[Ms BIU Santé no 2007, fo 63 vo | LAT | IMG]
Au très distingué M. Ijsbrand van Diemerbroeck, docteur en médecine et très digne professeur en l’Université d’Utrecht.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Par votre singulière faveur, j’ai reçu vos Disputationes practicæ de historiis ægrorum reliées ; je vous en remercie en espèrant pouvoir vous en rendre un jour la pareille. [1][2] La réputation de votre nom n’est pas nouvelle pour moi, et ma bonne opinion de votre insigne érudition ne l’est pas non plus : je la tiens depuis longtemps pour manifeste par votre livre de Peste, que mon frère, qui vit à Nimègue, m’a envoyé voilà dix ans. [3] J’approuve surtout cet ouvrage parce qu’entre autres excellentes choses, vous y attaquez très justement l’antimoine des mauvais chimistes, étant donné que c’est toujours un poison, de quelque façon qu’on le prépare. [2][4][5][6] L’abus en est très grand, et les juges ne devraient pas le tolérer ; sed necesse est hæreses esse ut probentur boni. [3][7] Je loue aussi votre hauteur de vue quand vous réfutez la pierre de bézoard : [8] c’est une pure fiction de boutiquiers acharnés à gagner de l’or, honteusement et infâmement, par tous les moyens, bons comme mauvais, ut faciant rem, si non rem quocumque modo rem, [4][9][10] en vue de tromper les malades qui ne souffrent pas seulement de maladie, mais aussi d’excessive crédulité. À vous parler franchement, je ne saurais approuver l’emploi de la thériaque dans la peste ; [11][12] le fait est qu’elle ne peut aujourd’hui être fidèlement et exactement préparée, quelque sornette que sachent nous conter les pharmaciens, qui sont les sectateurs des Arabes et de très impudents coupeurs de bourses ; [13][14] quand bien même la préparerait-on parfaitement, elle serait de toute façon extrêmement fâcheuse, et même nocive, en raison de son excessive chaleur ; ce qui < se vérifierait > [5] si on avait recours à l’autorité de Galien. Il semble avoir écrit sur la thériaque, mais pariant tout mon bien, je pourrais tenir que ce livre n’est pas de lui ; [6][15] ce qui sautera aux yeux du lecteur avisé. Je constate que nombre de très savants auteurs modernes ont été de cet avis, tels Manardi, Julius Alexandrinus, [7][16][17][18] Anuce Foës, Giulio Cesare Claudini, Caspar Hofmann, Hermann Conring, Aurelio Severino, Jacques Pelletier, Girolamo Capivaccio, Benédetto Silvatico, Jan van Heurne et une infinité d’autres. [8][19][20][21][22][23][24][25][26][27] La thériaque ne mérite pas même le nom de médicament : c’est une compositio luxuriæ [9][28] qui n’est bonne à triompher d’aucune maladie ; on l’a conçue et raffinée sans obtenir le moindre effet spécifique. Voilà pourquoi je puis affirmer, non moins librement que justement, qu’on peut dire de bon droit que cette thériaque commune d’aujourd’hui est bien plutôt un excrément d’officine pharmaceutique qu’un médicament à proprement parler, véritable et authentique ; [Ms BIU Santé no 2007, fo 64 ro | LAT | IMG] ce que je dis pourtant sans vouloir offenser ceux qui pensent différemment, et qui peut-être soignent moins par méthode et art, sans parler d’indication galénique, que par tradition de l’ancien temps et par croyance autre que la mienne ; laquelle va assurément contre la recommandation des apothicaires qui, par toute l’Europe, sont les plus éhontés et les plus misérables des grippe-sous, dont quantité de médecins en France encouragent bien trop l’horrible cupidité. Je ne porte aucun jugement sur ceux de vos Flandres, mais je sais que dans le monde entier ils convoitent la cassette des malades ; ceux-là sont parfaitement indignes de notre métier et œuvrent pour le malheur public. Je loue aussi fort peu les eaux thériacales et les autres cardiaques imaginaires, [29] les poudres contre la peste, les pilules et autres remèdes de cette sorte, parce qu’ils peuvent difficilement servir à quelque chose et n’ont pas le pouvoir de corriger la cause même de la peste, qui est ignoble, profonde et violente, et n’est pas une putréfaction ordinaire. Mais si ces opinions vous semblaient surprenantes, je ne veux pas que vous en soyez par trop irrité ou perdiez de votre amitié pour moi. Je souhaite seulement une chose, c’est que vous preniez en bonne et juste part ce jugement que je vous ai présenté, et concédiez le reste à la liberté philosophique. Vous connaissez l’ancien distique :
Diversum sentire duos de rebus ijsdem,
Incolumi, etc. [10]
Pour les thèses que désirez aussi de chez nous, je vous enverrai un paquet avant la fin de l’hiver ; [30] vous y verrez nettement à quel point les médecins de Paris s’appliquent à la plus pure et vertueuse médecine, et s’appuient sur les bons auteurs, ayant recours à la phlébotomie et à la purgation comme à de puissants et légitimes remèdes, au mépris de tant de sornettes que la perfidie des Arabes et l’imposture des chimistes ont fourrées dans la médecine et inventées pour la ruine commune du genre humain. Vale, très éminent Monsieur, et aimez celui qui est votre très affectionné
Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et professeur royal.
De Paris, ce vendredi 31e d’août 1657.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Ijsbrand van Diemerbroeck, ms BIU Santé no 2007, fos 63 vo‑64 ro.
Ijsbrand van Diemerbroeck publiait alors régulièrement les « Disputations pratiques sur des observations de malades » qu’il présidait à Utrecht et qui ont été réimprimées dans la 5e partie de ses Opera omnia Anatomica et Medica [Œuvres complètes anatomiques et médicales] (Utrecht, 1685, v. note [7], lettre latine 72). Il avait fait cadeau à Guy Patin d’une édition séparée, parue à Utrecht en 1656.
Cette lettre étant la première que Patin écrivait à Diemerbroeck, j’ai préféré « un jour » (aliquando) à « enfin » pour traduire son tandem. Celle de Diemerbroeck, qui accompagnait son présent, ne figure pas dans notre édition.
Dans la présente, Patin allait très violemment éreinter deux remèdes, le bézoard et la thériaque, dont son correspondant usait volontiers (v. supra note [4]). Cela pourrait expliquer pourquoi les brouillons de Patin ne contiennent qu’une seule autre lettre écrite à Diemerbroeck, datée du 16 juin 1665.
Isbrandi de Diemerbroeck Monsfurto-Trajectini, antehac Noviomagi, nunc Ultrajecti Medici, de Peste libri quatuor, truculentissimi morbi historiam ratione et experientia confirmatam exhibentes.
[Quatre livres sur la Peste d’Ijsbrand van Diemerbroeck, natif de Montfoort dans la province d’Utrecht, précédemment médecin à Nimègue, et maintenant à Utrecht ; qui montrent l’histoire de cette maladie fort redoutable, confirmée par le raisonnement et par l’expérience]. {a}
- Arnheim, Joannes Jacobus, 1646, in‑4o : l’entrée d’index Stibii usus damnosus [L’emploi de l’antimoine est nuisible] renvoie aux pages 158, 161, 225 et 329.
Le frère puîné de Guy Patin, qui vivait à Nimègue, mais dont on dont on sait fort peu de choses, se prénommait François (v. note [19], lettre 106).
« les hérésies sont pourtant nécessaires pour que les bons soient reconnus » (saint Paul, v. note [18], lettre 514).
« pour faire fortune, honnêtement, ou sinon par quelque moyen que ce soit » (Horace, v. note [20], lettre 181).
L’Index du traité d’Ijsbrand van Diemerbroeck sur la peste (v. supra note [2]) renvoie à deux passages sur le bézoard. {a}
Ita ut tandem concludendum sit, huic lapidi in peste non multum esse confidendum, partim propter jam dictam experientiam, partim etiam propter ipsius lapidis incertitudinem, quem mercatores avari, et ipsi quoque Indi tam insigniter adulterare noverunt, ut etiam perspicacissimi Lynci oculi in ejus cognitione fallantur.[J’en viens donc à conclure qu’on ne doit guère faire confiance à cette pierre dans la peste : en partie pour l’expérience que je viens d’en rapporter ; mais aussi en partie pour le caractère douteux de ce bézoard que de cupides marchands, comme les Indiens eux-mêmes, savent si bien le frelater que les plus perçants des yeux de lynx s’y sont laissé prendre]. {b}
Pater Tiburtius Sacerdos, Ordinis Franciscanorum Monachus missionarius, vir eruditione, humanitate, et vitæ probitate excellens, peste cum bubone in inguine correptus, varia alexipharmaca assumpsit, et inter alia bis illi exhibui lapidis bezoartici Orientalis electissimi pulverisati integram drachmam, et tertia vice scrupulos quatuor : a cujus lapidis usu levis quidem sudor sequebatur, sed omnino nihil levaminis inde consecutus est æger : alia alexipharmaca ex theriaca, salibus, aqua theriacali, aliisque similibus confecta, quamvis morbum non sanarent, copiosos tamen sudores cum aliquo levamine movebant. Interim omnibus remediis frustra adhibitis, cum febrem ingravescere, aliaque mala symptomata augeri perciperem, prædixi mortem procul dubio morbum finituram. Quod nuncium æger cum maximo et incredibili gaudio excipiens, inter paucas horas, tanquam ad nuptias iturus, lætus obiit.[Le P. Tiburce, prêtre et moine missionnaire de l’Ordre des franciscains, homme dont l’érudition, l’amabilité et la probité de mœurs étaient admirables, souffrant de peste avec un bubon dans l’aine, {c} reçut divers alexipharmaques. {d} Je lui fis prendre entre autres un gros entier de pierre de bézoard oriental, sous forme de la poudre la mieux choisie, puis à nouveau quatre scrupules à trois reprises. {e} L’emploi de ce remède fut certes suivis d’une légère suée, mais le malade n’en tira aucune amélioration de son état. Je recourus à d’autres antidotes : thériaque, {a} sels, eau thériacale, confections d’autres sortes, provoquèrent une copieuse sudation avec quelque rémission de la fièvre, mais sans guérir la maladie. Ayant tout essayé sans succès, et voyant les choses s’aggraver et apparaître d’autres symptômes mauvais augure, j’annonçai qu’une issue fatale était hors de doute. Le malade en reçut la nouvelle avec immense et incroyable joie, et mourut dans les heures suivantes, heureux comme s’il s’en allait à ses noces].
Restitution proposée d’un verbe (verum fuisse) que Guy Patin a omis de mettre dans sa phrase.
Noël Falconet (v. note [2], lettre 388), dans son Système des fièvres et des crises…, (Paris, 1723, v. note [1] de Noël Falconet, 60 ans après) a fait cette remarque (pages 335‑336) :
« Mons. Patin dit qu’il avait écrit une grande lettre à Diemerbroeck contre la thériaque, qu’il n’était pas content de sa réponse. L’argument de la lettre de Mons. Patin était tiré de cette sentence : Multitudo remediorum est filia ignorantiæ, {a} “ La multiplicité des remèdes est la fille de l’ignorance ”. La cause de la maladie bien entendue indique un remède, et non pas un assemblage d’animaux, de végétaux et de minéraux. » {a}
- La lettre de Patin à Diemerbroeck est aujourd’hui perdue, mais il a prononcé cette même sentence dans celles qu’il a écrites à :
- Charles Spon les 29 mai 1648 (v. sa note [26]) et 9 mai 1653 (v. sa note [6]),
- Jean-Baptiste de Salins le 28 mars 1651 (v. sa note [5]),
- André Falconet le 9 avril 1660 (avec l’attribution de l’adage à Francis Bacon, v. sa note [21]),
- son fils (v. sa note [53]).
- Parmi la soixantaine de substances qui composaient la thériaque, les deux plus constantes étaient la chair de vipère, pour le règne animal, et l’opium, pour le règne végétal. Les minéraux, comme les sels de cuivre, y étaient initialement rares, mais devinrent plus fréquents au fil des siècles.
V. note [6], lettre 213, pour les deux traités (et non un seul livre) sur la thériaque, ordinairement attribués à Galien, adressés l’un à Pison et l’autre à Pamphilien.
Guy Patin en appelait aux témoignages de deux éminents galénistes du xvie s.
[Commentaires de Johannes Manardus {a} sur le premier livre du Petit Art de Galien, {b} récemment mis au jour et publiés pour la première fois. Afin de ne rien laisser à désirer au lecteur, y a été ajouté un préambule, que ledit auteur avait écrit bien antérieurement sur le même sujet, et qu’il avait publié afin que le lecteur attende moins impatiemment la parution du présent ouvrage]. {b}
Dans sa préface, Manardi conteste le faux titre d’Ars Parva qu’on a donné à l’Ars Medica de Galien, mais blâme énergiquement ceux qui le considèrent comme apocryphe. Cela le mène à des considérations générales sur l’authenticité intégrale du corpus galénique, mais je n’y a rien vu qui mette clairement en doute celle des traités sur la thériaque.
[Annotations de Julius Alexandrinus a Neustain {a} qui peuvent tenir lieu de commentaires sur les principaux écrits de Galien. On y a ajouté cette question qu’on ressasse sur la thériaque. Avec un très volumineux index]. {b}
Le De Theriaca Tractatus [Traité sur la thériaque] occupe les pages 830‑888 (et dernière du livre), avec cette avant-dernière phrase :
Vt iam semper in febribus cuiuscunque tandem modi continuis omnibus, ablegandus Theriacæ omnino usus esse videatur.[Il (Galien) a, me semble-t-il, toujours formellement condamné l’emploi de la thériaque dans toutes les fièvres continues, de quelque sorte qu’elles soient].
Pour appuyer sa conviction, Guy Patin citait onze autres auteurs.
[Pharmacopée, qui contient la description et l’emploi, tirés de la prescription des anciens médecins, de tous les médicaments qui existent dans les officines pour remplir les devoirs publics de ceux qui soignent ; fort utile et nécessaire à tous les pharmaciens et aussi à ceux qui exercent la médecine. Par Anuce Foës, {a} médecin natif de Metz]. {b}
Ce livre contient un long exposé sur la Theriaca Andromachi [Thériaque d’Andromaque], {c} dont il donne la composition (pages 117‑130) ; Foës y cite plusieurs fois Galien, mais sans dire explicitement que ses traités sur la thériaque seraient apocryphes : il émet simplement des doutes sur la capacité des médecins modernes à reproduire ce qu’était exactement ce qu’était la thériaque originelle, étant donné les altérations que sa formule a subies au fil des siècles (page 128).
Hippocrate n’a pas connu la thériaque, mais Foës a consacré une brève entrée de son Lexicon Hippocrateum [Lexique hippocratique] {a} à ce remède (Θηριαχα) :
medicamenta dicuntur quæ ferarum morsibus medentur Gal. Com. 6. in lib. 6. Epid.
[médicaments qui, dit-on, soignent les morsures des bêtes sauvages (Galien, Commentaire 6 sur le livre vi des Épidémies d’Hippocrate)]. {d}
- V. note [23], lettre 7.
- Bâle, Thomas Guerinus, 1561, in‑8o.
- V. note [2], lettre 1001, pour Andromaque, à qui est attribuée l’invention de la thériaque.
- Référence exacte à une phrase de Galien (Kühn, volume 17b, page 337) ; Foës ne cite pas ses deux livres sur la thériaque (à Pison et à Pamphilien), mais son Lexicon ne s’intéressait qu’au pur hippocratisme.
V. note [6], lettre latine 129, pour son retour sur cette question qui le préoccupait profondément : comment sa plus grande idole médicale aurait-elle pu recommander un médicament qu’il détestait ?
« Être deux à avoir un avis différent sur les mêmes choses, sans nuire, etc. », v. note [3], lettre 172.
Guy Patin avait ici barré une formule qui concluait sa lettre (« Portez-vous donc bien, très savant Monsieur, et aimez-moi »), pour l’allonger de ce qui suit.
Ms BIU Santé no 2007, fo 63 vo.
Cl. viro D. Isbrando de Diemerbroeck, Medicinæ Doctori
et Profess. meritissimo in Acad. Ultrajectina.
Disputationes tuas practicas de historijs ægrorum singulari
tuo munere collatas accepi, Vir Cl. pro quib. gratias ago, utinam
et tandem referam. Non est mihi nova nominis tui fama, nec nova
eximiæ tuæ eruditionis opinio : eam mihi jamdudum perspectam
habeo ex libro tuo de Peste, quem ante annos decem accepi à fratre Neo-
magi degente : ubi in quo inter cetera optima illud præsertim probo, quod summo
jure inveharis in stibium caco-Chymicorum, quod semper est vene-
num, quocumque modo paretur : abusu certè maximo, et à Magistratu
non ferendo : sed necesse est hæreses esse ut probentur boni. Tuam quoque
magnanimitatem laudo in confutando lapide bezoardico, qui est merum
figmentum seplasiarorum, turpi et infami auro per fas et nefas intentorum, ut faciant
rem, si non rem quocumque modo rem, ægros decipiendo non solùm morbo,
sed etiam nimia credulitate laborantes. De Theriaca liberè dicam : in febre
pestilenti ejus usum non possum probare : neq. enim illa potest hodie fideliter
et exactè parari, quidquid nugentur pharmacopoli, Arabum sectatores,
et impudentissimi loculorum sectores : sed quamvis perfecta pararetur, ultra utique
p
quod si quis recurrat ad Theriacam authoritatem Galeni, qui librum scripsisse videtur de
Theriaca, certè omni pignore posito possem affirmare contendere librum illum non esse
Galeni ; quod liquidò constabit prudenti lectori : in qua sententia fuisse video non
paucos ex Recentioribus doctissimos, quales sunt Manardus, Iul. Alexandrinus, Foësius,
Claudinus, Hofmannus, Conringius, Aur. Severinus, Peletarius, Capivacius, Sylva-
ticus, Heurnius, et alij infiniti : imò Theriaca ipsa nequidem medicamenti nomen
non meretur, cùm sit compositio luxuriæ, nulli morbo expugnando idonea,
nulli certo effectui determinata nec accommodata : itaque non minùs liberè
quàm vere possem affirmare, Theriacam illam hodiernam et vulgarem, magis potiori jure
dici posse officinæ pharmaceuticæ excrementum quàm verum, genuinum et propriè dictum medicamentum :
Ms BIU Santé no 2007, fo 64 ro.
quod tamen multillorum pace dictum velim, qui aliter sentiunt : quiq. forsan non tam ex methodo et arte,
ne dicam indicatione Galenica, medentur, quàm ex veterum traditione,
et aliena fide : imò et aliena nempe pharmacopolarum lucro commendatione, qui sunt
per totam Europam turpissimi atque miserrimi lucriones, et quorum infandæ
avaritiæ nimirùm favent plerique Medicorum in Gallia : De vestri Belgio
nihil pronuntio : scio tamen eos esse aucupes cumerarum per totum orbem, summo
artis nostræ dedecores, et damno publico. Theriacales aquas et alia ficta
cardiaca, pulveres antipestilentiales, pilulas et alia ejusmodi, minùs quoque
laudo, utpote quæ vix prodesse possunt, quatenus calidiora, nec et ipsam pestis
causam, sordidam, profundam et intensam nec vulgarem putredinem emendare
non valent. Quæ quidem opiniones si Tibi paradoxæ videantur, non ideo
Tibi magis infensus aut minùs amicus esse velim : hoc unum dumtaxat
postulo, ut meam illam sententiam, quam Tibi candidè proposui, 2 boni 1 æquique
consulas, cætera condones philosophicæ libertati : nosti vetus distichum :
Diversum sentire duos de rebus ijsdem, Incolumi, etc.
Vale igitur, vir doctissime, et me ama Pro tuis Thesibus nostrarum
quoque fasciculum ante finem hyemis Tibi ad Te mittam, ex quibus abunde
Tibi constabit quantum Medici Paris. puriori atque sanctiori Medicinæ dent
operam, et bonis literis incumbant, phlebotomia et catharsi tanquam
virilibus et legitimis præsidijs utentes, neglectis tot nugis quas Arabum
perfidia et pharmacopolarum Chymistarum impostura 2 in Medicinam intrusit, et 1 in
communem humani generis perniciem excogitavit. Vale, vir præstantissime,
et me ama tui amantissimum,
Guidonem Patinum, Bell. Doct. Med.
Paris. et Prof. regium.
Parisijs, die Veneris, 31. Augusti, 1657.