L. latine 160.  >
À Mme N. de Palme,
le 9 mars 1661

[Ms BIU Santé no 2007, fo 100 ro | LAT | IMG]

Pour une certaine dame de Bruxelles, de la part de Mme de Palme. [a][1][2]

Une grave maladie a jadis incommodé une dame de Bruxelles. [3] Pour la combattre, elle a employé les remèdes nécessaires et idoines. On pourrait en quelque façon se demander s’il ne subsiste pas de séquelles de cette affreuse et venimeuse maladie. Néanmoins, comme depuis lors elle s’est remariée avec un autre homme et a donné naissance à des enfants en bonne santé, il est difficile de suspecter qu’il s’agissait d’une affection maligne. Elle se plaint pourtant vivement de règles très abondantes ; [1][4] et rien n’est plus simple que d’y procurer un remède idoine et adapté. Cet excès de sang indique que la susdite femme est dotée d’excellents viscères, en particulier d’un foie sain et robuste. Sa pléthore sanguine témoigne d’une alimentation trop riche et, pour la corriger, [5] elle doit modérer son trop généreux régime : [6] qu’elle consomme peu de viandes ; qu’elle s’abstienne entièrement [Ms BIU Santé no 2007, fo 100 vo | LAT | IMG] du vin et peut-être aussi de la bière, ou du moins qu’elle n’en boive que fort peu ; [7][8] qu’elle mange des fruits, des petits choux et des petits légumes, ainsi que des salades de laitue, de pourpier, de concombre, de chicorée, selon la saison ; [9][10][11][12] ces aliments engendrent peu de sang et nourrissent peu. Parmi les fruits, je donne la priorité aux pommes, aux poires, aux cerises de toutes espèces, aux châtaignes, aux fraises et aux raisins bien mûrs.

Pour dissiper cette pléthore avec célérité et sûreté, le premier et plus éminent remède à employer est cependant la phlébotomie, en saignant la malade dès que possible des deux veines basiliques. [13][14] Après huit jours, il faudra lui purger le corps avec séné, casse et sirop de roses ; [15][16][17][18] purgation qui devra être répétée deux fois, à quelques jours d’intervalle ; ce toutefois, à la condition formelle qu’à nouveau, au commencement du mois de mai, elle accepte et même réclame de se faire saigner des deux basiliques. Chez votre dame, ce remède, de premier ordre et réellement souverain, soulagera les douleurs, arrêtera la fluxion et restaurera le juste équilibre des humeurs. Aux mois d’été, le bain lui conviendra parfaitement, ou le demi-bain d’eau tiède, [19] durant lequel elle prendra des boissons rafraîchissantes ou du petit-lait, avec du sirop simple de violettes ou de prunes. [20][21] Elle se passera aisément des eaux de Spa et devra même s’en abstenir, en raison de leur qualité métallique affaiblissante et de leur odeur vitrioleuse qui nuit aux viscères. [22] À mon avis, il est certain que ces eaux de cure jouissent de bien plus de célébrité que de salubrité ; elles doivent assurément beaucoup aux mensonges de leurs zélateurs et aux divers artifices qu’ils utilisent pour séduire à leur profit quantité de malades. Vous avez en votre ville de Bruxelles M. Robert de Farvacques, qui est un médecin très habile et un très honnête homme ; [23] si vous le consultez, il vous fournira en toutes choses les avis les plus salutaires. En septembre prochain, il y aura lieu de tirer du sang des deux basiliques de votre dame ; et les mois suivants, jusqu’à l’hiver, de lui purger le corps trois ou quatre fois, avec les mêmes remèdes que j’ai mentionnés ci-dessus.

À Paris, ce mercredi 9e de mars 1661.

S’il subsiste en vous quelque doute ou si quelque souci vous arrête, écrivez-moi et veritas vos liberavit[2][24]

De tout cœur votre Guy Patin, docteur en médecine de Paris et professeur royal d’anatomie, de botanique et de pharmacie.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite « de la part de Mme de Palme », ms BIU Santé no 2007, fo 100 ro et vo.

1.

Les règles d’abondance ou de durée excessive portent le nom savant de ménorragies ou d’hyperménorrhée. Leur cause principale est un déséquilibre hormonal, mais elles peuvent aussi révéler une tumeur, bénigne ou maligne, et d’autres maladies de l’utérus. Les ménorragies sont distinctes des métrorragies, hémorragies utérines qui ne sont pas rythmées par les règles.

2.

« et la vérité vous libérera » ; Jean (8:31‑32) :

Dicebat ergo Iesus ad eos qui crediderunt ei Iudaeos : “ Si vos manseritis in sermone meo vere discipuli mei eritiset cognoscetis veritatem et veritas liberabit vos ”.

[Jésus dit alors à ceux des Juifs qui l’avaient cru : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples, vous connaîtrez alors la vérité et la vérité vous fera libres »].

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 100 ro.

Pro quodam Domina Bruxellensi. De la part de Mad. de Palme.

Domina quadam Bruxellensis laboravit olim magno quodam morbo,
ad quem averrucandum necessaria et idonea remedia celebravit : tetri hujus et
virulenti affectus an aliquæ supersint reliquiæ, quodammodo posset dubitari :
nihilominus tamen, cùm ab eo tempore alteri viro nupserit, ex quo prolem sanam suscepit,
vix licet malignum aliquid suspicari. Sed illa conqueritur de copioso sanguinis
menstrui profluvio, cui nihil est tam facile quàm remedium adfere
idoneum et accommodatum. Copia isthæc sanguinis indicat illam Dominam
præditam esse viscerib. optimis, hepate præsertim robusto et valido :
ad impediendam istam πολυαιμιαν, quæ pleniorem victum testatur,
circumcidat aliquid de liberaliore sua diæta, paucis carnib. utatur, nullo

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 100 vo.

vino, et nulla forsan ceverisia, vel saltem pauciore : fructus,
helvellas et oluscula comedat, ut et acetaria ex lactuca, portulaca,
cucumere, cichorio, pro ratione tempestatis : paucum sanguinem ista generant,
et parum nutriunt : inter fructus potissimum colloco poma, pyra,
cerasorum omne genus, castaneas, fragas et uvas maturas.

Sed ut tutius ac citius occurratur isti plenitudini, summum
ac princeps remedium est adhibendum, nempe venæ sectio celebranda,
quamprimùm ex utraque basilica ; post octo dies erit illi repur-
gandum corpus ex folijs Orient. cassia et syrupo diarhodon :
sed bis erit repetenda isthæc purgatio, interjectis inter utrumq.
dosim aliquot diebus : ea tamen lege et conditione, ut iterum ineunte
Majo, patiatur, imò curet sibi detrahi sanguinem ex utraque
basilica. Remedium istud princeps, ac verè ηγεμονικον dolores
ejus sedabit, omnem fluxionem sistet, et ad legitimam temperiem
Dominam vestram reducet. Mensibus æstivis summoperè illi conveniet
balneum, vel semicupium ex aqua tepida, in quo posita hauriet
potus quosdam refrigerantes, vel serum lactis, cum syrupo violato,
vel de prunis simplici. Spadanis aquis facile carebit, imò debet
carere, propter metallicam quandam qualitatem attenuantem,
et spiritus chalchantinos ejus visceribus inimicos : apud me enim
certum est ejusmodi aquas medicatas longè plus habere salu- cele-
britatis quàm salubritatis : et certè plurimum debent tales
aquæ suorum præconum mendacijs, et varijs artib. quibus utuntur
isti ut ægros multos ad se pelliciant. Habetis in civitate vestra
Bruxellensi, virum optimum et peritissimum Medicum, D. Rob.
de Farvaque
 : si à vobis de singulis consulatur, saluberrima
consilia vobis suggeret. Proximo Septembri erit iterum vestræ
Dominæ secanda utraque basilica ; et Octobri mensib. sequentib. usque ad
hyemem erit illi ter aut quater repurgandum corpus, eodem ipso
medicamento quod suprà commemorato. Datum Parisijs, die Mercurij,
9. Martij, 1661. Si quid supersit dubij, vel hæreat aliquis
scrupulus, scribite, et veritas vos liberabit. Vester ex animo
Guido Patin, Doctor Med. Paris. et Professor regius rei
Anatomicæ, Botanicæ, atque Pharmaciæ.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Mme N. de Palme, le 9 mars 1661

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(Consulté le 29/03/2024)

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