L. 569.  >
À Hugues II de Salins,
le 22 juin 1659

Monsieur, [a][1]

Je n’ai point vu votre peintre depuis qu’il travailla une fois à mon portrait. [2] Calculoso tuo quantum in me fuit satisfieri[1] mais il n’a pas été assez hardi de se faire tailler ; [3] il en serait maintenant quitte ; il a trop peur de l’opération, en laquelle il n’y a rien à craindre. Pour votre peintre, je lui donnerai encore du temps quand il voudra achever. Nous n’avons ici rien de nouveau en matière de livres, mais j’en attends de divers endroits, lesquels je crois que nous n’aurons que dans l’automne prochain ; et d’iceux, j’ai grande envie de voir particulièrement la nouvelle Méthode particulière de Melch. Sebizius[2] qui est sur la presse à ce que lui-même m’a écrit. Si vous la désirez, vous l’aurez aisément de Lyon chez un libraire nommé M. Fourmy. [4] On tient ici la paix [5] faite et dit-on, que M. le cardinal Mazarin [6] partira dans huit jours pour son grand voyage de Bordeaux et de Bayonne, [7] et qu’environ deux mois après le roi [8] partira d’ici pour y aller et pour son mariage avec l’infante d’Espagne. [9]

Nous avons perdu dans ce mois de juin trois de nos compagnons, savoir le bonhomme M. Barralis, [10] âgé de 81 ans, et deux autres qui étaient chétifs et du mauvais parti, savoir Michel Langlois [11] et Lancelot de Frades. [12] Ces deux derniers n’étaient que des feuilles sèches, mais l’autre était une noble et bonne branche de tout l’arbre ; mais il n’y a point de remède, omnia debentur morti[3][13]

Le livre des Thèses de Sedan, n’est pas encore achevé à Genève. Toute l’Angleterre s’en va en république, ils ont ôté le souverain pouvoir au fils de Cromwell. [14] Les rois de Suède [15] et de Danemark [16] se pacifient ; même le Turc [17] traite avec les Vénitiens. Omnia denique tendent ad pacem[4] Je vous baise les mains, et à mademoiselle votre femme, à Messieurs vos père et frère, et à tous nos autres amis ; et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 22e de juin 1659.


a.

Ms BnF no 9357, fo 329, « À Monsieur/ Monsieur de Salins le puîné,/ Docteur en médecine,/ demeurant en la rue Buissonnière [adresse ajoutée par une autre plume que celle de Guy Patin]/ À Beaune ».

1.

« Pour votre malade lithiasique, j’ai fait de mon mieux pour le satisfaire ».

V. note [5], lettre 562, pour le tableau de Guy Patin en cours d’exécution, sur la commande de Hugues ii de Salins.

2.

V. note [9], lettre 557, pour le Manuale seu Speculum medicinæ practicum [Manuel ou Miroir pratique de médecine] (Strasbourg, 1661) de Melchior Sebizius.

3.

« tout est voué à la mort » ; Ovide (Métamorphoses, livre x, vers 32‑34) :

Omnia debentur morti ; paulumque morati
Serius aut citius sedem properamus ad unam.
Tendimus huc omnes, hæc est domus ultima
.

[Tout est voué à la mort. Après un court séjour sur la terre, tôt ou tard, nous nous hâtons vers le même et unique lieu. Nous y tendons tous pareillement, c’est la dernière demeure].

Michel Langlois, natif de Paris, avait été reçu licencié de la Faculté de médecine de Paris en juillet 1650 (v. note [24], lettre 237), puis docteur régent en janvier 1652.

Lancelot de Frades, natif du Bourbonnais, avait été reçu docteur régent en 1632 (Baron). Cousin et médecin de l’abbé des Roches (v. note [3], lettre 83), il avait eu un vif différend avec Guy Patin, doyen, sur le baccalauréat de son fils Claude (v. notes [25] et [65] des Décrets et assemblées de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté).

Contrairement à ses deux collègues, Barthélemy Barralis n’avait pas signé l’antimoine en mars 1652 (v. note [3], lettre 333).

4.

« Tout enfin tend à la paix. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 22 juin 1659

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(Consulté le 20/04/2024)

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