L. latine 96.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 22 février 1658

[Ms BIU Santé no 2007, fo 66 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Volckamer, docteur en médecine à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Me revoici enfin, et je reprends la plume pour répondre à vos deux lettres. Vous n’avez pas à me remercier pour les 14 thalers de votre Pomer, [2][3] car je vous les dois bien : hoc debeo quod solvo, et quod solvo adhuc debeo[1][4] Je vous enverrai sous peu, ainsi qu’à M. Nicolaï, [5] la nouvelle édition revue et augmentée, qui est la quatrième, de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum de feu M. Riolan, in‑8o, avec la Geographia orbis notitia du P. Fournier, jésuite. Je n’ai rien pu découvrir sur les cartes géographiques de Tassin, parce que lui-même et son libraire sont tous deux morts ; [2][6][7][8] et plus encore, parce qu’on ne leur attribue ici aucune valeur, à cause de l’Atlas maior, imprimé pour la troisième fois, et d’une autre géographie française d’un certain père loyolite nommé Philippe Labbe, que je vous enverrai si vous la voulez. [3][9][10] Je salue de tout cœur M. Thomas Reinesius, le phénix des savants de notre siècle ; [11] je lui écrirai un de ces jours pour le congratuler, quand j’aurai plus de loisir car à présent, je suis entièrement occupé à commencer mes leçons publiques au Collège royal[12]

Je me réjouis que vous ayez enfin reçu les deux opuscules que vous avez désirés depuis si longtemps pour M. Rolfinck. [4][13] Vous ne me devez rien du tout pour l’Asiæ Descriptio que vous avez reçue, [5] en souhaitant que vous l’ayez acceptée avec autant de bonne grâce que j’ai de plaisir à vous l’offrir. Cependant, votre paquet m’a été remis il y a quatre jours ; j’y ai trouvé les trois livres que vous aviez indiqués, dont je vous offre le prix que vous direz ; en attendant de le connaître, je vous adresse les plus amples remerciements dont je suis capable. {Je n’ai ni vu, ni pu voir les éditions grecques de Meletius et de Rufus d’Éphèse ; Dieu fasse que je les trouve, pour les envoyer au très brillant M. Rolfinck qui en a besoin.} [6]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 66 vo | LAT | IMG] Si le très distingué M. Rolfinck persiste dans son projet d’embellir et augmenter son ouvrage anatomique, et songe à le rééditer, il doit le faire en plus grand format, qu’on appelle in‑folio, car je pense qu’il est le meilleur pour embrasser une anatomie entière et complète. [7] Notre Jardin royal n’a aujourd’hui plus rien de royal car, par manque de subsides royaux, lié aux dépenses des guerres, il est tout abandonné ; il demeure en friche et a perdu tout attrait de nouveauté. [14] Auparavant, on y enseignait un peu et on y montrait les plantes aux philiatres ; mais tout cela a cessé en raison de la philargyrie des trésoriers royaux, et de l’obstination inflexible et de l’effronterie d’un certain médicastre de la cour [15] qui s’est emparé du pouvoir sur ce Jardin ; et ce n’est pas étonnant cum leges inter arma sileant[8][16][17] et puisque les hommes de bien ne semblent avoir rien à espérer de mieux tant que la paix n’est pas conclue avec l’Espagnol. [18] Quand elle se fera est un grand mystère et un grand secret que Dieu seul s’est réservé.

J’ai ici un Rufus d’Éphèse publié en grec à Paris, in‑8o, 1554, de vesicæ renumque morbis, de purgantibus medicamentis, de partibus corporis humani, Sorani de utero et muliebri pudendo ; [9][19][20] {je souhaite que vous l’ayez, s’il vous manque, et} je vous l’enverrai si vous voulez. Je n’ai jamais vu le Meletius grec ; on dit même qu’il n’a jamais été édité en grec, mais que seulement quelques bibliothèques en conservent les manuscrits. [10][21] Bien que je sois votre très obligé, j’oserai vous importuner de nouveau et vous prierai, par votre singulière bonté, de bien vouloir regarder le catalogue ci-joint et m’acheter ce qui s’en trouvera à vendre chez vous. J’interrogerai pour vous nos docteurs qui s’y connaissent en botanique sur les semences de geranium noctu olens ; [11][22] l’un d’eux m’avait promis de ces graines, je lui tirerai l’oreille à ce sujet et lui remettrai en mémoire sa promesse amicale. Saluez de ma part les très distingués et très méritants MM. Rolfinck, Conring, [23] Nicolaï, ainsi que les autres qui voient nos affaires d’un bon œil. Vale.

Vôtre de tout cœur,
Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 22e de février 1658.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 66 ro et vo.

1.

« je paie ce que je dois, et ce que je paie, je le dois encore » (Ausone, v. note [6], lettre 595).

2.

V. notes [37], lettre 514, pour la 4e édition, posthume, du « Manuel anatomique et pathologique » de Jean ii Riolan (Paris, 1658), et [5], lettre latine 85, pour la « Connaissance géographique du monde » du P. Georges Fournier (Paris, 1649).

Christophe Nicolas Tassin (ou Le Tassin, originaire de Dijon), ingénieur géographe du roi en 1631 (dates de naissance et de décès incertaines) :

Les Plans et profils de toutes les principales villes et lieux considérables de France, ensemble les cartes générales de chacune province et les particulières de chaque gouvernement d’icelles… {a}


  1. Paris, sans nom, 1634, in‑4o, pour la première édition complète, 58 cartes numérisées dans Gallica.

3.

V. note [11], lettre latine 83, pour la Géographie royale du P. Philippe Labbe (Paris, 1652).

Le Theatrum orbis terrarum, sive Atlas novus in quo tabulæ et descriptiones omnium regionum [Amphithéâtre des terres du monde ou nouvel Atlas, où sont les tableaux et descriptions de tous les pays] (Amsterdam, Willem et Joan Blaeu) avait connu plusieurs éditions depuis 1634 ; il n’allait prendre le titre courant d’Atlas maior [Très grand Atlas] qu’en 1662 (v. note [13], lettre 428), surpassant et éclipsant alors toutes les autres géographies imprimées.

4.

V. note [1], lettre latine 81, pour les titres de ces deux ouvrages.

5.

V. note [4], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657, pour la « Description [nouvelle] de l’Asie » (Paris, 1656), attribuée au R.P. Georges Fournier.

6.

Phase barrée mise entre accolades ; Guy Patin est revenu sur le sujet à la fin de sa lettre.

7.

V. note [2], lettre latine 52, pour les Dissertationes anatomicæ [Dissertations anatomiques] de Werner Rolfinck (Nuremberg, 1656), qui n’eurent ni réédition ni seconde partie.

8.

« puisque les lois se taisent au milieu des armes » (Cicéron, v. note [8], lettre 532). Antoine Vallot (v. note [18], lettre 223), premier médecin du roi depuis 1652, était ce surintendant du Jardin royal des Plantes que Guy Patin accusait de négligence.

9.

Ρουφου Εφεσιου περι των εν κυστει και νεφροσις παθων ; περι των φαρμακων καθαρτικων ; περι θεσεος και ονομασιας των του ανθρωπου μοριων : Ruffi Ephesii De vesicæ renumque morbis. De purgantibus medicamentis. De partibus corporis humani. Σωρανου περι μητρας και γυναικειου αιδοιου : Sorani de utero et muliebri pudendo. Ex Bibliotheca regia.

[Traités de Rufus d’Éphèse {a} sur les maladies de la vessie et des reins, sur les médicaments purgatifs, sur les parties du corps humain ; de Soranos {b} sur l’utérus et les organes génitaux externes féminins. Tirés de la Bibliothèque royale]. {c}


  1. V. note [4], lettre latine 57.

  2. Soranos d’Éphèse, médecin grec du iie s.

  3. Paris, Adr. Turnebus, 1554, in‑8o, entièrement grec.

10.

V. note [4], lettre latine 57, pour Meletius et son ouvrage d’anatomie (traduction latine de 1552). Guy Patin a barré le passage mis entre accolades.

11.

V. note [1], lettre latine 77, pour ce « géranium qui sent bon la nuit » ; et cette fois-ci, Guy Patin a bien écrit geranii olentis, et non lucentis [qui luit].

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 66 ro.

Clariss. viro D. Volcamero, Medicinæ Doctori, Noribergam.

Ecce tandem adsum, vir Cl. et ad officium revertor ad Te scribendi,
duabus tuis responsurus. Quod à Pomero vestro 14. Imperiales acceperis,
non est quod habeas mihi gratias : illas enim ego Tibi debeo : hoc debeo quod solvo,
et quod solvo adhuc debeo. Brevi ad Te mittam et ad D. Nocolaï, novam Editionem, eámq.
quartam, renovatam et adauctam, Enchirid. Anat et Pathol. του μακαρ[ιτου]
Riolani, in 8. cum Geographica Orbis notitia P. Fournier, Iesuitæ.
De Tassini folijs Geographicis nihil potui rescire, quod ejus Bibliopola,
et ipse Tassinus ambo obierint : et eo deterius, quod nullo fuerint hîc
in pretio, propter Atlantem majorem, terties hîc typis mandatum : et
propter aliam Geographiam Gallicam cujusdam Patris Loyolitani ; dicti
Phil Labbe, quam si volueris mittam : Cl. virum D. Thomam Reinesium,
eruditorum sæculi nostri Phænicem ex animo saluto : ad quem congratulationis
causa aliquando scribam, dum mihi per otium plus licuerit. Nunc enim totus
sum in auspicandis Prælectionibus meis publicis in Auditorio regio.

Tamdiu desideratos libellos duos pro D. Rolfinckio quod tandem acceperis,
gaudeo : pro Asiæ descriptione quam accepisti, nihil quidquam debes : eam
utinam æquè gratam habeas quàm grata mente Tibi offero. Fasciculum
tuum accepi à 4. diebus tamen, in qua tres libros reperi à Te indicatos, pro
quib. quale volueris pretium offero : ^ interim ago gratias quan-/ tas possum maximas. Meletium et Ruffum Ephesium
Græcè editos nec vidi nec videre potui : quos utinam haberem, ut ad Cl.
virum, D. Rolfinckium mitterem, qui ijs indiget.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 66 vo.

Si pergat Cl. vir D. Rolfinckius in Opere Anatomico illustrando
et adaugendo, ejúsq. novam meditetur editionem, debet illa fieri in
majori volumine, quod vocant in folio ; quod optimum fore puto si universam et
perfectam Anatomem contineat. Regius ille hortus nil habet hodie regium ;
quippe qui regiorum stipendiorum defectu, propter sumptus bellicos, totus
deseritur, incultúsq. manet, nec ullam habet gratiam novitatis. Antehac
aliquid in eo docebatur, et stirpes declarabantur Philiatris : sed hæc omnia desi[e-]
runt propter regiorum Quæstorum φιλαργυριαν, et aulici cujusdam
medicastri, jus in illum hortum sibi vendicantis abruptam contumaciam
et impudentiam : nec mirum, cùm leges inter arma sileant, nequid-
quam melius viris bonis sperandum videatur, nisi pace cum Hispano
facta ; quod quando futurum sit, mysterium est, et grande arcanum,
soli Deo reservatum. <*> De Geranij noctu olentis seminibus propter Te
inquiram, à nostris Doctoribus qui rem Botanicum colunt : ex quib.
unus quædam grana mihi pollicitus fuerat ; pro ijs aurem illi vellam,
et amicam pollicitationem illi in mentem revocabo. Viros Clariss. et omni laude
majores, DD. Rolfinckium, Conringium, Nicolaï, et alios qui rebus
nostris favent, meo nomine saluta, et vale.

Tuus ex animo
G. Patin.

Datum Lutetiæ Paris. die Ven. 22. Febr. 1658.

<*> Hîc habeo Græcè editum Ruffum Ephesium, in 8. Parisijs 1554. de
vesicæ renúmq. morbis : de purgantib. medicamentis : de partibus corporis
humani : Sorani de utero et muliebri pudendo :
quem utinam haberes,
si eo indiges, et
mittam si volueris. Meletium Græcum numquam
vidi : imò Græcè dicitur numquam editus, sed dumtaxat MS. haberi in
quibusdam Bibliothecis. Quamvis multiplici nomine Tibi sim obstrictissi-
mus, audebo tamen Tibi iterum importunus esse, Teq. rogabo ut solita
tua benignitate, velis præsentem catalogum inspicere, et eos qui apud
vos prostabunt mihi emere.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 22 février 1658

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(Consulté le 19/04/2024)

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