L. 970.  >
À André Falconet,
le 21 novembre 1669

Monsieur, [a][1]

Ce 7e de novembre. Je vous envoyai hier une lettre de quatre pages, en récompense de ce que je ne vous avais écrit il y a longtemps. [1] Je vis hier M. Delorme [2] par visite chez lui. Il me fit grand accueil, nous causâmes ensemble une bonne heure, nous ne fûmes muets ni l’un, ni l’autre. Il est admirable en son entretien aussi bien qu’en toute autre chose, il a une mémoire admirable pour son âge de 85 ans. Je crois qu’il mourra en sa vieille peau, avec son antimoine [3] dans le cœur et dans la tête ; et néanmoins, ce qui me console, c’est que j’espère qu’il n’en prendra jamais, aussi n’en a-t-il pas besoin. On parle fort ici de trois hommes qui sont en prison, savoir d’un marquis et de deux faux témoins qu’il avait subornés pour perdre certain officier qui avait une belle femme et avec laquelle il avait intelligence secrète. On dit qu’ils sont condamnés au Châtelet [4] et qu’il y a appel au Parlement. On parle d’un traité de grande importance qui détruirait la Triple Alliance. [5] C’est entre nous et le roi d’Espagne [6] auquel nous vendrions l’Alsace et le Roussillon, et qui nous quitterait le reste des Pays-Bas. [7] Si cela arrive jamais, Dieu puisse bien garder les bourgmestres de la riche cité d’Amsterdam [8] car, comme nous serions en ce cas-là les plus proches voisins des Hollandais, on leur ferait bientôt connaître ce que vaut et ce que peut notre voisinage. [2] Éginhard, [9] en la Vie de Charlemagne[10] et Aventinus, [11] in Annalibus Boiorum, ont rapporté un proverbe qui est pour le moins aussi vrai qu’il est commun : Gallum habeas amicum, non vicinum[3][12] mais la science < en > est réservée pour ceux qui s’y trouveront alors. Vitæ summa brevis spem nos vetat inchoare longam[4][13] il n’y a que le temps qui nous puisse apprendre les secrets d’État et de telle conséquence ; et de plus, je vous assure que je ne crois rien de tout cet échange, mais il faut laisser parler le monde.

Un Hollandais fort honnête et savant m’a aujourd’hui parlé de quelques livres français imprimés en Hollande, qui tous sont contre la Cour romaine, du cardinalisme, du népotisme et des éloges des cardinaux vivants depuis M. François Barberini [14] jusqu’à Maidalchini. [5][15] On imprime présentement à Genève un livre nouveau de M. Daillé, [16] ministre de Charenton, [17] que les huguenots [18] disent être le plus grand homme qu’ils aient eu depuis Calvin. [6][19] Pour moi, je crois que M. Arnauld [20] le surpasse de beaucoup.

Il y a ici un procès devant M. le lieutenant criminel [21] pour un de nos docteurs nommé Cressé, [22] fils d’un jadis chirurgien fameux. [23] Il a dans son voisinage, vers la rue de la Verrerie, [7][24] un barbier barbant [25] nommé Griselle, [26] qui avait une femme fort jolie à ce qu’on dit. Le médecin a été appelé chez le barbier pour y voir quelqu’un malade. Dès qu’il fut entré dans la chambre où il faisait sombre, quatre hommes se jetèrent sur lui et lui mirent une corde alentour du col, lui voulurent lier les mains et les pieds. Il se mit en défense et se remua si bien contre les quatre hommes qu’ils n’en pouvaient venir à bout. Le bruit et sa résistance vigoureuse firent que les voisins vinrent au secours et frappèrent à la porte. Cela obligea ces quatre hommes de le lâcher et de s’enfuir. Le médecin alla aussitôt faire sa plainte chez le commissaire ; après quoi, le barbier a été mis en prison, où il est et sera jusqu’à la fin du procès. Quelques-uns disent qu’il y a quelque amourette cachée, et quelque intelligence secrète entre le médecin et la femme du barbier, qui en est jaloux. Quoi qu’il en soit, on blâme le barbier de sa violence ; il a tout loisir de s’en repentir. Charron [27] en sa Sagesse (ô le beau livre, il vaut mieux que les perles et les diamants) a dit quelque part qu’un avare est plus malheureux qu’un pauvre, et un jaloux qu’un cocu. [8] Il me semble que ce grand homme a dit vrai, là aussi bien qu’ailleurs. Nota [9] que ledit médecin est marié et de plus, qu’il est bien glorieux ; mais quoi qu’il en soit, hic et alibi venditur piper et habent alaudæ omnes suam cristam[10][28] Quelques-uns prétendent que le barbier sera pendu pour avoir voulu ainsi traiter une personne publique, dies diem docebit[11] Depuis trois jours, le plus ancien ministre de Charenton, nommé M. Drelincourt, [29] qui avait près de 80 ans (c’est lui qui avait un fils médecin, [30] qui est aujourd’hui professeur à Leyde [31] à la place de M. Vander Linden, [32] mon bon ami) a été enterré. Notre bon ami M. Spon, à qui je baise les mains, connaissait bien ces deux MM. Drelincourt. Il y a encore ici un autre ministre de Charenton nommé M. Daillé qui est fort vieux et fort savant, et de grande réputation, même chez ceux qui sont de parti contraire.

Au sujet de la Hollande, je vous dirai que ce pays-là est malheureux et fort sujet à plusieurs calamités. Vive la France, vive Paris, vive Lyon ! En Hollande la plupart des malades ne croient point à la médecine et ne se servent point de médecins, en vertu de quoi la plupart des malades meurent aussi. Les médecins n’y saignent que très rarement parce qu’ils n’en savent pas l’importance, aussi les malades y sont si stupides, ne dicam adeo Batavi[12][33] et si sots qu’ils ne veulent point être saignés. [34] Les médecins purgent [35] d’ordinaire avec des pilules et des poudres chimiques, [36] avec l’antimoine et le vin émétique [37] dont ils sont fort mauvais marchands, c’est ce qui leur a fort aidé à les décrier. Ils ne croient point à la méthode de Galien, [38] à la place de laquelle ils cherchent des secrets de la chimie qui les rendent ridicules et méprisables. Tout le pays est sujet aux écrouelles [39] et au scorbut, [40] les chirurgiens [41] n’entendent rien à la vérole, [42] il n’y a là ni bon pain, ni bon vin ; et ce qui est encore bien pis, il n’y a pas même de bonne eau. Joseph Scaliger [43] a dit quelque part de la Hollande à son bon ami Janus Douza, [44] in Epigrammate de Admirandis Hollandiæ :

Hic mediis habitamus aquis, quis credere possit ?
Et tamen hic nullæ, Douza, bibuntur aquæ
[13]

Ce pays-là est extrêmement froid, exposé à des mauvais vents méridionaux qui y apportent la peste [45] fort souvent. On n’y boit que de la bière [46] et on n’y mange que du bœuf salé. Vive le pain de Gonesse [47] avec le bon vin de Paris, [48] de Bourgogne, [49] de Champagne, [50] sans oublier celui de Condrieu, [51] et le muscat de Languedoc [52] et Provence, [53][54] de La Ciotat, [55] de Saint-Laurent, [56] etc. [14] Mais Monsieur, excusez mon babil, iam satis est nugarum, itaque lubens desino, ut meliora sequantur, si sors dederit[15]

Le petit François Colot [57] a depuis peu taillé [58] ici M. le marquis de Hauterive, [59] frère de feu M. le garde des sceaux de Châteauneuf, [60] qui s’en porte bien à l’âge de 85 ans. Il est allé en Flandres [61] y tailler un riche bourgeois. On parle fort ici d’un officier turc [62] qui est envoyé au roi [63] par son maître. [64] On ne sait pour quelle affaire il vient en France, il a été quelque temps à Fontainebleau [65] et est maintenant à Issy, [66] à deux lieues de Paris, chez M. de La Bazinière, [67] ci-devant trésorier de l’Épargne. [16][68] M. l’évêque de Béziers, [69][70] qui était en Pologne, est ici où il s’apprête pour s’en aller en Espagne y traiter de l’accord que le pape tâche de faire entre la France et la Maison d’Autriche. [17] Je prie Dieu que cette affaire réussisse. Le roi de Pologne, Casimir, [71] est à Saint-Taurin d’Évreux, [72] qui est une des huit abbayes que notre roi lui a données. On dit qu’il viendra demeurer à Saint-Germain-des-Prés [73] qui en est une autre, dans Paris même et proche du Louvre. [18] L’illustre M. Arnauld, docteur de Sorbonne, [74] travaille à réfuter la morale des calvinistes et on m’a dit qu’elle serait bientôt faite. [19][75] Je vous baise très humblement les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 21e de novembre 1669.


a.

Bulderen, no diii (tome iii, pages 335‑340) ; Reveillé-Parise, no dccxcv (tome iii, pages 713‑717).

1.

D’après ce qui nous reste de sa correspondance, ce silence de Guy Patin à l’égard d’André Falconet allait du 12 octobre au 6 novembre 1669, soit trois semaines. Le fragment de cette dernière que contient notre édition est loin d’atteindre quatre pages et donne une idée de ce qui en a été retranché dans les éditions imprimées, sans espoir aujourd’hui d’en recouvrer l’intégralité.

2.

La Triple Alliance (v. note [12], lettre 930) signée le 23 janvier 1668 à La Haye avait uni la Grande-Bretagne aux Provinces-Unies contre la France ; la Suède s’y était jointe en mai suivant. L’objectif était alors de mettre fin à la guerre de Dévolution qui aurait pu rendre Louis xiv maître des Pays-Bas espagnols, c’est-à-dire capable de menacer directement et la Hollande, et l’embouchure de la Tamise.

Guy Patin analysait justement les craintes engendrées par ce voisinage français ; le traité dont il parlait ne fut jamais conclu avec l’Espagne, mais faisait sans doute partie de l’intense activité diplomatique française visant à disloquer la Triple Alliance en ralliant l’Angleterre et la Suède pour isoler les Hollandais, avant de leur déclarer la guerre (avril 1672).

3.

« Aie le Français pour ami, et non pour voisin. » Guy Patin resservait en latin à André Falconet un dicton qu’il lui avait déjà écrit en français au début de sa lettre du 16 septembre 1667 (v. sa note [1]), en l’attribuant à Aventin : « il faut avoir le Français pour ami, et non pas pour voisin. » Patin ne fanfaronnait plus cette fois contre les Hollandais, mais contre la Triple Alliance, et y ajoutait une autre référence (que je complète par une troisième).

  1. Éginhard (771-844), historien franc et secrétaire de Charlemagne, a laissé Vita et gesta Karoli Magni [Vie et actes de Charlemagne], dont la première édition a été imprimée à Cologne (Io. Soter, 1521, petit in‑fo de 169 pages). Guy Patin devait plutôt en posséder la plus récente :

    Eginhartus de Vita Caroli Magni, Animadversionibus illustratus, quæ Consensu Amplissimæ Facultatis Philosophicæ Præside M. Frederico Besselio, Tilsa-Prussio, publicæ Eruditorum censuræ exponit Johannes Fridericus Reinhardus, Coloniensis Marchicus. In Iuleo Maiori ad d. 27. Julii Horis matutinis.

    [Éginhard sur la Vie de Charlemagne, éclairé par les Remarques que, sous la présidence de M. Fredericus Busselius, natif de Tilsit en Prusse, {a} avec le consentement de la très éminente Faculté de philosophie, Johannes Fridericus Reinhardus, natif de Cölln-sur-la-Sprée, {b} a soumises au jugement public des érudits, en la grande salle de l’Academia Julia, {c} le matin du 27 juillet]. {d}


    1. Aujourd’hui Sovetsk dans l’enclave russe de Kaliningrad.

    2. Aujourd’hui le quartier de Cölln à Berlin.

    3. À Helmstedt, v. note [19], lettre 340.

    4. Helmstedt, Henningus Mullerus, 1667, in‑4o de 118 pages.

    La citation reprise par Patin se trouve à la page 21 (Cologne, 1521), et à la fin du chapitre xvi, page 59 (Helmstedt, 1667) :

    (Imperatores etiam Constantinopolitani Nicephorus, Michael et Leo, ultro amicitiam et societatem ejus expetentes, complures ad eum misere legatos, cum quibus tamen propter susceptum eis eripere vellet, valde suspectum, fœdus firmissimum statuit, ut nulla inter partes cujuslibet scandali remaneret occasio.) Erat enim semper Romanis et Græcis Francorum suspecta potentia. Unde et Græcum illud extat proverbium : Τον Φραγκον φιλον εχης, γειτονα ουκ εχης, {a} Francum amicum habeas, vicinum ne habeas.

    [(Les empereurs de Constantinople Nicéphore, Michel et Léon, souhaitant son amitié et son alliance, {b} lui envoyèrent maints ambassadeurs. Ils le soupçonnaient de vouloir les attaquer, mais il contracta avec eux une alliance si solide qu’il ne resta plus entre eux aucun motif de dispute.) {b} Romains et Grecs avaient toujours tenu la puissance des Francs {b} pour suspecte ; et de là vient ce proverbe grec : « Aie le Franc pour ami, et non pour voisin. »]


    1. Dans sa thèse de 1667 (page 61), Reinhardus dit grammaticalement préférable de remplacer εχης par εχοις.

    2. Les empereurs Nicéphore ier (802-811), Léon v (813-820) et Michel ii (820-829) ont recherché l’amitié et l’alliance de Charlemagne (mort en 814), puis de son fils et successeur, Louis le Pieux.

    3. Ce passage entre parenthèses ne figure que dans l’édition de 1667.

    4. Les Francs (anciens Sicambres), issus d’Europe centrale, ont pris leur nom au ive s. de notre ère, époque à laquelle ils ont commencé à menacer les deux empires romains, d’Occident (Rome latine) et d’Orient (Byzance grecque). Ce proverbe semble donc dater du Haut Moyen Âge (ixe s.).

  2. Iohannes Aventinus (v. note [1], lettre 922) a mieux expliqué cette histoire dans ses Annalium Boiorum Libri septem [Sept livres des Annales bavaroises] (Ingolstadt, Alexander et Samuel Weissenhornius, 1554, in‑fo de 835 pages), livre deuxième, page 238 :

    Franci quoque homines bellandi cupidi (in quos Græcum extat proverbium crebrum olim Romanis, Τον Φραγκον φιλον εχης, γειτονα ουκ εχης. Hoc est, Francum amicum habeas, vicinum ne habueris) sæpius Gallias, uberioris soli gratia, et prædæ dulcedine adfectarant, sæpius inde a Romanis pulsi amiserant. Hii tum pro multitudine hominum, et pro gloria belli, atque fortitudine angustos fines se habere arbitrabantur.

    [Les Francs sont aussi avides de faire la guerre (à eux s’applique le proverbe grec jadis répandu chez les Romains, « Aie le Franc pour ami, et non pour voisin ») : ils avaient sans cesse des vues sur les Gaules pour la richesse de son sol et pour l’attrait de son pillage, mais les Romains les en repoussaient toujours ; ils jugeaient avoir d’étroites frontière eu égard à la taille de leur population, mais aussi à leur gloire guerrière et à leur courage].

  3. La substitution de Gallum [Gaulois] à Francum [Franc] est un contresens de circonstance sous la plume de Patin, qu’on trouve aussi dans le méli-mélo historique d’un ouvrage qu’il a pu lire :

    Traité du Domaine de Couronne de France, {a} divisé en trois livres, composé en latin par René Choppin, I.C. angevin, {b} ancien et célèbre avocat en la Cour de Parlement… Revu et corrigé en cette dernière édition plus exactement que dans l’impression de mil six cent trnte-quatre. Tome ii. {c}

    Le § 11, titre xiv du deuxième livre (page 312) est sous-titré Le seul nom des anciens Gaulois faisait peur au peuple de Rome, bien qu’il fût réputé fort belliqueux :

    « C’était aussi une chose de laquelle les anciens Gaulois se vantaient, de n’avoir jamais pâli de crainte de leurs ennemis ; et ceux qui se montraient timides et poltrons, ils les appelaient, en se moquant d’eux, Murcos, selon le rapport de Valère Maxime ; {d} ce qui fait croire plus aisément être véritable la réponse que les anciens Gaulois firent à Alexandre le Grand lordqu’il leur demanda quelle était la chose laquelle ils redoutaient davantage : rien, dirent-ils, autre chose, sinon que le Ciel ne tombe dessus nous, ουδεν ει μη αρα ουρανος αυτοις επιπεσοι. {e} Car Alexandre estimait en lui-même que ces ambassadeurs dussent répondre que c’était lui qu’ils redoutaient et craignaient plus que chose au monde. […] Niceph. empereur de Constantinople répondit un trait contraire à cette repartie, lequel étant épouvanté de la grandeur de courage et vaillantise des Gaulois, donna lieu à un proverbe grec qu’il usurpa le premier, Τον Φραγκον φιλον εχης, γειτονα ουκ εχης, Francum amicum habeas, vicinum ne habeas. Ainsi nous l’apprend Éginhard. »


    1. V. note [3], lettre 150.

    2. Renatus Choppinus (1537-1606), jurisconsulte (I.C.).

    3. Paris, Guillaume de Luyne, 1662, in‑fo de 612 pages.

    4. Le sens premier de murcus est « mutilé volontaire » (d’où a dérivé le sens de « couard »). Ce n’est pas Valère Maxime (ier s. de l’ère chrétienne), mais Ammien Marcellin (iiie s.) qui en a affranchi le guerrier gaulois (Histoire de Rome, livre xv, chapitre xii) :

      Ad militandum omnis ætas aptissima et pari pectoris robore senex ad procinctum ducitur et adultus gelu duratis artubus et labore adsiduo multa contempturus et formidanda. Nec eorum aliquando quisquam ut in Italia munus Martium pertimescens pollicem sibi præcidit, quos localiter murcos appellant

      [Il est soldat à tout âge : jeune comme vieux, il court au combat de même ardeur, et il n’est rien que ne puissent braver ces corps endurcis par les gelées et par un constant exercice. Ils sont étrangers à l’épithète murcos qui sert en Italie à appeler ceux qui s’amputent le pouce pour échapper au service militaire].

    5. Ce dicton, nettement plus connu que l’autre, est dans la Géographie de Strabon (ier s. av. J.‑C.), livre vii, chapitre iii, 8e partie, sur une délégation de « Celtes de l’Adriatique » (c’est-àdire de Vénètes) venus conclure un pacte avec Alexandre le Grand (ive s. av. J.‑C.).

4.

« L’extrême brièveté de la vie nous interdit les longues espérances » : Horace, v. note [12], lettre 98.

5.

V. note [7], lettre 112, pour Francesco Barberini, le cardinal Barberin.

Francesco Maidalchini (Viterbe 1621-Nettuno 1700), neveu d’Olimpia Pamphili (v. note [4], lettre 127), belle-sœur du pape Innocent x, avait été nommé cardinal diacre en 1647, puis fut ordonné prêtre en 1689.

6.

Deux livres de Jean Daillé {a} ont paru à Genève en 1669 chez Jean-Antoine et Samuel de Tournes ; mais ils n’étaient pas vraiment nouveaux, ce n’étaient que des secondes éditions revues et corrigées par l’auteur :

7.

V. note [8], lettre 853, pour la rue de la Verrerie (Vénerie dans la lettre imprimée).

8.

Pierre Charron (La Sagesse, Bordeaux, 1601, v. note [9], lettre latine 421), livre iii, chapitre iv‑i, page 543, Des maux et accidents qui nous menacent :

« L’avaricieux se tourmente plus que le pauvre, le jaloux que le cocu. En celui-là est plus requise la prudence, car il agit ; en celui-ci, la patience. Mais qui empêche que l’on ne fait tous les deux par ordre, et que là où la prudence et vigilance ne peut rien, y succède la patience ? »

V. note [7], lettre 974, pour les suites de l’altercation entre le médecin Pierre ii Cressé (v. note [33], lettre 504), fils du chirurgien, Pierre i, et le barbier Séraphin Griselle.

9.

« Notez ».

10.

« Ici comme ailleurs on vend du poivre, {a} et toutes les alouettes ont leur crête. » {b}


  1. Pour dire « on trompe le monde », Horace, v. note [3], lettre 247.

  2. Alauda non est sine crista [Il n’y a pas d’alouette sans crête] est un adage non érasmien dont on lit le commentaire dans l’appendice des Adagia optimorum utriusque linguæ scriptorum omnia… [Tous les adages des meilleurs auteurs en l’une et l’autre langue…] de Paolo Manuzio (Oberursel, 1603, pages 1280‑1281) :

    Proverbio utemur, quoties significabimus aliquem non carere suis vitiis, aut eximiam virtutem, raramque eruditionem fere expositas esse invidiæ.

    [Nous employons ce proverbe chaque fois que nous voulons faire entendre que nul n’est exempt de défauts, ou que l’éclatante vertu et la singulière érudition ne s’étalent en général que par jalousie].


11.

« l’avenir nous le dira » (v. note [1], lettre 232).

12.

« je n’irai pas jusqu’à dire Bataves ».

Les Bataves étaient un ancien peuple de la Germanie inférieure (Pays-Bas). « Aujourd’hui on appelle Bataves ou les [habitants des] Provinces-Unies des Pays-Bas en général, ou en particulier les Hollandais ; mais ce n’est qu’en vers qu’on emploie ce mot dans ces deux sens » (Trévoux). Au début de sa lettre suivante à André Falconet, Guy Patin a rapproché les mots batave et badaud.

13.

« Nous habitons ici au milieu des eaux ; et pourtant, mon cher Douza, qui le croirait possible ? on n’y boit pas une gourtte d’eau » : Iosephi Scaligeri Poemata omnia (Leyde, 1615, v. note [6], lettre 261), Variorum carminum silva [Moisson de poèmes divers], lii, Ad Ianum Dousam V. Nob. de mirandis Bataviæ [Des merveilles de Hollande, au noble Janus Douza] (deux derniers vers, page 43), avec habitatur pour habitamus.

Janus (Jean) Douza (ou Dousa, van der Does en néerlandais ; Noordwijk 1545-ibid. 1604), magistrat, philologue et poète hollandais, surnommé le Varron (v. note [1], lettre 14) de la Hollande, était intime ami de Joseph Scaliger ; il a notamment publié des Bataviæ et Hollandiæ Annales [Annales des Pays-Bas et de Hollande] (1601). Scaliger vouait de même une profonde admiration pour son fils, lui aussi prénommé Janus (vers 1571-1596), précoce et talentueux poète latin ; il a déploré sa mort prématurée dans une lettre à Jacques-Auguste i de Thou (datée du 12 février 1597 ; Ép. fr., cv, page 316) :

« Je n’eusse jamais cru qu’une personne qui ne me touche rien de sang me soit entrée si avant en mon pensement, qu’il n’est heure du jour que je ne me le représente, et ce avec une tristesse si grande qu’elle me possède du tout. »

14.

Muscat : « raisin et vin exquis qu’on met au rang des vins de liqueur, qui sent un peu le musc. Le meilleur muscat vient de Provence et de Languedoc, de Frontignan, de La Ciudad [La Ciotat, Bouches-du-Rhône] » (Furetière). Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes) ne produit plus le vin qui faisait alors son renom.

15.

« voilà assez de sottises, c’est pourquoi je cesse volontiers, pour faire mieux une autre fois, si Dieu veut. »

16.

V. note [6], lettre 960, pour la réception en France de Soliman Aga, émissaire du Grand Turc Mehmed iv. 

Le château d’Issy (aujourd’hui Issy-les-Moulineaux, Hauts-de-Seine, commune limitrophe de Paris, au sud-ouest) était depuis 1660 la propriété de Macé ii Bertrand de La Bazinière (v. note [6], lettre 519).

17.

Pierre de Bonzi ou Bonzy (Piero Bonsi, Florence 1631-Montpellier 1703) était fils du comte Francesco de Bonsi, sénateur de Florence, et de Cristina Riari. En 1648, Pierre était venu en France, rejoindre son oncle Clément Bonzi, évêque de Béziers, qui lui avait fait prendre les ordres. Devenu lui-même évêque de Béziers en 1660, Pierre avait successivement été ambassadeur de France en Toscane (1661), à Venise (1662-1665) et en Pologne (1669, pour peser en faveur de la France sur l’élection du nouveau roi). Louis xiv l’envoyait alors en Espagne et le nommait aumônier de la reine Marie-Thérèse. Il allait devenir archevêque de Toulouse le 8 décembre 1669, cardinal en 1672 et archevêque de Narbonne en 1674 (Gallia Christiana).

18.

Après son abdication en 1668, le roi de Pologne Jean ii Casimir se retira en France où il reçut le bénéfice de plusieurs abbayes. Il mourut le 16 décembre 1672 à Nevers.

Son monument funéraire se voit encore dans l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris. Bizarrement, les précédentes éditions ont ici parlé de Saint-Germain-des-Fossés, ville qui se situe dans l’Allier et qui ne possède pas d’abbaye ; mais un doute subsiste parce que c’est l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et non l’abbaye Saint-Germain-des-Prés qui est proche du Louvre.

Saint Taurin, évangélisateur d’Évreux, en a été le premier évêque au ve s. Richard ier de Normandie, dit Richard Sans-Peur, y a fondé l’abbaye Saint-Taurin à la fin du xe s. Depuis 1642, elle était sous la dépendance de la Congrégation de Saint-Maur (ce qui en faisait une sœur de Saint-Germain-des-Près).

19.

Antoine ii Arnauld {a} travaillait à son ouvrage anonyme intitulé :

Le Renversement de la Morale de Jésus-Christ par les erreurs des calvinistes touchant la justification.


  1. Le Grand Arnauld, v. note [47], lettre 101, dont le nom n’apparaît ni dans les sept approbations archiépiscopales ou épiscopales de ce livre, ni dans son privilège royal.

  2. Paris, Guillaume Desprez, 1672, in‑4o de 1 013 pages, réparties en 10 livres.

Profitant de la toute récente Paix clémentine, {a} les jansénistes marquaient leur désaccord avec les calvinistes sur le point crucial de la justification (Trévoux) :

« En termes de théologie, se dit de cette grâce qui rend l’homme digne de la gloire éternelle. Pour bien entendre la doctrine catholique sur la justification, il faut bien distinguer quatre choses, qui doivent être regardées comme essentielles au salut des adultes, savoir : la vocation, la sanctification, le mérite et la persévérance. C’est ce qui est très-bien développé dans le saint concile de Trente. {b} {…] Les premiers Prétendus Réformateurs ont proposé à tout le monde l’article de la justification comme le principal de tous, et comme le fondement le plus essentiel de leur rupture ; mais ils se sont bientôt séparés entre eux-mêmes, et en s’éloignant tous du droit chemin, ils se sont écartés et éloignés les uns des autres. L’Église a toujours cru ce que le concile de Trente a déclaré expressément que nos péchés nous sont remis gratuitement {c} par la miséricorde divine, à cause de Jésus-Christ, et que nous sommes dits justifiés gratuitement, parce qu’aucune des choses qui précèdent la justification, soit la foi, soit les œuvres, ne peut mériter cette grâce (Bossuet). La justification du pécheur est la rémission, l’abolition de ses péchés, que Dieu lui accorde gratuitement en vertu des mérites de Jésus-Christ, en lui rendant la grâce sanctifiante, qui le fait enfant de Dieu et héritier du royaume des Cieux. » {d}


  1. V. note [1], lettre 945.

  2. 1545-1563, v. note [4], lettre 430.

  3. Mes italiques, car la gratuité de la rémission des péchés, en lien avec le sacrement de la confession (v. notule {c}, note [54] du Borboniana 5 manuscrit), a été revendiquée par Martin Luther en 1530 (Confession d’Augsbourg, v. note [15], lettre 97) pour affranchir les chrétiens des indulgences que monnayait Rome (v. note [7], lettre 31). Sur ce point, les calvinistes ont emboîté le pas des luthériens.

  4. Le livre ix du Renversement… est fort explicitement intitulé : Que la doctrine des calvinistes est très préjudiciable à la piété, en ce qu’elle porte le commun des fidèles à ne craindre ni d’être damnés, ni même de tomber en la disgrace de Dieu, quelque péché qu’ils commenttent contre la première ou seconde table de la Loi.

    En d’autres termes, la prédestination (v. note [50], lettre 101), défendue par les jansénistes et les protestants, n’exempte pas le chrétien de la justification.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 21 novembre 1669

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(Consulté le 24/04/2024)

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