L. latine 11.  >
À Thomas Bartholin,
le 20 juin 1647

[Bartholin a, page 414 | LAT | IMG]

À Thomas Bartholin, à Copenhague. [a][1]

Je vous remercie infiniment pour votre très beau livre De Latere Christi, cum Cl. Samasii et aliorum de Cruce epistolis[1][2][3] Je l’ai reçu des mains de votre très affectionné frère Caspar Bartholin, non sans un immense plaisir ; [2][4] mais j’ai presque été désespéré de n’avoir reçu aucune lettre de vous, car il m’eût été fort agréable qu’une d’elles me permît d’apprendre l’état présent de vos affaires : à quoi travaillez-vous désormais ? pensez-vous à publier votre Itinerarium Europæum ? [3] qu’en est-il de l’opuscule auquel vous pensiez pour revancher votre très distingué père contre l’acariâtre et caustique [Bartholin a, page 415 | LAT | IMG] Caspar Hofmann ? [4][5][6] et qu’avez-vous d’autre car quels qu’ils soient, je vous saurais profondément gré de m’aviser ou me renseigner sur tous ces petits livres que vous avez en tête ? Voici aussi, très distingué Monsieur, une grâce que je vous demande : souffrez, je vous prie, que je vous rafraîchisse la mémoire à propos des œuvres de Caspar Bartholin, votre très brillant père, publiées à Copenhague, que vous et Messieurs vos frères m’aviez promises il y a quelques années, et particulièrement de sa Physica que je désire très ardemment ; [5] et vous feriez de moi un roi si vous y ajoutiez les Institutiones medicæ du très savant et très estimé Olaüs Wormius. [6][7] Prenez soin, je vous prie, de faire expédier tous ces ouvrages en cette ville et qu’ils m’y soient remis en toute sûreté. Si vous prenez cette peine, comme j’espère, je vous serai reconnaissant d’un si grand bienfait et en rembourserai très volontiers le coût à celui qui me remettra ce trésor en mains ; ou alors, je vous enverrai sur-le-champ tous les livres que vous voudrez en provenance de Paris, en compensation de la faveur que j’aurai reçue de vous et par la voie que vous m’aurez indiquée. On a ici dernièrement disputé une thèse De Sobrietate ad longam vitam requisita, que j’ai présidée et écrite ; elle a plu à tous, hormis à nos pharmaciens qui m’en ont fait un procès. [Bartholin a, page 416 | LAT | IMG] L’affaire a pourtant mal tourné pour eux car, devant le Parlement, plaidant moi-même sans l’aide d’aucun avocat, dénonçant et dévoilant leurs fraudes et les impostures de leur métier devant des juges tout à fait impartiaux, ils ont été honteusement déboutés ; et ce non sans leur outrage et l’éclat de rire général d’un très nombreux auditoire. Je vous envoie deux exemplaires de cette thèse ; [7][8][9][10] vous en remettrez un à M. Wormius et je souhaite recevoir bientôt les avis que vous m’en donnerez, vous et lui. Valete tous deux, je vous salue de tout cœur, ainsi que vos frères, [11] et vous souhaite à tous très sincèrement pleine félicité.

De Paris, ce 22e de juin 1647.

Vôtre de toute mon âme,

Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris.


a.

Lettre de Guy Patin à Thomas Bartholin imprimée dans Bartholin a, Centuria i, Epistola c, Contra Pharmacopœos [Contre les Pharmaciens] (pages 414‑416).

1.

Dissertation de Thomas Bartholin « sur le flanc du Christ, avec les lettres de Claude Saumaise et d’autres sur la Croix » (Leyde, 1646, v. note [5], lettre de Samuel Sorbière, datée du 15 octobre 1646).

2.

V. note [8], lettre 357, pour Jacobus Caspar Bartholin, frère aîné de Thomas, mort en 1653.

3.

Pour étudier, de 1637 à 1645 (soit des âges de 21 à 29 ans), Thomas Bartholin avait parcouru la Hollande, la France, l’Italie, Malte et la Suisse, dernière étape de son périple, où il avait reçu le bonnet de docteur en médecine à Bâle. Il n’a pas fait imprimer le récit de son « Voyage européen ».

4.

Annonce des :

Thomæ Bartholini, Casp F. Anatomicæ Vindiciæ Cl. V. Casparo Hofmanno Med. Prof. Altorfino, aliisque oppositæ. Accedunt ejusdem Animadversiones in Anatomica Hoffmannisic >.

[Revendications anatomiques de Thomas Bartholin, fils de Caspar i, contre le très brillant Caspar Hofmann, professeur de médecine à Altdorf, {a} et d’autres auteurs. S’y ajoutent ses Remaques sur les ouvrages anatomiques de Hoffmann]. {b}


  1. Caspar Hofmann ne put répondre car il mourut le 3 novembre 1648 à Nuremberg.

  2. Copenhague, Melchior Martzan, 1648, in‑4o de 136 pages.

    Les Animadversiones in Anatomica Hofmanni [Remarques sur les ouvrages anatomiques de Hofmann], dont le nom est correctement orthographié à l’intérieur du livre, occupent les pages 117‑133.


L’épître dédicatoire à Corfitz Ulfeldt (v. note [11], lettre 263) est datée de Copenhague le 1er septembre 1648 ; elle commence par ces sentences solennelles et amères (que leur style pompeux rend délicates à bien traduire en français) :

Nullum magnum nomen sine ividia, nec sine mordacis æmuli insidiis virtus ulla inter mortales enituit. Experiuntur quicunque recti justique viam calcant, intercurrentia non raro pedum ludibria, quæ gressus vel tentent, vel fallant. Ita est profecto cum Eruditis comparatum, quemadmodum cibus vitæ et interitus siceadem illis famæ est causa et exitii, ut si recte rationem ponamus, nihil trutius sit vel ignorantia, vel scribendi deliquio, quibus famam vel non meremur, vel meritam evitamus. Quæ Parentis fuerit conditio, nolim hic operosius pertexere, satis nota, qui non unum virtute et publico juvandi studio mercatus sibi est invitus obtrectatorem, tanto post fata infelicior, quod filium non tam laudis et eruditionis, quam inimicorum hæredem scripserit, quos proprio quoque in publicum conferendi labore et paternæ sed necessariæ vindictæ debuit.

[Il n’existe pas de grande célébrité sans jalousie, et nulle grande vertu n’a brillé parmi les mortels sans subir les embuscades de quelque caustique rival. Tous ceux qui marchent droit sur le chemin peuvent souvent trébucher, et alors se rattraper ou tomber. Voilà bien ce qui arrive aux savants : ce qui nourrit leur célébrité et leur déclin détermine aussi leur vie et leur mort ; de sorte qu’écrire des âneries ou ne plus écrire du tout revient pour eux à ne pas mériter de célébrité ou à tuer celle qu’ils se sont acquise. Sans vouloir entrer dans les détails car ils sont assez connus, tel fut le sort de mon père qui, en dépit de sa vertu et de son application à servir le public, s’est acquis plus d’un détracteur. Cela a rendu fort malheureux le fils qu’il avait institué comme héritier de sa gloire et de son érudition, mais surtout de ses ennemis ; il a donc dû prendre la peine de venger publiquement son père contre leurs attaques].

Thomas Bartholin avait alors déjà publié et enrichi à deux reprises (1641 et 1645) les Institutiones anatomicæ [Institutions anatomiques] de son père (v. note [1], lettre 306).

5.

Caspar i Bartholin (mort en 1629, v. note [1], lettre 306), père de Thomas, a publié deux ouvrages de physique (histoire naturelle) :

6.

Olaüs Wormius (Ole Worm, Aarhus 1588-Copenhague 1654, médecin danois, reçu docteur à Bâle en 1611 (v. note [26], lettre latine 87), s’est surtout intéressé à l’histoire et aux belles-lettres de son pays. En 1629, il avait succédé à son beau-frère, Caspar i Bartholin, dans la chaire de médecine de Copenhague. V. note [4], lettre latine 24, pour sa nombreuse descendance et sa parenté avec les Bartholin. Guy Patin désirait son :

Institutionum medicarum Epitome : in gratiam tyronum sepositis controversiis in methodicum systema succincte digesta.

[Abrégé des Institutions médicales : au profit des débutants, il a été succinctement divisé en controverses séparées selon un ordre méthodique]. {a}


  1. Copenhague, 1638, 2 volumes in‑4o, plusieurs autres éditions

7.

Intégralement transcrite, traduite et commentée dans notre édition, la fameuse thèse cardinale de Guy Patin Estne longæ ac iucundæ vitæ tuta certaque parens sobrietas ? [Une sobriété prudente et déterminée n’est-elle pas la mère d’une longue et agréable vie ?] (affirmative, 14 mars 1647) avait rudement malmené les apothicaires de paris : v. note [6], lettre 143, pour le procès qu’ils intentèrent et perdirent ensuite contre lui.

s.

Bartholin a, page 414.

Epistola c.

Contra Pharmacopæos.

Thomæ Bartholino
Hafniam.

De elegantissimo tuo libro De Latere Chri-
sti, cum Cl. Salmasii et aliorum de Cru-
ce Epistolis, gratias ago infinitas. Non sine
summa animi voluptate eum ex amantissimi
Fratris Casp. Bartholini manibus accepi, sed
illud mihi pene funestum fuit, quod nullas a Te
literas acceperim ; suavissimum enim mihi fu-
isset, si per tuas discere licuisset, præsentem re-
rum tuarum statum : nempe quid nunc habeas
laboris in manibus ? An cogites de tui Itinera-
rii Europæi promovenda editione ? An de O-
pusculo quod antehac habuisti in mente, pro
Clariss. Parentis vindiciis, adversus hominem
moro-

t.

Bartholin a, page 415.

sum et mordacem, Casp. Hofmannum ?
an quid aliud ? quidquid sit de illis, summo me
afficies beneficio, si me monueris docuerisve
quid de singulis istis opusculis habeas in mente.
Hanc quoque gratiam à Te postulo, Vir Claris-
sime. Patere quæso ut refricem Tibi memori-
am a Te antehac, Dominisque Fratribus tuis an-
te aliquot annos promissorum, nimirum O-
perum Clarissimi Parentis vestri Casp. Bartho-
lini, Hafniæ editorum, præsertim vero suæ
Physicæ, quam ardentissime desidero : quibus
singulis si addideris Instit. Medicas eruditissimi
spectatissimique Viri D. Olai Wormii, Regem
me feceris. Cura precor, et da operam ut hæc
omnia in hanc Urbem devehantur tutoque mi-
hi reddantur : quod si effeceris, et ut spero fa-
cies, gratus ero de tanto beneficio, pretiumque
libentissime refundam ei qui mihi istum the-
saurum in manibus tradiderit : aut quidquid
volueris librorum ex hac urbe pro acceptæ
gratiæ compensatione per eam viam quam
mihi indicaveris, illico mittam. Postremo
vero, fuit hic me Præside et Autore, disputa-
ta Quæstio De Sobrietate ad longam vitam re-
quisita :
ipsa Thesis omnibus placuit, præter-
quam Pharmacopæis nostris, qui de illa mihi
litem moverunt : sed misere cum illis actum
est :

u.

Bartholin a, page 416.

in medio enim Senatu, me perorante, si-
ne ullius Patroni opera, et eorum fraudes,
suæque artis imposturas æquissimis judicibus in-
dicante et aperiente, causa sua turpiter ceci-
derunt, non sine eorum contumelia, publico-
que infinitorum auditorum risu. Illius The-
seos exemplaria duo Te mitto : quorum u-
num si placet per Te accipiet D. Wormius,
cujus tuumque de ea judicium utinam tandem
accipiam. Valete ambo, quos toto corde sa-
luto, ut et D.D. Fratres tuos : vobisque singu-
lis omnem felicitatem tota mente exopto. Da-
bam Lutetiæ Parisiorum, 20. Junii die, 1647.

Tuus ex animo,

Guido Patinus, Bellovacus,
Doct. Medicus Parisiensis.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 20 juin 1647

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(Consulté le 23/04/2024)

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