L. latine 105.  >
À Melchior Sebizius,
le 9 août 1658

[Ms BIU Santé no 2007, fo 72 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Melchior Sebizius, docteur en médecine et professeur à Strasbourg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu votre lettre et votre livre, il va sans dire que la première m’a été très agréable et que j’ai tenu le second pour une grande faveur. Je les considère tous deux comme des trésors et vous prie d’accepter mes remerciements, aussi sincères que votre bonté à mon égard. C’est bien M. Commerel qui m’avait remis votre première lettre ; [2] elle lui avait été remise par un homme qui l’avait reçue ici pour la remettre à M. Dinckel, [3] qui était alors absent, comme il l’est encore maintenant, mais qui, avant de partir, m’avait donné votre petit paquet. [1] Rien ne peur certes avoir assez de valeur pour acquitter le montant d’une telle dette, mais je vous paierai tout de même en retour pour votre lettre et pour votre dernier livre de 56 Exercitationes[2][4] sinon à l’égal, du moins par quelque présent. Je vous demande de bien vouloir recourir à M. Ursinus, [3][5] avec qui vous serez convenus par avance d’une somme d’argent qu’il vous paiera sur-le-champ ; ou, si vous préférez, faites-moi savoir quels livres vous désirez que je vous envoie d’ici. On a récemment entrepris à Lyon l’impression des œuvres de M. Gassendi, [6] qui tiendront en six gros volumes ; je vous en ferai cadeau si cela vous fait plaisir ; sinon, ce sera ce que vous voudrez obtenir de notre France. Si nous jouissions de la paix, ce salutaire bienfait que nous désirons si fort, je pourrais faire en sorte que nos libraires impriment votre Speculum medicinale practicum, mais ils n’entreprendront rien de tel tant que sévira la guerre. [4][7] Je chercherai de mon mieux les graines de plantes exotiques que vous demandez, mais ailleurs qu’au Jardin botanique de notre ville, [8] qui reste maintenant inculte, et vous enverrai tout ce qu’auront déniché quelques personnes qui s’y connaissent en plantes, à qui j’ai communiqué votre liste. Pour son propre mérite et à cause de vous, M. Ursinus m’a toujours été extrêmement recommandé et je l’aiderai en tout ce que je pourrai. Pour ce monstre dont vous m’écrivez, on en a si peu entendu parler ici que je le tiens pour une pure fable, du genre de celles que les imprimeurs inventent à tout bout de champ pour dépouiller le stupide petit peuple de son argent. [9] Notre roi est délivré de sa fièvre continue grave, jamque e densissima morbi nube caput erexit[5][10][11][12] Il ne se passe chez nous rien que je doive et désire vous apprendre. J’adresse mes profondes salutations à votre très savant fils, [13] il est pour moi la seconde étoile après vous. Vale et permettez, vous qui avez voulu m’aimer sincèrement, que je vous aime en retour et sois toujours votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, le 9e d’août 1658.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Melchior Sebizius, ms BIU Santé no 2007, fo 72 ro.

1.

Guy Patin prolongeait ici les explications qu’il avait données à Melchior Sebizius au début de sa lettre latine du 17 mai 1658 ; il le remerciait aussi pour sa réponse et pour un nouveau paquet de ses livres qu’il lui avait envoyé.

Je n’ai pas mieux identifié le noble Strasbourgeois dénommé Commerel (orthographe bien attestée dans cette seconde mention) qui servait d’intermédiaire entre Sebizius et Patin.

2.

V. note [3] (3e référence citée), lettre latine 95, pour les 56 « Essais » médicaux (Strasbourg, 1624, 1631 et 1636) de Melchior Sebizius, qui avait répondu au souhait de Guy Patin en les lui envoyant.

3.

Cet Ursinus, autre intermédiaire strasbourgeois de Guy Patin dans sa correspondance avec Melchior Sebizius, est distinct de Leonardus Ursinus (Leonhard Beer), professeur de botanique et de physiologie à Nuremberg, à qui Guy Patin a écrit une lettre le 29 février 1664.

4.

V. notes [19], lettre 442, pour les Opera omnia de Pierre Gassendi (Lyon, 1658), et [9], lettre 557, pour le premier tome du « Miroir pratique de médecine » de Melchior Sebizius (Strasbourg, 1659).

5.

« et il a déjà sorti la tête du très épais nuage de la maladie. »

Cette expression peu banale se lit sous la plume d’Erycius Puteanus, {a} au début de la lettre xl (page 43) de son Epistolarum selectarum apparatus miscellaneus et novus ; in quo officia familiaria, negotia, studia. Centuria tertia : {b}

E densissima morbi nube caput erigo, Illustrissime et Reverendissime Domine, et caligantes adhuc oculos in tua audeo Purpura recreare. Hei mihi, quam gravis nunc etiam languor sit, nisi hoc solario fruar ! ac nuper quidem totum me humanissimus ille complexus tuus exhilaravit, cum ad Sacra profecturo Comitia tristissimum vale dicerem, meque devoverem.

[Illustrissime et révérendissime Monsieur, {c}
Je sors la tête du très épais nuage de la maladie, et ose ranimer mon regard encore brouillé en le tournant vers votre pourpre. Pauvre de moi ! ma langueur serait plus pesante encore si je ne bénéficiais de ce cadran solaire, car votre si chaleureuse accolade m’a tout entier réjoui quand, il y a peu, je me rendis à l’Assemblée du clergé pour vous dire très tristement adieu et recevoir votre bénédiction].


  1. V. note [19], lettre 605.

  2. « Recueil nouveau et varié de lettres choisies, à propos des devoirs domestiques, des affaires, des études. Troisième centurie » (Amsterdam, Jodocus Janssonius, 1646, in‑12).

  3. Datée du 1er octobre 1623, la lettre est adressée à Bruxelles, au cardinal Alfonso Cueva-Benavides y Mendoza-Carrillo, conseiller d’Isabelle Claire Eugénie d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas.

V. note [7], lettre latine 103, pour la grave maladie (probable typhus) que Louis xiv avait contractée à Mardyck, et dont la France entière suivait les heureux progrès.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 72 ro.

Clariss. viro D. Melch. Sebizio, Medicinæ Doctori ac Profess. Argentinam.

Vir clariss.
Tuam Epistolam, tuúmq. accepi librum, an illa mihi
gratissima, hic beneficij loco fuerit, noli quærere : rem utramq. pro thesauro
habeo : quàm autem benignus es, tam rogo ut à me gratiarum actionem admittas.
Tuæ priores literæ mihi quidem redditæ sunt à Domino Commerel, habebatq. hic
ab homine qui eas receperat tradendas D. Dinckel, tunc temporis, uti et nunc absente,
à quo priusquam decederet, tua mihi data erat cistula. Etsi a. tantæ rei
nullum solvi posset satis dignum pretium, quo tamen eam et tuum postremum 56.
Exercitationum librum remunerer, si non pari, at aliquo munere ; patere quæso
uti D. Ursino, quam præfiniveris pecuniæ summam repræsentem : aut si mavis,
significa mihi, quos hinc ad Te libros perferi cupias. Novis typis nuper mandata
sunt Lugduni, D. Gassendi opera, sex majorib. tomis comprehensa : hoc, nisi displicet,
à me feres αντιδωρον : sin minus rem quamcumq. volueris aliam è Gallia nostra.
Si pace, re illa salutari, et à nobis tantopere exoptata frueremur, possem
perficere ut tuum Speculum medicinale practicum à nostris excuderetur typo-
graphis, nihil ejusmodi grassante bello aggressuris. Exoticarum stirpium
semina aliunde quàm à regio nostræ Urbis horto, qui nunc jacet exincultus,
petenda, quantâ potero curâ conquiram, tuóq. cum nonnullis plantarum
apprime studiosis viris communicato indice, quidquid ero ab illis expiscatus, ad Te
mittam. Dominus Ursinus et suo merito et tuo nomine mihi semper erit commenda-
tissimus, eúmq. quib. potero rebus juvabo. De monstro illo quod scribis, tam
hîc inauditum est, ut mihi mera sit fabula, quales sæpe comminiscuntur ab omni re
inopes Typographi, ad stolidiorem plebeculam argento emungendam. Regem
nostrum gravis et assidua febris reliquit, jámq. è densissima morbi nube caput
erexit. Nihil apud nos geritur quod Te rescire et debeat et cupiam. Lectissimo
filio tuo, qui mihi alterum à Te sidus est, salutem plurimam impertio. Vale,
et qui me ultro amare voluisti, permitte ut Te redamem, tuúsq. semper sim.
Lutetiæ Paris. 9. Augusti, 1658.

Tuus ex animo Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Melchior Sebizius, le 9 août 1658

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(Consulté le 20/04/2024)

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