L. 764.  >
À André Falconet,
le 1er janvier 1664

Monsieur, [a][1]

Je crois bien que présentement vous êtes à Turin, [2] et je souhaite que ce soit pour le bien de votre malade [3] et le vôtre ; [1] mais en quelque endroit que vous soyez, je vous donne le bon jour et bon an, et vous prie de croire que je suis de toute mon affection votre très humble serviteur. Le roi [4] n’a point été, comme l’on disait, au Parlement depuis les ducs et pairs, [5] mais on dit qu’il y ira dans un mois et avant que d’entreprendre son grand voyage. [2] Jamais il ne fut si peu de malades, tous nos vieillards n’ont jamais rien vu de pareil et s’en réjouissent. Je vous prie, si vous êtes à Turin, de saluer de ma part MM. de Torrini, [6] Morisset [7] et Touvenot. [8] On ne dit plus rien du Turc, [9] mais on parle de guerre en Italie pour l’été prochain, sed quis novit tam grande secretum ? [3] M. le duc d’Orléans [10] a été à la Chambre des comptes, et M. le Prince [11] à la Cour des aides[12] y porter les déclarations du roi par lesquelles sont faites plusieurs suppressions de divers offices et commissions ; ce fut le dernier jour de l’an. [4] On dit que l’on n’a pas donné aujourd’hui les livrées ni < les > habits aux pages de la cour, d’autant que l’on s’attend à porter le deuil bientôt, mais on ne nomme pas de qui ce sera : an vestræ Ducissæ futurum sit ? dies revelabit[5] Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 1er de janvier 1664.


a.

Bulderen, no ccciv (tome ii, pages 388‑389) à Charles Spon, mais la présence à Turin auprès de Madame Royale impose André Falconet.

1.

La Gazette n’annonça la mort de Madame Royale que dans l’ordinaire no 6 du 12 janvier 1664 (pages 44‑45) :

« De Turin, le 29 décembre 1663. Le 26e de ce mois, Madame Royale, qui s’était trouvée assez bien les deux jours précédents par les remèdes que nos médecins lui ordonnèrent avec celui que le roi lui avait envoyé, {a} fut surprise en se couchant d’une colique violente et incontinent après, d’une défaillance que les mêmes médecins jugèrent mortelle. Cela obligea cette princesse de se disposer à recevoir le Saint-Sacrement, qu’on lui apporta de sa chapelle, puis celui de l’extrême-onction, qu’elle reçut avec tant de piété et de résignation que toute la compagnie en fut merveilleusement édifiée. Depuis, elle ne cessa presque point d’en faire des actes exemplaires jusqu’au lendemain 27e qu’ayant toujours été dans la même langueur, elle décéda sur les cinq heures du soir. »


  1. Edme Vézou, v. note [4], lettre 762.

La cour de France n’avait appris la nouvelle que le 7 janvier, « dont Leurs Majestés témoignèrent tout le déplaisir imaginable, se préparant à en prendre le deuil avec toute la cour ».
2.

Guy Patin se fiait à la rumeur de guerre contre le pape, mais elle n’eut pas lieu, et Louis xiv ne quitta pas la région parisienne avant le déclenchement de la guerre de Dévolution (mai 1667).

3.

« mais qui connaît un si grand secret ? »

4.

La Gazette, ordinaire no 3 du 5 janvier 1664 (pages 23‑24) :

« Le 31e, {a} Monsieur,, {b} accompagné du maréchal du Plessis et des sieurs d’Ormesson et de La Fosse, conseillers d’État, alla en la Chambre des comptes, où ayant été reçu et pris sa place en la manière accoutumée, il déclara les intentions du roi, que ledit sieur d’Ormesson expliqua plus au long par un fort beau discours.  […] En même temps, le prince de Condé alla en la Cour des aides, accompagné du maréchal-duc de Villeroy, et des sieurs d’Aligre et de Sève-Chastignonville, conseillers d’État ; […] lecture se fit de quelques édits qui furent registrés. »


  1. De décembre 1663.

  2. Philippe d’Orléans, frère de Louis xiv.

5.

« est-ce que ce ne sera pas celui de votre duchesse [de Savoie, Madame Royale] ? Un jour le dira. »

À en croire Guy Patin (et la date que ses premiers éditeurs ont donnée à cette lettre), l’annonce de la mort imminente de Madame Royale était donc parvenue à la cour avant le 7 janvier (v. supra note [1]).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 1er janvier 1664

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(Consulté le 19/04/2024)

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