L. 783.  >
À Charles Spon,
le 30 mai 1664

Monsieur, [a][1]

Je prends la hardiesse de vous adresser une lettre que mon deuxième fils, Carolus, [2] écrit à un de ses amis, mais je vous la recommande très précisément et vous prie de faire en sorte qu’elle soit sûrement rendue à son adresse. Vous trouverez aussi dans ce paquet un autre petit mot de lettre de notre ami M. Joncquet, [3] qui l’a écrite céans, avec 9 livres qu’il m’a laissées, que l’on vous rendra avec la présente, sur et tant moins qu’il vous doit. Le roi [4] et toute la cour sont à Fontainebleau. [5] Le cardinal-légat [6] y est attendu qui, inverso ordine et mutata rerum facie[1] vient en France quérir des indulgences. Le Conseil s’en va dans huit jours trouver le roi. Hier, mourut ici un conseiller de la Grand’Chambre nommé Foucault, [7] d’une apoplexie [8] unius horulæ momento ; [2] c’était un ivrogne. M. Le Boults, [9] qui est monté en sa place, est omnium bonorum optimus[3] M. de Guise [10] se porte mieux. Notre M. Rainssant [11] a la fièvre, il est après à se faire tailler. [12] La peste recommence à Amsterdam. [13][14] Schröderus, Ursinus et Geigerus sont morts en Allemagne. [4][15][16][17][18][19][20] Vive, vale et salve cum uxore tua suavissima.

Tuus et suus, Guido Patin.

Parisiis, die Veneris, 30. Maii, 1664[5]

Vous m’avez promis un catalogue de l’ordre de vos docteurs, je vous prie de vous en souvenir. Un homme nommé Bontemps, [21] qui a fait des faux sceaux, vient d’être pendu, [22] après avoir eu le poing coupé. [6][23] Alexandre Morus [24] a enfin été absous au synode de Berri. [7] Vale.


a.

Ms BnF no 9358, fo 221 (et dernier), « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; en regard de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1664./ Paris, adi 30 mai./ Lyon, adi 4 juin./ Risp./ Adi 6 dudit. »

1.

« qui, à rebours de l’ordinaire et par retour de flamme, ».

2.

« en une petite heure de temps ». Claude Foucault (v. note [25], lettre 39) mourut le 28 mai 1664.

3.

« le meilleur de tous les hommes de bien. » V. notes [3], lettre 310, pour Noël Le Boults, et [9], lettre 782, pour la maladie vésicale de Henri ii de Lorraine, duc de Guise.

4.

V. note [36], lettre 395, pour Johann Schröder. Leonardus Ursinus a correspondu avec Guy Patin.

Malachias Geigerus (Geiger ou Geyger ; 1606-1671, selon ses rares biographies modernes) est un médecin et chirurgien de Munich bien oublié de nos jours, mais dont trois livres me paraissent dignes d’être cités :

5.

« Vive, vale et recevez mes salutations ainsi que votre très tendre épouse. Vôtre et sien, Guy Patin. De Paris, ce vendredi 30e de mai 1664. »

6.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, page 146, 30 mai 1664) :

« Ce même jour, les maîtres des requêtes jugèrent Bontemps, qui fut pendu l’après-dînée. »

7.

Brillant prédicateur réformé, Alexandre More (Morus, v. note [63], lettre 211) s’était toute sa vie attiré de nombreuses inimitiés dans son propre parti, par la liberté de ses mœurs et de sa pensée (v. note [7], lettre de Samuel Sorbière au printemps 1651). Il dirigeait l’Église calviniste de Paris (Charenton) depuis 1659.

Bayle (note K) :

« On peut dire que M. Morus ne fut pas longtemps en paix dans l’Église de Paris car dès le mois de septembre 1661, on porta des plaintes contre lui au Consistoire, qui n’eurent point de suite ; et peut-être n’en eurent-elles point à cause qu’il demanda son congé pour aller en Angleterre au mois de décembre 1661. Il en revint au mois de juin 1662. Tout aussitôt, les plaintes ayant été renouvelées, le Consistoire ordonna qu’il serait ouï, mais qu’en attendant, il s’abstiendrait de prêcher. Ses partisans le voulurent faire prêcher en dépit du Consistoire et pour cet effet, ils se saisirent des avenues {a} de la chaire et ne voulurent point souffrir que le fils de M. Daillé y montât ; {b} ce qui causa un si terrible désordre qu’il n’y eut point de prédication le matin de ce dimanche. Quelques chefs de famille eurent recours au Parlement, qui ordonna le 27e de juillet 1662 que l’on assemblerait un Colloque. Ce Colloque suspendit M. Morus pour un an. Le Synode de l’Île-de-France confirma et aggrava même cette suspension ; mais celui de la province de Berry, auquel ce ministre en appela, le rétablit dans sa charge. Ces sortes d’appels étaient permis par les règlements des synodes nationaux. » {c}


  1. Accès.

  2. Hadrien Daillé (1628-1690), fils unique de Jean (v. note [15], lettre 209) et comme lui pasteur calviniste, officiait à ses côtés depuis 1658 à Charenton (Bayle, note F sur Jean Daillé).

  3. V. notes [5], lettre latine 257, et [1], lettre latine 300, pour le rétablissement de More en sa chaire de Charenton à la fin du mois d’août 1663.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 30 mai 1664

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(Consulté le 23/04/2024)

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