Il fait ici bien froid et ce qu’il y a de malades n’ont guère que des rhumatismes, [2] à quoi le vin nouveau [3] n’a pas peu contribué. La messe de minuit est cause que tout le monde parle de la comète, [4] qui a été vue de qui l’a voulu. Ils deviendront enrhumés [5] pour avoir été dès les trois heures du matin sur le Pont-Neuf [6] pour la voir et puis après, s’en prendront à la comète. Pour moi, je ne crains rien de tout ce qu’on en prédit, il arrive assez de malheurs sans comète ; c’est pourquoi je passe volontiers dans l’avis d’Erycius Puteanus [7] et d’autres savants hommes qui, sur l’autorité de l’Écriture sainte, Ne craignez point les signes du ciel, [1][8] prétendent que les comètes, comme simples météores, ne nous prédisent ni bien, ni mal. Nous n’avons que faire d’en craindre, il nous en viendra assez. On dit que le roi [9] a donné charge à un mathématicien fort savant d’en écrire, il se nomme M. Petit. [2][10] À peine y a-t-il jamais eu de comète plus remarquable que celle qui parut l’an 1572 [11] après le massacre de la Saint-Barthélemy, [12] laquelle dura 18 mois et ne disparut qu’au printemps de l’an 1574, un peu avant la mort du roi Charles ix. [13] M. de Thou, [14] Keckermann, [15] Tycho Brahe [16] et d’autres en ont fait mention. [3]
M. de La Mothe Le Vayer, [17] pour se consoler de la mort de son fils unique, [4][18] s’est aujourd’hui remarié à 78 ans, [19] et a épousé la fille de M. de Harlay, [20][21] jadis ambassadeur à Constantinople, [22] laquelle a bien 40 ans. Elle était demeurée pour être sibylle ; [23] non invenit vatem, sed virum, sed vetulum, [5] Adieu.
De Paris, ce 30e de décembre 1664.
1. |
Guy Patin invoquait Jérémie (v. note [2], lettre 302) après avoir fait référence aux Erycii Puteani de Cometa anni m. dc. xviii. Novo Mundi Spectaculo, Libri duo. Paradoxologia [Deux livres d’Erycius Puteanus (v. note [19], lettre 605) sur la Comète de l’année 1618, nouveau scpectacle du monde. Paradoxologie (collection de paradoxes)] (Cologne, Conrad Bugenius, 1619, in‑12). Les neuf paradoxes du livre ii traitent tous de la superstition liée aux comètes, comme montrent les titres du premier et du dernier :
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2. |
Pierre Petit, géographe du roi (v. note [36], lettre 469) : Dissertation sur la nature des comètes. Au roi, avec un discours sur les prognostiques des éclipses et autres matières curieuses (Paris, Thomas Jolly, 1665, in‑4o). |
3. |
Cette comète de 1572, qui n’en était pas une, a fait couler beaucoup d’encre et permis de grands progrès en astronomie (v. note [3], lettre 809). |
4. |
Molière a écrit un poème À M. La Mothe Le Vayer pour la mort de son fils :
V. note [33], lettre 390, pour l’abbé François ii de La Mothe Le Vayer, fils de François i. |
5. |
« elle n’a pas trouvé un devin, mais un mari, mais un petit vieux. » « On appelle proverbialement une vieille fille et savante, une sibylle » (Furetière). Cette sibylle, prénommée Élisabeth, était fille de Philippe de Harlay, comte de Cézy (v. note [7], lettre 535). Né en 1588, François i de La Mothe Le Vayer avait exactement 76 ans. |
a. |
Du Four (édition princeps, 1683), no cxxvi (pages 369‑371) ; Bulderen, no cccxliii (tome iii, pages 31‑32) ; Reveillé-Parise, no dclvi (tome iii, pages 505‑506). |