L. 1025.  >
À Johann Caspar I Bauhin,
le 17 novembre 1641

Monsieur, [a][1]

Il y a environ un mois que je vous écrivis par la voie de M. d’Haligre, qui m’a fait l’honneur de m’envoyer encore votre dernière, laquelle est datée prid. Kal. Nov. [1] Je crois que maintenant vous avez reçu la mienne ; mais néanmoins, pour vous assurer que je suis tout à votre service, je vous écris derechef. Il n’y a depuis ma dernière ici d’autres nouvelles, sinon le retour du roi de la frontière de Flandres. [2] Le sieur de Saint-Preuil, à qui le roi avait donné l’an passé le gouvernement d’Arras, a eu la tête tranchée dans Amiens, le samedi 8e de novembre, pour plusieurs crimes. [2][3] Le cardinal-infant est mort en Flandres, die quinto recidivæ[3][4] Notre anatomiste Riolan se fit tailler il y a un mois, ou un peu moins. On lui tira deux pierres, on m’a dit qu’il commence à guérir. [5][6] Il prétendait, étant guéri, s’en aller à Cologne trouver la reine mère, cui fecit Medicinam per septem annos, tam in Belgio quam in Anglia ; [4][7] mais je pense qu’il en est revenu, à cause que le roi a fait sortir de la Bastille l’ancien médecin de la reine mère, M. Vautier, [8][9] qui y était prisonnier depuis onze ans ; lequel s’en va trouver sa maîtresse à Cologne par ordre du roi. C’est peut-être aussi pour traiter plus confidemment avec elle de son retour en France. [5] Les Espagnols sont toujours devant Aire ; il y a grande apparence qu’enfin ils l’auront, par leur obstination, si Dieu ne nous assiste extraordinairement et s’il ne fait quelque espèce de miracle pour nous ; mais je pense qu’il n’en fera rien, nous n’en valons pas la peine. [6][10] Le roi d’Angleterre a fait un voyage en Écosse, où il a été fort mal traité de ses peuples, et presque rendu prisonnier. [7][11] Je voudrais bien savoir quand est mort Sennertus, et avoir quædam parentalia [8][12] sur sa mort, qu’on a faits en Allemagne. Scire quoque velim quid agat Caspar Hofmannus : [9][13] on dit qu’il y a un livre nouveau de lui, intitulé Animadversiones in libros de morbis Comitis Montani ; utinam possem habere ; pauca mihi præstare videtur ille vir cum sit doctissimus ; si quid emiserit in lucem, mone quæso, imo si habeas ad manum, mitte [10][14] à Lyon, chez M. < Le > Lorrain, [15] pour faire tenir à M. < Le > Lorrain, son fils, à Paris, qui me le délivrera. Habeo paratum Stadium Medicum Vict. Pallu, et quodcumque placuerit e Gallia, mittam cum voles. Nihil hic habemus novi de re literaria, præter Hugonis Grotii Annotationes in Evangelia, et Ger. Ioan. Vossium de Idolatria[11][16][17][18] Faites-moi l’honneur de me conserver toujours en vos bonnes grâces, et croyez que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 17 novembre 1641.

Nisi tibi grave sit, saluta si placet, meo nomine, D. Platerum collegam tuum, cui jampridem sum devinctissimus[12][19]


a.

Universitätsbibliothek Basel, cote Handschriften. SIGN.: G2 I 11:Bl. 34 (v. note [a], lettre 1020) : copie non autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite « À Monsieur/ Monsieur [Johann Caspar i] Bauhin,/ Docteur en Médecine,/ et Professeur/ À Bâle », sans annotation du destinataire sur la date de réception ou de réponse.

1.

Cette date latine, pridie Calendas Novembris [veille des calendes de novermbre], correspond au 31 octobre (calendrier julien) ou au 10 novembre (calendrier grégorien, v. note [12], lettre 440). V. note [1], lettre 1024, pour M. d’Haligre (d’Aligre ?) que je n’ai pas su identifier.

2.

V. note [10], lettre 61, pour l’exécution de François Jussac d’Embeville de Saint-Preuil.

3.

Mort de Ferdinand d’Autriche (v. note [13], lettre 23) à Bruxelles, le 9 novembre 1641, « au cinquième jour d’une rechute [fébrile] ».

4.

« dont il a été le médecin pendant sept ans, tant en Flandre qu’en Angleterre ». V. note [10], lettre 62, pour la seconde taille vésicale que Jean ii Riolan avait subie.

5.

V. note [12], lettre 61, pour la libération de François Vautier, ci-devant premier médecin de Marie de Médicis, emprisonné à la Basille depuis 1630.

6.

V. note [11], lettre 59, pour le siège d’Aire par les troupes espagnoles du cardinal-infant et la capitulation de la garnison française, le 7 décembre 1641.

7.

Charles ier, roi d’Angleterre, s’était rendu à Édimbourg en août 1641 pour ratifier le traité qui concluait la seconde guerre des Évêques (Bishops’ war, v. note [11], lettre 45).

8.

« certaines parentales » : les parentales (féminin pluriel, du latin parentalia, neutre pluriel) sont les devoirs funèbres que les Romains rendaient aux parents décédés.

9.

« Je voudrais aussi savoir ce que fait Caspar Hofmann ».

10.

« “ Observations sur les livres des maladies du comte da Monte ” ; {a} Dieu fasse que je le puisse avoir. Bien qu’il soit fort savant, cet homme {b} me semble produire peu de livres. S’il a publié quelque chose, avertissez-m’en, je vous prie, et envoyez-le-moi si vous l’avez sous la main ».


  1. V. notes [4], lettre 359, pour Montanus, Giovanni Battista Monti, comte da Monte, et [12], notule {c}, lettre 81, pour les Animadversiones de Caspar Hofmann (Amsterdam, 1641) sur son livre « des maladies ».

  2. Hofmann.

11.

« J’ai à votre disposition le Stadium medicum de Victor Pallu {a} et vous enverrai quand vous voudrez tout ce qu’il vous plaira venant de France. Nous n’avons ici rien de nouveau en librairie, hormis les Annotations de Hugo Grotius sur les Évangiles {b} et le livre de Gerardus Johannes Vossius sur l’Idolatrie. » {c}


  1. Paris, 1630, v. note [15], lettre 234.

  2. Amsterdam, 1641, v. note [2], lettre 53.

  3. Ibid. 1641, v. note [29], lettre 206.

12.

« Si ça ne vous dérange pas, saluez, s’il vous plaît, de ma part votre collègue M. Plater, à qui je suis depuis longtemps entièrement soumis. » V. note [12], lettre 363, pour Félix ii Plater.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar I Bauhin, le 17 novembre 1641

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(Consulté le 19/04/2024)

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