L. latine 24.  >
À Thomas Bartholin,
le 26 septembre 1653

[Ms BIU Santé no 2007, fo 22 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous écris à nouveau pour vous remercier de l’opuscule que vous m’avez récemment dédié. [1] Je l’ai montré à notre Riolan et il s’est aussitôt mis en devoir de l’examiner. [2] On va imprimer sa réponse qui comportera quatre parties : 1. la première sera l’examen de votre livre de Lacteis thoracicis, publié à Londres ; 2. de Vasis lymphaticis, que vous lui aviez envoyé ; 3. les Dubia anatomica de lacteis thoracicis, que j’ai reçus avec votre dernière lettre ; 4. un nouvel examen de votre Anatomia reformata. L’ensemble de l’ouvrage totalisera peut-être 16 feuilles, dont on imprime aujourd’hui la huitième. Après ces quatre traités, à la fin du livre, on va ajouter vos trois opuscules, de Lacteis thoracicis, de Vasis lymphaticis et Dubia anatomica, de sorte que tout un chacun puisse les avoir à disposition et sous la main s’il est désireux d’avoir pleine connaissance de cette grande controverse et de pouvoir en juger. [2][3][4][5] Si vous préparez un paquet à envoyer en France, je vous demanderai d’y mettre ces trois traités dans leurs éditions de Copenhague ; je les conserverai soigneusement avec les autres que j’ai de vous. Vous vous affligez sérieusement de la guerre anatomique que ces controverses ont soulevée entre vous et notre Riolan, c’est-à-dire entre deux amis ; mais qu’y puis-je faire ? Je n’ai pas le pouvoir de contenir de si grands débordements. La vérité triomphera, les gens sincères qui viendront après nous en jugeront ; à savoir si, face à de si grandes difficultés, n’a pas manqué l’impartiale doctrine que l’expérience clairvoyante et juste a confirmée. [6] Dès que le livre sera achevé, je le remettrai à M. Neander pour qu’il vous l’envoie. [7] En attendant, vale et continuez de m’aimer comme vous faites ; et prenez bien soin de votre santé. [3][8][9]

Vôtre de toute mon âme, Guy Patin, docteur en médecine.

De Paris, ce 26e de septembre 1653. 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 22 vo | LAT | IMG] Je salue avec toute affection et dévouement votre très agréable épouse, [10] Messieurs vos très distingués frères [11][12][13] et cousins, en particulier Olaüs Wormius. [4][14][15][16]


a.

Brouillon autographe, écrit sur un tiers de feuille, d’une lettre que Guy Patin a envoyée à Thomas Bartholin, ms BIU Santé no 2007, fo 22 ro et vo ; imprimée dans Bartholin a, Centuria ii, Epistola xxxii (pages 500‑502), De ejusdem Riolani dissidiis [Des querelles du même Riolan].

1.

V. notes [19], lettre 325, et [16], lettre 308 (5e référence citée dans la 2e notule {a}), pour les « Doutes anatomiques » de Thomas Bartholin (Copenhague puis Paris, 1653) et leur dédicace à Guy Patin.

2.

V. la fin de la note [16], lettre 308, pour les Opuscula nova anatomica [Opuscules anatomiques nouveaux] de Jean ii Riolan (achevé d’imprimer daté du 8 novembre 1653) contenant sa critique des quatre traités de Thomas Bartholin que citait Guy Patin (« Des Lactifères thoraciques » parus à Copenhague et à Londres en 1652, « Des Vaisseaux lymphatiques », les « Doutes anatomiques sur les lactifères thoraciques » et l’« Anatomie révisée ») : l’intégralité des quatre (et non trois d’entre eux) sont réimprimés à la fin de l’ouvrage (qui était alors encore sous les presses de la veuve Dupuis, à Paris).

La seule nouveauté par rapport au début de sa précédente lettre à Bartholin (12 septembre 1653) était que Patin lui annonçait que Riolan s’attaquait en outre à ses tout récents Dubia anatomica (avec dédicace à Patin, v. supra note [1]).

3.

La fin est différente dans la lettre imprimée page 502 :

Hic habeo præsentem in Musæo meo dum hæc scribo R.P. Ludovicum Jacob, Carmelitanum, qui te plurimum salutat : hic ambo lugemus communem amicum, qui summo nostro dolore abiit ad plures, Cl. Virum D. Gabr. Naudæum intelligo. O dura fata ! o aspera fata ! Tu vero vale, et me, quod facis, amare perge, tuamque valetudinem cura diligenter inter tot intricatas scriptiones, et eruditas controversias, quæ plurimum laboris absumunt, et multum tempus requirunt.

[Tandis que je vous écris ces lignes, le R.P. Louis Jacob, carme, {a} est ici présent dans mon étude ; il vous salue bien. Nous y pleurons tous deux un ami commun qui, pour notre plus grande douleur, s’en est allé dans l’au-delà ; je veux parler du très distingué M. Gabriel Naudé. Ô dur, ô cruel destin ! Quant à vous, vale et continuez de m’aimer comme vous faites ; prenez bien soin de votre santé parmi tant de travaux d’écriture entremêlés et de controverses savantes, qui consomment beaucoup de labeur et demandent beaucoup de temps].


  1. Louis Jacob de Saint-Charles (v. note [5], lettre 108).

4.

Imprimée en tête des Olai Wormii et ad eum doctorum virorum Epistolæ… [Lettres d’Olaüs Wormius (v. note [6], lettre latine 11) et de savants hommes qui lui ont écrit…] (Copenhague, 1751, page vivii), la Vita Olai Wormii ex programmate academico et oratione funebri Thomæ Bartholini [Vie d’Olaüs Wormius, tirée de l’avis qu’a publié l’Université et de l’oraison funèbre qu’a prononcée Thomas Bartholin], détaille ses unions et sa nombreuse progéniture :

Eodem anno duxit uxorem, Virginem castissimam Dorotheam Finchiam, Viri celeberrimi, Dn. D. Thomæ Finchii, Medicinæ Professoris Regii filiam, nuptiis 26. Nov. celebratis. Ex qua 6. filias suscepit ; quarum una, nomine Ingera nupsit Viro Reverendo Clariss. et humaniss. Dn. M. Joanni Scheldrupio, tum Ecclesiæ, quæ est ad D. Nic. Pastori religiosissimo, nunc vero Superattendenti Diœceseos Bergensis Vigilantissimo : altera nomine Sostrata in matrimonium locata Viro Clariss. et Excellentiss. Dn. M. Erico Olai Tormio, Præposito et Pastori Templi Mariani meritissimo : reliquæ 4. plusculis abhinc annis occubuerunt. Qua priore uxore fato defuncta 21. Nov. 1628. animum elapso biennio ad secunda vota appulit, exambiens Dn. D. Matthiæ Jani, Episcopi Lundensis vigilantissimi filiam, Virginem lectiss. et pudiciss. Susannam : In hoc conjugio factus est spacio 7. annorum parens trium filiorum, quorum unus in vivis esse desiit, duo vero superstites, indole, ingenio, virtute, et eruditione perquam conspicui, Dn. M. Vilhelmus Wormius, et Dn. Matthias Wormius, in spem singularem nos omnes erigunt, et Patris desiderium in animis omnium leniunt. Anno 1637. 26. August. hanc suam suavissimam conjugem Susannam pestifera lue correptam amisit Roschildiæ, postquam prius esset abortum passa. Altero ab hujus obitu anno, de ampla familiæ cura et honesta tenellorum liberorum educatione sollicitus, e re sua futurum existimavit, tertiam sibi deligere uxorem, quam longe optimam, moribus sanctissimis et inocentissimis præditam sibi adjunxit, Viri spectatiss. et honoratiss. Petri Motzfeldii, Civis hujus urbis et Oenopolæ laudatissimi filiam, Magdalenam Motzfeldiam, quæ tam vivido ac venerando Seni septem liberos est enixa, 4. filios et 3. filias : quorum duo filii, Petrus et Thomas Wormius jamdudum obierunt ; reliqui 5. Petrus et Johannes Wormius ; Dorothea, Maria et Susanna Wormia gemellæ superstites ab optima et religiosissima Matre sanctissime educantur, non ex hodierna temporum licentia, sed ex ævi prioris gravitate et sapientia. Hoc itaque conjugium uti bonis cœptum erat 21. April. 1639. auspiciis, ita felicissime cessit utrique, et vota quoque piorum superavit. Nam cum ipsa ad omne obsequium esset parata, et optata fœcunditate domum bearet et ampliaret, aliter fieri non potuit, quam ut concordissime viverent, et una in duobus corporibus anima resideret, ut amore et observantia mutua certarent.

[La même année {a} il épousa Dorothea Finck, {b} très vertueuse demoiselle qui était fille du très célèbre Me Thomas Finck, {c} professeur royal de médecine ; le mariage fut célébré le 26 novembre. Il engendra six filles : une d’elles, prénommée Ingera, se maria au très brillant et très cultivé révérend Joannes Scheldrupius, qui était alors le très pieux pasteur de l’Église Saint-Nicolas, devenu depuis surintendant très attentionné du diocèse de Bergen ; {d} une autre, prénommée Sostrata fut mariée au très distingué et excellentissime M. Ericus Olaüs Tormius, très méritant prévôt et pasteur du Temple de Marie ; les quatre autres périrent il y a peu d’années. Sa première épouse étant morte le 21 novembre 1628, Wormius songea deux ans plus tard à en prendre une seconde, demandant la main de la très distinguée et très vertueuse demoiselle Susanna, fille de Me Matthias Janus, très diligent évêque de Lund. {e} En l’espace de sept années, cette union lui donna trois fils ; l’un deux mourut, mais les deux autres ont survécu, tout à fait remarquables par leur bon naturel, leur intelligence, leur vertu et leur instruction : MM. Willem et Matthias Wormius {f} nous font tous grandement espérer et adoucissent le regret que leur défunt père a laissé dans nos mémoires. Le 26 août 1367, à Roskilde, {g} il perdit sa très tendre épouse Susanna, atteinte de la peste après qu’elle eut été victime d’un avortement. Deux ans après ce décès, préoccupé par la lourde charge de sa famille et par l’honorable éducation de ses enfants chéris, Wormius songea à se tirer d’affaire en se choisissant une troisième épouse ; il se remaria avec Magdalena Motzfeld, excellente fille du très honoré et très estimé Petrus Motzfeld, citoyen de cette ville et marchand de vin fort respecté. Notre vigoureux et vénérable vieillard lui donna sept enfants, quatre fils et trois filles. Deux des fils, Petrus et Thomas ont depuis longtemps perdu la vie. Les cinq autres, Petrus, Johannes, Dorothée et les jumelles, Maria et Susanna, ont survécu ; leur scrupuleuse mère les élève fort saintement, non pas avec la liberté d’aujourd’hui, mais avec le sérieux et la sagesse de l’ancien temps. Ainsi, cette union, qui avait débuté sous de bons auspices le 21 avril 1639, s’est prolongée fort heureusement jusqu’ici {h} pour les deux époux, et a aussi comblé les vœux des parents. Cette femme rendait la maison heureuse et l’agrandissait, car elle se consacrait entièrement à son foyer et avait toute la fécondité désirée ; il ne put se faire autrement qu’ils vécussent en parfaite entente et unissent leurs deux corps en une seule âme pour affronter les difficultés, dans l’amour et le respect mutuels]. {i}


  1. 1615.

  2. Sauf méprise de Guy Patin sur le prénom (v. infra notule {f}), Olaüs Wormius était donc l’oncle par alliance (et non le cousin, consobrinus) de Thomas Bartholin : la femme d’Olaüs, Dorothea, était la sœur d’Anna Catharina Finck, épouse de Caspar i Bartholin et mère de Thomas.

  3. Grand-père maternel de Thomas Bartholin, Thomas Finck (Flensbourg, Schleswig 1561-Copenhague 1656) avait reçu le bonnet de docteur en médecine à Bâle en 1587.

  4. Ville du sud-ouest de la Norvège, qui faisait alors partie du royaume de Danemark.

  5. Ville de Scanie, à l’extrême sud de la Suède.

  6. Ces deux fils d’Olaüs Wormius, Willem et Matthias (v. infra), étaient ceux que Guy Patin qualifiait de cousins de Thomas Bartholin (sans qu’ils le fussent par le sang) ; il a plus tard parlé d’eux, en redonnant par erreur à Matthias le prénom d’Olaüs (v. notes [6], lettre latine 221, [6], lettre latine 302, et [4], lettre latine 395).

  7. Ville du Danemark, sur l’île de Seeland, située au fond du fjord de Roskilde, une trentaine de kilomètres à l’ouest de Copenhague.

  8. Mort d’Olaüs Wormius le 30 août 1654.

  9. En tout, Olaüs Wormius a donc eu trois épouses et seize enfants (neuf filles et sept garçons), dont neuf (cinq filles et quatre garçons) ont survécu à leur père.

Willem Wormius (Copenhague 1633-1704) était le fils aîné d’Olaüs, né de son second mariage avec Susanna Janus (en 1630, v. supra). Reçu docteur en médecine de l’Université de Padoue en 1657, il exerçait à Copenhague (Éloy).

Moréri a donné une courte biographie de Matthias Wormius (né vers 1636), frère puîné de Willem :

« Après un voyage d’environ huit ans, presque par toute l’Europe, où il acquit de grandes connaissances dans les sciences et dans les arts, < il > devint président de la ville de Ripen en Jutland et chanoine de l’Église cathédrale. Ensuite, il fut fait conseiller de justice et de chancellerie, et assesseur du tribunal suprême de la justice. C’était un grand poète et un des plus célèbres dans la langue danoise. Il mourut en 1707, âgé de 71 ans. »

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 22 ro.

Clarissimo viro
D. Th. Bartho-
lino, Hafniam

Ecce iterum scribo, vir clariss., ut Tibi gratias agam de libello tuo nuper mihi dicato, quem
ostendi nostro Riolano, isque statim ad ejus examen se accinxit. Responsum ejus excu-
ditur, quod 4. constabit partibus : quarum 1. erit Examen libri tui de lacteis thoraci-
cis
, Londini editi : 2. de vasis lymphaticis, quem ad eum misisti : 3. Dubiorum Anatomicorum de
lacteis thoracicis
, quæ nempe cum tuis postremis accepi. 4. Examen novum Anatomiæ tuæ reformatæ. Totius
operis summa erit forsan 16. foliorum, quam octavum hodie excuditur currit sub prælo. Post quatuor illos Tractatus, ad finem libri, tres tui subjugentur libelli ; de lacteis thoracicis ; de vasis
lymphaticis ; et Dubia Anatomica
, ut unicuique de tanta controversia sciendi et judicandi
cupido, ad manum et præsto esse possint. Si tamen fasciculum aliquem adornes quem in Galliam
transmittas, tres illos tuos Tractatus editione Hafniensis à Te peto, quos cum aliis tuis studiosè
adservabo. De bello illo Anatomico inter Te et Riolanum nostrum, id est inter duos amicos ex
illis controversijs suborto, seriò doles : sed quid facerem ? tantos fluctus compescere non est meum :
vincat veritas, de qua posteri candidi judicabunt : si in tantis difficultatibus non desit adæ-
quata eruditio, quam recta et oculata experientia confirmaverit. Ad finem perductum librum statim
D. Neandro tradam Tibi mittendum : interea vale, et me quod facis, amare perge, tuámque valetu-
dinem cura diligenter.
Tuus ex animo Guido Patinus, M. D.
Parisiis 26.
Sept. 1653.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 22 vo.

Suavissimam tuam uxorem, viros clarissimos Dominos fratres tuos, et consobrinos, præsertim v. D.
Olaum Wormium, omni studio et benevolentia saluto.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 26 septembre 1653

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1057

(Consulté le 19/04/2024)

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