L. latine 37.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 11 juin 1655

[Ms BIU Santé no 2007, fo 34 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, docteur en médecine, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je réponds en peu de mots à votre dernière que je viens de recevoir. Je vous remercie beaucoup pour les livres que vous m’avez achetés. J’aurai soin de vous en rembourser le coût par l’intermédiaire de M. Picques, qui remettra l’argent à votre Pomer : [2][3] qu’il lui en déclare donc le prix, et vous recevrez de lui ladite somme. Si par hasard il s’en présente, achetez s’il vous plaît et envoyez à Paris le Seidel de Morbis incurabilis, in‑8o, et le Wier de Præstigiis Dæmonum, in‑4o[1][4][5] Pour ceux que je vous ai précédemment envoyés, n’allez pas vous enquérir de leur prix car je vous en fais cadeau et vous prie de leur faire bon accueil. J’en prépare d’autres, que je vous enverrai plus tard. Je fais grand cas de votre Conring, et le couvre de baisers comme étant le joyau de votre Allemagne. Tout récemment, j’ai lu son Introductio ad artem medicam, où se trouvent bien d’excellentes choses. [2][6][7] Notre Riolan est en vie et se porte bien, mais il est embarrassé de nombreuses affaires, de sorte qu’il n’a rien pu achever jusqu’ici. [3][8] Il a en mains trois opuscules qu’il doit terminer au plus vite pour les faire aussitôt imprimer ; l’un d’eux est contre Pecquet et Bartholin, sur la fonction propre du foie. [4][9][10][11][12][13][14] Il prépare et apprête une nouvelle édition de son Encheiridium anatomicum et pathologicum, augmenté d’une troisième partie, tant pour quelques symptômes qu’il avait auparavant omis de décrire, que pour des opérations chirurgicales qu’il affirme devoir être pratiquées quelquefois dans de grandes maladies, même internes. Et nous verrons enfin cela si Dieu lui accorde le temps et la santé requis. [5][15] Il a écrit au nouveau pape, Alexandre vii, qui est son ami car il l’a soigné voici 13 ans avec grand succès à Cologne, où il était légat ; il l’a guéri en lui faisant tirer un gros calcul de la vessie par Girault, cystotomiste de Paris. [6][16][17][18] Il attend la réponse du pape. J’apprends que le Lexicon etymologicum et sacrum de Matthias Martini se vendra fort cher ; achetez-le pourtant s’il vous plaît, sans vous inquiéter du montant de la dépense, car c’est un excellent livre dont j’ai besoin. Je vous demande de ne pas me l’acheter car je l’attends par une autre voie qui sera plus rapide, grâce à un libraire de Lyon. [7][19] Notre Robert vous salue et vous remercie beaucoup. Il approche de 26 ans et beaucoup d’amis le tarabustent pour qu’il se marie. En attendant, il lit Hippocrate, Fernel, et les commentaires de Duret sur Houllier de morbis internis et sur les Coaques d’Hippocrate. [8][20][21][22][23][24][25] A Domino datur uxor prudens[9][26]

Souffrez, je vous prie, que j’insère ici une courte liste de livres qui me font défaut : Introductio in naturalem philosophiam de M. Conring, son Liber de Civili prudentia, Præfatio in Tacitum de Moribus Germanicorum ; [10][27] Exercitationes semioticæ de Johann Wolf ; [11][28] Disputationes physicæ de Konrad Horneius ; [12][29] Disputatio de aquis de Conring ; du même, de habitu corporis Germanicorum ; du même, de Vita et morte ; [13] Systema geographicum de David Christiani. [14][30]

Lazare Rivière, médecin de Montpellier, est parti dans l’au-delà voici un mois, ainsi que Théodore Turquet de Mayerne, en Angleterre. [15][31][32] Tous deux étaient des vauriens sans instruction, ignorants de la meilleure et plus pure médecine, et favorables aux imposteurs chimystiques[33] en vue de tromper les malades et de faire plus ample profit. Je salue M. Nicolaï. [34] Quant à vous, très distingué Monsieur, vale et aimez-moi.

Vôtre de toute mon âme, G.P.

De Paris, le 11e de juin 1655.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 34 ro.

1.

V. notes [7] de la lettre de Claude ii Belin, datée du 31 janvier 1657, pour le livre de Bruno Seidel « des maladies incurables » (Francfort, 1593), et [19], lettre 97, pour celui de Johann Wier « sur les Fantasmagories des démons » (Bâle, 1577), ouvrages que Guy Patin peinait à se procurer.

2.

V. note [26], lettre 484, pour l’« Introduction à l’art médical » d’Hermann Conring que Sebastian Scheffer avait tirée des leçons publiques de son maître et discutée sous sa présidence en avril 1654 à l’Academia Julia d’Helmstedt.

3.

V. note [31], lettre 387, pour les graves soucis familiaux de Jean ii Riolan, principalement occasionnés par son fils Henri, l’avocat.

4.

V. note [1], lettre 414, pour les Responsiones duæ [Deux réponses] de Jean ii Riolan contre Jean Pecquet et les pecquétiens, Jacques Mentel et Pierre de Mersenne, ses défenseurs (Paris, septembre 1655).

5.

Par opposition aux maladies externes, qui touchent la peau et les os, les maladies internes affectent les viscères ou parties profondes et molles du corps humain.

V. note [37], lettre 514, pour la quatrième édition posthume (Paris, 1658) de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum [Manuel anatomique et pathologique] de Jean ii Riolan. Sans correspondre à ce qu’annonçait Guy Patin, les huit additions sont intitulées :

  1. Nova Ventris Inferioris Administratio Anatomica : et quid ex illa notandum in Abdomine et Thorace [Nouvelle organisation anatomique du bas-ventre ; et remarques sur ce qui en provient dans l’abdomen et dans le thorax] (page 481) ;

  2. Commentatio adversus novum de Venis Lacteis Commentum [Commentaire contre la nouvelle fiction au sujet des veines lactées] (page 493), ultime et pathétique attaque imprimée de Riolan contre Jean Pecquet et Thomas Bartholin ;

  3. Additamentum in quo declaratur Riolani Iudicium generale, de motu Sanguinis in Brutis, et Homine [Addition où est déclaré le jugement général de Riolan sur le mouvement du sang chez les animaux et chez l’homme] (page 504) ;

  4. De Unguibus [Des Ongles] (page 566) ;

  5. De Pilis [Des Poils] (page 572) ;

  6. De Valvulis Venarum [Des Valvules veineuses] (page 596) ;

  7. Tractatus de Anatomia Pneumatica [Traité de l’Anatomie pneumatique] (page 603) ;

  8. Nobilis Viri Caroli Arturi Plesij, Doctoris Medici Abrincensis, Observatio non vulgaris [Observation peu commune du noble Charles Arthur du Plessis, docteur en médecine d’Avranches] (sept pages non numérotées, tout à la fin du livre), sur une fistule cicatricielle apparue à la suite d’une cystotomie.

Dans le sommaire, le Præmonitio as Lectorem et Auditorem [Avertissement au lecteur et à l’auditeur] est assorti de ce sous-titre : ubi de Viro Cl. Dom. Simone Pietreo, Doctore Medico Parisiensi, et Professore Regio [où il est question de très brillant M. Simon ii Piètre, docteur en médecine de Paris et professeur royal] (v. notes [5], lettre 15, et [25], lettre 150, pour les élogieux propos qui y sont contenus).

6.

À Cologne en 1642, sur la prescription de Jean ii Riolan (qui accompagnait la reine Marie de Médicis dans son exil), Restitut Girault (v. note [17], lettre 455) avait opéré le légat pontifical Fabio Chigi (1599-1667), élu pape le 7 avril 1655 sous le nom d’Alexandre vii (v. note [3], lettre 399).

7.

Phrase que Patin a ajoutée dans la marge pour annuler sa requête (mais en omettant de la biffer).

V. note [2], lettre 408, pour la réédition du « Lexique philologique, étymologique et sacré » de Matthias Martini (Francfort, 1655 ; première édition en 1623).

8.

V. note [10], lettre 11, pour ces deux livres de Louis Duret, « sur les maladies internes » de Jacques Houillier (1572) et sur les Prénotions coaques d’Hippocrate (1588).

9.

« Une épouse raisonnable est un don du Seigneur » (Proverbes, v. note [3], lettre 452).

Guy Patin semblait se désoler que son fils Robert, en dépit de son âge déjà bien avancé, trouvait mieux de se plonger dans de vénérables ouvrages médicaux que de songer au mariage (ce qu’il ne fit qu’en 1660).

10.

Au « livre sur la compétence civique » d’Hermann Conring, introuvable car il n’était pas encore paru (Helmstedt, 1662, v. note [2], lettre latine 34), Guy Patin ajoutait deux de ses autres ouvrages :

11.

Exercitationes semioticæ, in Cl. Galeni de Locis affectis Libros vi. Disputationibus xii comprehensæ, et in illustri Iulia propositæ, à Ioanne Wolfio, Phil. et Med. D. ac Professore.

[Essais séméiologiques {a} sur les 6 livres de Galien concernant les Lieux affectés. {b} Composés de 12 thèses que Johannes Wolfius, {c} docteur et professeur de philosophie et médecine, a proposées en l’illustre Julia]. {d}


  1. V. note [2], lettre 776.

  2. Traité d’Hippocrate, v. note [6], lettre 139.

  3. Johann Wolf (1580-1645), professeur de l’Academia Julia à Helmstedt (v. note [19], lettre 340).

  4. Helmstedt, héritiers de Jacobus Lucius, 1620, in‑4o.

12.

Conradi Horneii, Professoris Publ. in ill. Acad. Iulia, Disputationes ethicæ x ad x libb. Ethic. Nicomach. Aristotelis : cum disp. præliminari de philosophia in genere.

[Dix disputations éthiques de Konrad Horneius, {a} professeur public en l’illustre Université Julia, sur les dix livres de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote ; avec une discussion introductive sur la philosophie en général]. {b}


  1. V. note [15], lettre latine 35.

  2. Helmstedt, Rabe, 1621, in‑8o.

13.

Trois Dissertationes in‑4o de Hermann Conring :

14.

Systema Geographiæ generalis, duobus libris absolutum. In quo non tantum ex fundamentis communibus Mathematicis, verum etiam Arithmeticis, Geometricis, Cosmographicis, Astronomicis et Opticis principiis, omnia quæ ad hanc nobilissimam Matheseos partem bene et feliciter excolendam requiruntur, methodice et perspicue pertractantur. Autore Davide Christiani, Pomer. Philosoph. M. et Mathemat. in Universit. Marp. Prof. Ord. Cum Indice Capitum et Materiar. locupletiss..

[Système de Géographie générale, composé de deux livres ; où est clairement et méthodiquement traité, à partir non seulement des fondements mathématiques communs, mais aussi des principes arithmétiques, géométriques, cosmographiques, astronomiques et optiques, tout ce qui est nécessaire pour bien et heureusement cultiver cette très noble partie des mathématiques. Par David Christiani, {a} natif de Poméranie, maître en philosophie et professeur ordinaire de mathématiques à l’Université de Marbourg. Avec une très riche table des chapitres et des matières]. {b}


  1. David Christiani (1610-1688).

  2. Marbourg, Josephus Dietericus Hampelius, 1645, in‑12.

15.

Lazare Rivière (v. note [5], lettre 49) était mort à Montpellier le 16 avril 1655 et Théodore Turquet de Mayerne (v. note [22], lettre 79) à Chelsea, le 15 mars précédent.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 34 ro.

Clariss. viro D.I.G.
Volcamero, Doct.
Med. Noribergam.

Postremis tuis nuper acceptis paucis respondeo, vir clariss.
Pro libris emptis gratias ago amplissimas : eorum pretium Tibi
refundi curabo per D. Piques, Pomeri vestri manu : ei itaque
pretium indicito, idèmque ab eo accipe. Seidelium de morbis incura-
bilibus in 8., et Wierum de præstigiis dæmonum
in 4. si forte occur-
rant, eme si placet, ac mitte Lutetiam. Pro ijs quæ antehac
misi non est quod quæras pretium : ea Tibi offero rogóque ut grata
habeas : posthac alia mittam, quæ parantur. Conringium
vestrum magnifacio, et tanquam Germaniæ vestræ ocellum exos-
culor : nuperimme legi ejus Introductionem ad artem Medicam : in qua
multa optima continentur. Riolanus noster vivit et valet :
sed tot negotijs præpeditus, ut nihil adhuc dum potuerit perficere.
Tria habet in manibus Opuscula propediem perficienda, statimque
typis mandanda : ex quibus unum est adversus Pecquetum et
Bartholinum, de hepatis actione propria : Novamque editionem
meditatur et apparat sui Enchiridij Anatominici et Pathologici,
tertia parte adaucti, tum ratione aliquot symptomatum antehac
omissorum, tum ratione Operationum Chirurgicorum, quas in magnis morbis
etiam internis interdum administrandas esse contendit. Et hoc tandem
videbimus, si Deus otium et valetudinem ei indulgebit. ^ Scripsit ad novam Papam/ Alex. 7. quem hactenus/ habuit amicum, ab annis/ 13. à quibus Colonia Agrippina/ ubi agebat legatum, Medicinam/ ei fecit fortunatissimam/ et grandem calculum in vesica/ ei detrahi curavit per Giraudum,/ lithocystotomum Parisiensem ;/ ab eoque responsum expectat. Matthiæ
Martini Lexicum Philologicum sacrum
non mediocris pretij facturum
audio : eme tamen si placet, nec Te terreat ista pretij amplitudo : liber
est optimus, mihique necessarius. Ne emas quæso, per/ aliam viam eámq. bre-/ viorem eum expecto,/ nim. per bibliop. Lugdun. Robertus noster Te salutat, et gratias
agit amplissimas : annum prope attigit ætatis 26. et de nuptijs à multis
amicis sollicitatur : interea legit Hippocratem, Fernelium et Duretum
in Hollerium de morbis internis, et in Coacas Hippocratis
 : à Domino datur
uxor prudens. Paucorum librorum qui mihi desunt Indicem patere quæso
ut hîc subtexam. Domini Conringij Introd. in nat. Philosophiam : librumer de
Civili prudentia : et Præfationem in Tacitum, de moribus Germanorum.
Io. Wolfij Exercitationes Simeioticæ. Conr. Horneij Disput. Physicæ.
Conringij Disputatio de Aquis. Idem de habitu corp. Germanorum. Idem
de vita et morte
. ^ Davidis Christiani/ Systema Geographi-/ cum. Laz. Riv. etc.

Lazarus Rivierus, Medicus Monspel. ante mensem
migravit ad plures : ut et in Anglia Theod. Mayernius-Turquetus, uterque ambo
indocti nebulones, melioris et purioris Medicinæ ignari, et Chymisticis impostoris
addicti, supramod ut ægros deciperent, et rem ampliorem facerent. Dominum
Nicolaüm saluto : te vero Vale, vir clarissime, et me ama. ^ Tuus ex animo G.P.

Parisijs xi. Iunij,
1655.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 11 juin 1655

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(Consulté le 29/03/2024)

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