause de feu M. Gassendi, dont il chérit tendrement la mémoire, et pour M. Devenet [116] qui est son bon ami. Un homme m’a dit aujourd’hui que le Paracelse [117] ne sera pas sitôt achevé et que M. Chouët, [118] libraire de Genève, viendra bientôt à Paris où il apportera bien des livres. Je pense que c’est celui qui a réimprimé l’an passé l’Hippocrate de Foesius. [43][119][43][120] On dit ici que Bouteville [121] est entré dans Hesdin avec des troupes du prince de Condé, [44] et que La Rivière [122] et de Fargues ont touché 450 000 livres de l’argent d’Espagne pour récompense de leur trahison ; même l’on dit que le prince de Condé a écrit à quelqu’un qu’il était maître d’Hesdin comme de Rocroi. [123]

Ce 6e de mai. Il est aujourd’hui venu à ma leçon un jeune homme natif d’Amsterdam, [124] nommé M. de La Fontaine, [125] qui m’a dit vous avoir vu et salué à Lyon, et qu’il vous veut écrire. Je l’ai exhorté de m’apporter sa lettre, que je la mettrais dans mon paquet. Je leur ai fait une fort bonne et fort utile leçon de la dysenterie. [126] J’avais plus de cent auditeurs, [127] cela me donne de la satisfaction et du courage pour continuer : Excitat auditor studium, laudataque virtus crescit, etc[45][128]

Ce 7e de mai. Voilà M. de La Fontaine qui me vient de rendre celle que je vous envoie. Il est ravi d’avoir assisté hier à ma leçon et dit qu’il n’en perdra aucune, tant il est content. Il dit que vous lui aviez montré quelques-unes de mes lettres et entre autres, celle dans laquelle je parlais que je ne voulais point aller à Bologne. [46][129][130] Je m’étonne comment vous gardez toutes ces lettres, cela ne vaut rien qu’à allumer du feu. Vous m’obligerez de les y jeter [131][132] et de croire que je serai toute ma vie, Monsieur, tuus ære et libra, [47] G.P.

De Paris, ce 7e de mai 1657 < sic pour : 1658 >.


a.

Ms BnF no 9357, fos 251‑252 ; Reveillé-Parise, no cccvi (tome ii, pages 302‑307) ; Prévot & Jestaz no 29 (Pléiade, pages 511‑517). Guy Patin a daté cette lettre du 7 mai 1657, mais son contenu impose 1658 sans aucune hésitation ;les précédents éditeurs n’ont pas corrigé cette erreur.

1.

« centième anniversaire de la mort de Jean Fernel » : v. note [33], lettre 524.

2.

« autant à propos de la cour et des affaires de la guerre, que des affaires littéraires. »

3.

« c’est faux » : écrit dans la marge par Guy Patin, qui a rayé le passage entre accolades.

4.

Georges de Monchy (mort en 1689), marquis d’Hocquincourt, fils aîné du maréchal alors rallié à Condé (v. note [11], lettre 428), était gouverneur de Péronne.

5.

V. note [7], lettre de Charles Spon, le 23 avril 1658, pour Lorenz Strauss, gendre de Johann Daniel Horst (v. note [9], lettre latine 247).

6.

V. notes [18], lettre 468, et [27], lettre 523, pour cette querelle d’érudits qui passionnait Guy Patin.

7.

V. note [8], lettre 288, pour le manuscrit, resté inédit, de Robert Lyonnet sur les Aphorismes d’Hippocrate.

8.

Le bon-chrétien est une sorte de grosse poire ; il y en a d’été et d’hiver.

Bergamotte : « sorte de poire verte et ronde ; bergamotte de Bugey, bergamotte d’été, d’hiver. Quelques-uns croient que cette poire a été ainsi nommée de Bergame ville d’Italie, mais Ménage prétend que ce mot vient du mot turc begarmout, c’est-à-dire poire du seigneur, beg signifiant seigneur, et armout poire. Bauhin en fait une description particulière et l’appelle poire royale » (Furetière).

Amadote : « sorte de poire plus ronde que longue, sèche à manger et sans aucun musc. Sa couleur est jaune. L’arbre qui porte ce fruit est aussi appelé amadote. M. Ménage rapporte avoir su d’un président de la Chambre des comptes de Dijon qu’une femme appelée Dame Oudet, ayant eu la première de ces poires, les Bourguignons les appelèrent Damoudot, d’où a été fait amadote » (Thomas Corneille).

9.

Pavie : sorte de pêche dont la chair est ferme et ne se détache pas du noyau ; « nous appelons pavies avec addition de rouge, de blanc ou de jaune, les pêches qui ayant la peau un peu vêtue, de quelque couleur qu’elle soit, jaune, blanche ou rouge, ne quittent nullement le noyau, non plus que [comme] celles qui sont lisses et qu’on nomme brugnon » (La Quintinie cité par Trévoux).

10.

La diplomatie française était enfin parvenue à obtenir une alliance avec l’Angleterre de Cromwell contre l’Espagne de Philippe iv. L’Angleterre avait entamé une guerre maritime contre l’Espagne au début de 1655 (prise de la Jamaïque par la flotte anglaise le 27 mai). Après un premier traité commercial franco-anglais signé à Westminster le 3 novembre 1655 (v. note [28], lettre 426), une alliance militaire, offensive et défensive, avait été conclue à Paris le 23 mars 1657 pour une durée d’une année. Elle prévoyait une campagne commune pour enlever Dunkerque, Gravelines et Mardyck. La flotte anglaise bloquerait les ports et Cromwell fournirait 6 000 hommes (et non le double comme l’écrivait ici Guy Patin), dont la moitié serait payée par la France, qui elle-même alignerait 20 000 hommes. Après la conquête, l’Angleterre garderait Dunkerque et Mardyck, et la France Gravelines. Les premiers régiments anglais débarquèrent à Boulogne deux mois après la signature de l’accord. Turenne allait commander l’armée franco-anglaise face aux troupes espagnoles dirigées par Don Juan d’Autriche et le prince de Condé. « Voulant en finir à tout prix, et craignant qu’un succès militaire de Condé ne réveille la Fronde, Mazarin, en dépit d’une opinion publique très défavorable à Cromwell, lui offre un nouveau Calais » (R. et S. Pillorget, page 567).

11.

Léopold-Ignace de Habsbourg, roi de Hongrie depuis juin 1655, fils cadet de Ferdinand iii, empereur d’Allemagne mort le 2 avril 1657, était le plus sérieux candidat à sa succession (v. note [17], lettre 478), qui traînait alors en longueur à Francfort.

12.

Loupe : tumeur sous-cutanée bénigne « quelquefois molle, quelquefois dure, toujours ronde, prenant naissance le plus souvent aux lieux durs, secs et nerveux. Elle se forme d’une matière qui est enveloppée dans une petite bourse ou tunique qui est tantôt comme du suif, tantôt comme de la bouillie ou du miel, et tantôt dure comme une pierre ou un petit os » (Furetière).

13.

Anne d’Autriche et Mazarin ; il a paru 27 ans plus tard des :

Mémoires {a} contenant ce qui s’est passé en France de plus considérable depuis l’an 1608 jusqu’en l’année 1636. {b}


  1. Attribués à Gaston d’Orléans (Son Altesse Royale, morte en 1660, v. note [16], lettre 13), rédigés par Étienne Algay de Martignac (1620-1698).

  2. Paris, Claude Barbin, 1685, in‑12 de 360 pages.

14.

La première édition des toujours célèbres Mémoires du cardinal de Retz date de 1717 (Amsterdam, 3 volumes in‑8o). Selon les solides arguments de Simone Bertière, Retz les rédigea sans doute entre 1675 et 1678, tandis qu’il s’était installé à Commercy. Guy Patin révélait ici qu’on en parlait déjà 20 ans avant, mais sans fournir la source de la rumeur. Ces Mémoires s’interrompent brusquement au milieu de 1655.

15.

V. note [29], lettre 478, pour cet ouvrage de Louis Dony d’Attichy (paru en 1660).

16.

Jean-François Senault (Auvers-sur-Oise 1601-Paris 1672) était entré dans la congrégation de l’Oratoire en 1618, où il s’adonna spécialement à la prédication. Pendant 40 ans, il prêcha avec un succès non interrompu, à Paris, à la cour et en province, devint ensuite supérieur du séminaire de Saint-Magloire à Paris, puis supérieur général de l’Oratoire (1662). Parmi les ouvrages du P. Senault, Guy Patin a mentionné son Homme chrétien (1648, v. note [24], lettre 155). V. notule {c}, note [48] du Borboniana 8 manuscrit, pour son moins honorable père, Pierre Senault.

Augustinien convaincu, Senault fustigeait la morale relâchée des jésuites dans ses discours de carême. Il ne soutint cependant pas fidèlement le jansénisme de Port-Royal, et signa le Formulaire (v. note [9], lettre 733) dès novembre 1657 (Dictionnaire de Port-Royal, pages 924‑925).

17.

« Armes contre armes, rivages contre rivages, flots contre flots, les rejetons eux-mêmes combattraient, en haines mutuelles, par la langue et la plume » ; Virgile (v. note [1], lettre 418) :

Litora litoribus contraria, fluctibus undas
Imprecor, arma armis : pugnent ipsique nepotesque
.

[Rivages contre rivages, flots contre flots, armes contre armes, c’est ma malédiction : qu’ils se fassent la guerre, eux et leurs descendants].

V. note [37] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot…, pour « autel contre autel ».

18.

Le Monomotapa avait été au xve s. un puissant royaume de l’Afrique orientale, en face de l’île de Madagascar. Son territoire englobait le Mozambique et le Zimbabwé d’aujourd’hui. C’était une colonie portugaise depuis 1629. Guy Patin distinguait à tort l’empire de Monomotapa du Mozambique.

19.

Ioannis Dallæi de duobus Latinorum ex Unctione sacramentis Confirmatione et Extrema ut vocant Unctione Disputatio.

[Discussion de Jean Daillé {a} sur deux sacrements des Latins par onction : la Confirmation et ce qu’ils appellent l’Extrême-onction]. {b}


  1. V. note [15], lettre 209.

  2. Genève, Ioannes Antonius et Samuel de Tournes, 1659, in‑4o en deux parties de 415 et 163 pages.

L’autre ouvrage pouvait être l’Exposition de Jean Daillé sur la divine Épître de l’apôtre S. Paul aux Philippiens. En vingt-neuf sermons prononcés à Charenton dans les saintes assemblées de l’Église reformée de Paris, l’an 1639, 1640, 1641, 1642. Première partie sur les deux premiers chapitres. Édition deuxième, revue et corrigée par l’auteur (ibid. Pierre Chouët, 1659, in‑8o de 751 pages, pour le premier deux volumes).

20.

« comme s’il avait souffert d’un calcul à extraire ».

Charles Richer, notaire au Châtelet de Paris, a exercé rue Sainte-Avoye du 23 mars 1607 au 17 avril 1658 (Notaires de Paris, étude li).

21.

Marcantonio Bragadin, né dans une noble famille de Venise en 1591, nommé cardinal en 1641, était mort à Rome le 28 mars 1658. Il avait le même prénom que son grand-père, célèbre mais infortuné capitaine du royaume de Chypre (v. note [37] du Naudæana 3).

22.

Par les nombres 3, 2, 1 écrits devant les trois mots, Guy Patin a indiqué à Charles Spon, sans doute en se relisant, qu’il avait inversé l’ordre du titre, de Ptolemæus parvus Argoli en Argoli parvus Ptolemæus :

Andreæ Argoli, Sereniss. annuente Senatu, D. Marci Equitis, et in Patavino Lycæo Matheseos Professoris, Ptolemaeus parvus, in genethliacis iunctus Arabibus. Nunc postremum auctus indice rerum prorsus necessario, et innumeris propre mendis purgatus.

[Le petit Ptolémée {a} sur les horoscopes et sur les Arabes, par Andreas Argolus, {b} promu chevalier de Saint-Marc {c} par le sérénissime Sénat et professeur de mathématiques en l’Université de Padoue. Tout dernièrement augmenté d’un index fort nécessaire des matières, et purgé de ses fautes, qui étaient presque innombrables]. {d}


  1. V. note [22], lettre 151, pour Ptolémée, astronome d’Alexandrie au iie s. de notre ère, dont ce livre abrège et met les ouvrages au goût du jour.

  2. Andrea Argoli (Tagliacozzo, royaume de Naples 1570-Padoue 27 septembre 1657), après avoir terminé ses études de philosophie, mathématiques et médecine, s’était rendu en 1621 à Rome où il avait occupé une chaire de mathématiques ; mais les rêveries de l’astrologie, dont il ne sut pas se défendre, lui attirèrent de nombreux ennemis qui, profitant de sa faiblesse, lui firent éprouver toutes sortes de désagréments. Las enfin des persécutions, il s’était retiré à Venise où la République le nomma, en 1632, professeur de mathématiques à Padoue (J. in Panckoucke).

    Outre celui-ci, Argoli a laissé de nombreux ouvrages de mathématique et d’astronomie (mêlée d’astrologie, v. note [62] du Naudæana 1), dont plusieurs Ephemerides (v. note [5], lettre de Charles Spon datée du 23 avril 1658).

  3. V. note [53] de l’Autobiographie de Charles Patin.

  4. Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1659, in‑4o de 211 pages ; précédentes éditions à Padoue et Lyon, 1652, et Lyon, 1654.

23.

V. note [12], lettre 446, pour les Opera omnia de Jan i van Heurne (Lyon, 1658).

24.

V. notes [9], lettre 369, pour Jean Georges ii, duc-électeur de Saxe, et [5], lettre 175, pour le comte de Pigneranda. L’incident diplomatique se passait à Francfort.

25.

Morisques : « on appelait ainsi les Maures qui étaient restés en Espagne, après la ruine de l’Empire qu’ils y avaient établi. Le roi Philippe iii les chassa de tous ses États en 1610, et il en sortit plus de 900 000, qui se retirèrent en Afrique » (Trévoux).

26.

La mort d’Alcide Musnier en 1657, victime de la peste de Gênes, était restée incertaine jusqu’en février 1658, à Lyon comme à Paris. Celui qui en écrivait tardivement la nouvelle à Guy Patin a plus tard publié une :

Pauli Francisci Pallierii Philosophi, et Medici Genuensis, De vera Lactis Genesi, et Usu, Disquisitio medico-anatomica multa nova ad Hippocratis mentem complectens.

[Recherche médico-anatomique de Paulus Franciscus Pallierius, philosophe et médecin de Gênes, {a} sur la véritable origine et l’emploi du Lait, contenant beaucoup de nouveautés suivant l’esprit d’Hippocrate]. {b}


  1. Paulo Francisco Pallierio, mort en 1663.

  2. Gênes, Io. Ambrosius de Vincentiis, 1663, in‑8o de 145 pages.

27.

Mazarin avait projeté de faire enlever le cardinal de Retz pour mettre fin à ses menées subversives.

Il semble aujourd’hui qu’Antoine Fouquet de Croissy, ancien voisin de cellule de Retz à Vincennes, avait été envoyé à Mayence pour organiser l’attentat. Il y aurait obtenu la complicité de deux domestiques du cardinal, son valet de chambre Imbert et son cuisinier, Noël. Ayant eu vent de ce qui se tramait, Retz parvint à sortir de Mayence sans être poursuivi. Il avait laissé à l’électeur la consigne de faire arrêter les deux traîtres qui furent enfermés dans la citadelle de Juliers. Contrairement à ce que supputait Guy Patin, Condé fut un solide allié de Retz dans cette affaire : il avait envoyé une cinquantaine de cavaliers à sa rencontre, qui l’escortèrent jusqu’à Gennep en Hollande, d’où il put gagner en sécurité Nimègue, puis Leyde (Bertière b, pages 419‑420).

28.

V. note [26], lettre 458, pour les « Annales marseillaises » du R.P. Jean-Baptiste Guesnay (Lyon, 1657).

29.

« Pyrrhus, le premier de tous, a enseigné la castramétation {a} […] dans Hannibal ».

Guy Patin s’est ici égaré dans ses sources. Plutarque n’a pas écrit la vie d’Hannibal (ou Annibal) Barca (248-183 av. J.‑C.), le général et insigne conquérant carthaginois, redoutable ennemi de Rome ; ce jugement d’Hannibal sur les talents stratégiques de Pyrrhus (roi d’Épire, vers 318-272 av. J.‑C.) se lit dans Tite-Live (Histoire de Rome, livre xxxv, chapitre xiv) :

Quærenti Africano quem fuisse maximum imperatorem Hannibal crederet, respondisse Alexandrum Macedonum regem, quod parva manu innumerabiles exercitus fudisset quodque ultimas oras, quas visere supra spem humanam esset, peragrasset ; quærenti deinde quem secundum poneret, Pyrrhum dixisse : castra metari primum docuisse, ad hoc neminem elegantius loca cepisse, præsidia disposuisse.

[Quand l’Africain {b} demanda à Hannibal qui il tenait pour le plus grand général, il répondit Alexandre, roi de Macédoine, car, avec une poignée de braves, il avait mis en déroute des armées innombrables et parcouru des contrées où l’homme n’avait jamais eu l’espoir de pénétrer ; puis à savoir qui il plaçait au second rang, le Carthaginois répondit Pyrrhus, car il a été le premier qui ait enseigné l’art des campements, nul ne sut choisir ses positions ni disposer ses forces avec plus d’habileté].


  1. V. note [15], lettre 152.

  2. Scipion l’Africain l’Ancien (v. note [4], lettre 561), qui écrasa définitivement les Cathaginois à la bataille de Zama en 202 av. J.‑C.

Thomas a Kempis (Kempen, diocèse de Cologne vers 1380-1471), dont le véritable nom était Thomas Hemerken (Malleolus en latin), était un moine augustin allemand, ascète et mystique, chanoine régulier de Mont-Saint-Agnès, près de Zwolle en Hollande. Gabriel Naudé le considérait comme le véritable auteur de l’Imitation de Jésus-Christ (v. notes [35], lettre 242, et [29], [30], [31] et [32] du Naudæana 3). Le sobriquet du maréchal de Turenne (v. note [9], lettre 135) venait de sa rigidité morale et du fait que Kempis pouvait aussi s’écrire Campis (ablatif pluriel latin de campi, champs). Dans la préface à sa traduction de L’Imitation de Jésus-Christ (Paris, François Janet, 1818), le R .P. de Gonnelieu ajoute (page x) que :

« Les maréchaux de Turenne et Villars {a} n’oubiaient pas de l’avoir continuellement avec eux ; et ils se reposaient d’une bataille par quelques versets de l’Imitation. »


  1. Claude Louis Hector de Villars, maréchal de France en 1702, mort en 1734.

30.

« jusqu’à ce que l’iniquité s’en aille ; il faut supporter avec le sourire ce à quoi il n’y a pas de remède ; Dieu en effet nous a enfermés dans un siècle de fer. »

31.

« au plus profond du corps. Que l’empêchement de la transpiration insensible accroisse la putréfaction, et c’est la menace de bien des maladies dotées d’une malignité exceptionnelle, avec beaucoup de ruine et de carnage ; et pour que rien ne manque à notre malheur et à notre déchéance, la peste sévira avant l’automne. Thériaque, mithridate, confections d’alkermès et d’hyacinthe, et autres telles fanfreluches des Arabes seront bien impuissantes à la guérir. Il est facile de faire le prophète devant une telle foison de malheurs, mais Dieu fasse que je sois mauvais devin [Properce, v. note [52], lettre 155]. »

32.

« Vous connaissez l’ancien vers de Martial : “ Tout homme serviable a des amis ingrats ” » (v. note [26], lettre 186).

33.

Biblia Sacra polyglotta, complectentia Textus Originales, Hebraicum, cum Pentateucho Samaritano, Chaldaicum, Græcum. Versionumque antiquarum, Samaritanæ, Græcæ lxxii Interp. Chaldaicæ, Syriacæ, Arabicæ, Æthiopicæ, Persicæ, Vulg. Lat. Quicquid comparari poterat. Cum Textuum, et Versionum Orientalium Translationibus Latinis. Ex vetustissimis mss. undique conquisitis, optimisque Exemplaribus impressis, summa fide collatis. Quæ in prioribus Editionibus deerant suppleta. Multa antehac inedita, de novo adjecta. Omnia eo ordine disposita, ut Textus cum Versionibus uno intuitu conferri possint. Cum Apparatu, Appendicibus, Tabulis, Variis lectionibus, Annotationibus, Indicibus, etc. Opus totum in sex tomos tributum edidit Brianus Waltonus, S.T.D. Rationes quibus Opus hoc susceptum, quorum Auspiciis et munificentia promotum, quorum collatis studiis et laboribus perfectum, quidque in hac Editione præ reliquis præstitum, sequens Præfatio indicabit.

[Sainte Bible polyglotte, {a} qui contient les textes originaux en hébreu, avec le Pentateuque samaritain, chaldéen, grec ; et tout ce qu’on a pu se procurer des traductions anciennes en samaritain, grec des 72 Interprètes, {b} chaldéen, syriaque, arabe, éthiopien, perse, latin de la Vulgate ; {c} avec les traductions latines des textes et versions orientales. Le tout réuni avec la plus grande fidélité à partir des manuscrits les plus anciens, qu’on a recherchés de tous côtés, et des meilleurs exemplaires imprimés. Ce qui manquait dans les précédentes éditions a été fourni et de nombreux fragments inédits ont été ajoutés pour la première fois. Le tout est présenté dans un ordre qui permet en un coup d’œil de comparer les textes à leurs traductions, avec un lexique, des appendices, des tables, des commentaires variés, des annotations, des index, etc. Brian Walton, {d} docteur en sainte théologie, a édité l’ensemble de l’ouvrage, distribué en six tomes. La préface qui suit indique les raisons pour lesquelles cet ouvrage a été entrepris, sous quels auspices et par quel soutien financier il a été promu, ceux dont les recherches et travaux réunis ont permis de l’achever, et ce qui rend cette édition supérieure aux autres] {e}


  1. Cette édition fut en bonne partie établie pour honorer et exploiter le Codex Alexandrinus, précieuse Bible grecque manuscrite du ive s. que le patriarche d’Alexandrie avait offerte au roi Charles ier d’Angleterre en 1627 (v. note [42] du Patiniana I‑4).

  2. La Septante, v. notule {b}, note [7], lettre 183.

  3. V. note [6], lettre 183.

  4. Brian Walton (Cleveland, Yorkshire 1600-1661) avait été nommé chanoine prébendier de la cathédrale Saint-Paul de Londres et chapelain de Charles ier en 1639. Pendant les premières années de la lutte entre la Couronne et le Parlement, Walton avait déployé la plus grande activité dans les différends entre le clergé et les laïques au sujet des dîmes et autres privilèges ecclésiastiques, se rendant odieux au parti puritain qui le traita avec rigueur quand il prit le pouvoir en mains. Dépouillé de ses bénéfices, Walton se réfugia à Oxford, où il se consacra à la rédaction de sa Bible en neuf langues. Il la présenta à Charles ii lors de son retour sur le trône, en ayant pris bien soin de retrancher les louanges qu’il avait adressées à Cromwell dans sa première préface pour les destiner au nouveau roi. Walton reçut en récompense l’évêché de Chester, mais mourut un mois à peine après son installation. Son portrait figure en tête de l’édition.

  5. Londres, Thomas Roycroft, 1657, in‑fo de 865 pages, pour le premier des six volumes.

34.

V. note [17], lettre 293, pour la Bible polyglotte, publiée par le libraire parisien Antoine Vitré en 1645 en 10 volumes in‑fo.

L’édition en avait été dirigée par Guy-Michel Le Jay (Paris 1588-1674), avocat au Parlement de Paris. Il y consacra 17 ans de sa vie et sacrifia les 300 000 francs qu’il possédait, aidé dans son colossal ouvrage par de très éminents spécialistes des langues bibliques : le P. Jean Morin (v. note [9], lettre 556), Philippe d’Aquin (v. note [7], lettre 297), Godefroi Hermant (v. note [12], lettre 79), trois maronites du Liban,. Cet ouvrage, d’une exécution magnifique, est un chef-d’œuvre de typographie ; malheureusement, il fourmille de fautes. Le Jay entra dans les ordres, reçut des lettres de noblesse, devint conseiller d’État et mourut doyen de Vézelay (G.D.U. xixe s.).

35.

Valérien de Flavigny : {a}

36.

V. note [11], lettre de Charles Spon datée du 28 août 1657, pour la première (Genève, 1565) de nombreuses éditions bilingues (grec et latin) du Nouveau Testament par Théodore de Bèze.

37.

François Égon comte de Furstenberg (Strasbourg 1625-1682) était un des principaux ministres de Maximilien-Henri, archevêque-électeur de Cologne (v. note [15], lettre 244). Il avait pris une part active à la formation de la Ligue du Rhin, signée en 1648 en vue de maintenir la paix en Allemagne. Très attaché aux intérêts de la France, Furstenberg fut nommé évêque de Metz en décembre 1658, à la suite de Mazarin, puis élu prince-évêque de Strasbourg en 1663 (G.D.U. xixe s.). L’ambassadeur que les électeurs envoyaient en Espagne se nommait Blumen (v. note [8], lettre 527).

38.

« d’ici là ».

39.

Jacques de Neuchèzes (ou Nuchèzes, 1591-1er mai 1658), évêque de Chalon-sur-Saône en 1624, était devenu baron de Bussy en 1629, à la mort de son frère aîné Bénigne. Neuchèzes et le baron de Chantal, père de Marie de Rabutin-Chantal, future marquise de Sévigné, étaient cousins germains par leurs mères ; l’évêque de Chalon avait veillé sur l’éducation de Marie, orpheline à 7 ans, et célébré son mariage avec Henri de Sévigné le 4 août 1644, lui faisant don de 10 000 écus payables après sa mort ; il avait harangué Louis xiv et Anne d’Autriche à Dijon en 1650 au nom des états de Bourgogne. Son successeur à l’évêché de Chalon fut Jean de Maupeou, parent de Marie de Maupeou (v. note [5], lettre 800), la mère de Nicolas Fouquet.

40.

« pour argent sonnant et or comptant. » V. note [22], lettre 338, pour Giuseppe Zongo Ondedei.

41.

« Il a fait et refait tant de fois le chemin ».

42.

« par la paresse de cet artisan ».

43.

V. notes [8], lettre 392, pour les Opera omnia de Paracelse, en cours d’impression à Genève chez De Tournes, et [41], lettre 396, pour l’Hippocrate d’Anuce Foës, publié à Genève en 1657 chez Samuel Chouët (v. note [20], lettre 301).

44.

V. note [49], lettre 222, pour François-Henri de Montmorency, comte de Bouteville.

45.

Ovide, Les Pontiques, livre iv, lettre ii (vers 35‑36) :

Excitat auditor studium laudataque virtus
Crescit et immensum gloria calcar habet
.

[L’auditoire excite l’ardeur et la vertu s’accroît quand elle est louée, c’est que la gloire agit comme un immense éperon].

46.

Lettre datée du 21 septembre 1655 (v. lettre 415) ; réminiscence qui donnait à Guy Patin l’occasion, sans doute sincère, de dire qu’il ne voyait aucun avenir littéraire à sa correspondance.

47.

« vôtre en toute franchise [v. note [27], lettre 172] ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 7 mai 1658

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(Consulté le 25/04/2024)

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