Nuper ad te scripsi, et iterum scribo [1] pour quelques points suivants. Carolus meus [2] m’a sommé de vous écrire pour vous prier d’une affaire qu’il a de reste avec un avocat de Provence [3] de votre connaissance qui était ici l’an passé. Il lui doit 100 livres et vous prie, si cela ne vous est à charge, de prendre le soin de l’en faire payer. Vous le connaissez et je pense que c’est vous qui < le > lui aviez adressé. [2] M. Julliéron, [4] imprimeur de Lyon, m’a délivré l’Hygiène de M. Gontier ; [5] mais j’apprends que depuis peu l’on a imprimé à Lyon un livre latin in‑fo de Febribus, d’un certain médecin d’Italie ; si vous l’avez vu et qu’il ait votre approbation, je vous prie de m’en envoyer un en blanc, aussi bien que l’Histoire du ministère du cardinal de Mazarin. Je vous en ferai rendre le prix à Lyon ; mais je suis bien en peine de savoir pourquoi M. Anisson [6] n’envoie point à Paris de son livre de notre bon ami M. Hofmann [7] in‑4o. Je vous prie de lui dire et de lui faire mes très humbles recommandations. [3] Il y a ici un gros procès entre le duc Mazarin [8] et sa femme, [9] que son frère, M. de Mancini, duc de Nevers, [10][11] a enlevée et ce dit-on (il est pourtant à Paris ; pour elle, lettres sont venues qu’elle est en Suisse [12] et qu’elle s’en va en Italie y voir sa sœur), [13] emmenée hors du royaume, d’autant qu’elle ne veut jamais retourner avec son mari., [4] Je pense que les affaires de cette famille ne vaudront point mieux que celles des neveux du cardinal de Richelieu ; [14] et que le diable emporte le tout à la fin ! comme il a si bien commencé. Il fait ici fort beau et fort sain, et < il y a > fort peu de malades. On dit que le pape [15] a envoyé au roi [16] un chapeau de cardinal pour le donner à celui qu’il voudra choisir. Plusieurs le destinent à M. l’archevêque de Paris. [17] L’on dit aussi que le roi envoie au pape 6 000 hommes, dont il fera ce qu’il voudra. Il y a grande apparence que c’est pour donner aux Vénitiens, qui les enverront en Candie [18] contre les Turcs. Ainsi soit-il. Vale, et me ama. [5] Si M. Anisson eût envoyé des exemplaires de son Hofmann à Paris, il y en aurait bien de vendus. Je m’en étonne et ne sais pourquoi il n’en a pas envoyé à M. du Bray, [19] comme je lui en avais écrit et qu’il m’avait promis. Vale, et me ama.
Tuus ære et libra, G.P.
Parisiis, 22. Iunii, 1668. [6]
Ms BnF no 9357, fo 366, « À Monsieur/ Monsieur Spon, Docteur/ en médecine,/ À Lyon » ; à côté de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1668./ Paris, 22 juin./ Lyon, 8 juillet./ Rispost./ Adi 20 dud. »
« Je vous ai récemment écrit et vous écris de nouveau ». Dans notre édition, la dernière lettre à Charles Spon est datée du 29 novembre 1667 :celle, récente, qui est ici mentionnée a été perdue.
Guy Patin a appelé Virelle (prénom inconnu) l’« avocat de Provence » qui devait de l’argent à son cher fils Charles (Carolus meus), alors en fuite ; il est revenu sur le règlement de cette dette dans ses lettres à Charles Spon datées du 27 juillet 1668, et des 23 octobre et 8 décembre 1671. Son montant élevé (cent livres tournois), ce qui peut difficilement correspondre à des honoraires médicaux, et renverrait plutôt à une autre transaction (vente de médailles ou de livres).
Sur ces quatre ouvrages parus en 1668, v. notes :
Parenthèse ajoutée par Guy Patin dans la marge, où « il » désigne Philippe Mancini, duc de Nevers, frère d’Hortense, duchesse Mazarin, en grande dispute avec son mari, le duc de La Meilleraye-Mazarin.
Dans les Mémoires qu’on lui attribue, Hortense Mancini a conté par le menu (page 67) tous les rebondissements de sa fuite en Italie le 13 juin 1668, déguisée en homme, en seule compagnie d’une de ses servantes, Ninon, et d’un valet de son frère dénommé Narcise :
« Je courais une étrange carrière ; et je vous avoue que, si j’en avais prévu toutes les suites, j’aurais plutôt choisi de passer ma vie entière entre quatre murailles et de la finir par le fer ou par le poison que d’exposer ma réputation aux médisances inévitables à toute femme de mon âge et de ma qualité qui est éloignée de son mari. »
La sœur qu’Hortense allait rejoindre en Italie était Marie Mancini, princesse Colonna.
« Vale et aimez-moi. »
Le passage qui précède redit presque mot pour mot ce que contenait la lettre précédente, à André Falconet sur les mêmes sujets (v. ses note [3] et [4]).« Vale et aimez-moi.
Vôtre en toute franchise [v. note [27], lettre 172], G.P. De Paris, ce 22e de juin 1668. »