L. 807.  >
À André Falconet,
le 2 janvier 1665

Monsieur, [a][1]

Ce dernier de décembre. Bon jour et bon an. En attendant quelque bonne nouvelle que tout le monde désire, je vous dirai que M. Fouquet [2] n’a séjourné qu’un jour à Montargis, [3] savoir le jour de Noël. On dit que le roi [4] veut avoir sa revanche sur ceux de Gigeri [5] et qu’il y veut renvoyer 30 000 hommes le printemps prochain. [1] On dit qu’ils ont fait quelque chose qui offense le roi, à cause de quoi il ira dès le mois d’avril en Provence. [2] Le bourgeois est ici fort malcontent des rentes [6] supprimées ; tout le monde se retranche fort, [3] il n’y a que les vendeurs de bijoux et de galants qui gagnent, avec quelques cabaretiers. Les charlatans [7] même ne font plus de fortune : témoin, le misérable médecin qui, sans se soucier de Dieu ni du monde, vend effrontément des remèdes anti-écliptiques [8] et anti-cométiques (c’est celui qui en est le parrain aussi bien que le marchand, ex utraque parte Vulcano similis). [4][9] Dieu soit loué de tout, les gens de bien vivent toujours bien ; pour moi, je me fie à Dieu et à celui qui a dit Nunquam vidi iustum derelictum, nec semen eius quærens panem[5][10]

M. de Louvigny [11] est content de moi, c’est un fort bon et sage gentilhomme. Je me moque de la comète, je ressemble à ce vieux Romain qui ne craignait que malam famam et famem ; [6] encore ne m’en soucié-je guère, Dieu m’a donné la grâce d’avoir pourvu à l’une et à l’autre. De l’Histoire de l’Université[12] les deux premiers tomes sont sous la presse, les quatre autres suivront après ; [7] elle s’imprime aux dépens du recteur. [13] Je sais bien que monsieur votre archevêque [14] aime les livres. Je le saluai ici l’an passé, je lui ai grande obligation du bon accueil qu’il me fit. Je suis fort persuadé de son mérite et de celui de tous ses ancêtres, et particulièrement de son aïeul, M. Nicolas de Villeroy, [15] que je me souviens d’avoir vu l’an 1616, et feu M. d’Alincourt, [16] l’an 1641. [8] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 2d de janvier 1665.


a.

Bulderen, no cccxliv (tome iii, pages 33‑34) ; Reveillé-Parise, no dclvii (tome iii, pages 506‑507), datée du 1er janvier.

1.

V. note [2], lettre 799, pour le cuisant échec des armées royales en Algérie, auquel il n’y eut pas de revanche.

2.

Rien de tel n’advint non plus.

3.

« Se retranche » : restreint son train de vie ; v. note [3], lettre 808, pour la réduction des rentes de l’Hôtel-de-Ville.

4.

« semblable à Vulcain sous ses deux aspects » : Vulcain était boiteux et avide de richesse. Le trait de Guy Patin visait très probablement François Guénault (qui était boiteux et cupide), mais on peine à croire que sa cupidité ait pu l’aveugler jusqu’à parrainer de tels remèdes charlatanesques.

5.

« Jamais je n’ai vu le juste abandonné, ni sa lignée cherchant du pain » (Psaumes 36:25).

6.

« la mauvaise réputation et la faim » (source que je n’ai pas trouvée). V. note [6], lettre 803, pour le comte de Louvigny.

7.

V. note [30], lettre 642, pour cet ouvrage de César Egasse Du Boulay (Paris, 1665-1673).

8.

Camille de Neufville (v. note [25], lettre 308), archevêque de Lyon, était petit-fils de Nicolas i de Neufville, seigneur de Villeroy (v. note [5], lettre 133), et fils de Charles de Neufville, marquis d’Alincourt (v. note [6], lettre 104).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 2 janvier 1665

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(Consulté le 19/04/2024)

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