L. latine 112.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 3 janvier 1659

[Ms BIU Santé no 2007, fo 76 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, à Leyde. [a][1]

J’ai enfin reçu de Lyon le Gassendi que je vous destinais, et devais même. [2] M. Angot l’a sur-le-champ enfermé dans son paquet, [3] avec ceux-ci que je vous envoie : il s’agit de deux exemplaires de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum de Riolan, [4] dont vous choisirez l’un et offrirez l’autre de ma part, s’il vous plaît, à M. van Horne, votre très savant collègue, avec mon plus profond salut ; [5] les autres sont le Simeo Seth, grec et latin in‑8o, et le Philippe Douté de succo Cyrenaïco ; je vous les offre tous deux et voudrais que vous les teniez pour agréables. [1][6][7][8] Je vous donne moins que je vous dois, étant en effet largement votre débiteur et le demeurant sans doute encore. Je vous envoie les trois suivants, parce que vous l’avez ainsi voulu ; vous ne répugnerez peut-être pas à me les renvoyer après que vous les aurez regardés ; ce sont les Noctes geniales de Nardi, in‑4o [9] le Scribonius Largus de Rhodius in‑4o[10][11] les Scholia in tres Galeni libros de venæ sectione de Giovanni Battista Persona, in‑4o, ainsi que quelques thèses. [2][12][13] Un opuscule m’est aujourd’hui tombé entre les mains, il est très petit et fin, n’ayant que deux feuilles ; comme vous ne l’avez pas mentionné dans votre Nomenclator, je vous en mets ici le titre : Io. Roquetij, Santonis, Diorismi de Sanguinis missione ex Hipp. Galeni, et aliorum nostri Seculi Medicorum celebrium monumentis concinnati. Ad Senatum Rupellanum. Rupellæ, apud P. Haultinum, 1576[3][14][15][16][17][18] Dans vos mêmes de Scriptis medicis, page 386, vous corrigerez, s’il vous plaît, une légère erreur : vous replacerez la Disputatio de Monstro Lutetiæ, etc. dans les ouvrages de Riolan fils, et l’ôterez de ceux de Riolan père ;  et parmi les livres de Riolan fils, vous n’avez pas recensé son Anthropographia, publiée à Paris in‑fo, il y a dix ans, savoir en 1649 ; et si vous ne l’avez pas vue, je vous l’enverrai facilement ; c’est un grand ouvrage, digne de votre bibliothèque, et aussi de vous et de l’affection que vous me portez. [4][19][20][21] Mais dites-moi, s’il vous plaît, ne pensez-vous pas à une troisième édition de votre Nomenclator, de Scriptis medicis ? L’ouvrage auquel vous travaillez et dont vous m’avez écrit il y a quelques mois, progresse-t-il diligemment et bellement, quand espérez-vous le faire imprimer ? [5][22] J’attends, ou du moins souhaite, votre réponse sur ces deux points. Nous avons ici, venu de votre ville de Leyde, un nouveau livre in‑fo, Tribunal medicum, magicum et politicum de Caspar Caldera, etc. ; il n’est pas le Miles gloriosus de Plaute, mais un rhapsode espagnol, barbare  qui n’a jamais sacrifié au bel esprit, ou plutôt qui entend peu le métier qu’il enseigne. [6][23][24] Je tiens pour excusés son mauvais latin et ses fréquents barbarismes, [7][25] je ne me soucie pas des fautes typographiques qui sont innombrables ; mais il reste bien d’autres choses à lui reprocher, dont les écrivains doivent se soucier en ce siècle savant, à moins que, par quelque insolite sauvagerie et insupportable impudence, ils ne s’estiment capables de gruger le genre humain ; la seule raison de le louer est pourtant qu’il aime et fait grand cas d’Hippocrate. Mais tandis que j’écris, voici qu’on m’apporte de Saumur [26][27] une réponse pour M. Gronovius, [28] que je salue de tout cœur, tout comme vous, très distingué Monsieur. Vive, vale et aimez-moi.

Vôtre en toutes choses, G.P.

De Paris, le 3e de janvier 1659.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fos 76 vo‑77 ro.

1.

V. notes :

2.

V. note :

3.

« Indications de la saignée, par Jean Roquet de Saintes, tirées des monuments d’Hippocrate, de Galien et d’autres médecins célèbres de notre temps ; dédié au Sénat de La Rochelle (La Rochelle, P. Haultin, 1576) » : il ne manque à cette référence que le format, in‑8o, et le prénom de l’imprimeur, Pierre. Je n’ai rien trouvé d’autre sur l’auteur, Jean Roquet (Roquetius), que certaines bibliographies confondent avec John Rocque, auteur britannique du xviiie s.

Ce que Guy Patin appelait le « Nomenclateur » de Johannes Antonides Vander Linden (v. note [29], lettre latine 88) était la 2e édition de ses de Scriptis medicis [des Écrits médicaux] (Amsterdam, 1651, v. note [3], lettre latine 26) ; il y a ajouté Roquetius, Santon et son livre à leur 3e édition (ibid. 1662, v. note [29], lettre 925), page 401, mais en lui donnant le format in‑12.

4.

Dans les de Scriptis medicis (2e édition, 1651, v. supra note [3]) de Johannes Antonides Vander Linden, les bibliographies des deux Riolan, père et fils, Jean i et Jean ii, occupent les pages 384‑387.

Linden y avait en effet attribué à Jean i le De Monstro nato Lutetiæ anno Domini 1605. Disputatio philosophica. Per Ioannem Riolanum. Fil. D. M. Anat. et Pharm. Profess. Reg. [Discussion philosophique à propos du monstre qui est né à Paris en l’an 1605, par Jean Riolan fils, docteur en médecine, professeur royal d’anatomie et pharmacie] (Paris, Olivier de Varennes, 1605, in‑8o) : description d’un cas de jumeaux conjoints (siamois) unis par les faces antérieures du thorax et de l’abdomen sus-ombilical. Jean ii Riolan a republié ce traité dans les éditions successives de son Anthropographia (v. infra) ; mais Linden a continué à attribuer ce livre à Jean i Riolan dans la 3e édition de ses de Scriptis medicis (1662, v. note [29], lettre 925), page 398 (numérotée 378).

L’Anthropographia [Anthropographie (Description de l’homme)] de Jean ii Riolan a été publiée en 1618 et en 1626, seule édition citée par Linden en 1651 ; la 3e édition, que lui signalait ici Guy Patin, pouvait tromper les plus vigilants car le mot Anthropographia ne figure pas dans son titre : elle est insérée (pages 1 à 425) dans les Opera Anatomica vetera [Œuvres anatomiques anciennes] (Paris, 1649, v. note [25], lettre 146). Linden a corrigé son omission dans son édition de 1662, au bas de la même page 378/398, en citant bien les trois éditions successives de l’Anthropographia (1618, 1626 et 1649).

5.

V. supra notes [3] et [4], pour la 3e édition des De Scriptis medicis libri duo… [Deux livres sur les écrits médicaux] de Johannes Antonides Vander Linden (Amsterdam, 1662).

L’impression de ses Meletemata [Exercices pratiques] de médecine hippocratique (Leyde, 1660, v. note [16], lettre 557) était en train de débuter.

6.

V. notes [41], lettre 549, pour le Tribunal médical de Gaspar Caldeira de Heredia (Leyde, 1658) et son titre extravagant, et [10], lettre 541, pour le Miles gloriosus [Le Soldat fanfaron] de Plaute.

7.

Barbarisme [barbarismus] : « faute dans le langage qui tient le milieu entre le solécisme et l’impropriété. Il se commet, quand on se sert de quelque mot, ou phrase étrangère et qui n’est pas naturelle à la langue » (Furetière). S’il est plus explicite pour nous, le sens moderne (Robert) n’a guère changé : « faute grossière de langage, particulièrement celle qui consiste à employer des mots forgés ou déformés, à se servir d’un mot dans un sens qu’il n’a pas. Solutionner (au lieu de résoudre) une question est un barbarisme. »

Dans la rude saillie de Guy Patin contre Gaspar Caldeira, j’ai respecté les consonances voulues de ce mot avec barbare [barbarus] (étranger, inculte, grossier) et barbarie [barbaries] (sauvagerie).

L’énorme quantité de transcriptions latines contenues dans mes notes, suivies de leur traduction française, m’a laborieusement initié à ce que Patin appelait la langue barbare ou africaine (v. note [5], lettre 298). Comme aujourd’hui l’anglais, le latin servait de véhicule aux échanges entre les savants de toute l’Europe, et s’en trouvait souvent profondément corrompu. Cet obstacle gêne indiscutablement le progrès des connaissances en histoire des sciences car il complique l’accès à nombre de sources antérieures au xixe s. Plus curieux du fond que de la forme et sans être un latiniste émérite, je me suis toujours acharné à trouver un sens à ce que je lisais, en signalant, quand elles dépassaient la mesure, les libertés grammaticales que j’ai été contraint de me permettre. Les Deux Vies latines de Jean Héroard, premier médecin de Louis xiii en fournissent un copieux et éloquent échantillon. Cette longue et profonde immersion m’a fait apprécier l’élégance de la plume latine de Patin, quand il la laissait courir sur le papier sans chercher à l’endimancher ; même s’il n’égalait pas les grands modèles de son temps, tels Érasme, Casaubon, Saumaise, ou Grotius, dont la belle langue m’a procuré de délicieuses oasis.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 76 vo.

Clariss. viro D. Io. Ant. Vander Linden, Leidam.

Tandem Gassendum Tibi destinatum, imò debitum, Lugduno accepi ; quem
illico fasciculo suo inclusit D. Angot, cum sequentibus quos ad Te mitto : nempe
illi a. sunt Enchirid. Anat. et Pathol. Riolani, duo exemplaria, quorum
unum Tibi seliges, alterum nomine meo, si placet, offeres D. Van-Horne,
Collegæ tuo doctissimo, cum salute mea amplissima. Reliqui sunt Simeon
Sethi
, GræcoLat. 8. Phil. Douté, de succo Cyrenaïco : quæ singula Tibi offero,
gratóq. accipias velim : nec tam Tibi do, quàm reddo, plura enim longè Tibi
debeo, quib. solvendis sum forsan impar. Tres sequentes ad Te mitto,
quia sic voluisti, quos forsan postquam videris, remittere non gravaberis : de
quib. tamen ad libitum tuum decernes : ij sunt Noctes geniales Nardij : 4. Scribo-
nius Largus Rhodij
 : 4. et Io. Bapt. Personæ Scholia in tres Gal. libros de venæ
sectione : 4. cum aliquot Thesibus
. Hodie incidit in manus meas libellus
quidam, exiguus admodum et parvæ molis, duorum dumtaxat foliorum,
cujus in Nomenclatore tuo non meministi, ideóq. ejus titulum Tibi hîc apponam.
Io. Roquetij, Santonis, Diorismi de Sanguinis missione ex Hipp. Galeni, et
aliorum nostri Seculi Medicorum celebrium monumentis concinnati. Ad Senatum
Rupellanum. Rupellæ, Apud P. Haultinum. 1576
. In eodem illo tuo
Libro de Scriptis Medicis, pag. 386. leve erratum, si placet emendabis : repones
nempe Disputationem de Monstro Lutetiæ etc. inter opera Riolani Filij, eámq.
expunges ex operibus Riolani Patris : et inter libros Rional Filij non recen-
suisti ejus Anthropographiam, Parisijs editam in folio, ante annos decem,
anno nimirum 1649. quam si non videbis habeas, eam facilè ad Te mittam : ille
magnum est opus, Bibliotheca tua, imò Te et amore tuo dignum. Sed dic quæso :
cogitásne de nova eáq. tertia editione tui Nomenclatoris, de Scriptis Medicis ?
Opus illud tuum quod habes in manibus, de quo ante aliquot menses ad me
scripsisti, proceditur diligenter et belle : quandonam speras illud prælo
subjicere ? super his duobus responsum tuum expecto, aut saltem expeto.
Hîc habemus ex Urbe vestra novum librum in fol. Tribunal Medicum,
Magicum et Politicum Casp. Calderæ etc.
Non est ille miles gloriosus
Plauti, sed Rhapsodus Hispanus, barbarus, qui bonæ menti numquam
litavit, aut saltem qui eam quam profitetur artem, non parum intelligit. Lati-
nitatem ejus et frequentes barbarismos excusatos habeo : typographica sphalmata
quæ quamplurima sunt, nihil moror : sed alia multa supersunt ejus
peccata, quib. in hoc 2 sæculo 1 erudito Scriptores debent carere, nisi se
putent humano generi fucum facere posse insolenti quadam barbarie et
non ferenda impudentia : hoc tamen solo laudandus quod amet ac magnifaciat
Hippocratem. Sed dum scribo, ecce responsum mihi defertur Salmurio, quod pro Domino Gronovio,
quem ex animo saluto : Te quoque Vir Cl. Vale ergo, vive, et me ama. Totum tuum G.P.

Parisijs, 3. Ianu. 1659.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 3 janvier 1659

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(Consulté le 29/03/2024)

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