L. 611.  >
À Hugues II de Salins,
le 26 mai 1660

De Paris, ce mercredi 26e de mai 1660.

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de votre belle lettre et de toute l’affection qu’avez pour moi, vous et madame votre femme, à laquelle je baise les mains, aussi bien qu’à la petite fille de laquelle vous ne m’avez pas mandé le nom. Je salue pareillement monsieur votre frère, et M. Bachey [2] aussi, qui est un jeune homme bien aimable. Voilà un petit paquet que je vous ai mis à part et que je vous envoie, dans lequel vous trouverez quelques thèses, [3] libelles et nouvelles curiosités que vous n’avez point encore vues, avec les opuscules de M. Des Gorris. [1][4] Je l’ai délivré à M. Bouchin, [5] votre cousin, qui m’a promis de prendre le soin de vous le faire tenir. [2] Vous y trouverez une thèse in‑fo et un petit livret pour M. Bachey, que je vous prie de lui délivrer de ma part. Je n’ai point trouvé cette thèse dont vous me parlez, An melancholicis Venus ? il faut qu’elle soit plus vieille ; je m’en souviendrai pourtant et vous l’enverrai si elle a été faite. Je l’ai trouvée, elle est dans le paquet. [3][6] In vera pleuritide non est purgandum, nisi extincto morbo, iugulata febre, et peritus deleto dolore punctorio atque restituta liberitate spirandi. Tum sunt purgandi qui pleuritide sunt defuncti, ex cassia et foliis Orienti quib. pro secunda dosi superadduntur syrupi cathartici diarhodon, vel de florib. mali persicæ, ad ℥ j[4][7][8][9][10][11][12][13] Mais il ne faut jamais donner de médicament purgatif [14] que lorsqu’ils se portent mieux, et in declinatione morbi, postquam eius magnitudini satisfactum est per multoties repetitam sanguinis missionem a directo partis affectæ præsertim celebrandam. Sive dolor vergat ad iugulum, sive ad hypochondrium, non est purgandum, nisi in morbi declinatione post 8. vel xi. diem, sub hac formula : [15]

℞ fol. Orient. ʒ iij. infund. per noctem in decoct. hordei et graminis ʒ vj. in colat. dissolu. med. cassiæ res. mundatæ ʒ iij. syr. diarhodon  j. (vel de florib. mali persicæ) fiat potio, sumenda summo mane, trib. horis ante iusculum, et superdormiat[5]

Après qu’un malade a été saigné, il peut boire quand il voudra ; mais s’il veut attendre un quart d’heure après, ou une demi-heure, ce sera encore mieux, ne ab aquæ frigiditate commoneatur ventriculus[6] Le sang des artères des tempes s’arrête forti vinculo[7] on y met aussi quelquefois un emplâtre ex pilis leporinis cum gypso recenti, vel bolo Armeniæ[8][16] On tire du sang des artères comme des veines, huit ou neuf onces[17] La jugulaire [18] externe se referme aussi aisément que l’artère des tempes, les livres de chirurgie sont pleins de ces remèdes. Votre homme qui a 7. mensibus laborat dysuria [9] a bien la mine d’avoir la pierre, [19] ce qu’il vide est excrementum vesicæ quod deteritur per calculum vagantem in vesica. Vale et me ama.

Tuus totus, Guido Patin.

De calculo vesicæ, lege Duretum in Hollerium et in Coacas Hippocratis. Uxor mea et filii mei te salutant[10][20][21] nous allons marier mon fils aîné [22] dans huit jours à une belle fille de 17 ans [23][24] et qui nous apporte 42 000 livres, sans encore autant à venir après la mort du père. [25] Je connais toute la famille depuis 30 ans, a quibus eis feci medicinam[11]


a.

Ms BnF no 9357, fo 341, « À Monsieur/ Monsieur de Salins, le puîné,/ Docteur en médecine,/ À Beaune ».

1.

V. note [11], lettre 453, pour les Opuscula iv de Jean iii Des Gorris (Paris, 1660).

2.

Ce jeune Bouchin, cousin de Hugues ii de Salins, plusieurs fois nommé dans la suite des lettres ; il suivait alors les cours de médecine à Paris, mais ne figure pas sur les listes de docteurs reçus à Paris (Baron) ou à Montpellier (Dulieu). Il pouvait être descendant de l’auteur des Plaidoyers et conclusions prises par Étienne Bouchin, Sr de Varennes, pendant l’exercice de sa charge de conseiller et procureur du roi aux cours royales à Beaune ; 2e édition augmentée d’autres plaidoyers (Paris, Cl. Morel, 1620, in‑8o).

3.

Phrase ajoutée par Guy Patin dans la marge.

La thèse cardinale intitulée « Vénus [le plaisir vénérien] est-elle favorable aux mélancoliques ? » (Medica, conclusion affirmative) avait été soutenue le 21 mars 1658 par Raphaël Maurin (v. note [2], lettre 848) sous la présidence de Pierre Perreau.

4.

« Il ne faut pas purger dans la vraie pleurésie si la maladie n’est pas éteinte et la fièvre jugulée, et s’il n’est pas avéré que l’élancement a disparu et que la liberté de respirer a été retrouvée. Ensuite, il faut purger ceux qui ont surmonté la pleurésie, avec casse et séné auxquels on ajoute pour la seconde prise les sirops cathartiques de roses pâles ou de fleurs de pêcher, jusqu’à une once. »

5.

« et quand le mal décline, après qu’on a eu raison de sa gravité par la saignée qu’on a répétée souvent, et principalement accomplie au plus près de la partie atteinte. Si la douleur s’étend ou vers la gorge ou vers l’hypocondre, il ne faut pas purger, sinon dans le déclin de la maladie, après le huitième ou onzième jour, suivant la formule qui suit :

Prendre 3 gros de séné à infuser pendant une nuit dans une décoction d’orge et d’herbe, 6 gros, où on a dissout 3 gros de casse purifiée et une once de sirop de roses pâles (ou de fleurs de pêcher), pour faire une potion à prendre au petit matin suivant, trois heures avant un bouillon, puis se rendormir. »

6.

« pour que la froideur de l’eau n’indispose pas l’estomac. »

7.

« par un lien solide ».

8.

« de poils de lièvre avec du plâtre frais ou du bol d’Arménie. »

Bol d’Arménie (Furetière) :

« c’est une motte de terre venant d’Arménie, proche de la Cappadoce. Elle est d’une couleur pâle, épaisse et pesante, et tient de la nature de la pierre. Elle est molle et friable, et se pulvérise comme de la chaux. Elle dessèche fort, et est bonne pour les dysenteries et cours de ventre, pour les rhumes et catarrhes, pour guérir les ulcères de la bouche, pour les crachements de sang, et même pour la peste et les venins. Beaucoup de gens confondent le bol d’Arménie avec la terre lemnienne : {a} les marchands les falsifient et les vendent l’un pour l’autre. Les médecins l’appellent rubrica sinopica, {b} les apothicaires boli Armeni. {c} Il est pesant et massif, et ressemble à un foie. On le tire en certaines baumes ou cavernes de Cappadoce et on l’apporte en la ville de Sinope d’où il a pris son nom. Matthiole dit qu’on le trouve dans les mines d’or, d’argent, de cuivre et de fer. »


  1. Terre sigillée de Lemnos, v. notule {a}, note [6] de l’observation vii.

  2. Rouge de Sinope, aujourd’hui Sinop en Anatolie sur la mer Noire.

  3. Bols d’Arménie.

9.

« qui souffre de dysurie [v. note [9], lettre 782] depuis sept mois ».

10.

« une déjection de la vessie rongée par le frottement d’un calcul qui y vagabonde. Vôtre tout entier, Guy Patin. Sur le calcul de la vessie, lisez [Louis] Duret sur [Jacques] Houllier et sur les Coaques d’Hippocrate [v. note [10], lettre 11]. Ma femme et mes fils vous saluent ».

11.

« pendant lesquels j’ai été leur médecin. »

Robert Patin, fils aîné de Guy, épousait Catherine Barré. Le contrat de mariage fut signé le 29 mai. Catherine, née en 1642 ou 1643 selon l’indication de Guy Patin, et sa sœur Marie étaient les deux filles de François Barré, huissier du roi au Parlement de Paris et lieutenant au bailliage et comté de Lagny-sur-Marne (v. note [8], lettre 27), et de sa première épouse, Catherine Claircellier, morte en 1647. François Barré s’était remarié avec Louis Piget et six enfants étaient nés de son second lit. Il mourut le 1er août 1670. Catherine et Robert Patin eurent quatre enfants (vivants en 1670, v. note [16], lettre 985).

Plusieurs pièces cotées dans l’inventaire après décès de Robert Patin (an mc liasse et/cii/69, vLa maison de Guy Patin) font voir que le versement de la dot fit l’objet de litiges entre Robert et sa belle-famille. Surtout, avec la mort de Robert le 1er juin 1670, les imprudentes garanties auxquelles Guy Patin s’engageait dans ce contrat de mariage allaient provoquer sa ruine (vComment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 26 mai 1660

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(Consulté le 26/04/2024)

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