L. 1024.  >
À Johann Caspar I Bauhin,
le 1er octobre 1641

Monsieur, [a][1]

Je vous ai très grande obligation pour la belle lettre que m’avez écrite, et pour toute l’affection que me témoignez par icelle. Je vois bien que plusieurs de mes lettres que je vous envoyais ont été perdues. Dorénavant, je tiendrai la voie que vous m’enseignez, de M. d’Haligre ; [1] et si je la trouve bien certaine, je communiquerai avec vous à l’avenir plus sûrement et plus particulièrement. In Stadio Medico non omnes actus nostri continuentur, sed usque ad gradum licentiarum dumtaxat ; ut ut sit, facile est mittere ad Te quando placuerit. Si nullus sit apud vos typographus, qui ut solebat Genathius, theses Academiæ vestræ colligat, verendum est ne tandem optima illa per neglectum male pereant. Platero vestro plurimum me debere fateor, quod ante aliquot annos theses Medicas in Academia vestra disputatas liberalissime ad me miserit : magnoque emptum vellem quidquid ab aliquot annis editum fuit, aut in postremum edetur ; [2][2][3][4] et je vous prie de m’écrire si cela se pourrait faire car pourvu que nous ayons quelqu’un qui les puisse ramasser à Bâle et en faire un petit paquet, je trouverai bien moyen de le faire venir ici par la voie de Lyon ; car j’ai à Lyon un marchand fameux et célèbre, nommé M. Le Lorrain, [5] auquel vous n’avez qu’à adresser tout ce que vous voudrez me faire tenir ; il rendra à Lyon tout l’argent qu’il faudra et m’enverra ici le paquet sain et sauf. Je vous prie de vous souvenir de cette adresse, elle est très sûre et très certaine. M. Riolan est toujours malade de la pierre, et est prêt de se faire tailler encore un coup. [6][7] N’était ce mal, il fût retourné en Angleterre, y trouver la reine mère ; laquelle depuis un mois a passé par la Hollande et est allée à Cologne. [3][8] Audio Riolanum, ubi ei licebit per valetudinem, meditari novam editionem suæ Anthropographiæ, in qua, peculiari quodam tractatu, selecti quidam recentium Anatomicorum errores detegentur et refutabuntur : quo consilio istum laborem susceperit, hercle nescio, nisi forte mordendi et contradicendi gratiâ. [9] Tertiam editionem Theatri Anatomici clariss. Parentis Casp. Bauhini, cujus manibus bene precor, numquam vidi : habeo dumtaxat secundam editam anno 1621. [10] Si ita fieri possit, ad me mittas velim cum aliis quorum nomina tibi exhibebit Indiculus appositus. Nihil hic habemus novi præter bellum, et bellicos apparatus. Opera omnia Sennerti hic excusa sunt trib. tomis in‑fo, sed more Parisiensi, pessimâ chartâ, et infinitis erroribus. [11] Dominus Miron,[12] plusquam septuaginarius, hic nuper obiit : fuit quondam legatus regis Christianissimi ad Helvetios. Collegas meos Cornutium et Guenaldum salutabo tuo nomine[4][13][14] Je vous baise très humblement les mains, et suis pour toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 1er d’octobre 1641.

Historia Iesuitica Lucii. [5][15]
Vita Ioan. Vincentii Pinelli, auct. Paulo Gualdo, Augustæ Vindelicorum. [6][16][17]
Quidquid editum est Casp. Scioppii, in urbe vestra, ab annis decem, præter Mercurium quadrilinguem, quem habeo. [7][18]
Tertia editio Theatri Anatomici clariss. Parentis. Ejusdem Pinax Theatri Botanici, 1623, et Phytopinax, 1596. [8]
Bruno Seidelius de morbis incurabilibus. [9][19]
Ioannis Caselii Opuscula. [10][20]
Matthiæ de Lobel Historia sive Observationes stirpium : habeo Adversaria
[11][21]


a.

Universitätsbibliothek Basel, cote Frey-Gryn Mscr II 18.:Nr.66 (v. note [a], lettre 1020) : autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite « À Monsieur/ Monsieur [Johann Caspar i] Bauhin,/ Docteur en médecine, et/ Professeur/ À Bâle » ; avec cette annotation de Johann Caspar i Bauhin dans le coin supérieur droit de la feuille : « 1641 oct […]/ M. Patin./ Resp. 21. octobris » [1641 octobre (…), M. Patin, ai répondu le 21 octobre (julien ou « ancien style »)/ 31 octobre (grégorien ou « nouveau style »)], première ligne partiellement masquée par un collage.

1.

Personnage non identifié qui servait d’intermédiaire pour les échanges de courrier entre Johann Caspar i Bauhin et Guy Patin.

2.

« Dans le cours de nos études médicales, les actes ne se succèdent pas sans interruption, mais seulement jusqu’au grade de licencié ; {a} quoi qu’il en soit, il m’est facile de vous envoyer < nos statuts > quand il vous plaira. Si aucun de vos imprimeurs ne recueille plus les thèses de votre Université, comme Genath avait coutume de faire, il est malheureusement à craindre que, par négligence, les meilleures d’entre elles ne se perdent. J’avoue être fort redevable à votre < collègue > Platter, pour m’avoir très généreusement envoyé, il y a quelques années, les thèses de médecine qu’on a disputées dans votre Faculté ; et je voudrais fort qu’on m’achetât toutes celles qu’on a publiées depuis lors, ou qui le seront dorénavant. » {b}


  1. V. note [4], lettre 1, pour le grade de licencié de médecine, qui seul conférait le droit d’exercer, et s’obtenait à Paris après la soutenance des deux thèses quodlibétaires et d’une cardinale, durant les deux années suivant l’admission à l’examen du baccalauréat. Elles étaient les seuls actes imprimés de tout le cursus médical parisien.

  2. Johann Caspar i Bauhin rechignait sans doute à se donner la peine de recueillir les thèses bâloises que Guy Patin désirait avidement. En l’absence de journaux médicaux, les disputations académiques imprimées étaient le seul véhicule de l’actualité immédiate des idées. Toutefois, elles étaient soumises au contrôle professoral, et leur contenu était souvent rabâché et rarement innovant ; les progrès scientifiques qui ont fait date sont tous parus dans des livres.

3.

V. notes [10], lettre 62, pour cette seconde taille vésicale que subissait Jean ii Riolan ; et [12], lettre 61, et [14], lettre 65, pour les dernières pérégrinations de la reine mère, Marie de Médicis.

4.

« J’apprends que, quand sa santé le lui permettra, Riolan songe à une nouvelle édition de son Anthropographia où, en un traité particulier, il dévoilera et réfutera certaines erreurs choisies des anatomistes modernes. {a} Grand Dieu ! j’ignore dans quel dessein il aura entrepris cela, sinon pour le plaisir de mordre et de contredire. Je n’ai jamais vu la troisième édition du Theatrum anatomicum du très distingué Caspar Bauhin, votre père dont j’honore bien le souvenir ; je n’ai que la deuxième, publiée en 1621. {b} Si ça vous était possible, je voudrais que vous me l’envoyiez avec les autres ouvrages dont la petite liste jointe vous procurera les titres. {c} Nous n’avons ici rien de neuf, hormis la guerre et les préparatifs militaires. On a ici imprimé les œuvres complètes de Sennert en trois tomes in‑fo ; {d} mais à la façon de Paris, sur papier de très mauvaise qualité et avec une infinité de fautes. M. Miron est récemment mort ici, plus que septuagénaire ; {e} il a jadis été ambassadeur du roi très-chrétien en Suisse. Je saluerai de votre part mes collègues Cornuti et Guénault. » {f}


  1. Toute première allusion au projet des Opera anatomica vetera de Jean ii Riolan qui ne parurent qu’en 1649, contenant une nouvelle édition de l’Anthopographia, son Liber de Circulatione sanguinis et sa première série d’Opuscula anatomica nova contre les découvertes de divers anatomistes modernes, dont Caspar Bauhin (v. note [25], lettre 146).

  2. Theatrum anatomicum Caspari Bauhini Basilen. Archiatri Infinitis locis auctum, ad morbos accomodatum et ab erroribus ab Authore repurgatum, observationibus et figuris aliquot novis æneis illustratum.

    [Amphithéâtre anatomique de Caspar Bauhin, archiatre de Bâle, que l’auteur a augmenté de nombreux passages, adapté à l’étude des maladies et purgé de ses erreurs, embelli d’observations et de quelques gravures nouvelles]. {i}

    1. Francfort, Johan. Theodorus de Bry, 1621, in‑4o de 664 pages. La première édition ibid. Matthias Becker, 1605, in‑8o de 1 314 pages) a l’insigne avantage d’être illustrée. Il n’y a pas eu de troisième édition. On a reproché à Bauhin d’avoir beaucoup tromp emprunté à Vésale.
  3. V. le post-scriptum de la lettre.

  4. V. note [12], lettre 44, pour cet ouvrage dont Guy Patin avait assuré l’édition (avec une retentissante épître dédicatoire).

  5. Robert i Miron, v. note [20], lettre 180.

  6. La querelle de l’antimoine n’avait pas encore brouillé Guy Patin avec ses collègues Jacques-Philippe Cornuti (v. note [5], lettre 81) et François Guénault (v. note [21], lettre 80).


5.

Comme il l’avait annoncé plus haut dans sa lettre, ici commence la liste des livres désirés par Guy Patin. V. note [8], lettre 46, pour l’« Histoire jésuitique » de Lucius (Ludwig Luz, Bâle, 1627).

6.

V. note [38] du Naudæana 1, pour la « Vie de Giovanni Vincenzo Pinelli » (Augsbourg, 1607) par Paolo Gualdo, secrétaire de Pinelli.

7.

« Tout ce qu’on a publié en votre ville depuis dix ans de Caspar Scioppius, {a} hormis le Mercurius quadrilinguis {b} que j’ai déjà. »


  1. Caspar Schoppe, v. note [14], lettre 79.

  2. Gasparis Scioppii, Comitis a Claravalle, Mercurius quadrilinguis. Id est : Linguarum, Hebræ, Græcæ, Latinæ, et Italicæ, nova compendiaria discendi ratio. Ad Ferdinandum ii. Magnum Hetruriæ Ducem.

    [Le Mercure quadrilingue de Gaspar Scioppius, comte de Claravalle, qui est une nouvelle manière accélérée d’apprendre les langues hébraïque, grecque, latine et italienne. Dédié à Ferdinand ii, {i} grand-duc de Toscane]. {ii}

    1. V. note [9], lettre 367.

    2. Bâle, Librairie Sangeorgiana, 1637, in‑8o en deux parties de 271 et 28 pages.

8.

« La troisième édition du Theatrum anatomicum de votre très distingué père [v. supra notule {b}, note [4]], son Pinax du Theatrum botanicum, 1623 [v. note [17], lettre 544], son Phytopinax, 1596 [v. note [35], lettre 318]. »

9.

V. note [7] de la lettre de Claude ii Belin, datée du 31 janvier 1657, pour Bruno Seidel « sur les maladies incurables » (Francfort, 1593).

10.

Johannes Caselius (Johann Kessel ; Göttingen 1533-Helmstedt 1613), juriste et philologue allemand, professeur à Helmstedt, n’a pas publié d’ouvrage intitulé Opuscula, mais plusieurs écrits réunis en deux volumes :

11.

« L’Histoire ou Observations des plantes de Matthias de Lobel ; j’ai déjà son Répertoire » : v. note [3], lettre 42, pour Lobel et ses deux ouvrages, respectivement publiés en 1576 et 1571.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar I Bauhin, le 1er octobre 1641

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(Consulté le 25/04/2024)

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