L. latine 8.  >
À Johann Caspar I Bauhin,
le 1er juillet 1646

[Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl., page 47 ro‑vo | LAT | IMG]

Au très distingué et très érudit M. Caspar Bauhin, célébrissime docteur et professeur en l’Université de Bâle.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Au milieu de [tant] de malheurs, voilà déjà longtemps que je ne vous ai envoyé aucune lettre et n’en ai reçu une de vous. Je mets cela sur le seul compte de cette interminable guerre où [nos] chefs se battent entre eux depuis tant d’années. Je souhaite que quelque accommodement soit enfin […] et des désastres que le cruel et impie […] répand par tout l’univers, afin que je puisse vous écrire plus sûrement, facilement et fréquemment, et apprendre et […] quelque nouvelle de vous. Que se passe-t-il donc en votre auguste ville ? N’est-ce pas […, comme] j’ai ouï dire, le nouvel ouvrage botanique du plus grand des hommes, M. votre père, de bienheureuse mémoire, qui transpire sous la presse ? [1][2] C’est Bartholin, [3] je crois, qui m’a raconté que cela se faisait, comme il passait ici, revenant de Bâle et s’en allant en Hollande […] [il y a] quelques mois. Je désire aussi apprendre ce que vous me laissez attendre ou espérer des [Animadversiones] in Theophrastum que le très éminent Caspar Hofmann avait précédemment envoyées à Bâle pour qu’elles y fussent imprimées ; [2][4][5] j’attends sa réponse à la lettre que je lui ai envoyée à Altdorf il y a deux mois. [6] Par mes soins, mon zèle et mon labeur hors du [commun], on imprime ici, in‑4o, les de Medicamentis officinalibus de ce très éminent homme ; l’édition en sera achevée avant la fin du mois d’août. [3][7] C’est un ouvrage soigné et appliqué, qui sera de [très grande] utilité pour ceux qui le liront. Cet auteur me paraît grand et digne de louange ; mais il eût sans aucun doute été bien plus grand et digne de plus grande louange s’il s’était comporté moins durement à l’égard de Galien, de Fernel et d’autres, [8][9] dont on a tort de [dénigrer] et de maltraiter comme il fait les ouvrages qu’ils nous ont laissées, quand on doit les admirer et presque les vénérer. Nos libraires s’attellent ici à une nouvelle édition des œuvres complètes de Daniel Sennert car tous les exemplaires de la première édition semblent avoir été vendus en quatre ans. [4][10] L’excellent [et] très intègre M. Jan van Bewerwijk m’a écrit qu’il était alité depuis un an, à cause d’une [invincible] perte d’appétit, où il est tombé pour son plus grand malheur et qui l’accable tout entier d’une fièvre [hectique]. [11][12] Je suis peiné que les choses aillent si mal pour un homme si éminent, dont la perte insigne fera souffrir la république des lettres car il a écrit avec élégance et [érudition], et donnera encore des ouvrages bien meilleurs et plus nombreux si Dieu lui accorde de vivre plus longtemps. Il me semble pourtant que nous n’avons aucune raison de nous en plaindre, comprenant fort bien que telle a été la volonté des dieux. [5][13] Mais vous, très distingué Bauhin, je vous en prie, écrivez-moi comment vous vous portez, ce que vous faites, ce que vous méditez pour le profit de la [république] des lettres. Celui qui vous remettra cette lettre vous portera [aussi] un paquet de ma part ; il contient quelques thèses et opuscules qui concernent les affaires de notre École, [14] et je souhaite de tout cœur que vous le teniez pour agréable. Ce porteur sera mon collègue M. Cousin, homme de bon métier, de bonnes pratiques et de belle intelligence, comme vous constaterez aisément en conversant avec lui ; je vous le recommande donc très chaudement. [6][15] D’ici là, soyez bien assuré qu’aussi longtemps que je vivrai, je serai votre très obéissant et très dévoué

Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris.

De Paris, le 1er de juillet 1646.


a.

Universitätsbibliothek Basel, cote G2 I 9:Bl. 47 ro et vo, autographe d’une lettre de Guy Patin ; au vo (avec traces de pliage et d’un cachet de cire) :

Le bord droit de la feuille est détérioré sur toute sa hauteur, amputant la fin de presque toutes les lignes, sans permettre une restauration complète et certaine des mots manquants ou amputés [mis entre crochets]. La cote G2 I 11:Bl. 35 est une transcription manuscrite, malheureusement postérieure aux dégâts que la lettre a subis.

1.

On attendait alors déjà la publication du Theatrum botanicum [Amphithéâtre botanique] de Caspar Bauhin, par les soins de son fils Johann Caspar i, mais il ne parut qu’en 1658 (v. note [11], lettre 234).

2.

V. notes [5], lettre latine 29, et [1], lettre d’Eberhard Vorst, datée du 7 février 1664, pour ces « Remarques sur Théophraste », annotations marginales que Caspar Hofmann (mort en novembre 1648) avait écrites sur un exemplaire de la Botanique de Théophraste d’Érèse (éditée par Daniel Heinsius en 1613, v. note [21], lettre 433) ; elles sont restées inédites, en dépit des efforts de Guy Patin pour en obtenir la publication.

3.

V. note [7], lettre 134, pour la première édition des deux livres des « Médicaments officinaux » de Caspar Hofmann parus à Paris en 1646 (après le 1er août, date de son approbation par les docteurs de la Faculté de médecine de Paris) avec épître dédicatoire à Guy Patin.

La réponse que Patin attendait de Hofmann pourrait être son unique lettre de notre édition, que j’ai datée du printemps 1646.

4.

Ce projet parisien de rééditer les Opera de Daniel Sennert (parues en 1641 et auxquelles Guy Patin avait collaboré, v. note [12], lettre 44) n’a pas abouti. Les trois rééditions françaises ultérieures furent toutes lyonnaises (1650, 1654-1656 et 1666-1676).

5.

Jan van Beverwijk allait mourir à Dordrecht le 19 janvier 1647.

6.

Dans sa lettre du 7 février 1648 à Charles Spon (v. sa note [67]), Guy Patin a mentionné un dîner, le 31 janvier, chez son collègue Jean ii Cousin « revenant de Suisse près de notre ambassadeur ».

s.

Universitätsbibliothek Basel, G2 I 9:Bl., page 47 ro.

Clarissimo et eruditissimo Viro, D.D. Casparo Bauhino, Doct[ori]
et Professori celeberrimo in Academia Basiliensi.

Vir Clariss.

Iamdudum est ex quo nihil at Te literarum dedi, neq. accepi inter [tot]
incommoda, et hoc unum, infert illud bellum tam diuturnum quo Principes [nostri]
a tot annis inter se conflictantur : utinam modus tandem aliquis sit […]
et calamitatum quas per universum Orbem diffundit sævus et impius i[…]
ut tutiùs, faciliùs atq. frequentiùs possim ad Te scribere, et a Te aliq[uid …]
atq. audire. Quid ergo novi agitatur in alma Urbe vestra ? estne […]
audivi, novum opus Botanicum maximi Virorum Domini Parentis t[ui beatæ]
memoriæ, prælum fatigare : quod puto hîc mihi narasse Bartolinum [ante]
aliquot menses, dum ex Urbe vesra rediret, et in Bataviam transiret […]
hoc fiat. Doceri autem cupio quid velis ut sentiam aut sperem de Anim[adversionibus]
in Theophrastum
, quas Basileam ut typis mandarentur antehac misera[t…]
præstantissimus Caspar Hofmannus, cujus literas expecto responsorias
quas misi Altorfium ante duos menses. Hîc curâ meâ, studio, laboreq. non vulg[ari]
excuduntur illius summi Viri Officinalia medicamenta, in 4 quorum editio [ad]
finem perveniet ante finem Augusti. Opus est accuratum, elaboratum, et sum[mæ]
utilitatis futurum legentibus. Magnus mihi videtur ille Scriptor et l[aude]
dignus : sed longe major, et majori laude dignior haud dubie esset, si minus asp[ere]
cum Galeno, Fernelio alijsq. ageret, quorum scripta supersunt non tam vellican[da]
et maligne excipienda, ut ille facit, quam colenda et pene veneranda. Bibliopo[læ]
nostri sese hic accingunt ad novam editionem omnium operum Dan. Sennerti, cùm distr[acta]
videant omnia exemplaria prioris editionis a quadriennio. Scripsit ad me vir optimus a[tq.]
integerrimus D. Io. Beverovicius, se ab anno, lectulo detineri, propter inexupgnabi[lem]
quandam ασιτιαν, in quam pessimis suis rebus incidit, et ex qua totus maras[mode]
febre conficitur. Doleo tam male esse Viro præstantissimo, in cujus
jacturam insignem patietur Republica literaria : eleganter enim et erud[ite]
scripsit, longe plura et adhuc meliora daturus, si longiorem vitam illi Deus indul[gebit].
Nullum tamen querimoniæ locum superesse video, quandoquidem sic placuisse superis probe
intelligo. Tu vero, Clarissime Bauhine, qui valeas, quid agas, quid in Reipublic[æ]
literariæ commodum mediteris, scibe quæso. Qui has Tibi reddet, fasciculum eti[am]
offeret quem ad Te mitto, aliquot Thesium et aliarum rerum libellorum ad Scholæ nostræ
negotia spectantium : quem ut gratum habeas precor ex animo. Ille est
Dominus Cousin, Collega meus, vir bonarum artium et bonarum partium, et elegan-
tissimi ingenij, quod ab ejus colloquio facile deprehendes : eum itaque de meliore
nota commendo. Interea vero, certum habeto me Tibi quamdiu vita suppetet,
futurum

Addictissimum et obsequentissimum
Guidonem Patinum, Bellovacum,
Doctorem Medicum Parisiensem.

Datum Parisijs Kal. Iuliis,
1646.

Universitätsbibliothek Basel, G2 I 9:Bl., page 47 vo.

D.D. Casparo Bauhino
Doctori et Professori
Medico celeberrimo
in Academia Basileensi,
Basileam.

1646. Aug. 1.
DD. Guido Patinus.
Respond. Octobr. 14.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar I Bauhin, le 1er juillet 1646

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(Consulté le 28/03/2024)

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