L. 1029.  >
À Johann Caspar I Bauhin,
le 24 octobre 1664

Monsieur, [a][1]

Je vous ai bien de l’obligation de votre souvenir, je suis ravi de votre lettre que je viens de recevoir par deux jeunes hommes de Bâle, que M. Christophe Glaser m’a amenés, et les servirai très volontiers en tout ce que je pourrai. [1][2] Nos Écoles s’ouvriront après la Saint-Martin, après que nous aurons fait un nouveau doyen, qui est vindex et custos disciplinæ nostræ[2][3] Je recommencerai mes leçons publiques au Collège royal, Dieu aidant, ineunte Martio[3][4] Je me porte, Dieu merci, fort bien, âgé de 62 ans et tantôt deux mois ; nec metuo climactericum, sed timeo fatalem, qui tandem veniet ; [4][5] je n’ai, Dieu merci, nulle incommodité de mon âge, ni goutte, ni gravelle, nec est quod incusem delicta juventutis, quæ pauca fuerunt[5][6] Dieu soit loué de tout. Je vous baise très humblement les mains, et à monsieur votre fils, Hier. Bauhin, [7] et à tout ce qui vous appartient, quod est mihi carissimum[6] Nihil hic habemus novi in re literaria, neque in politicis : [7] M. Fouquet est toujours prisonnier. [8] Vive, vale, Vir Cl. et me ama. Parisiis die 24. Oct. 1664.

Tuus ex animo, Guido Patin[8]


a.

Universitätsbibliothek Basel, cote Handschriften. SIGN.: G2 I 9:Bl. 90 (v. note [a], lettre 1020) : autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite « À Monsieur/ Monsieur Bauhin le père [Johann Caspar i, pour le distinguer de son fils Hieronymus],/ Docteur et Professeur/ en Médecine,/ À Bâle » ; annotation au coin inférieur gauche de la feuille, « Romanus Teller Lipsiensis./ Salutem dixit. 14. 9br 1664 » [Romanus Teller de Leipzig (porteur de la lettre, sans doute un des « deux jeunes hommes de Bâle » dont Patin parle au début de sa lettre) m’a salué (de la part de M. Patin) le 14 novembre (julien, « ancien style »/ 24 novembre grégorien, « nouveau style »)].

1.

L’apothicaire suisse Christophe Glaser (Bâle 1615-vers 1678), frère de Johann Heinrich, médecin à Bâle (v. note [40], lettre 925), faisait carrière à Paris, où il avait obtenu en 1660 la chaire de chimie du Jardin des plantes :

Traité de la Chimie, enseignant par une brève et facile méthode toutes ses plus nécessaires préparations par Christophle Glaser Apothicaire ordianire du Roi. {a}


  1. Paris, chez l’auteur, au faubourg Saint-Germain près le petit marché, 1663, in‑8o de 378 pages, pour la première d’une quarantaine d’éditions, avec traductions en anglais et en allemand.

Mme de Sévigné a parlé de Glaser dans sa lettre du 22 juillet 1676 à Mme de Grignan (tome ii, page 346), à propos des aveux de Mme de Brinvilliers, la marquise aux poisons (v. note [5], lettre 877), décapitée le 16 du même mois :

« Admirez le malheur : cette créature a refusé d’apprendre ce qu’on voulait, et a dit ce qu’on ne demandait pas. Par exemple, elle a dit que M. Fouquet avait envoyé Glaser, leur apothicaire empoisonneur, en Italie, pour avoir d’une herbe qui fait du poison ; elle a entendu dire cette belle chose à Sainte-Croix. {a} Voyez quel excès d’accablement et quel prétexte pour achever ce misérable. Tout cela est bien suspect. »


  1. On suspecta Glaser d’avoir été le fournisseur de la Brinvilliers et de Sainte-Croix, son complice (mort dans son lit en juillet 1672), car, dans une lettre trouvée en leur cassette, ils avaient appelé leur poison « la recette de Glaser ». L’apothicaire fut incarcéré quelque temps à la Bastille avant d’être innocenté ; il préféra ensuite quitter le royaume.

2.

« qui est le défenseur et le gardien de notre discipline. » François Le Vignon (v. note [33], lettre 335) allait être élu doyen de la Faculté de médecine de Paris en novembre 1664.

3.

« au début de mars. »

4.

« je n’ai pas peur de l’année climatérique, mais je redoute l’année fatale, qui viendra enfin ».

Guy Patin avait eu 63 ans le 31 août 1664 et avait donc passé sans grave souci de santé le cap de la « grande climatérique », réputée être la 63e année de la vie humaine (v. note [27], lettre 146).

5.

« et il n’y a pas de quoi mettre en cause mes erreurs de jeunesse, car elles furent peu nombreuses. »

6.

« qui m’est très cher. »

7.

« Nous n’avons ici rien de nouveau en librairie, comme en politique ».

8.

« Vive et vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi. De Paris, le 24e d’octobre 1664. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar I Bauhin, le 24 octobre 1664

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(Consulté le 20/04/2024)

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