L. 533.  >
À Charles Spon,
le 13 août 1658

Monsieur, [a][1]

Il est mort un conseiller de la Grand’Chambre nommé le président de Champrond. [2] Il avait autrefois été président aux Enquêtes. Il avait 80 ans et n’était remarié que depuis deux ans à une jeune femme. [1][3] Il avait extrêmement envie de laisser de sa lignée et n’en a pu venir à bout. Il a ressemblé à Manard, [4] duquel a parlé Paul Jove [5] en ses Éloges : [2][6]

In fovea qui te moriturum dixit Aruspex,
Non mentitus erat : coniugis illa fuit
[3]

Un conseiller de la Cour nommé M. Dalesso, [4][7] gendre de M. Thibeuf de Bouville, [8] qui est conseiller de la Grand’Chambre, a quitté sa femme, qui est jeune et belle, [9] et s’est rendu père de l’Oratoire ; [10] mais avant que de se retirer là-dedans, il a été trouver son beau-père, lui a rendu ce qu’il avait touché de son mariage et l’a prié de faire amender sa fille s’il le pouvait ; que pour lui, il n’en avait pu venir à bout ; et outre cela, lui a mis entre les mains une cassette qu’il a finement prise à sa femme, dans laquelle étaient contenues les lettres de divers personnages qui entretenaient cette bonne dame ; et ainsi le désespoir a fait son mari moine. Notre sainte Église embrasse tout dans son giron, tout lui est bon pourvu qu’on ait de l’argent.

Mon relieur me rendit dernièrement mes Annales de Grotius. [5][11] J’ai commencé à le parcourir, il est en beaux termes et tout plein de fort bonnes choses. Si ce livre-là vient jamais à être traduit en français, comme il est fort curieux, je pense qu’il se vendra bien. Il est fort bien fait ; il n’est pas si particulier que le Famianus Strada, [12] mais il est plus savant et approche bien plus de Corneille Tacite. [13] Nous avons deux nouveaux maréchaux de France, savoir M. de Montdejeu, [14] gouverneur d’Arras, et M. Fabert, [15] gouverneur de Sedan, [16] sans compter M. de Castelnau [17] qui mourut six heures après en avoir reçu le bâton et qui dit en le recevant, que cela était beau en ce monde, mais qu’il s’en allait en un pays où cela ne lui servirait guère. [6] On offre à la veuve du défunt M. Des Fontaines Boër, [7][18] secrétaire du Conseil des finances, qui mourut subitement [19] la semaine passée, la somme de 1 200 livres pour la charge de son mari. Il faut bien dérober pour tant gagner.

Ces carmes [20] noyés dont vous avez entendu parler me font souvenir qu’il y a toujours des moines dans les bateaux et qu’ils vont toujours au fond de l’eau. S’ils n’allaient que par terre, ils ne seraient pas si tôt noyés ; au reste, je voudrais que le malheur ne tombât jamais que sur ces capuchons. [21] Le roi [22] est entré dans Paris en carrosse le lundi 12e d’août à six heures du soir par la porte Saint-Denis. [23] Je l’ai vu moi-même et j’ai crié Vive le roi ! comme les autres. Il a assez bon visage. [8][24]

Le roi est à Compiègne. [25] On a chassé une certaine Mme de Fiennes, [26] laquelle trompait le cardinal Mazarin [27] et jouait les deux vers M. le duc d’Anjou. [9][28] On dit qu’il y en a plusieurs autres qui auront leur tour et que c’est Mme la comtesse Palatine, [10][29][30] sœur de la reine de Pologne, [31] qui a tout su du dit petit duc, et l’a révélé au cardinal Mazarin et à la reine [32] moyennant l’argent qu’on lui avait donné pour cela. On dit qu’il avait promis, selon le conseil qui lui était suggéré, qu’en cas que son frère mourût, [33][34] aussitôt il se retirerait de Calais [35] à Boulogne, [36] qu’il lairrait la reine sa mère, et qu’il ferait arrêter le Mazarin en le dépouillant premièrement et lui ôtant tout ce qu’il a amassé avec tant de soin depuis tant d’années, et quæ parasti cuius erunt ? [11][37]

Le 30e de juillet, les chambres assemblées, la Cour de Parlement a donné un arrêt contre les évêques qui sont ici en grand nombre, qui les oblige à quitter Paris en bref et à aller faire leur résidence dans leurs évêchés, ce qui a été fait après la requête du procureur général. [38][39] Nouvelles sont ici arrivées que le marquis de Ville [40] a pris et surpris sur les Espagnols la ville de Trino, [41] comme il pensait ailleurs, [12] après avoir appris qu’il n’y avait guère de monde dedans qui la gardât. Le roi est grand et maigre. Il commence à prendre l’air et a vu la chasse étant en carrosse.

Il faut que je vous fasse rire : notre Saint-Père le pape [42] veut faire du bien et marier puissamment un de ses neveux à quelque riche héritière, mais il désire que cela se fasse sans charger sa conscience ; c’est pourquoi il assemble à cet effet les cardinaux et les jésuites. Ne vous semble-t-il pas qu’il fasse fort bien ? Voilà des gens d’une conscience fort délicate et qui se connaissent fort en scrupule. [43]

Le 1er d’août a été condamné à la Tournelle [44] un notaire de Paris nommé Crespin [45] d’être pendu et étranglé [46] avec deux écriteaux devant et derrière, Notaire faussaire. Il est convaincu d’avoir fait plus de douze faux contrats ; il demeurait dans la rue Saint-Denis [47] près des Saints-Innocents. [13][48] La plupart des gens d’affaire se plaignent fort ici de l’avarice des notaires. Ses parents galopent à Compiègne pour tâcher d’obtenir son pardon, à quoi il y a grande apparence qu’ils ne gagneront rien : il se fait trop de faussetés, il faut en faire exemple.

Gravelines [49] est assiégée par le maréchal de La Ferté-Senneterre [50] avec 12 000 hommes de pied et 4 000 chevaux ; et M. de Turenne [51] a une autre armée avec laquelle il va au-devant des ennemis. On parle ici d’un grand désordre arrivé à Marseille [52] entre plusieurs bourgeois, dont les uns étaient pour les privilèges de la ville en l’élection des consuls, et les autres pour M. le duc de Mercœur [53] qui veut en faire à sa mode. Il n’a pas été le plus fort, il a été obligé de sortir de la ville et par provision, 40 bourgeois y ont été tués sur la place, et son parti a été obligé de céder à celui des privilèges ; il les menace de faire assiéger leur ville par mer et par terre. L’empereur [54] enfin est élu, et ce sans aucune condition. On dit qu’il envoie du secours à la Maison d’Autriche en Flandres [55] et que Lamboy [56] y amène 12 000 hommes, mais ils arriveront trop tard et Gravelines sera bientôt prise.

Enfin, le notaire Crespin a été pendu et étranglé en belle compagnie le 2d d’août à la Grève. [57] Il a été mené du Châtelet [58] à Notre-Dame [59] dans un tombereau assessore carnifice[14] bien lié et garrotté, où il a fait amende honorable, [60] et delà il a été mené à la Grève, ubi pendens in ligno maledicto, animam deposuit circa octavam serotinam[15] C’était un méchant fripon fort vicieux et rudement débauché. Les notaires de Paris, un mois avant qu’il fût arrêté, lui avaient offert une bonne somme d’argent afin qu’il s’en allât en Amérique, [61] pressentant qu’il lui arriverait quelque malheur de sa méchante vie.

Le 3e d’août, un secrétaire du Conseil nommé M. Des Fontaines Boër, âgé de 45 ans, est mort subitement dans le Palais en parlant avec M. Du Laurens, [62] qui est un conseiller de la Cour, neveu d’André Du Laurens [63] qui a écrit Historiam anatomicam[16] Le 4e d’août, M. d’Elbeuf, [64] gouverneur de Montreuil, [65] et M. de Villequier, [66] fils du maréchal d’Aumont, [67] gouverneur de Boulogne, se rencontrèrent devant l’hôtel de Guise et se battirent à coups d’épée. [17][68] Ils sont tous deux blessés, mais pas un n’en mourra. [18] Je vous donne avis que M. Barralis [69] le fils est revenu de la cour où il était en quartier. Il nous a raconté toute la maladie du roi. Je vous assure que le roi n’a pris que le tiers d’une once de vin émétique, [70] car l’once n’avait été mise qu’en trois doses d’infusion de casse [71] et de séné ; [72] et d’autant que la première prise n’avait que trop opéré, il ne prit pas les deux autres car il le fallut saigner, [73] s’étant trouvé plus mal ; et aussi fut-il saigné plusieurs fois depuis ; de sorte que le roi ne doit du tout rien de sa santé à ce remède mortifère. Si le roi fût mort, l’on n’eût jamais manqué de leur reprocher qu’ils eussent donné du poison au roi et ils se sont mis en grand danger d’un tel reproche.

Les liards avaient été réduits à un double et par après, un arrêt du Conseil les avait réduits à un denier[19] mais les plaintes que l’on en a faites ont obligé nos souverains magistrats de les faire demeurer à un double, de peur de quelque mauvaise conséquence, comme il avait déjà été ordonné à Rouen [74] par arrêt du parlement pour toute la province de Normandie, à Orléans [75] et ailleurs. [76] Le siège de Gravelines n’a pas changé : notre armée y est toujours devant sous le commandement de M. le maréchal Senneterre ; notre armée y a reçu une grande incommodité par les écluses que les ennemis y ont ouvertes et nous y avons perdu beaucoup de soldats.

M. de La Fontaine [77] se recommande à vos bonnes grâces. [20] Je lui ai fait voir votre dernière lettre. Messieurs du Parlement, de la Chambre des comptes, la Cour des aides [78] et l’Hôtel de Ville ont été saluer le roi dans le Louvre [79] le 6e d’août après-midi. Il ira à Notre-Dame [80] jeudi prochain à la messe et à vêpres, et lundi prochain il ira à Fontainebleau. [81] C’est là un beau moyen de le voir sur le Pont-Neuf. [82]

Il y a ici quelques disgraciés et exilés tant pour le fait du prince de Condé, [83] comme le président Perrault, [84] président des comptes, que M. et Mme de Brissac [85][86] pour le cardinal de Retz, [87] M. de Jarzé, [88] Mme de Choisy-Hurault, [89][90] femme du chancelier de M. le duc d’Orléans, et autres. [21][91] On recommence à parler de quelques mouvements de la noblesse de Normandie, de Poitou, de Saintonge et de Bretagne, laquelle jointe ensemble peut faire un parti considérable.

Enfin, l’Hôtel de Ville a résolu, après beaucoup d’assemblées et de consultations faites par les experts, de ne point entreprendre de nouveau canal de la rivière [92] de Marne vers Saint-Ouen, mais plutôt de continuer le canal que l’on commença en 1652 dans les fossés de la porte Saint-Antoine, [93] jusqu’à la porte du Temple, [94] Saint-Martin, [95] Saint-Denis, [96] Montmartre, [97] Richelieu [98] et Saint-Honoré. [99] L’exécution de ce dernier avis ne coûtera pas plus d’un million, que l’on espère d’obtenir du roi, au lieu que l’autre, selon l’avis de M. Petit, [100] savant ingénieur, coûterait près de huit millions que l’on ne sait où prendre. Cet avis a encore d’autres incommodités qui ne se peuvent essuyer qu’avec grande peine et entre autres, qu’il y a beaucoup de terres à acheter pour ce canal et beaucoup de ponts à faire sur les grands chemins qui sont depuis une extrémité à l’autre, lesquels même coûteraient beaucoup à entretenir. [22]

La teinture de coraux [101] ne guérit jamais l’hydropisie. [102] La chimie [103] est un pur abus entre les mains des chimistes qui sont des affronteurs et imposteurs publics, furca et laqueo dignissimi[23] ou tout au moins dignes des galères. [104] C’est le malheur des bonnes villes et cités de ce que les princes et les magistrats souffrent de tels coquins, sous couleur et prétexte de médecine.

La reine de Suède [105] lève un régiment pour les Vénitiens contre le Turc, [106] dont elle donne la colonelle à Santinelli, [107] son premier écuyer qui tua ici l’an passé, par son commandement, le pauvre Monaldeschi. [108] La tranchée est ouverte à Gravelines. Le cardinal est à Calais. Vale cum tua carissima et me ama ; tuus ex animo, ære et libra[24]

De Paris, ce 13e d’août 1658.


a.

Du Four (édition princeps, 1683), no lxxii (pages 234‑237) et Bulderen, no cxx (tome i, pages 308‑310), à Charles Spon, le 12 août ; Reveillé-Parise, no cccclvi (tome iii, pages 87‑88), même date, mais à André Falconet, et no cccxxxiv (tome ii, pages 414‑418), à Spon le 13 août.

La continuité du propos entre les deux lettres m’a mené à n’en faire qu’une à Spon, datée du 13 août.

1.

V. note [28], lettre 391, pour Jean ii de Champrond et sa troisième épouse, Anne de Cugnac-Dampierre.

2.

3.

Un devin avait prédit à Jean Manard qu’il mourrait « dans un trou » ; Bayle (note A) :

« Paul Jove l’accuse d’une grande faute de jugement : fort vieux, dit-il, et fort goutteux, il épousa une fille dont la beauté et la jeunesse demandaient un homme qui fût à la fleur de l’âge. Le pis fut, ajoute-t-on, qu’il tomba dans l’intempérance aux dépens mêmes de sa vie : il témoigna plus de passion d’avoir des enfants que de vivre, et il voulut bien hâter l’heure de sa mort pourvu qu’il pût acquérir le titre de père. Duxit autem uxorem plane senex, et articulorum dolore distortum, ab ætate, formaque, florentis juvenis toro dignam, adeo levi judicio, et letali quidem intemperantia, ut maturando funeri suo, aliquanto prolis, quam vita cupidior ab amicis conseretur. {a} Vous trouverez dans Moréri une épigramme de six vers latins composés sur ce sujet par Cursius ; mais vous n’y trouverez pas ce distique de Latomus :

In fovea qui te periturum dixit Aruspex,
Non est mentitus : coniuguis illa fuit
. {b}

On a tant brodé la pensée de ce distique, que l’on est venu jusqu’à dire que Manard, pour éviter la prédiction, s’éloignait de tous les fossés. Il ne songeait qu’au sens littéral, {c} et ne se défiait point de l’allégorique ; {d} mais il reconnut par expérience que ce n’est pas toujours la lettre qui tue et que l’allégorie est quelquefois le coup mortel : il mourut la nuit de ses noces pendant les moments de la jouissance, et ainsi fut accomplie la prédiction. Voilà comment quelques écrivains circonstancient la chose : je m’étonne qu’ils ne le comparent pas aux abeilles qui meurent des piqûres qu’elles font. […] Je crois qu’ils se trompent. Une telle circonstance n’aurait pas été négligée par les premiers qui ont parlé de cela ; et je remarque que Paul Jove nous conduit à croire que Manard ne succomba pas si tôt. Personne ne nous apprend si ses efforts furent suivis de quelque fécondité et s’il eut du moins la consolation de laisser sa femme grosse. Travailler beaucoup et s’en retourner à vide est un sort très mal plaisant. »


  1. Paul Jove, Elogia (Venise, 1546, v. note [18] du Traité de la Conservation de santé, chapitre  iii), fos 50 v o‑51 ro :

    « Étant déjà fort vieux et tout perclus de rhumatisme, il épousa une femme que sa jeunesse et sa beauté rendaient dignes de la couche d’un homme dans la fleur de l’âge, avec si peu de sagesse et de si fatale immodération que ses amis le jugèrent plus désireux de hâter son trépas et d’engendrer quelque descendance que de vivre ».

  2. « L’oracle n’avait pas menti en disant que tu mourrais dans un trou : ce fut celui de ton épouse. »

    V. notes [17] et [18] du Traité de la Conservation de santé, chapitre iv, pour Latomus, et pour la transcription et traduction complètes de cet éloge de Paul Jove.

  3. Fovea, « la fosse ».

  4. Fovea, « le vagin ».

4.

Claude Dalesso (ou d’Alesso ou d’Alesseau, mort en 1693) avait été nommé en 1650 conseiller au Parlement de Paris, en la deuxième Chambre des enquêtes. Il avait épousé Anne Thibeuf, fille de Pierre Thibeuf (v. note [25], lettre 39), conseiller à la Grand’Chambre depuis 1624, colonel du quartier des Halles, qui mourut en 1661. Anne, qui fut la maîtresse du comte d’Avaux (au dire de Tallemant des Réaux), en fit tant qu’en 1658 Dalesso décida de s’en séparer et de se faire prêtre de l’Oratoire. Plus tard, Anne Thibeuf se remaria avec Pierre Lallemant de l’Estrée, vicomte de Villeneuve (Adam et Popoff, no 412).

5.

Hugo Grotius, Annales et historiæ de rebus Belgicis [Annales et histoires flamandes] (Amsterdam, 1657 et 1658, v. note [4], lettre 276).

6.

V. note [6], lettre 529, pour Jacques de Castelnau de La Mauvissière.

7.

Tallemant des Réaux, dans son historiette intitulée Générosités (tome ii, page 749), appelle ce personnage Des Fontaines-Bohart, et en dit :

« ce secrétaire du Conseil que le cardinal de Richelieu tint si longtemps dans la Bastille, et qui n’en sortit que par la mort de celui qui l’y avait fait mettre, était un vieux garçon riche : il s’avisa un jour de faire porter secrètement 200 000 livres chez un de ses amis nommé Menjot (c’est un secrétaire du roi qui est encore jeune) ; apparemment, il avait l’intention de les lui donner, mais il mourut subitement. {a} Menjot aussitôt déclara qu’il y avait 200 000 livres chez lui qui appartenaient à Des Fontaines. Le cadet de cet homme {b} est mort tout de même depuis peu, en juillet 1658. ».


  1. En mai 1650, « non de fièvre quartaine,/ Mais en un seul petit instant/ Sur sa chaise percée étant » (Loret, Muse historique du 20 mai 1650, cité par Adam).

  2. Le frère de Des Fontaines, dont Guy Patin signalait ici la mort qui fut, elle aussi, subite.

8.

Ici se situe la fin de la première des deux lettres que j’ai réunies.

9.

On dit que quelqu’un « joue les deux quand il a intelligence avec les deux parties contraires, et qu’il trompe l’une et l’autre » (Furetière) : c’est aujourd’hui « faire double jeu ».

10.

Anne de Gonzague-Mantoue (1616-1684), fille de Charles i, duc de Mantoue (v. note [11], lettre 18), avait dès son enfance été destinée au cloître, ainsi que sa sœur Bénédicte, leur père ayant voulu réserver sa fortune à sa fille aînée, Louise-Marie, reine de Pologne. Après de romanesques liaisons avec Henri de Guise puis avec le chevalier de La Vieuville, Anne avait épousé en 1645 le prince Édouard de Bavière (v. note [8], lettre 671), cinquième fils de l’électeur palatin Friedrich v et d’Élisabeth d’Angleterre, reine de Bohême, sœur de Charles ier Stuart ; ce mariage lui valut le nom de princesse (ou, comme ici, comtesse) Palatine.

Surintendante de la reine durant la Fronde, ses acrobaties politiques entre les deux partis lui valurent de tomber par la suite en disgrâce (v. note [20], lettre 622). Dans sa vieillesse, la Palatine se livra aux exercices de piété avec la même ardeur qu’elle apportait naguère à la politique et aux plaisirs. Jacques-Bénigne Bossuet a fait son oraison funèbre : « Toujours fidèle à l’État et à la reine Anne d’Autriche, elle eut le secret de cette princesse et celui de tous les partis, tant elle était pénétrante, tant elle savait gagner les cœurs » (G.D.U. xixe s.). V. note [30], lettre 532, pour l’intervention de la princesse Palatine dans les déboires de Mme de Fiennes.

11.

« et ce que tu as amassé, qui l’aura ? » (Luc, v. note [6], lettre 151).

12.

C’est-à-dire de manière imprévue.

13.

François Crespin, notaire du Châtelet, avait exercé rue Saint-Denis, auprès du grand portail du cimetière des Innocents, du 9 janvier 1643 au 14 juin 1651 (Notaires de Paris, étude xxxvi).

Marie-Françoise Limon, (Les Notaires du Châtelet de Paris, 1992, pages 345‑346) répertorie diverses pièces : oppositions au Sceau signifiées au syndic de la Communauté (1er octobre 1651) ; procédures entamées par Anceau pour la saisie de la pratique de Crespin (31 mai 1654) ; copie de l’arrêt du Parlement du 13 août 1658 faisant mention du « procès-verbal du testament de mort fait en la chambre de la question au Châtelet le 2 août 1658 » (24 septembre 1658).

14.

« par le valet du bourreau ».

15.

« où, ayant été pendu au gibet maudit, il a rendu l’âme vers huit heures du soir. »

16.

V. note [3], lettre 13, pour l’Anatomie d’André i Du Laurens, dont Guy Patin avait édité les Opera omnia (Paris, 1628).

Il arrivait à Patin de donner deux fois une nouvelle dans la même lettre ; celle du décès subit de Des Fontaines Boër laisse cependant planer un doute sur mon choix de souder ici deux de ses lettres.

17.

V. notes [9], lettre 463, pour le duc d’Elbeuf, Charles iii de Lorraine, et [37], lettre 299, pour Louis-Marie-Victor d’Aumont, marquis de Villequier.

Saint-Simon (Mémoires, tome ii, page 571) a donné le motif de leur durable mésentente :

« Les ducs d’Elbeuf père et fils, {a} gouverneurs de Picardie, avaient une dispute avec le maréchal et les ducs d’Aumont, {b} gouverneurs de Boulogne et de Boulonnais, qui était devenue fort aigre et qui avait été plus d’une fois sur le point de leur faire mettre l’épée à la main l’un contre l’autre. M. d’Elbeuf disait que Boulogne et le Boulonnais étaient du gouvernement de Picardie, et le prouvait parce qu’il était en usage de présenter au roi les clefs de Boulogne quand il y était venu, et d’y donner l’ordre, M. d’Aumont présent ; mais il prétendait, de là, mettre son attache aux provisions de gouverneur de Boulogne et du Boulonnais, et c’est ce que MM. d’Aumont lui contestaient. Le roi enfin jugea cette affaire en ce temps-ci {c} et M. d’Aumont la gagna de toutes les voix du Conseil des dépêches. »


  1. Charles iii et son fils Henri.

  2. Antoine et Louis-Marie-Victor.

  3. 1705.

18.

Mémoires de la Grande Mademoiselle (chapitre xxxi) :

« Comme la santé du roi fut en état de le pouvoir mettre en chemin, on l’ôta de Calais où l’air était mauvais ; il partit couché dans un carrosse [22 juillet]. M. le duc d’Elbeuf et le maréchal d’Aumont étaient assez mal il y avait quelque temps. M. d’Elbeuf avait pris les intérêts de quelques gentilshommes du Boulonnais qui étaient brouillés avec le maréchal d’Aumont. On les avait en quelque façon raccommodés : ils se voyaient, mais par la suite on verra aisément que ce raccommodement n’était pas véritable. En arrivant à Boulogne, on avait marqué un logis pour M. de Villequier préférablement à tout autre parce que le roi était dans le sien et que c’est l’ordre. {a} M. d’Elbeuf le voulut prendre, comme gouverneur de la province ; l’autre le disputa et l’affaire ne passa pas plus avant pour ce jour-là. Le lendemain, M. d’Elbeuf l’attaqua à la campagne, pas fort éloigné d’où était le roi, étant à la tête de quelques troupes qui escortaient Sa Majesté. Comme Villequier n’était pas le plus fort, ils ne se battirent point ; on le sut. La chose n’étant pas secrète, on les empêcha de se battre et on commanda à Villequier de s’en retourner à son gouvernement, et le roi ordonna à M. d’Elbeuf de s’en aller à Paris. Il lui fit donner un enseigne de ses gardes pour le garder jusqu’à ce que l’on eût accommodé l’affaire. Le roi séjourna quelque temps à Compiègne. […] On me manda de Paris que l’affaire de MM. d’Elbeuf et de Villequier faisait du bruit ; que Villequier avait attaqué M. d’Elbeuf dans la rue ; que Salins, qui était l’enseigne des gardes du roi qui le gardait, ayant voulu représenter à Villequier qu’il ne le devait pas attaquer en sa présence, lui qui devait donner l’exemple pour faire respecter les personnes qui étaient commises de la part du roi pour empêcher les gens de se battre, Villequier s’en était moqué ; qu’il {b} avait été contraint de mettre l’épée à la main et avait été un peu blessé ; que MM. d’Elbeuf et Villequier s’étaient battus ; que sur la fin, on les avait séparés. M. d’Elbeuf fit informer de ce procédé, le traitant comme un assassinat et non comme un combat parce que Villequier avait quatre ou cinq hommes à cheval avec lui ; mais ils ne mirent point pied à terre et n’étaient là que pour sa sûreté, de crainte d’être pris. Cette affaire fit beaucoup de bruit à la cour, où les amis de part et d’autre prirent parti. La cour parut d’abord fort aigrie contre Villequier. Le roi commanda au Parlement d’en prendre connaissance ; de sorte que Villequier fut condamné et contraint de s’en aller < faire > un tour en Hollande. »


  1. Des préséances.

  2. Salins.

19.

Le double valait deux deniers. La dévaluation du liard (v. note [8], lettre 467) avait déjà causé plusieurs mouvements populaires, dont la sanglante révolte des sabotiers, en Sologne (v. note [1], lettre 528).

20.

S’enthousiasmant un peu vite, Reveillé-Parise a reconnu ici Jean de La Fontaine :

« Notre immortel fabuliste avait alors 37 ans, étant né en 1621, mais son génie était loin encore d’être apprécié à sa valeur. »

Hélas pour les amateurs de célébrités, il ne s’agissait ici que d’un étudiant en médecine hollandais (v. note [23], lettre 504), recommandé à Charles Spon et à Guy Patin, qui pérégrinait alors en France. Patin n’a nulle part évoqué le fabuliste dans ses lettres.

21.

V. notes :

Louis de Cossé (1625-1661) était devenu troisième duc de Brissac à la mort de son père, François, en 1651. Arrière-petit-fils du maréchal de Brissac (v. note [9], lettre 131), il avait épousé Marguerite-Françoise de Gondi (1615-1670), seconde fille de Henri, deuxième duc de Retz, cousin germain du cardinal. Avant son mariage, Marguerite-Françoise avait successivement porté les noms de Mlle de Scépeaux puis de Mlle de Retz, après le mariage de sa sœur aînée, Catherine. Les Brissac avaient été d’indéfectibles alliés du coadjuteur pendant la Fronde et après ; leurs noms sont maintes fois évoqués dans les Mémoires de Retz.

Jeanne-Olympe Hurault de l’Hospital (1604-1669), fille de Pierre Hurault de L’Hospital (v. note [21] du Borboniana 4 manuscrit), était devenue dame de Choisy (de Can) en épousant, en 1628, Jean de Choisy, parfois dit de Can (peut-être parce que son père avait été receveur général des finances à Caen), seigneur de Beaumont. Mort le 20 février 1660, il fut conseiller au Parlement en 1627, maître des requêtes en 1633, puis conseiller d’État et, en 1644, chancelier de Monsieur, Gaston d’Orléans. Jeanne-Olympe était amie de la reine de Pologne, Marie de Gonzague, et donna naissance à l’abbé de Choisy, célèbre pour ses Mémoires (Bertière a, Popoff, no 951, et Adam). Elle faisait aussi partie des alliés de Retz. Tallemant des Réaux lui a consacré une historiette (tome ii, pages 399-402).

22.

V. note [2], lettre 523, pour ces deux projets visant à mettre Paris à l’abri des crues de la Seine. Le projet abandonné, qui allait de Saint-Maur aux environs de Saint-Denis, croisait quatre grands chemins qui, d’est en ouest, menaient du centre de Paris à Chelles, à Claye, au Bourget et à Saint-Denis.

23.

« tout à fait dignes du gibet et de la corde ».

24.

« Vale, ainsi que votre très chère, et aimez-moi ; vôtre de tout cœur, en toute franchise [v. note [27], lettre 172]. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 13 août 1658

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(Consulté le 25/04/2024)

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