L. 803.  >
À André Falconet,
le 16 décembre 1664

Monsieur, [a][1]

Je vous mandai hier tout ce que je savais en vous envoyant une lettre de mon Carolus [2] pour le P. Compain, jésuite. [1][3] Ce Carolus vous baise les mains, et vous remercie avec moi de votre affection et de toute la peine que nous vous donnons. M. Anisson [4] m’a mandé que lui et M. Boissat [5] sont prêts de s’accorder, et que pour cet effet il y a des arbitres nommés ; Dieu leur fasse la grâce d’être bientôt contents et bons amis. Il y a dans le procès toujours de l’obstination et manque de charité, est autem caritas vestis illa nuptialis quæ fecit hominem Christianum ; [2][6] mais de malheur, la charité d’aujourd’hui n’est plus guère échauffée, elle n’est plus tantôt réduite qu’à la besace des moines. [7]

La santé de la reine [8] n’est point encore assurée. L’on murmure du vin émétique ; [9] peut-être que les empiriques [10] de la cour et les rabbins de Tertullien [11][12] en font courir le bruit pour tâcher de donner quelque vogue à leur poison qui a tant tué de monde. Multa dicuntur de eius morbo qua nesciuntur, et de quorum veritate summo iure ambigitur : o infelices principes qui sua bona minus intelligunt ! Infeliciores qui sua mala non sentiunt[3] La reine mère [13] est une fort bonne femme, laquelle a de fort bonnes intentions, mais elle n’a point assez de crédit pour les faire valoir. Le roi [14] a fait mettre dans la Bastille [15] M. de Vardes, [16] on ne sait point le sujet, on dit que c’est à cause de M. Fouquet ; [17] mais apparemment, c’est le prétexte de quelque autre chose. [4] On tient ici M. Berryer [18] perdu pour une fausseté qu’il avait produite en la Chambre de justice [19] contre M. Fouquet. Sa principale partie est M. Pussort de Pouan, [20] ci-devant conseiller du Grand Conseil et de la Chambre de justice, aujourd’hui conseiller d’État ordinaire, et oncle de M. Colbert. [5][21] L’affaire de M. Fouquet tire à sa fin et sera jugée dans peu de jours. On espère et on craint, ce sont les deux écueils de la vie humaine.

Le 14e de décembre. J’ai vu M. le nonce [22] ce matin, et monsieur votre frère [23] qui dit qu’il est las de prendre des médecines ; il est vrai que son corps n’en a pas grand besoin, il n’est que mélancolique. [24] M. l’abbé de Rivalte [25] vous baise les mains. J’ai vu aussi M. le comte de Louvigny, [26] sur un billet que M. de Saint-Laurent [27] m’écrivit hier. C’est un brave seigneur que j’honore fort, il n’est pas fort malade, son mal est plutôt la langueur et la vieillesse que la maladie ; j’en aurai soin et j’espère que tout ira bien. [6] On dit que M. Berryer est devenu fou et qu’il a perdu l’esprit de la peur qu’il a que M. Colbert ne le fasse pendre ; d’autres disent que tout cela n’est que feinte. M. Rainssant [28] n’avance guère, sa fièvre est fort diminuée et l’enflure œdémateuse continue. L’hiver est fort contraire aux vieilles gens et aux malades, et même aux convalescents, quorum vires ab acuto vel contumaci morbo sunt afflictæ, vel attritæ et prostratæ[7] Il n’est pas même jusqu’au bonhomme Cicéron [29] qui ne l’ait dit, in Epistolis ad familiares : ψυχρος δε λεπτω χρωτι πολεμιωτατον, inquit Euripides, cui tu quantum credas nescio, ego certe singulos eius versus singula testimonia puto[8][30] On parle ici d’un nouveau livre latin d’emblèmes, imprimé à Bruxelles, [31] fait par un auteur nommé Milliarez, fils d’un Espagnol. [9] On m’a dit aujourd’hui que M. le lieutenant civil en avait fait saisir une balle à la douane. On dit que ce livre est de politique, peut-être qu’il y a dedans quelque chose contre les intérêts et les prétentions de la France. On imprime en Hollande un livre qui sera beau et curieux, ce sont les Mémoires de M. le maréchal de Bassompierre[10][32] On dit que l’empereur [33] envoie par la Franche-Comté [34] des bonnes troupes au Milanais, [35] afin qu’elles en demeurent saisies en cas que le roi d’Espagne [36] meure bientôt, à quoi il y a grande apparence. On est tout de bon à la fin du procès de M. Fouquet, on a commencé à délibérer. M. d’Ormesson, [37] premier rapporteur et maître des requêtes, a dit son avis et après de belles choses, a conclu à un bannissement perpétuel et à la confiscation de tous ses biens. C’est à présent à l’autre rapporteur, qui est M. de Sainte-Hélène, [38] conseiller de Rouen, [39] à dire le sien. [11] Male habet regina parens ex suo carcinomate mammoso ; habuit consilium privatum trium archiatrorum, cum quatuor chirurgis famosis, ex quorum relatione conclusum fuit morbum esse ανιατον, et in sola cicuta levationis spem esse repositam, id < est > in medicamento quadantenus anodine et emolliente, quod in tanto affectu est ficulneum auxilium[12][40][41][42][43][44] M. Rainssant est fort abattu, à peine peut-il se tenir dans son lit et y bien étendre ses jambes ; præterea laborat quadam inexplebili siti, sic itur ad astra[13][45]

Un de nos bourgeois fort homme de bien, nommé M. Poignant, [46] a été mis à la Bastille [47] pour avoir parlé de la suppression des rentes de l’Hôtel de Ville ; [48] et Mme de La Trousse a reçu défense d’aller à l’Hôtel de Ville et à toute autre assemblée, sur peine de punition corporelle, pour la même cause. On dit que le roi a renvoyé quérir sa déclaration pour les rentes, mais on ne sait si c’est pour y ajouter ou diminuer. La Chambre de justice a donné commission au présidial de Beauvais [49] de faire le procès au receveur de tailles de Gisors, [50] nommé Lempereur, [51] ce qui a été fait. Ils l’ont condamné à être pendu et étranglé, il y a appel, pour lequel il fut hier amené en cette ville. Il est de Paris et a ici plusieurs parents qui le pourront sauver. Son crime est de plusieurs voleries publiques. [14] La jeune reine ne se porte pas encore bien, il y a trois mois qu’elle est malade et n’avait que la fièvre tierce. [52] Le simple bourgeois est mieux traité que cela, sanctius apud Oceanum vivitur[15][53] Monsieur votre frère m’a dit aujourd’hui qu’il a les pieds enflés, mais il n’a guère envie de se purger[54] Je salue avec toute cordialité MM. Troisdames, Spon et Garnier, et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 16e de décembre 1664.


a.

Bulderen, no cccxxxix (tome iii, pages 22‑26) ; Reveillé-Parise, no dclii (tome iii, pages 497‑500).

1.

Matthieu Compain (Lyon vers 1600-ibid. 1675), prêtre de la Compagnie de Jésus, était natif de Lyon, et y passa l’essentiel de sa vie. Sa correspondance avec Charles Patin s’expliquait aisément (Michaud) :

« personne ne poussa aussi loin que lui la manie d’acquérir des médailles et des objets d’antiquité de tout genre ; mais quand son corps et son esprit eurent été affaiblis par l’âge et par les maladies, il ne vit plus dans ses trésors qu’une marchandise et il vendit cette précieuse collection à un noble Allemand qui la paya fort cher. Compain trouva dans le prix qu’il en retira le moyen de rendre son nom immortel : il fit construire une fort belle bibliothèque dans la maison, dite de Saint-Joseph, que les jésuites possédaient à Lyon, au confluent du Rhône et de la Saône, et y fit transporter un grand nombre des livres qu’il avait achetés de ses propres deniers, et même ceux qui lui avaient été donnés. Il voulut que cette bibliothèque s’accrût au moyen d’une rente annuelle et perpétuelle qu’il constitua à cet effet, sans que cette rente pût être détournée à un autre usage. Lors de la suppression des jésuites en 1762, la bibliothèque fondée par Compain fut sans doute réunie à celle du collège ; quant à la rente destinée à l’accroître, elle a eu le sort de toutes ces fondations libérales ou pies, qui se sont englouties dans le gouffre de nos révolutions. »

Spécialiste des numismates et antiquaires Lyonnais au xviie s., M. Yves Moreau (v. notre Bibliographie) a eu l’amabilité de me communiquer quelques précisions supplémentaires :

« Le noviciat Saint-Joseph où habitait Compain se trouvait dans l’actuel quartier d’Ainay, rue Sainte-Hélène. Quelques années avant sa mort, il aurait vendu sa collection d’antiquités et de médailles pour créer une bibliothèque au noviciat. Les neveux de Mathieu, Gaspard et Antoine Compain (les fils de Pierre), {a} ont contribué à l’accroissement de la bibliothèque par le don de la collection de leur père. Cette bibliothèque du noviciat fut dispersée en 1763, lors de l’expulsion des jésuites de France. »


  1. V. note [36], lettre 514, pour le banquier Pierre Compain.

2.

« mais la charité est ce vêtement nuptial qui a fait l’homme chrétien » ; nouvelle allusion à la parabole du roi mariant son fils (Matthieu, 22:1‑11, v. note [24], lettre 392) que saint Augustin a commentée dans son sermon xc de, La Robe nuptiale ou la charité, avec ce passage, auquel Guy Patin pensait sans doute :

Quæ est ergo vestis illa nuptialis ? Hæc est vestis nuptialis : Finis autem præcepti est, Apostolus dicit, charitas de corde corde puro, et conscientia bona, et fide non ficta. Hæc est vestis nuptialis. Non quæcumque charitas : nam plerumque videntur se diligere etiam homines participes malæ conscientiæ. Qui simul latronicia faciunt, qui simul maleficia, qui simul histriones amant, qui simul aurigis et venatioribus clamant, plerumque diligunt se : sed non est in eis charitas de corde puro, et conscientia bona, et fide non ficta. Talis charitas est vestis nuptialis.

[Qu’est-ce donc que la robe nuptiale ? Voici ce que c’est : « La fin des préceptes, dit l’Apôtre, est la charité qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère. » {a} Voilà la robe nuptiale : ce n’est pas une charité toute simple, car il est beaucoup d’hommes qui paraissent s’aimer, quoique leur conscience soit mauvaise : ainsi ceux qui se réunissent pour brigander, pour commettre des méfaits, qui aiment les histrions et qui acclament cochers et gladiateurs, qui se font plaisir ; mais ceux-là n’ont pas « la charité qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère », {a} et c’est cette charité qui est la robe nuptiale].


  1. Première Épître de saint Paul à Timothée, 1:5.

V. note [10], lettre 798, pour le procès qui opposait devant le Parlement de Paris les deux libraires de Lyon, Horace Boissat et Laurent Anisson.

3.

« On dit, sans savoir, beaucoup de choses sur sa maladie, et dont on conteste fort justement la vérité : ô malheureux princes qui entendent si peu ce qui est bon pour eux ! Plus malheureux encore ceux qui ne se rendent pas compte de ce qui est mauvais pour eux. »

Les « rabbins de Tertullien » visent les médecins donneurs d’antimoine (v. note [5], lettre 801).

4.

De fait, il s’agissait des intrigues de la comtesse de Soissons (Olympe Mancini) avec le marquis de Vardes (v. note [2], lettre 579) autour des amours de Louis xiv et de Mlle de La Vallière.

Saint-Simon (Mémoires, tome iii, page 297) :

« Rien n’est pareil à la splendeur de la comtesse de Soissons, de chez qui le roi ne bougeait avant et après son mariage, et qui était la maîtresse de la cour, des fêtes et des grâces, jusqu’à ce que la crainte d’en partager l’empire avec les maîtresses la jetât dans une folie qui la fit chasser avec Vardes et le comte de Guiche. »

Mme de La Fayette (Histoire de Madame Henriette d’Angleterre, pages 60‑61) :

« La comtesse de Soissons ne doutait pas de la haine que La Vallière avait pour elle ; et ennuyée de voir le roi entre ses mains, le marquis de Vardes et elle résolurent de faire savoir à la reine {a} que le roi en était amoureux. Ils crurent que la reine, sachant cet amour et appuyée par la reine mère, {b} obligerait Monsieur et Madame {c} à chasser La Vallière des Tuileries, et que le roi, ne sachant où la mettre, la mettrait chez la comtesse de Soissons, qui par là s’en trouverait la maîtresse ; et ils espéraient encore que le chagrin que témoignerait la reine obligerait le roi à rompre avec La Vallière ; et que, lorsqu’il l’aurait quittée, il s’attacherait à quelque autre dont ils seraient peut-être les maîtres. Enfin, ces chimères ou d’autres pareilles leur firent prendre la plus folle résolution et la plus hasardeuse qui ait jamais été prise : ils écrivirent une lettre à la reine, où ils l’instruisaient de tout ce qui se passait. La comtesse de Soissons ramassa dans la chambre de la reine un dessus de lettre du roi son père. {d} Vardes confia ce secret au comte de Guiche afin que, comme il savait l’espagnol, il mît la lettre en cette langue. Le comte de Guiche, par complaisance pour son ami et par haine pour La Vallière, entra fortement dans ce beau dessein. Ils mirent la lettre en espagnol ; ils la firent écrire par un homme qui s’en allait en Flandre et qui ne devait point revenir ; ce même homme l’alla porter au Louvre à un huissier pour la donner à la señora Molina, première femme de chambre de la reine, comme une lettre d’Espagne. La Molina trouva quelque chose d’extraordinaire à la manière dont cette lettre lui était venue ; elle trouva de la différence dans la façon dont elle était pliée ; enfin, par instinct plutôt que par raison, elle ouvrit cette lettre et après l’avoir lue, elle l’alla porter au roi. Quoique le comte de Guiche eût promis à Vardes de ne rien dire à Madame, il ne laissa pas de lui en parler […].

Le roi fut dans une colère qui ne se peut représenter ; il parla à tous ceux qu’il crut pouvoir lui donner quelque connaissance de cette affaire, et même il s’adressa à de Vardes comme à un homme d’esprit, et à qui il se fiait. Vardes fut assez embarrassé de la commission que le roi lui donnait ; cependant, il trouva le moyen de faire tomber le soupçon sur Mme de Navailles et le roi le crut si bien que cela eut grande part aux disgrâces qui lui arrivèrent depuis. » {e}


  1. Marie-Thérèse.

  2. Anne d’Autriche.

  3. Le duc et la duchesse d’Orléans, dont Mlle de La Vallière était fille d’honneur.

  4. Philippe iv, roi d’Espagne.

  5. V. note [2], lettre 792.

Tout cela s’était passé au début de mars 1662 et l’affaire avait mis bien du temps à être entièrement élucidée, pour aboutir au châtiment mérité des comploteurs.

Intime de la reine mère, Mme de Motteville a elle aussi narré (Mémoires, page 530) ce scandale qui mit toute la cour sens dessus dessous :

« On apporta à la señora Molina, Espagnole et première femme de chambre de la reine, une lettre qui parut de la reine d’Espagne, dont le dessus était écrit de sa propre main, et qui s’adressait à la reine. La Molina, qui avait servi dans le palais d’Espagne, connut aussitôt ce caractère, et voyant le paquet mal plié, elle s’étonna de ce qu’il était en quelque façon différent des autres. On le lui apporta de la part du comte de Brienne, secrétaire d’État ; mais pour l’ordinaire, toutes les lettres de Madrid venaient par les courriers de l’ambassadeur d’Espagne, et celui-ci, par cette raison, et pour n’être pas fait comme les autres, lui parut étranger. Elle avait ouï dire que le roi d’Espagne était malade, et craignant de donner mal à propos quelque inquiétude à la reine, quoique ce ne fût pas sa coutume d’ouvrir ses lettres, Dieu, qui eut soin de son innocence, lui inspira le désir de voir ce qu’il y avait dans celle-là. L’ayant donc ouverte, elle la trouva d’un caractère français, fort différent de celui qui paraissait sur le dessus, écrite en mauvais espagnol et mêlée de phrases françaises. […] La Molina m’a conté, presque dans le même moment, qu’après que le roi eut lu la lettre, il devint rouge et parut surpris de cette aventure, car il ne croyait pas qu’il pût y avoir personne dans son royaume assez hardi pour se mêler de ses affaires malgré lui. Dans le trouble où il fut, il demanda brusquement à la Molina si la reine avait vu cette lettre ; et lui ayant dit plus d’une fois que non, le roi la mit dans sa poche et la conserva soigneusement. L’étroite liaison que j’avais avec la duchesse de Navailles, qui passait dans l’esprit du roi pour une extravagante réformatrice du genre humain, fit qu’il me soupçonna d’avoir écrit cette lettre ; mais comme j’étais aussi fort amie de la Molina, et que si elle avait eu le malheur de lui déplaire il l’aurait sans doute renvoyée en Espagne, il suspendit son jugement là-dessus, et dans cette incertitude, sa colère n’éclata contre personne. Nous lui verrons punir justement les auteurs de cette pauvre invention, qui se trouvèrent être ceux qu’il honorait le plus de sa confiance et de ses faveurs. Ils lui furent aussi infidèles que les personnes qu’il soupçonnait de lui manquer de respect étaient zélées pour son service. »

Le marquis de Vardes avait « manqué personnellement au roi en chose essentielle, qui ne le lui pardonna jamais » (Saint-Simon, tome ii, page 814). La comtesse de Soissons fut exilée de mars 1665 au début de 1666. Emprisonné le 13 décembre, Vardes sortit de la Bastille deux semaines plus tard pour être renvoyé dans son gouvernement d’Aigues-Mortes. Le roi l’y fit de nouveau arrêter au début de mars 1665, et emprisonner à Montpellier. Il fut libéré en mars 1667 (v. note [4], lettre 904).

5.

V. notes [10], lettre 802, pour la disgrâce de Louis Berryer, et [7], lettre 685, pour Henri Pussort, pour qui j’ai remplacé la seigneurie de « Fanan », qui est dans les précédentes éditions, par celle de Pouan (en Champagne, (aujourd’hui Pouan-les-Vallées dans le département de l’Aube), dont il était réellement titulaire.

6.

Trois personnages apparaissent ici pour la première fois dans la correspondance, que je ne suis pas absolument certain d’avoir correctement identifiés.

7.

« dont les forces sont abattues, ou ruinées et épuisées, par une maladie aiguë ou tenace ».

8.

« dans les Lettres familières : {a} “ le froid est grand ennemi des peaux délicates, dit Euripide ; j’ignore le crédit que tu lui prêtes, mais je tiens chacun de ses vers pour un précepte. ” »


  1. Livre xvi, lettre 8 : v. note [16], lettre 290.

9.

Je n’ai identifié ni cet ouvrage ni son auteur.

10.

Mémoires du maréchal de Bassompierre {a} contenant l’histoire de sa vie et de ce qui s’est fait de plus remarquable à la cour de France pendant quelques années. {b}


  1. Mort en 1646, v. note [10], lettre 85.

  2. Cologne, Pierre Du Marteau [Elsevier], 1665, 3 volumes in‑12, pour la première de nombreuses éditions. Ce livre contient La Lingère du Petit-Pont (tome i, pages 164‑168), étrange et bref récit, dont la puissance évocatrice a ébranlé Chateaubriand et Goethe, parmi bien d’autres.

11.

Le vendredi 13 décembre, le premier rapporteur, Olivier Le Fèvre d’Ormesson, n’avait requis qu’aux peines dont Guy Patin parlait ici ; convenant des fraudes que Nicolas Fouquet avait laissé commettre, il l’accusait de mauvaise administration, mais en sollicitant la clémence des juges sur ce qu’il en partageait la responsabilité avec d’autres, dont le cardinal Mazarin. Les 15 et 16 décembre, le second rapporteur, Le Cornier de Sainte-Hélène (v. note [19], lettre 735), conseiller au parlement de Normandie, nettement plus proche des intérêts de Colbert (qui lui laissait espérer une présidence à mortier), avait été bien plus sévère : estimant avérés les crimes de péculat et de lèse-majesté, il réclama la mort de Fouquet par décapitation, c’est-à-dire en lui épargnant magnanimement la honte de la pendaison (Petitfils c, pages 443‑444).

12.

« La reine mère se porte mal de son cancer du sein ; il y a eu consultation privée de trois grands médecins, avec quatre fameux chirurgiens, dont il fut conclu que la maladie est incurable et qu’un espoir de soulagement repose dans la seule ciguë, {a} c’est-à-dire dans un médicament quelque peu anodin {b} et émollient qui, dans une telle affection, est d’un secours dérisoire. » {c}


  1. Outre ses effets vénéneux redoutés, bien qu’énigmatiques, quand elle était administrée par voie interne, la ciguë (v. note [8], lettre 196) a été employée dès l’Antiquité par voie externe sous forme de cataplasme ou d’emplâtre (Panckoucke, 1813) :

    « Voici seulement les résultats que le praticien peut tirer des faits nombreux qui ont été recueillis pour et contre l’usage de la ciguë dans les affections cancéreuses. 1. Beaucoup d’engorgements glanduleux, mal déterminés et très souvent faussement pris pour des squirrhes ou des cancers, et plusieurs embarras du foie et de la rate ont cédé à l’action de la ciguë. 2. Ce remède paraît le plus souvent avoir été inutile, quelquefois même nuisible dans les véritables cancers confirmés des organes musculo-membraneux de l’estomac, de l’utérus, et même dans ceux des glandes. 3. Il a quelquefois été utile dans les squirres ou les cancers commençants qui affectaient les glandes et la peau, soit pour calmer les douleurs, soit pour retarder les progrès de la maladie ou rendre l’extirpation favorable ; mais on cherche en vain quelques exemples de guérison bien constatée par l’effet de la ciguë seulement. »

  2. Anodin (aujourd’hui antalgique) se disait « des remèdes qui font une résolution des humeurs doucement et sans violence, qui ôtent la douleur [odunê en grec] ou stupéfient le sentiment du toucher » ; et émollient, de ceux qui amollissaient « les duretés du bas-ventre ou des tumeurs et enflures » (Furetière).

  3. V. note [9], lettre 622, pour ficulneus, « propre au figuier », dans le sens de « dérisoire ».

Les Hieroglyphica, sive antiqua schemata geammarum anularium, quæsita Moralia, Politica, Historica, medica, Philosophica, et Sublimiora, omnigenam eruditionem, et altiorem Sapientiam attingentia, diligenter explicata responsis Fortunii Liceti… [Héroglyphiques, ou les dessins figurant sur les antiques bagues à chaton : réponses de Fortunio Liceti… diligemment apportées aux questions morales, politiques, historiques, médicales, philosophiques et surnaturelles, qui touchent à tous les genres d’érudition et à la plus haute sagesse] {a} contiennent une intéressante lettre sur le sujet : {b}

Doctissimo Viro, D. Fortunio Liceto, Philosophiæ Phœnici, et in Patavino Lyceo Med. Theor. supremo Professori, Io. Alcidius Musnier Med. Latharingus, S.PD.

Quæsitum eximij mei Patini, eodem ad te, quo accepi, momento perferendum duxi, Vir Excellentiss. ut si fortassis tempestive satis appulerit, Octavo tuorum Oraculorum inserere queas. Oro te interim, ut quod eidem Patino Responsorum adornaveris, ad me transmittas. Hoc enim officio plurimum gaudeo, maxime inter homines tam doctos, tamque de me intense meritos. Quod ego nec tuos hactenus libros habuerim, nec tu fortasse Riolani Anatomen, accuso pluvias, queis nostrum hoc Cœlum hucusque maduit. Omnia tamen citissime perventura confido. Ceterum ne plane vacuus inersque videar (etaimsi per cursoris imminentissimum discessum vix mihi liceat) non possum tamen non hic meum quoque de Cicuta dubiolum una cum inclyto meo Patino breviter insuere : utrum ea nempe, et quomodo molliendi vim habeat ? Video enim ex huius herbæ succo, et ammoniaco parari emplastrum ad omnimodas tam Epatis, quam Lienis durities, Heurnio, Sennerto, Hartmanno, aliisque commendatissiumum : immo video, non cicutæ solum, sed et mandragore liquore dedurescere vel ipsum Ebur. Quod qua vi, quoque fiat Naturæ ingenio, non ita facile compertum habeo. Constat enim utramque plantam intensa frigiditate, ac vere deleteria esse præditam ; adeoque incrassando potius, quam emolliendo idoneam ? Nec enim arbitror eam emplastri facultatem oriri ab ammoniaci calore cicutæ frigiditate quodammodo temperata ; quum tutius id aceto, aliisque complurimis obtineas. An igitur forte, quia planta illa diversis, ut acetum, opium et hydrargyrum, concrevit particulis ; aut quia calor intro frigiditate cicutæ refugiens auctiori vigore liquat humores, atque rarefacit ? Sed hæc duris forte in visceribus locum habent ; minus autem in Ebore. Quare (termaxime scientiarum arbiter) tuum erit, istud omne, quod nostris in consiliis persæpe controversium est, solita tua sagacitate, componere in artis et ægrotantium emolumentum. Dum interim te summe veneror, et amplector. Vale. Raptim Genuæ Non. Novembris hora xx. anni 1652
.

[Jo. Alcidius Musnier, médecin originaire de Lorraine, adresse ses profondes salutations au très savant M. Fortunius Licetus, phénix de la philosophie et premier professeur de médecine théorique en l’Université de Padoue. {c}

Aussitôt que j’ai reçu la question de mon grand ami Patin, j’ai décidé de vous la transmettre afin que vous puissiez, excellent Monsieur, l’insérer dans le huitième de vos oracles, {d} si par chance elle vous semble suffisamment pertinente. Dans cette attente, je vous prie de me transmettre le mot de réponse que vous aurez préparé pour ledit Patin, car je me réjouis beaucoup de lui rendre ce service, et ce d’autant plus qu’il s’échange entre de si savants hommes qui ont tant mérité ma reconnaissance. Quant au fait que je n’aie pas encore reçu vos livres, ni vous, peut-être, l’Anatomie de Riolan, {e} j’en accuse les pluies qui ont jusqu’ici mouillé notre ciel. Je suis néanmoins confiant que ces ouvrages nous parviendront à tous deux très vite. Autrement, pour ne pas vous sembler inerte et sans idée (et même si j’en ai à peine le temps car le départ imminent du messager me presse), je ne puis pourtant m’abstenir d’ajouter brièvement ici à ceux de mon illustre ami Patin mes légers doutes sur la ciguë : possède-t-elle un pouvoir émollient et de quelle façon l’exerce-t-elle ? Je vois en effet préparer, avec le suc de cette plante et de l’ammoniaque, un emplâtre contre les indurations du foie comme de la rate, que Heurnius, Sennert, Harmann {f} et d’autres recommandent très chaudement ; j’entends aussi dire que la sève de ciguë, mais aussi celle de mandragore, {g} est même capable de ramollir l’ivoire. Je peine à tenir pour solidement établies la force et l’ingéniosité de la nature qui permettent cela : il est en effet clair que les deux plantes susdites possèdent une puissante et vraiment nuisible froideur, à tel point qu’il faille se demander si elles ne sont pas plus propres à épaissir qu’à ramollir. Je crois aussi que la faculté de cet emplâtre vient plutôt de la chaleur de l’ammoniaque tempérée en quelque façon par la froideur de la ciguë, puisque vous obtenez plus sûrement cet effet par le vinaigre, aussi bien que par quantité d’autres substances. Serait-ce parce que cette plante a été agrégée à divers principes tels que vinaigre, opium et mercure, ou parce que la chaleur de l’ammoniaque se renforce en se réfugiant dans la froideur de la ciguë, devenant alors capable de liquéfier et raréfier les humeurs ? Cela peut certes avoir lieu dans les viscères indurés, mais moins probablement dans l’ivoire. Pour l’intérêt de l’art et des malades, et avec votre coutumière sagacité, il vous incombera donc (en très grand arbitre des trois sciences), {h} de régler toute cette question qui est un très fréquent sujet de controverse au cours de nos consultations. Dans cette attente, je vous vénère très hautement et vous embrasse. Vale. De Gênes, à la hâte, le 5 novembre 1652, à 20 heures]. {i}


  1. Padoue, Sebastianus Sardus, 1653, in‑4o de 440 pages, illustré de gravures, avec un joli portrait de l’auteur.

  2. Page 423, chapitre clxxvii, De Cicutæ facultate molliente Quæsitum [Question sur la faculté émolliente de la ciguë].

  3. Jean-Alcide Musnier, médecin lorrain exerçant à Gênes, était ami de Patin et a correspondu avec lui, mais il ne nous en reste qu’une lettre, datée du 9 février 1656.

    V. note [4], lettre 63, pour le médecin italien polygraphe Fortunio Liceti.

  4. Huitième série des Quæsitis per Epistolas a Claris Viris responsa [Réponses aux questions posées par les lettres de brillants personnages] de Liceti, dont le septième avait paru en Udine en 1650 (v. note [9], lettre 276) : c’est elle qui a été publiée sous ce titre trompeur de Hieroglyphica en 1653.

    Musnier joignait à sa lettre celle qu’il avait reçue de Patin sur la question exposée plus bas, soumise à Liceti.

  5. Encheiridium anatomicum [Manuel anatomique] de Jean ii Riolan (Paris, 1648, v. note [25], lettre 150), que Patin avait dû envoyer à Musnier à l’intention de Liceti.

  6. V. notes [3], lettre 139, pour Jan i van Heurne, [21], lettre 6, pour Daniel Sennert, et [1], lettre latine 279, pour Johann Hartmann.

  7. V. note [85], lettre latine 351.

  8. Médecine, histoire naturelle et philosophie.

  9. Le latin de Musnier est d’une clarté suffisamment rare chez ses confrères contemporains pour être saluée. Sa lettre est suivie de la réponse de Liceti à Musnier et à Patin (chapitre clxxviii) où il confirme et explique l’effet émollient de la ciguë.

13.

« il est en outre affligé d’une soif presque inextinguible, “ voilà comme on devient immortel ”. » {a}


  1. Virgile, v. note [47], lettre 280.

14.

François Lempereur, fermier général des cinq grosses fermes en 1661, receveur des tailles de Gisors et Pontoise, avait été un traitant actif entre 1643 et 1647 (Dessert a, no 332). V. note [6], lettre 784, pour la suppression des rentes de l’Hôtel-de-Ville.

15.

Quintilien, {a} Declamationes maiores [Discours majeurs], iii, Pro milite [En faveur d’un soldat], fin du chapitre xvi, réponse d’un jeune soldat à son tribun, qui le poussait à agir malhonnêtement :

Nihil tale novere Germani ; et sanctius vivitur ad {b}Oceanum.

[Les Germains ne connaissent rien de tel ; et on vit plus vertueusement près de l’Océan]


  1. V. note [4], lettre 244.

  2. Ou apud.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 16 décembre 1664

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(Consulté le 25/04/2024)

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