L. latine 99.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 26 avril 1658

[Ms BIU Santé no 2007, fo 69 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Vander Linden, docteur en médecine et professeur à Leyde. [a][1]

Je n’ai rien à vous écrire sur l’Arétée, dont notre ami M. Rompf a accepté de s’occuper. [1][2][3][4] Pour le Celse, M. Johannes Rhodius se consacre entièrement à en faire une recension, [5][6][7] à ce que m’en a récemment écrit de Bruxelles mon grand ami M. Robert Farvacques, excellent homme qui y exerce la médecine ; [8][9] si nécessaire, vous pourrez en apprendre plus de lui, car il est ami de Rhodius. Je vous enverrai les Noctes geniales de Nardi (c’est un livre de même taille que vos Selecta medica), avec les Scholia de Persona sur Galien de venæ sectione[2][10][11][12] Je n’ai encore rien déboursé pour vous et ne vous ai rendu aucun compte des livres que j’ai reçus de vous, qui sont volumineux et nombreux. Je suis fort en dette envers vous et reconnais franchement vous devoir beaucoup et de diverses façons ; mais j’espère que je serai bon payeur à votre égard, Dieu aidant. Je souhaite que vous ayez reçu mon paquet que j’avais confié au commis d’Elsevier ; [13] j’en préparerai un autre quand paraîtront les œuvres de Io. Heurnius in‑fo, dont l’édition approche de son terme. [3][14]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 69 vo | LAT | IMG] Si le paquet que vous m’avez préparé est encore chez vous, enlevez-en, s’il vous plaît, le Grotius car il manque d’un index ; il paraîtra plus tard peut-être une nouvelle édition où il y en aura un, dressant la liste complète des noms qui figurent dans ce volumineux ouvrage où il s’en rencontre une si grande diversité. [4][15] Je vous serai très reconnaissant pour les autres livres que vous alliez joindre à ce Grotius : en tout premier, le Rivet, dont je fais grand cas ; [5][16] mais très distingué Monsieur, tenez bien le compte de chacun des nombreux volumes que vous m’avez procurés, de façon que je vous en rembourse le prix avec joie et gratitude. Je n’ai rien entendu sur la nouvelle édition des œuvres de Paracelse à Genève, et rien ne presse : la république des lettres se passera aisément des œuvres d’un tel vaurien. [6][17] Mes fils vous saluent : l’aîné, âgé de 28 ans, ne convoite pas les flambeaux de l’hymen ; [18] mais le second, âgé de 25 ans, n’y répugne pas, nous y songeons donc ; puisse-t-il bien tomber, à Domino datur uxor prudens[7][19][20] Nous n’avons rien de nouveau en librairie : nos imprimeurs sont bel et bien transis, en raison des fureurs continuelles de Bellone [21][22] et de l’espèce infinie de toutes les taxes qui écrasent quotidiennement la France tout entière. [23] Partout, leur puissance est invaincue et domine de très haut les nations ; et ce exagérément et très malencontreusement, par la faute de harpies [24] italiennes et de sangsues politiques, tant est grande notre stupidité. Notre très savant collègue, François Blondel s’occupe à rédiger son volumineux traité de Pleuritide, qu’ensuite il doit faire imprimer ; on critique et décrie ici extrêmement la purgation au début de la pleurésie. [8][25][26][27] Ne réimprimera-t-on jamais une mise à jour de vos Athenæ Batavæ que Meurs avait jadis commencées ? Si cela se faisait, j’aurais la très grande joie d’y voir votre portrait. [9][28] Sinon, car je le désire très vivement, j’oserai vous en demander un qui soit peint sur toile avec de vives couleurs ; je l’accrocherai au beau milieu de ma très vaste bibliothèque, [29] en compagnie d’excellents et très illustres personnages, Fernel, [30] Marescot, [31] Ellain, [32] François Duport, [33] Pierre Seguin, [34] Nicolas Piètre, [35] Jean Riolan, [36] René Moreau, [37] et d’autres éminents docteurs de notre Faculté, grands hommes qui surpassent toute louange et qui ont jadis été mes très honorés maîtres. Je les ai tous autrefois vus, aimés et entourés d’un grand respect, à l’exception des deux premiers, savoir Fernel qui mourut en 1558, le 26e d’avril, ce même jour où je vous écris cent ans plus tard, et Marescot, qui mourut ici en 1605. Pensez donc à m’envoyer votre portrait, je le vénérerai ardemment et le placerai parmi de grandes déités, à condition que vous ayez en retour ce que vous avez désiré. [10][38] Saluez de ma part MM. van Horne,  Golius,  Utenbogard [39][40][41] et d’autres, s’il en existe, qui voient nos affaires d’un bon œil. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, ce vendredi 26e d’avril 1658.

Votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 69 ro et vo.

1.

V. note [10], lettre 449, pour l’édition d’Arétée de Cappadoce que méditait Johannes Antonides Vander Linden ; pour la préparer, il souhait disposer d’un rare manuscrit conservé par la Bibliothèque royale (v. note [2], lettre 64), mais Guy Patin ne parvenait pas à lui en obtenir le prêt. Un ami de Linden, le médecin et diplomate hollandais Christiaen Constantijn Rompf, avait décidé d’intervenir en sa faveur auprès du garde de la Bibliothèque, Nicolas Colbert.

2.

V. notes :

3.

V. note [12], lettre 12, pour les Opera omnia de Jan i van Heurne (Lyon, 1658).

4.

V. note [4], lettre 276, pour les Annales et historiæ de rebus Belgicis [Annales et histoires flamandes] de Hugo Grotius ; les deux éditions d’Amsterdam (1657, in‑4o, et 1658, in‑8o) possèdent un index des faits, mais il est incommode car les 18 livres de l’ouvrage y sont analysés séparément dans leur ordre chronologique (1566 à 1609) ; il y manque un index général des noms propres.

La remarque de Guy Patin est doublement instructive :

5.

V. note [27], lettre latine 88, pour les deux ouvrages d’André Rivet sur L’Exode et Le Décalogue (Leyde, 1634 et 1637).

6.

V. note [8], lettre 8, pour le Paracelse de Genève (1658).

7.

« c’est le Seigneur qui donne une épouse raisonnable » (v. note [3], lettre 452).

En latin, tæda a le sens premier de « pin », arbre dont la résine servait à alimenter les torches, ce qui a mené, par métonymie, au sens de « flambeau », puis de « noces » et d’« hymen », chez les poètes, par référence aux nuptiales tædæ qui illuminaient le défilé des nouveaux mariés vers le lit nuptial, et plus allégoriquement aussi, à la torche qu’ils y consumaient. V. note [11], lettre 611, pour le mariage de Robert Patin, le 29 mai 1660.

8.

V. notes [32], lettre 442, pour ce cours « sur la Pleurésie » de François Blondel, resté inédit, et [14], lettre 430, pour la querelle qui avait agité la Faculté de médecine de Paris en 1656 sur la purgation au début de la pleurésie.

9.

V. note [9], lettre 443, pour l’« Athènes batave » de Jan van Meurs (Leyde, 1625), répertoire illustré des brillants enseignants de l’Université de Leyde, qui n’a été ni mis à jour, ni réédité.

10.

Je connais deux portraits de Johannes Antonides Vander Linden (mort en 1664).

En échange, Linden avait poliment demandé à Patin de lui envoyer son portrait.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 69 ro.

Cl. viro D. Vander Linden, Med. Doct. et Prof. Leidam.

Nihil habeo quod ad Te scribam de Aretæo, cujus negotium totum in
se recepit amicus noster D. Friese Romphius. De Celso, totus est in illo recen-
sendo D. Io. Rhodius, quod ad me nuper Bruxellæ scripsit mihi
amicissimus D. Rob. Farvaque, Medicus Bruxellensis, vir optimus,
à quo plura scire poteris, si opus fuerit, cùm sit amicus Io. Rhodij.
Nardi Noctes geniales ad Te mittam : (ejusdem est amplitudinis quàm
tua Selecta Medica :) cum Scholijs Personæ in Galenum de venæ sect.
Nihil adhuc pro Te expendi, nec ullæ sunt apud me rationes, quàm eorum
quæ à Te accepi, quæ magna et multa sunt : plurimùm sum in ære tuo,
et quam multa me Tibi debere, varijsq. modis candidè profiteor ; sed
spero me Tibi bonum nomen futurum, si Deus dederit. Fasciculum
nostrum antehac Elzevirij famulo traditum, utinam acceperis ; alterum
adornabo quando prodierint Io. Heurnij Opera, in fol. quorum editio non procul
est à meta.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 69 vo.

Ex fasciculo illo tuo quem mihi destinasti, si adhuc apud Te hæreat,
detrahe si placet Grotium, qui Indice caret : posthac forsan alia pro-
dibit Editio Indicem habitura, in tali Opere, in quo tot varia occurrunt
nomina, planè nominativum. Alia quæ Grotio subjunxisti, gratissima mihi
habentur : imprimis v. Rivetus ipse, quem magnifacio : sed pro sin-
gularis illis quæ mihi comparasti, tuipse rationes mihi confice, ut tot
librorum pretium Cl. viro refundam, cum lætitia et gratiarum actione.
De nova editione Operum Paracelsi, Col. Allobr. nihil audivi, nec
est quidquam quod urgeat : tanti nebulonis operib. facilè carebit
Republica literaria. Filij mei Te salutant : ex quib. major natu
annorum 28. 2 tædas 1 nuptiales non ambit : alter ann. 25. non renuit,
ideòq. de illis cogitamus : utinam feliciter cadat : à Domino datur
uxor prudens. In re literaria nihil habemus novi : Typographi nostri
valdè frigent, propter assiduos Bellonæ furores, et omnium vectigalium
genus infinitum quib. tota Gallia, aliàs invicti roboris, et potentissima gentium
dominatrix, per harpyas Italicas et politicas hirudines miserrimè et supra modum, tanta
est socordia nostra, quotidie atteritur. Collega noster Franciscus
Blondellus, vir doctissimus, tractatum suum amplissimum de Pleuri-
tide
, transcribi curat ab Anamnesi, quem postea dabit Typo-
grapho typis mandandum. Ibi supra modum excogitatur atque
debellatur purgatio, initio pleuritidis. Athenæ vestræ Batavæ
olim à Meursio inchoatæ, numquánone iterum typis mandabuntur
ad hæc tempora deductæ ? si fieret istud, ibi viderem tuam effigiem non absq.
summo gaudio : sin minus, quia illam maximo opere cupio, eam à Te petere
audebo, in tela vivis coloribus depictam, quam reponam in medio amplissimæ
Bibliothecæ, inter viros optimos ac illustrissimos, Fernelium, Mares-
cotum, Ellanium, Fr. Portum, Petrum Seguinum, Nic. Pietreum,
Io. Riolanum, Ren. Moreau, et alios Facultatis nostræ Doctores
eximios, viros magnos, omni laude majores, præceptores olim meos colen-
dissimos : quos omnes olim vidi, amavi et singulari studio colui, præter duos
priores, nempe Fernelium, qui obijt anno Christi 1558. die 26.
Aprilis, eodem illo die quo ad Te scribo post annos centum : et Mares-
cotum, qui hîc obijt anno 1605. Cogita igitur de tua effigie mihi
mittenda, quam seriò venerabor, et inter magna Numina collocabo :
^ ea lege, quod habebis pro αντιδωρον quale volueris. Verbis
Verbis meis saluta D.D. Van Horne, Golium, Utenbogardum, et
alios, si qui sint qui rebus nostris faveant. Vale, vir cl. et me ama.

Parisijs, die Veneris, 26. Aprilis, 1658.

Tuus ex animo Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 26 avril 1658

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(Consulté le 19/04/2024)

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