L. latine 66.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 8 décembre 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 48 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous écris de nouveau, ayant à le faire aussi, en votre Hollande, à celui dont le nom se trouve sur la suscription de la lettre que je vous confie. Faites, je vous prie, en sorte qu’elle lui soit rendue : il demeurerait chez M. Johannes Elsevier, soit à Leyde, soit à Amsterdam ; si vous ne savez pas où il peut habiter, gardez ma lettre par devers vous, pour qu’elle ne risque rien et ne se perde pas. [1][2][3] J’attends vos livres de jour à autre et souhaite les avoir vite entre les mains. Enfermé chez lui auprès de son poêle, notre Riolan embellit ses Operationes chirurgicæ ; avec quantité d’autres additions, elles enrichiront la nouvelle édition de son Encheiridium anatomicum et pathologicum[2][4] Il ne sort pas de sa maison en raison du froid assassin et très mordant qui sévit ici, craignant que son asthme ne lui reprenne les poumons. [5][6] Qu’est-ce que votre Elsevier a sous ses presses ? Est-ce la seconde partie des Epistolæ de Claude Saumaise, votre Celse, ou autre chose ? [3][7][8]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 49 ro | LAT | IMG] Pensez-vous que ce Celse ait jamais été médecin et aguerri aux opérations de notre métier ? Il me paraît certain que non : je crois que c’était un très savant et très éloquent philosophe qui, par l’ampleur de son génie, a embrassé toutes les humanités et tous les arts libéraux, puisque, d’après Quintilien, il a écrit, et non sans talent, sur divers autres savoirs. [4][9] Les ravages du temps ont malheureusement fait disparaître tout cela, à l’exception de ce savant ouvrage de Re medica qui nous reste aujourd’hui. Jusqu’ici, plusieurs savants hommes ont heureusement entrepris d’en bien nettoyer le texte, mais sans y parvenir entièrement. J’espère sincèrement que votre extrême application le polira et le corrigera pour qu’il apparaisse enfin dans toute sa perfection. Puisse-t-il donc en être ainsi ! La peste attaque rudement à Naples, à Rome, à Gênes ; ce froid intense qui a récemment fait irruption l’arrêtera peut-être. [10]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 48 vo | LAT | IMG] On disperse ici la fort opulente bibliothèque du très distingué M. René Moreau. [11][12] Quatre libraires l’ont vidée pour 24 mille livres tournois. Ils sont occupés à en établir le catalogue, qu’ils imprimeront ensuite. Je salue de tout cœur MM. les distingués Golius [5][13] et van Horne, [14] ainsi que M. Vorst. [15] Que médite-t-il pour le Théophraste de notre Hofmann ? [6][16][17] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

Guy Patin, vôtre de tout cœur.

De Paris, ce vendredi 8e de décembre 1656.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 48 vo‑49 ro.

1.

Lettre à Simon Moinet (v. note [13] de la Lettre inédite de Guy Patin venue de Russie) qui n’a pas laissé de trace. On peut néanmoins supposer que Guy Patin lui parlait de ses tractations auprès des Elsevier pour obtenir la publication de ses manuscrits de Caspar Hofmann, mais elles échouèrent (v. note [9], lettre latine 67).

2.

V. notes [37], lettre 514, pour la quatrième édition posthume du « Manuel anatomique et pathologique » de Jean ii Riolan (Paris, 1658), et [5], lettre latine 37, pour ses additions, où ne figurent pas les « opérations chirurgicales » (demeurées inédites).

3.

À la fin de sa préface (Prolegomena), datée de Leyde, le 13 août 1656, Antoine Clément, éditeur du premier livre des lettres de Saumaise (v. note [4], lettre 487), annonçait en effet une suite (mais elle ne parut pas en raison de sa mort en 1657) :

Propediem (si Deus volet) Libros secundum et tertium quos habeo jam paratos ; simul cum altera parte hujus Voluminis, ad annum usque : cIɔ Iɔ cxl. producta, Typographis exhibebo.

[Je publierai sous peu (si Dieu veut) un deuxième et un troisième livre que j’ai déjà tout prêts, ainsi que la seconde partie de ce volume-ci, prolongé jusqu’à l’année 1640].

V. note [20], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657, pour le Celse de Johannes Antonides Vander Linden (Leyde, 1657).

4.

V. note [3], lettre 407, pour l’avis critique de Quintilien sur Celse, son contemporain, convenant de son omniscience, mais le qualifiant de mediocri vir ingenio [homme doué d’un génie médiocre].

5.

Jacob Golius (van Gool, La Haye 1596-Leyde 1667), orientaliste et mathématicien hollandais, était professeur et recteur de l’Université de Leyde. Guy Patin l’a plusieurs fois salué dans sa correspondance latine, mais en apparence, il ne subsiste pas de lettres qu’ils aient échangées.

Golius avait rapporté du Proche-Orient les manuscrits arabes sur lesquels travaillait alors Vopiscus Fortunatus Plempius pour publier son Avicenne (Louvain, 1658, v. note [39], lettre 469).

6.

V. note [1], lettre latine 44, pour l’exemplaire de la Botanique de Théophraste d’Érèse annoté par Caspar Hofmann, que Guy Patin avait expédié à Leyde pour Adolf Vorst, qui ne lui en avait pas donné de nouvelles.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 48 vo.

Clariss. Viro D. Io. Ant. Vander Linden, Doct. Med. Leidam.

Ecce iterum ad Te scribo, vir cl. quia mihi scribendum fuit in Bataviam
vestram, ad illum cujus nomen habetur in titulo epistolæ quam Tibi commendo : fac
rogo ut ei reddatur, sive Leidæ moretur apud D. Io. Elsevirium, sive Amstelo-
dami : quod si nescias ubinam habitet, retineas eam tibi ne periclitetur vel pereat.
Libros tuos in dies expecto, et utinam eos brevi possideam ! Riolanus noster in suo hypo-
causto inclusus, adornat Operationes Chirurgicas, quib. locupletiorem faciat cum multis
aliis Addititamentis, novam Editionem sui Enchridij Anat. et Pathol. Nec domo egre-
ditur propter sceleratum frigus et acerrimum quod hîc viget, pulmoni suo metuens, ne
asthma recurrat. Quid habet Elsevirius vester suo prælo ? an 2. partem Epistolarum Cl.
Salmasij ? an tuum Corn. Celsum ? an quid aliud ? Cl. Viri D. Ren. Moreau
locupletissima Bibliotheca hîc distrahitur, empta videlicet à 4. Bibliopolis, pro 24.
millibus Libellarum Turonensium : qui hodie toti sunt in ejus Indice conficiendo, ut postea
typis mandetur. 2 Vale, vir sap. et me ama. 1 Cl. Viros D. Golium et Van-Horne, ex
animo saluto, cum D. Vorstio : de Theophrasto Hofmanni nostri quid ille meditatur ?

Tuus ex animo Guido Patin

Parisiis, die Veneris, 8.
Augusti, Dec. 1656.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 49 ro.

‡ Putásne Corn. illum Celsum fuisse unquam medicum, et in Artis operibus exercitatum ?
certè non videtur : puto eum Sophistam fuisse, doctissimum ac eloquentissimum, ingenij
sui magnitudine singulas artes humaniores liberalesque disciplinas complexum, utpote qui,
teste Quintiliano, de varijs alijs artibus scripserit, nec indoctè : quæ tamen injuria temporum miserè
perierunt, præter eruditum illud Opus de re Medica, quod hodie nobis superest ; in quo repurgando
plures antehac eruditi viri feliciter operam profuerunt ; nec perfecerunt : verùm fore spero,
ut postremis tuis curis limatum ac emendatum, omnes tandem perfectionis suæ numeros
obtineat : fiat, fiat ! Neapoli, Romæ, Genuæ pestilens lues admodum acriter grassatur :
eam fortassis reprimet summum illud frigus nuper exortum. Vale etc.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 8 décembre 1656

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(Consulté le 25/04/2024)

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