L. latine 85.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 10 août 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 59 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Volckamer, Docteur en médecine à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Pour répondre à votre dernière, il n’a pas du tout tenu à moi que le très éminent M. Rolfinck n’ait pas encore reçu les livres qu’il a si longtemps désirés : [2] ce sont l’hiver plus long, la difficulté des chemins et les très cruelles folies de Bellone [3] qui en ont été responsables en entravant les transports ; l’irrésolution des hommes s’est pesamment ajoutée à tous ces rencontres conjugués au même moment. Dieu veuille que ces livres lui parviennent enfin. Pour de nouveaux ouvrages à venir de Riolan, [4] ne γρυ quidem : [1] ses deux fils se querellent âprement ; l’un est prêtre et abbé, mais guère meilleur pour autant, et l’autre avocat, mais sans talent et que son père a déshérité ; [2][5][6] de sorte que je ne vois presque rien, voire rien du tout à espérer d’eux. Je n’ai pas encore vu ce gentilhomme danois porteur de vos lettres ; peut-être n’est-il pas arrivé à Paris. Je me suis néanmoins arrangé avec M. Picques [7] sur ce que je vous dois pour prix des livres ; conformément au billet que vous m’avez adressé, il vous en remettra le paiement en même temps que la présente lettre. Je vous remercie beaucoup de tout cela, avec l’espoir que je puisse vous rendre la pareille un jour. Vous vous souviendrez, je vous prie, de la Spongia stibii ; [8][9] on va ici mettre bientôt sous presse l’Asie de Philippe Briet ; [3][10] mais en attendant, j’ai hier envoyé à notre ami, le très distingué M. Spon, l’Asia d’un autre jésuite, que vous avez désirée, pour qu’il prenne soin de vous la faire parvenir. [4][11][12] Je n’envoie pas l’autre livre de Georges Fournier, sa Geographia orbis notitia, parce que le libraire m’a déclaré qu’il s’apprête à le rééditer ; si cela se fait, je vous en enverrai autant d’exemplaires que vous voudrez ; sinon (car ce vaurien est fort menteur), nous recourrons à l’ancienne édition. [5][13] Mais avant que je finisse, indiquez-moi, je vous prie, qui est un certain Thomas Reinesius, qui a publié Variarum Lectionum libri tres, Altenbourg, in‑4o, 1640. [6][14] Cet homme me semble très savant et de grande érudition dans les matières critiques et médicales, et dans les langues orientales ; si {il est encore en vie} aura vescitur ætheria [7][15] et ne repose pas encore au royaume des ombres, je lui écrirai pour le saluer, le féliciter d’un si grand ouvrage, et le consulter sur certains de ses dires qui ne m’ont pas entièrement satisfait. Vale, très éminent Monsieur, saluez de ma part vos très savants collègues et aimez-moi. Je serai éternellement et de tout cœur votre

Guy Patin.

Ce vendredi, 10e d’août 1657, jour de la Saint-Laurent.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 59 vo.

1.

« pas même un murmure », v. note [6], lettre 504.

2.

V. notes [16], lettre 1020, pour Philippe Riolan, abbé de Flavigny, fils aîné de Jean ii Riolan, et [34], lettre 207, pour la source du procès qu’il avait engagé dès la fin de 1651 contre son second fils Henri, avocat. Le père l’avait gagné au printemps 1653 et obtenu que le mariage de Henri fût cassé. En 1655, Riolan avait même fait emprisonner Henri, puis l’avait déshérité au début de 1657, peu avant de mourir.

3.

V. notes [16], lettre 516, pour l’apologie de Lucas Stengel contre l’« éponge d’antimoine » (Augsbourg, 1565 et 1569), et [8], lettre latine 83, pour les ouvrages géographiques du P. Philippe Briet, dont le tome sur l’Asie n’a jamais vu le jour.

4.

V. note [4], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657, pour l’Asiæ nova descriptio [Nouvelle description de l’Asie] (Paris, 1656), attribuée au R.P. Georges Fournier.

Spon a accusé réception à Guy Patin de cet envoi dans la lettre citée ci-dessus. Sa famille étant originaire d’Ulm, Spon connaissait de nombreux Allemands qui passaient à Lyon et pouvaient lui servir de facteurs, ce qui permettait d’économiser les frais de poste.

5.

Les sept livres de la Georgii Fournier e Societate Iesu, Geographica Orbis Notitia. Per litora maris et ripas fluviorum [Description géographique du monde, par Georges Fournier de la Compagnie de Jésus. Par les rivages de la mer et le rives des fleuves] (Paris, Jean Hénault, 1648, in‑8o, et 1649, 2 tomes in‑16) ne reparurent qu’en 1667 (id. et ibid. 2 tomes in‑12). Ils ne décrivent que l’Europe et ne sont pas illustrés.

6.

V. note [7], lettre 557, pour les « Trois [premiers] livres de leçons diverses » de Thomas Reinesius (Altenbourg, 1640).

7.

« il respire la brise éthérée [l’air du jour] » (Virgile, v. note [1], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657). Guy Patin a barré l’expression plus triviale (traduite entre accolades) qu’il avait d’abord employée, superet.

Thomas Reinesius est mort en 1667 (v. note [10], lettre 117), il ne nous reste rien de la correspondance qu’il a pu avoir avec Guy Patin.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 59 vo.

Clarissimo viro D. Volcamero, Med. Doct. Med. Noribergam.

Ut tuis respondeam postremis, vir Cl. per me nullo modo stetit quin
vir præstantissimus D. Rolfinckius jam accepit libros tamdiu expetitos :
in causa fuerunt longior hyems, itinerum difficultas, et per atrocissimos
Bellonæ furores impediti commeatus : quæ quidem singula simul et semel
concurrentia, infirma per se hominum consilia nimirum quantum superant.
Utinam tandem in ejus manus deveniant. De novis Riolani operibus
præ subijciendis ne γρυ quidem : ambo ejus filij, quorum unus est Abbas
et sacerdos, nec tamen ideo melior, alter Advocatus, sed parum frugi, ideóq.
à Patre exheredatus, acriter inter se litigant : unde fit ut quid de ex illis sit
sperandum vix ac ne vix quidem videam. Danus ille nobilis cum tuis literis
nondum à me visus est : nec forsan accessit Parisios : nihilominus tamen pro
librorum pretio Tibi à me debito egi cum D. Picques, per quem cum præsentibus
meis statim accipies, ex secundum schedulam ad me transmissam, pro quib. singulis
gratias ago amplissimas, utinam et possim referre. De Spongia stibij quæso
memineris : De Asia Phil. Briet typis brevi mandanda hîc agitur :
interea v. alterius Loyolitæ Asiam, à te expetitam, heri misi Lugdunum,
ad amicum nostrum clariss. D. Sponium, ut ejus ope Tibi reddatur. Alterum
librum G. Fournier Geographicæ Orbis Notitiæ non mitto, quia novam
ejus editionem mihi professus est se adornaturum Bibliopola : quod si
fecerit, tot ejus quot volueris exemplaria transmittam : sin minus,
(est enim mendacissimus iste nebulo) ad veterem editionem recurremus. Sed
antequam finiam, indice mihi quæso quis sit quidam Thomas Reinesius,
qui Variarum Lectionum libros tres edidit, Altemburgi, in 4. anno 1640.
Videtur ille mihi vir esse doctissimus et multæ lectionis in rebus Criticis,
ac Medicis, et in linguis Orientalibus : si superet aura vescitur ætheria, nec adhuc vitalib. occubet
umbris, ad eum scribam, ut eum salutem, de tanto labore ei congratuler,
eúmq. de quibusdam moneam consulam quæ mihi non omnino satisfaciunt. Vale, vir præs-
tantissime, doctissimos tuos Collegas saluta meo nomine, et me ama. Tuus
ero in æternum, et ex animo

Guido Patin.

Die Veneris, Divo Laurentio sacra, x. Augusti, 1657.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 10 août 1657

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(Consulté le 23/04/2024)

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