L. latine 5.  >
À Johann Caspar I Bauhin,
le 4 mai 1641

[Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl., page 20 ro | LAT | IMG]

Très distingué et très aimable Monsieur, [a][1]

Cela faisait douze mois que je n’avais eu lettre de vous et bien avant cela, je n’en avais vu aucune autre, hormis celle que M. Paulus Moth m’avait remise. [1][2] Comme j’ai appris de celle-là et de votre dernière, je me réjouis que vous ayez reçu ce fameux (les dieux me pardonnent ce mot) Codex medicamentarius, dont notre État se serait aisément privé, hormis [2] ceux qui, pour se concilier les empiriques et les charlatans, y avancent que le vin émétique est un remède recommandable et de bon aloi. [3][3][4][5][6] La rareté de vos lettres vous fait connaître que nombre d’entre elles ne me sont pas parvenues, que ce soit par manquement des messagers ou pour toute autre raison que j’ignore. [4] Il en a résulté que je vous ai très rarement écrit, ne disposant pas de porteur suffisamment fiable à qui remettre mes lettres en toute confiance et sûreté. Tandis que je me trouvais dans ce doute, voilà que s’est présenté, à point nommé, notre ami M. Lavater, [5][7] sur le point de regagner sa patrie ; il m’a solennellement promis qu’il vous rendrait visite et vous remettrait la présente. Je vous dirai donc, mon cher Bauhin, que je suis en vie et me porte bien, sain et sauf, bien qu’ici chez nous, calamités et misères débordent partout, pour le plus grand malheur de notre France, en raison de cette guerre absolument atroce qui se prolonge de manière fort cruelle. Bien peu de gens savent comment et quand elle finira, et même personne ; mais Deus ipse viderit[8] Je fus jadis horrifié de voir comment la décision de deux ou trois fripons peut ébranler le monde tout entier ; mais qu’en dirait aujourd’hui un homme parfaitement sensé, s’il en reste encore un ? Je pense que, terrassé par la nouveauté, ou plutôt par la vanité des choses, il s’exclamerait en s’affligeant,

O stultas hominum mentes, ô pectora cæca ! etc. [6][9]

Sed Cynthius aurem vellit et admonet ut manum de tabula, pour que cette Camarine n’aille pas me souiller et m’infecter. [7][10][11] On apprête ici tout pour assiéger une nouvelle ville de Flandre, peut-être Saint-Omer, ou Cambrai ; mais nul ne sait encore laquelle ce sera. Notre roi et l’éminentissime cardinal, principal ministre et même chef des chefs, vont bientôt partir rejoindre l’armée, dont les généraux assemblent toutes les troupes au-dessus d’Amiens et les réunissent pour un siège qui aura certainement lieu dans les vingt jours. [8][12][13][14][15] Ô que la paix est pourtant désirable ! car la guerre occasionne d’immenses ravages, surtout pour nous qui aimons une vie tranquille et qui recherchons le loisir très libéral des muses.

[Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl., page 20 vo | LAT | IMG] Nous avons ici fort peu de choses dignes que je vous en écrive. L’Ennosigæus romain [9][16] se souvient de nous. Pour l’ardent amour qu’il porte à notre salut et per viscera suæ misericordiæ[10][17] il nous envoie continuellement quelque émanation de ses parfums : tantôt des légats empourprés, qui magno conatu magnas nugas agunt ; [11][18] tantôt des indulgences, qui lui coûtent peu ; [19] tantôt des chapelets avec promesse de la rémission de nos péchés. Et voilà maintenant qu’il ordonne de promulguer un jubilé [20] pour le réconfort de nos âmes, afin que le défaut de consolation ou de nourriture spirituelle ne les affaiblisse ou ne les étiole point, tandis que menace le péril d’un triple fléau, savoir la guerre, la faim et la peste, [21] qui ont pour habitude de mettre nos corps à la torture ; comme si, en vérité, de si légers aliments, qui donnent la nausée à quantité de gens, pouvaient subvenir à notre existence, nous rétablir en bonne santé, ou améliorer l’état déplorable de nos affaires qui, jour après jour, vont de mal en pis, par le soin et le ministère de ceux qui en ont la garde. Voilà ce que je sais de nos affaires, περι του πολιτευματος επεχω, και ουδεν οριζω. [12][22]

Mais que vous dirai-je de nos affaires littéraires ? Les œuvres complètes de Daniel Sennert ont ici été ramassées en trois parties ; mais à la pire mode de nos libraires qui sont de purs vauriens et d’exécrables grippe-sous. [23] Tout l’ouvrage est imprimé sur un papier de très mauvaise qualité, et presque maculé ; à cela s’ajoute un nombre quasi infini de fautes typographiques, à la vraie mode parisienne ; si bien que je ne ferai aucun cas de ce livre. [13][24] Je conserverai soigneusement le Sennert que j’ai venant de votre Allemagne ; à tous égards et même pour toutes les raisons qu’on voudra, je le préfère à cet avorton parisien. [14] Le Stadium Medicum de Victor Pallu est un ouvrage enfantin, il est de peu de fruit, pour ne pas dire nul : [15][25] tandis qu’il n’était encore que licencié, à peine sorti de nos bancs, avant d’avoir été reçu docteur, laureolam quærens in mustaceo[16][26][27] il a recueilli, en en tirant plus d’ostentation et de fanfaronnade que de profit pour quiconque, quelques thèses de médecine sur lesquelles il avait lui-même disputé dans nos Écoles pendant ses deux années de bachelier. [28] Si vous avez à cœur de voir ce livre, indiquez-moi un porteur de confiance, car je pense pouvoir vous l’envoyer sans difficulté. On fait aussi ici suer les presses pour imprimer de nombreux livres, mais ils ne traitent pas de doctrine raffinée : pour l’agrément des dames de la cour, on publie quantité de comédies, tant en prose qu’en vers ; et aussi de nombreux ouvrages de théologie, du genre de ceux qui flattent la bourse et la besace [Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl., page 21 ro | LAT | IMG] des moines, [29] et qui font naître la superstition dans les esprits des mortels plutôt qu’ils n’y augmentent la pure dévotion ; ils divulguent fort peu de bon fruit. Les ignaciens, à leur habitude, ne cessent pas d’écrire des centons loyolitiques, mais ce sont de purs centons, qui attrapent et leurrent la plupart des gens. [30] Il paraît qu’on a institué cette Compagnie pour instruire le monde, et elle s’en targue ouvertement ; mais elle a obtenu tout le contraire, car ses copieux commentaires réunis en grand nombre ne procurent rien d’autre que de l’ignorance et plongent dans les ténèbres les lecteurs qui s’arrêtent à ses sornettes. On a publié ici, il y a quelques années, les deux tomes des Consiliorum medicinalium de Guillaume Baillou, jadis notre collègue ; leur lecture ne laisse rien à regretter. L’an passé, on a édité ses Observationes et historiæ epidemicæ, avec trois autres opuscules du meilleur fruit ; [17][31] si vous les désirez, passez-m’en commande et vous les aurez quand vous m’aurez indiqué un porteur convenable. Depuis 1633, Jean Riolan, l’[auteur] de l’Anthropographia[18][32] avait été médecin de la reine mère  en Flandres, à Bruxelles et à Anvers ; [33] il l’avait suivie en Angleterre, [mais] il y a huit mois, atteint d’une maladie longue et opiniâtre, il a fini par quitter Londres et revenir ici. Dans les derniers jours d’octobre dernier, on lui a ouvert la vessie et retiré un calcul ; il s’en est [enfin] remis après bien des souffrances. J’apprends que les mêmes symptômes se remettent à [le] tourmenter et il se demande s’il n’a pas un autre calcul [bloqué] dans la vessie ; il refuse pourtant [obstinément] de se soumettre à une seconde cystotomie, il affirme préférer cent fois mourir que subir à nouveau la cruauté d’un remède aussi inhumain. [19][34][35] J’entends (mais sans l’avoir vu, et [je ne] veux avoir aucun commerce avec un homme d’aussi pénible caractère) [20][36] qu’il se consacre [maintenant] entièrement à écrire un opuscule sur la circulation du sang et [à] examiner le jugement d’Harvey, médecin anglais dont l’[hypothèse] concerne ce sujet. [37][38] Il a dit aussi à un de mes [très bons amis], qui lui a rendu visite, qu’il a trois livres prêts à la publication : 1. son Anthropographia augmentée d’une quatrième partie, qu’il [veut] qu’on imprime in‑fo ; 2. les œuvres de son père, révisées, augmentées et [enrichies] de nombreux traités inédits ; 3. et un autre livre où, dit-il, seront exposées les erreurs qu’on trouve en nombre infini dans les ouvrages [d’anatomie], en particulier ceux d’André Du Laurens, de Caspar Bauhin  et d’autres auteurs. [21][39][40][41][42] J’ignore pourtant si tout cela pourra avoir paru avant sa mort. Avant de finir, je voudrais savoir de vous deux choses : après sa 7e décade de thèses [médicales], votre Genathius en rassemblera-t-il une 8e et une 9e ? [22][43][44] et de quelle manière l’Historia Iesuitica in‑4o, augmentée par Lucius, [pourrait-elle] m’être délivrée depuis votre ville de Bâle ? [23][45] Si vous avez trouvé un moyen convenable de le faire, je vous [prie], [Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl., page 21 vo | LAT | IMG] mon cher Bauhin, soit de m’en aviser, soit de m’envoyer directement ce livre ; j’en réglerai le prix et celui du transport à qui vous l’aurez remis et même, par la même voie, je vous enverrai tout ce que vous voudrez obtenir venant de Paris. Ces jésuites sont assurément des hommes prodigieux : les pires des fripons et de vieux renards fort rusés qui mettent tout sens dessus dessous, prece atque pretio[24][46] pour avantager leurs propres intérêts. Par leurs fourberies, ils remuent et machinent tant de choses en Europe qu’un monceau de volumes suffirait à peine à décrire leurs duperies ; et je ne pense pas que toute cette Société infernale soit autre chose qu’une boutique ignoble et corrompue où cuditur quidquid fraudum et scelerum per totum orbem spargitur (ce qu’a jadis écrit Pétrarque à propos de Rome). [25][47][48] Mais je sens que je vous ennuie, mon cher Bauhin, et par ma lettre trop bavarde, et par mes sottes et extravagantes balivernes ; vous pardonnerez donc à un vieil ami qui prend trop ses aises avec vous et me rendrez toujours l’affection que je vous porte. Saluez de ma part, si cela ne vous dérange pas, votre collègue M. Platter, [49] à qui je dois beaucoup, et ajoutez mon nom à la liste de ceux qui vous honoreront éternellement.

Vale, très distingué Bauhin.

Votre très dévoué et très obéissant en toutes choses, Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris.

De Paris, le 4e de mai 1641.


a.

Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl. fos 20 ro‑21 vo, autographe d’une lettre de Guy Patin, avec à la fin (au bas du fo 21 vo) :

La cote G2 I 11:Bl. 32-33 est une transcription manuscrite et parfaitement fidèle de la même lettre.

1.

Paulus (Poul) Moth, natif de Flensbourg (Schleswig-Holstein), avait été reçu docteur en médecine à Bâle en 1637, sous la tutelle de Johann Caspar i Bauhin. Après avoir exercé dans sa ville natale, il s’était installé à Lübeck (Schleswig-Holstein), puis à Odense (Danemark) où il demeura jusqu’en 1651 ; alors nommé médecin du roi Frédéric iii (v. note [34], lettre 219), il pratiqua à Copenhague jusqu’à sa mort en mai 1670. Il n’a guère publié d’ouvrage remarquable (Éloy).

Moth avait séjourné en France en 1639. La Bibliothèque universitaire de Bâle conserve et met en ligne (G2 I 9:Bl.18, référence que Marie-France Claerebout m’a fort aimablement signalée) une des lettres qu’il a écrite à Bauhin, datée de Paris le 2 août 1639, commençant par ces lignes :

Redditæ sunt mihi tuæ literæ, vir Eexcellentissime, Fautor et Præceptor summa animi observantia perpetim colende, Idque a viro experientissimo Domino Doctore Patino Medico Parisiensi celeberrimo, testes fidelissimi singularis tuæ benevolentiæ qua me immeritum in hunc usque diem prosequeris. Gratias ago tuæ excellentiæ quantas possum maximas pro tanto favore, et inprimis quod per easdem me meaque studia clarissimo Patino de meliori commendare nota volueris. Optarem ut hujus vir familiaritate ac conversatione mihi uti licuisset a primo urbis Parisiensis ingressu, et non dubitassem quin id ipsum propter summam viri candorem et in communicando facilitatem meis studiis plurimum non potuisset.

[Très distingué Monsieur, vous qui êtes mon bienfaiteur et précepteur que je vénérerai perpétuellement avec le plus grand respect, le très habile M. Patin, fort célèbre docteur en médecine de Paris, m’a remis votre lettre. Elle témoigne très fidèlement de la singulière bienveillance dont vous m’avez accompagné jusqu’à ce jour, sans que je la mérite. Avec toute la force dont je suis capable, je vous remercie pour la si grande faveur que vous m’accordez si noblement ; et, en tout premier, pour me recommander de la meilleure façon, ainsi que mon zèle pour les études, au très brillant Patin. Dès mon arrivée à Paris, je souhaiterais tant pouvoir jouir de l’amitié et de la conversation de cet homme, sans douter que cela puisse beaucoup m’aider à progresser, étant donné sa bienveillance et son aisance à partager ce qu’il sait].

Notre édition ne contient aucune des lettres que Bauhin a écrites à Patin, qui se plaignait volontiers de leur rareté (v. infra note [4]). On comprend ici que Patin venait d’en recevoir une (à laquelle il s’empressait de répondre) et que la précédente avait été celle de l’été 1639, où le professeur bâlois lui recommandait son élève Moth.

2.

Pour mettre sa phrase en cohérence avec les idées ordinaires de Guy Patin contre l’antimoine, j’ai traduit aut saltem [ou du moins] par son contraire, hormis.

3.

Dans sa lettre du 9 septembre 1638, Guy Patin avait annoncé à Johann Caspar i Bauhin la parution de l’antidotaire de Paris (Codex medicamentarius, v. sa note [11]) et son prochain envoi.

4.

La raison la plus probable était tout simplement que Johann Caspar i Bauhin n’avait pas la plume aussi facile que Guy Patin.

5.

Johann Heinrich Lavater (1611-1691), médecin de Zurich, gradué à Bâle en 1647, devint plus tard professeur de physique (histoire naturelle) à Zurich.

6.

O miseras hominum mentes, o pectora cæca ! [Ô misérables esprits des hommes, ô cœurs aveugles !] (Lucrèce, La Nature des choses, livre ii, vers 14), avec remplacement de miseras par stultas [sots].

V. note [9], lettre 66, pour Deus ipse viderit, qui précède : « Dieu seul sait ce qu’il en adviendra » (Cicéron).

7.

« Mais voilà Cynthius {a} qui me tire l’oreille et me somme de lâcher ma tablette ». {b}


  1. Cynthius : surnom d’Apollon honoré sur le mont Cynthus, à Délos.

  2. C’est-à-dire « lever la plume » (et vous causer d’autre chose).

    Ce passage latin emprunte successivement à Virgile (v. notule {a}, note [11], lettre 254) et à Cicéron (v. note [10], lettre 93).


V. note [8], lettre 407, pour la Camarine, marais puant de Sicile, dont il était téméraire de remuer les eaux.

8.

V. note [8], lettre 55, pour le siège de Saint-Omer, place qui capitula le 27 juillet 1641.

9.

Guy Patin entamait sa diatribe gallicane (mâtinée de calvinisme larvé) en affublant le pape Urbain viii d’un surnom qu’on donnait à Neptune (Poséidon, v. note [6] du Faux Patiniana II‑7), Ennosigæus (Εννοσιγαιος) « celui qui ébranle la terre » (v. notule {f}, note [56] du Patiniana I‑3).

10.

Évangile de saint Luc (1:78‑79) :

Per viscera misericordiæ Dei nostri in quibus visitavit nos oriens ex alto inluminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent ad dirigendos pedes nostros in viam pacis.

[par la miséricordieuse tendresse de notre Dieu, qui nous amènera d’en haut la visite du soleil levant pour illuminer ceux qui se tiennent dans les ténèbres et l’ombre de la mort].

11.

« qui font de grands efforts pour accomplir d’insignes bagatelles », emprunt à Térence (Héautontimorouménos, acte iv, scène 1, vers 621) :

Ne ista hercle magno iam conatu magnas nugas dixerit.

[Tu peux être sûr, par Hercule ! qu’elle va faire de grands efforts pour me conter d’insignes bagatelles]. {a}


  1. Paroles du vieillard Chrémès au sujet de son épouse Sostrata, où l’adaptation de Guy Patin a remplacé dixerit [elle va conter] par agunt [ils accomplissent].

12.

« je m’abstiens de juger les affaires politiques et n’en décide rien. »

Employés pour avouer son humble ignorance, ce sont les titres de deux chapitres consécutifs du premier livre des Institutions pyrrhoniennes de Sextus Empiricus (v. note [102] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).

13.

V. note [12], lettre 44, pour cette édition des Opera [Œuvres] de Daniel Sennert, en trois tomes in‑fo, parue à Paris en 1641, avec la fameuse préface de Guy Patin contre Théophraste Renaudot ; ce qui, sauf querelle avec les imprimeurs, rend son dénigrement surprenant (car la procédure que lança Renaudot contre lui était alors encore loin d’avoir commencé).

14.

Avant l’édition parisienne de 1641, les œuvres complètes de Daniel Sennert n’avaient jamais été publiées toutes ensemble, ni en Allemagne ni ailleurs. Guy Patin voulait ici parler des éditions allemandes séparées de chacun des livres écrits par son auteur vénéré.

15.

V. note [15], lettre 234, pour le « Stade médical » de Victor Pallu (Paris, 1630).

16.

Laureolam in mustaceo quærere [Chercher une feuille de laurier dans un gâteau au laurier] est un adage cicéronien (Lettres à Atticus, livre v, lettre xx) qu’Érasme a commenté (no 3887) ; c’est :

ex frivoliis negotiis captare famam haud præclaram neque magnificam. […] Est autem mustaceum sive mustaceus libi genus, cui aliquid additur de virga lauri derasum ac decoquitur suppositis lauri floriis.

[tirer de riens une réputation sans éclat ni grandeur. (…) Le mustaceum ou mustaceus est un genre de gâteau où l’on ajoute de la tige de laurier râpée avant d’en achever la cuisson sur un lit de feuilles de laurier].

17.

V. notes [19], lettre 17, pour les deux livres des « Conseils médicaux » de Guillaume Baillou (Paris, 1635), et [3], lettre 48, pour ses deux livres des « Épidémies et Éphémérides », dont Guy Patin modifiait ici le titre en « Observations et histoires épidémiques », avec les trois opuscules posthumes qui les accompagnaient (Paris, 1640).

18.

Une déchirure du bord droit de la feuille m’a mené à proposer une restauration de certains mots en bout de ligne [mis entre crochets dans ma traduction].

V. note [25], lettre 146, pour les deux premières éditions de l’« Anthropographie » [Description (ou Anatomie) de l’homme] de Jean ii Riolan (1618 et 1626).

19.

V. note [10], lettre 62, pour la lithiase urinaire de Jean ii Riolan et les deux tailles vésicales (cystotomies ou lithotomies) qu’il eut à subir, en octobre 1640 et octobre 1641.

Marie de Médicis, la reine mère de France en exil depuis 1631, était arrivée à Londres le 5 novembre 1638 et allait y demeurer jusqu’au début de septembre 1641 (v. note [12], lettre 43). Guy Patin confirmait ici (v. note [7], lettre 51) que son médecin, Riolan, l’avait quittée vers septembre 1640 pour venir se faire tailler à Paris. Il rejoignit plus tard la souveraine déchue à Cologne et la servit jusqu’à sa mort (3 juillet 1642).

Tout ce passage et ce qui le suit incite à penser que, durant son séjour de deux ans à Londres, Riolan avait dû lier connaissance avec William Harvey, et pu longuement échanger avec lui sur la circulation du sang.

20.

V. note [17], lettre 1020, pour d’autres propos extrêmement durs à l’encontre de Jean ii Riolan que Guy Patin, qui pourtant lui devait et lui devrait encore beaucoup de reconnaissance, réservait lâchement à Johann Caspar i Bauhin ; il n’avait en effet guère à craindre qu’ils revinssent jamais aux oreilles de son mentor, car Bauhin détestait Riolan pour son mépris des travaux anatomiques de son père, Caspar Bauhin (v. notes [21] infra, et [1], lettre latine 297).

21.

Préparatifs de la troisième édition de l’Anthropographia de Jean ii Riolan (v. supra note [18]), qui n’allait paraître qu’en 1649, in‑fo, sous le titre d’Opera anatomica vetera [Œuvres anatomiques anciennes], et contenir son Liber de Circulatione sanguinis [Livre sur la Circulation du sang], contre William Harvey, et ses Animadversiones [Remarques critiques] sur l’Historia anatomica d’André i Du Laurens et sur le Theatrum anatomicum de Caspar Bauhin, père de Johann Caspar i.

V. note [9], lettre 22, pour les principaux ouvrages de Jean i Riolan, que son fils ne réédita pas.

22.

V. note [14], lettre 1020, pour Jakob Genath, imprimeur de Bâle, et les séries de thèses bâloises qu’il publiait régulièrement par décades.

23.

V. note [8], lettre 46, pour l’« Histoire jésuite » de Ludovicus Lucius (Ludwig Luz), parue à Bâle en 1627.

24.

« par prière et par argent » (Ovide, v. note [14], lettre 288).

25.

« on martèle toutes sortes de perfidies et d’où on répand toutes sortes de crimes sur la terre entière ».

Je n’ai pas trouvé la source de cette citation dans Pétrarque. {a} Peut-être s’agit-il d’un emprunt « aveugle » de Guy Patin aux :

Hubetri Langueti, Viri Clarissimi, Epistolæ politicæ et historicæ. Scriptæ quondam ad illustrem et generosum Dominum Philippum Snydæum, Equitem Anglum, Illustrissimi Pro-Regis Hyberniæ filium, Vlissingensem Gubernatorem fortissimum. In quibus variæ rerum suo ævo in Germania, Italia, Gallia, Belgio, Ungaria, Polonia, aliisque Orbis Christiani Provinciis Pace, Belloque gestarum, narrationes, consilia, et eventus describuntur. Omnibus Politicarum rerum, et historiarum studiosis, Consiliariis etiam Principum, et ad Reip. clavum sedentibus, maxime utiles, ac necessariæ. Nunc vero primum publicis typis divulgata.

[Lettres politiques et historiques du très distingué Hubert Languet. {b} Jadis écrites à l’illustre et noble Philippus Snydæus, chevalier anglais, fils de l’illustrissime vice-roi d’Irlande et très puissant gouverneur de Flessingue. Y sont rapportés diverses narrations, consultations et issues des affaires de son temps en Allemagne, Italie, France, Flandres, Hongrie, Pologne et autres contrées du monde chrétien. Fort utiles et nécessaires à tous ceux qui étudient les affaires politiques et l’histoire, et aussi aux conseillers des princes et à ceux qui participent au gouvernement des affaires publiques. Imprimées pour la toute première fois]. {c}

Ce passage est dans la lettre xxxiii (pages 105‑106), datée de Vienne, le 11 juin 1574 :

Vides quid acciderit Dn. Foxio, viro prudenti, et in magnis rebus exercitato, ideo tantum quod existimaverit, in aula Romana esse eam civilem humanitatem, quæ etiam apud maxime barbaras gentes esse solet, cum debuisset credere esse impuram officinam, in qua (ut ait Petrarcha) cuditur quicquid fraudum et scelerum per totum orbem spargitur.

[Vous voyez ce qui est arrivé M. Foxius, {d} homme sage et rompu aux grandes affaires : il n’a donc jugé la cour romaine que sur cette courtoisie qu’on y montre, mais qui se voit souvent aussi chez les peuples les plus barbares ; quand il aurait dû croire qu’elle est une boutique ignoble où (comme dit Pétrarque) on martèle toutes sortes de perfidies et d’où on répand toutes sortes de crimes sur la terre entière].


  1. V. note [17], lettre 93.

  2. V. note [5], lettre latine 136.

  3. Francfort, Guilielmus Fitzerus, 1633, in‑12.

  4. Paul de Foix, v. note [21] du Borboniana 3 manuscrit.

s.

Universitätsbibliothek Basel, G2 I 9:Bl., page 20 ro

Vir clarissime et amantissime,

Duodecimis agitur mensis, ex quo nihil a te literarum
accepi, neq. ullas alias longe antehac acceperam, præter eam q[uam]
mihi reddidit D. Paulus Moth, à quo, ut ex postrema i[lla]
tua didici, gaudeo quod acceperis nobilem illum, si Dijs placet,
Codicem medicamentarium, quo facile Respublica nostra
careret, aut saltem illius parte, quâ in Empiricorum et circum-
foraneorum gratiam, vinum Emeticum præscribitur tanquam
generosum et commendabile remedium. Ex qua tuarum
literarum paucitate facile vides earum quamplurimas ad
me non pervenisse, sive tabellariorum vitio, vel qualibet
alia de causa mihi incomperta. Inde tamen factum est, ut ego
rarius ad Te scipserim, cùm nullum haberem satis idoneum
vectorem, cujus fidei tuto meas committerem. Dum in hoc
dubio versarer, ecce commodum se obtulit amicus noster
D. Lavaterus, in patriam brevi reversurus, qui te invisurum
hasq. Tibi redditurum sancte mihi pollicitus est. Dicam ergo
mi Bauhine, vivo et valeo, sanus et incolumis, quamvis hîc
apud nos omnia sint calamitatis et miseriarum plenissima,
pessimo sane Galliæ nostræ fato, propter crudelissimam
atrocissimi belli diuturnitatem, cujus tandem quis et quando
finis erit novunt paucissimi, imo nulli : sed Deus ipse viderit.
Quondam horrendum fuit, quod ex duorum vel trium nebulo-
num arbitrio totus orbis terrarum concuteretur : sed quid hodie
diceret vir sapientissimus, si adhuc superesset ? rei novitate
puto, vel potius vanitate perculsus, dolens exclamaret,

O stultas hominum mentes, o pectora cæca ! etcet.

Sed Cynthius aurem vellit et admonet, ut manum de
tabula, ne forte ista Camarina me conspurcet aut
inficiat. Omnia hîc apparantur ad novam obsidionem
alicujus urbis Belgicæ, puta Santodomari, vel Cambraci :
sed vere quænam illa sit, nemo adhuc novit. Rex noster
et Ementissimus cardinalis, consilij princeps, imo dominus
dominantium, brevi discessuri sunt ad exercitum, cujus omnes
copiæ supra Ambianum a Polemarchis coguntur, atq.
congregantur ad certam castrametationem intra viginti
dies futuram. Sed, ô pacem exoptandam : nimias enim
strages habet bellum, nobis præsertim tranquillam vitam
amantibus, et liberrima Musarum otia sectantibus.

t.

Universitätsbibliothek Basel, G2 I 9:Bl., page 20 vo

Paucissima hîc habemus digna quæ ad te scribantur.
Ennosigæus ille Romanus, ea qua fervet charitate in
nostram salutem, per viscera suæ misericordiæ, nostri memor,
suffimentorum suorum aliquid assidue mittit : modo legatos
purpuræos, ^ qui magno conatu magnas nugas agunt ; modo Indulgentias, quæ parum ei constant ;
modo rosaria cum pollicitatione remissionis peccatorum :
ecce nunc Iubilæum universalem promulgari jubet, in sola-
tium animarum nostrarum, ne, dum impendet triplicis
flagelli periculum, belli nimirum, famis et pestis, a
quib. corpora nostra solent cruciari, animæ nostræ
solatij aut spiritualis alimenti penuriâ marcescant
aut contabescant : quasi vero, tam levi cibo, ad quem
tam multi nauseant, possit vita nostra sustentari, salus
nostra reparari, aut rerum nostrarum status deplora-
tissimus, melior fieri, qui in dies satellitum suorum, operâ
et ministerio deterior evadit. Sed ecce iterum, de rebus
περι του πολιτευματος επεχω, και ουδεν οριζω.

Verum de re literaria quid dicam ? hic sunt in tres partes
redacta opera omnia Dan. Sennerti ; sed nostrorum bibliopolarum
more pessimo, qui sunt meri nebulones, et lucriones
deterrimi : totum opus excusum est in charta vitio-
sissima, et pene maculosa : ad hæc accedunt σφαλματα
typographica pro more suo et vere Parisiensi, plus-
quam infinita : adeo ut hoc opus vere negligam : Meum
mihi ex vestra Germania caute servabo, quem isti
abortui Parisiensi multis nominibus, imo qualibet lege
antepono. Stadium Medicum Victoris Palu, opus est
puerile, et parvi fructus, ne dicam nullius. Dum adhuc
esset licentiatus, ex subsellijs nostris vix egressus,
ante adeptam lauream doctoralem, laureolam quærens
in mustaceo, collegit quæstiones aliquas Medicas,
magis ad fastum et ad pompam facientes quàm
ad cujusquam commodum, de quib. ipse in subsellijs disputaverat
dum Baccalaurei cursum absolveret. Si tibi cordi sit eum videre, indica mihi certum vectorem ; puto enim facile
tibi missurum. Hîc equidem sudant præla typographica
in excudendis multis libris, sed non exquisitæ doctrinæ.
In mulierum aulicarum gratiam excuduntur comœdiæ multæ Gallicæ,
tum prorsa tum vorsa oratione : tum libri multi Theolo-
gici, ex eorum præsertim natura qui sacculum et peram

u.

Universitätsbibliothek Basel, G2 I 9:Bl., page 21 ro

Monachorum favent, quiq. in mortalium animis superstitionem
potius ingenerant quam sinceram religionem adaugeant. Pauci
omnino bonæ frugis evulgantur. Centones Loyoliticos more suo
scribere non cessant Igniatiani, sed meros centones, quib. tamen
miserum in modum capiuntur atq. inescantur plerique mor-
talium. Videtur istud sodalitium institutum, et hoc
revera præ se fert, ut eruditum faciat Orbem ; sed prorsus con-
trarium accidit ; vasti enim illi et magna mole collecti Commentarij
nihil aliud quam inscitiam afferunt, miserisq. suis lectoribus
ejusmodi nugis immorantibus meras tenebras offundunt. Ab ali-
quot annis hîc edita sunt Gul. Ballonij, olim nostri, Consiliorum
Medicinalium tomi duo : non pœnitendæ lectionis : ab anno ejusd. auctoris
editæ sunt Observationes et historiæ Epidemicæ, cum trib. alijs
opusculis, optimæ frugis : si eorum desiderio tenearis, jube tantum
et habebis, si idoneum vectorem indicaveris. Io. Riolanus, aucto[r]
Anthropographiæ, ab anno 1633. Medicinam fecerat Reginæ
matri in Belgio, Bruxellis et Antverpiæ : eamq. sequutus erat
in Angliam : tandem, diuturno et contumaci morbo confectus, e[t]
ab octo mensib. Londini reliquit, et huc rediit : circa finem
Octobris fuit illi dissecta vesica, et exemptus calculus, unde tand[em]
post multos labores convaluit : nunc, ut audio, eadem iterum e[um]
divexant symptomata, putatq. se alium adhuc calculum hæ[ret]
in vesica ; sed ad cystotomiam se reversurum unquam, præfrac[te]
negat ; affirmatq. se malle mori centies quam remedij t[am]
crudelis acerbitatem denuo pati. Audio (neq. enim vidi hominem, n[eq.]
ullum volo mihi esse commercium cum homine tam moroso) eum nun[c]
totum esse in scribendo libello de circulatione sanguinis, et [in]
examinanda sententia Harvæi, Medici Angli, cujus roga[tio]
in hunc laborem incumbit. Dixit quoq. viro mihi amicissim[o]
eum invisenti, se habere tria ad editionem parata : nimirum
1 Anthropographiam suam, quarta parte auctiorem ; quam vu[lt]
in folio excudi ; 2 sui patris opera renovata, aucta et locu[ple-]
tata multis novis tractatibus ανεκδοτοις : 3 et alium librum
quo, ait ille, demonstrabuntur infiniti errores Anatomic[orum]
præsertim in historia Anatomica, Andr. Laurentij, Casp.
Bauhini, et aliorum Anatomicorum : quæ quidem omnia an sit
ante mortem editurus, nescio. Priusquam finiam, duo ex te
scire velim ; an Genathius vester supra 7. decadem thesium Med[ica-]
rum, octavam et nonam collegerit : tum, quo modo posse[t]
ex vestra Basilea ad me deferi Historia Iesuitica in 4. auct[a]
per Lucium. Si viam aliquam deprehenderis ad hoc idoneam, quæ[so,]

v.

Universitätsbibliothek Basel, G2 I 9:Bl., page 21 vo

mi Bauhine, vel indica, vel mitte : et vecturæ et libri pretium
persolvam cui volueris dederis, imo per eandem viam tibi mittam quidquid ex hac Urbe nostra obtinere volueris. Profecto isti Iesuitæ
sunt homines mirifici ; nebulones pessimi et veteratores
callidissimi, omnia susq. deq. moventes, prece atq. pretio, ut
rem suam promoveant : tam multa fraudib. suis miscent atq.
moliuntur in Europa, ut vix multa volumina suffecerint
in eorum technis describendis : neq. quidquam aliud esse puto
totam hanc stygiam Societatem, quam turpem et impuram
officinam, in qua, (quod olim scripsit Petrarcha de Roma,)
cuditur quidquid fraudum et scelerum per totum orbem spar-
gitur. Sed, mi Bauhine, me tibi molestum sentio, tum
prolixiori epistola, tum nugis ineptis et immodicis : dabis igitur
veniam veteri amico liberius tecum agenti, et me amantem
semper redamabis. Dominum Platerum, collegam tuum,
cui multa debeo, nî grave tibi sit, saluta meo nomine :
meq. eorum adscribe ordini qui in perpetuum te colent.
Vale, clarissime Bauhine.

Tibi addictissimus et ad omnia paratissimus Guido Patinus, Bellovacus, Doctor Medicus Parisiensis.

Lutetiæ Parisiorum, die 4. Maij, 1641.

Clarissimo et doctissimo
viro Dom. Domino Bauhino,
Doctori Medico et Professori
in Academia Basilensi.

Basileam.

Aug. 7.
D. Guido Patinus.
Resp. Aug. 24


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar I Bauhin, le 4 mai 1641

Adresse permanente :
https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1038

(Consulté le 25/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.