L. latine 104.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 26 juillet 1658

[Ms BIU Santé no 2007, fo 71 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine d’Utrecht.

Très éminent Monsieur, [a][1]

Je suis en vie et me porte bien, espérant et souhaitant qu’il en aille de même pour vous. Comment vos compatriotes se portent-ils, le très savant Schockius, et Voetius, ce braillard de théologien ? [2][3] J’ai ici un livre qu’on a publié chez vous il y a sept ans, dont je fais assurément grand cas, car il mérite la louange de tous les honnêtes gens : ce sont les Antonii Æmilii Orationes, etc. [1][4] J’entends dire que cet écrivain réside en votre contrée ; s’il est votre ami, faites-lui savoir, je vous prie, que ses écrits me sont très chers et que j’ai lu ses discours presque en entier ; vous le saluerez donc de ma part. Qu’est-ce que votre Voetius nous prépare de nouveau ? Ne pense-t-il pas à un troisième tome de Disputationes theologicæ ? [2] Notre roi très-chrétien a souffert d’une synoque putride près d’Iccius Portus (aujourd’hui Calais), dont enfin huit saignées et quelques purges l’ont heureusement libéré. [3][5][6][7][8] Il rentrera ici sous peu pour recouvrer des forces sur son sol natal et se décharger des derniers reliquats de sa maladie dans un air mieux tempéré. Vale, cher ami, et continuez de m’aimer comme vous avez fait jusqu’ici.

De Paris, le 26e de juillet 1658.

Votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 71 vo.

1.

Antonii Æmilii Orationes quarum pleræque tractant argumentum politicum : accedunt nonnulla ejusdem utraque lingua poematia.

[Discours d’Antonius Æmilius {a} dont la plupart traitent de politique, avec quelques-uns de ses petits poèmes dans les deux langues]. {b}


  1. Éminent latiniste et orientaliste, Antonius Æmilius (Antoon Melis, Aix-la-Chapelle 1589-Utrecht 1660) était professeur d’histoire et de politique à Utrecht depuis 1636.

  2. Utrecht, Gisbertus a Zyll et Theod. ab Ackersdyk, 1651, in‑12, en deux langues, latin et flamand.

2.

V. note [8], lettre 534, pour le troisième des cinq tomes des « Discussions théologiques » (Utrecht, 1659) de Gisbertus Voetius, calviniste ultrarigoriste, dont Guy Patin prisait fort les écrits, mais qui était la bête noire de Christiaen Utenbogard et de Marten Schoock (v. la lettre d’Utenbogard, datée du 21 août 1656).

3.

V. note [7], lettre latine 103, pour la grave maladie (probable typhus) de Louis xiv à Calais (Iccius Portus).

Synoque (synochus en latin) est un hellénisme médical : employé seul, synochus a le sens de persistance, continuité, accumulation (sunokhê en grec) ; la fièvre synoque est une « sorte de fièvre continue qui dure depuis le commencement jusqu’à la fin, sans aucun redoublement » (Thomas Corneille). Synoque est sans relation autre que phonétique avec le mot argotique moderne sinoque ou cinoque, fou.

On distinguait les synoques en deux variétés : simple (non putride) et putride (v. note [6] de la Consultation 13). Guy Patin employait surtout le terme synochus puter (ou putris) : fièvre synoque putride qui s’observait en particulier au cours de la peste, du typhus ou de la typhoïde. Il se gardait de nommer ici l’antimoine, son médicament honni à qui la cour et la Gazette attribuaient la guérison du roi.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 71 vo.

Clarissimo viro D.D. Christiano Utenbogardo, Med. Doct. Utrechtum.

Vivo et valeo, vir præstantissime ; de Te idem voveo, et spero. Quomodo
se habent populares tui, vir doctissimus Scoockius, et Theologicus
ille rabula Voetius ? Hîc habeo librum ante 7. annos editum apud vos, quem certè
magnifacio, utpote qui à bonis omnibus laudem meretur : Sunt Ant. Æmilij
Orationes, etc.
Audio illum Scriptorem apud vos manere : si Tibi amicus
fuerit, fac quæso ut intelligat ejus scripta mihi esse carissima, et ejus Orationes
pene totas legisse : eúmq. ideo nomine meo salutabis. Voetius vester quid novi
molitur ? an de tertio tomo cogitat Disput. Theologicarum ? Rex noster
Christianissimus continua synocho putri laboravit, ad Iccium portum, à
(Caletum dicunt,) à qua tandem feliciter liberatus est per octies missum
sanguinem, et aliquoties repurgatum corpus. Hîc brevi futurus est, ut vires
resumat in natali solo, et morbi reliquias deponat in cælo aere temperato. Vale
carum caput, et me quod hactenus fecisti, amare perge. Parisijs, 26. Iulij, 1658.

Tuus ex animo Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 26 juillet 1658

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1137

(Consulté le 25/04/2024)

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