L. latine 181.  >
À Johann Wilhelm Mannagetta,
le 18 février 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 127 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Mannagetta, archiatre de l’empereur, à Vienne.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu et lu avec indicible joie votre très agréable lettre ; votre parent, M. Maximilian Honorius Zollikofer, jeune homme savant et d’excellentes mœurs, [2] me l’a remise. Je vous y ai vu et reconnu tel que me l’avait abondamment vanté la réputation éclatante de votre renom ; ce que m’avait déjà parfaitement appris une lettre de M. Johann Georg Volckamer, [3] excellent homme et savant médecin de Nuremberg, qui a eu le bonheur de vous rencontrer lors du voyage que vous fîtes à Francfort il y a trois ans. [1] Maintenant pourtant, je reconnais de bon cœur l’affection que vous me portez aussi et suis disposé à vous rendre la pareille en toute occasion que vous voudrez me procurer. Pour moi, j’avoue de bon gré vous devoir énormément, en raison de cette insigne bonté et de cette bienveillance peu commune, que vous répandez ainsi généreusement ; mais autant je vous dois beaucoup, autant je l’ai peu mérité, et Dieu fasse que je puisse vous traiter selon la loi du talion ; [2] et ce aussi heureusement que je le désire. Que voulez-vous de plus ? J’avoue être en dette envers vous plus que je ne pourrai jamais vous rembourser. Sachez aussi, très distingué Monsieur, que je vais sérieusement m’attacher à ce que vous ne puissiez m’aimer plus que je vous aime, moi qui admire et vénère vos vertus de toute mon âme. Mais en attendant, je vous demande, en retour et de toutes mes forces, de ne pas priver dorénavant de votre affection celui que vous avez volontairement entrepris d’aimer, sans y avoir encore été incité par aucun bienfait ni service, et même à son insu. Vous saurez que votre très cher parent, ce jeune homme d’excellent naturel, m’est tout à fait recommandé, étant donné que, dans toute la mesure de mes moyens, je le favoriserai et l’aiderai, non seulement de mes soins et de mes conseils, mais aussi de mon appui, de mon travail, de ma peine ou de mes biens. Considérez donc que, grâce à moi, il ne manquera de rien, quelle que soit la nature de ce dont il aura besoin. C’est ce que je vous promets solennellement, et ce que j’accomplirai pleinement et de très bon cœur. Vale, très noble Monsieur, et continuez d’aimer celui qui sera toute sa vie et en toute confiance,

votre Guy Patin, docteur en médecine de Paris et professeur royal en la chaire de Jean Riolan, prince des anatomistes. [4]

De Paris, ce 18e de février 1662.

Voilà 16 ans, j’ai soigné ici un jeune homme de votre noblesse viennoise, il se nommait le baron de Lobel, il disait être le fils du premier majordome en la cour de votre empereur. [5] Est-il encore en vie ? Si je me rappelle bien, il avait un précepteur allemand, originaire de Tübingen. J’ai ici la première partie de l’Hercules medicus de M. Höffer, votre compatriote : quand la seconde viendra-t-elle ? C’est un ouvrage débordant de bon fruit et très utile, et dont j’ai fort souvent recommandé la lecture à mes auditeurs. [3][6][7]


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre que Guy Patin, encore affaibli (v. note [1], lettre 717), a dictée à l’intention de Johann Wilhelm Mannagetta, ms BIU Santé no 2007, fo 127 ro ; la suscription, trois corrections et le post-scriptum sont de la plume de Patin.

1.

Nous n’avons pas cette lettre de Johann Georg Volckamer, mais seulement la réponse qu’y avait donnée Guy Patin le 10 janvier 1659 (v. sa note [2]).

V. note [14], lettre 750, pour Maximilianus Honorius Zollicofer, étudiant en médecine natif de Vienne (Autriche) et apparenté au très éminent Johann Wilhelm Mannagetta, ce qui explique le salmigondis de flatteries redondantes qui inonde la suite de la lettre.

2.

Vous rendre la pareille (v. note [14], lettre 299).

3.

Hercules Medicus, sive Locorum communium medicorum tomus primus. In quo plerorumque humani corporis affectuum curationes attinguntur, et quidquid in iisdem vel Theorico vel Practico consideratione præcipua dignum est, compendiose et utiliter pertractatur, cum subjectis, ubi quadrant, Aphorismis Hippocratis. Opera et laborioso studio ex probatissimis Authoribus collectus, propriis observationibus et experienta confirmatus et illustratus a Wolfgango Höeffero Philo: et Med: Doctore, Sacræ Cæs: Majestatis Aulæ Medico….

[Hercule médecin, ou premier tome de Lieux communs {a} médicaux. Où sont considérés les traitements de presque toutes les affections du corps humain ; on y traite brièvement et utilement de ce qui est principalement digne d’attention, en théorie comme en pratique, en y plaçant, quand ils conviennent, les aphorismes d’Hippocrate. Tiré des auteurs les plus éprouvés par les soins et le travail assidu de Wolfgang Höefferus, {b} docteur en philosophie et médecine, {c} médecin de sa Sainte Majesté Impériale, qui l’a illustré et affermi par ses observations personnelles et son expérience…] {d}


  1. Recueil de citations.

  2. Wolfgang Höffer (Freisingen, Haute-Bavière 1614-Vienne 1661).

  3. De l’Université d’Ingolstadt.

  4. Vienne, Joannes Jakobus Kürner, 1657, in‑4o, avec un imposant frontispice, montrant Hercule tuant l’Hydre, et une approbation de Johann Wilhelm Mannagetta. La préface de l’auteur au lecteur annonce un deuxième et un troisième tome qui n’ont jamais vu le jour, mais le premier a été réédité avec des augmentations en 1664, 1665 et 1675.

Je nai pas trouvé d’information complémentaire sur le jeune comte de Lobel.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 127 ro.

Cl. viro D. Mannagettæ, Cæsaris Archiatro, Viennam.

Vir Clarissime,

Suavissimam Epistolam tuam summo cum gaudeo accepi et legi :
reddita mihi fuit per cognatum tuum, adolescentem bene moratum ac
eruditum, D. Maximilianum Honorium Zolichofer. Ex hac Epistola
tua talem te agnovi et vidi, qualem fama tui Nominis non obscura
antehac abunde mihi prædicaverat : quod tamen potissimum didiceram
per Epistolam Viri Optimi, ac eruditi Medici, D. Io. Georgij Wolckameri,
Noribergensis, cui feliciter contigit, ut tibi innotesceret in expeditione
vestra Francofurtensi, ante triennum confecta. Nunc verò amorem
quoque in me Tuum libenter agnosco pro quo paria facere paratus
sum in qualibet occasione, si illa per t
Te mihi sese obtulerit. Certè non
invitus fateor ego, plurimum me tibi debere, ob insignem illam Tuam
humanitatem et benevolentiam non vulgarem, quam abunde sic
depromis : tantò autem magis debeo quantò minus sum promeritus
et utinam possem tecum retaliare ; idque tam felciter quàm cupio.
Quid vis amplius ? fateor me Tibi tantum debere quantum
solvere nunquam possim. Hoc autem scias velim, Vir Cl. seriò
me daturum operam, ne t
Tu plus me amare possis, quàm Te ego,
virtutesque istas Tuas ex animo veneror atque suspicio. Interea
verò Te vicissim ac enixè rogo, ut eum quem amandum sponte
T
tua, et nullo adhuc beneficio aut obsequio provocatus suscepisti,
idque etiam inscium, in posterum amare ne desinas. Carissimum
illum cognatum Tuum, optimæ indolis adolescentem, scias esse mihi
commendatissimum, utpote quem, quantum in me erit, fovebo
atque juvabo, non solum studio et consilio, sed etiam ope, aut opere,
operâ, aut re : idcirco quidquid illud sit quo indiguerit puta illi non
per me
non defuturum. Quod sanctè polliceor, idque lubens et abunde præstabo.
Vale, Vir Nobilissime, et eum amare ne desinas
perge, qui Tuus totâ vitâ
futurus est,

Totus ære et libra Guido Patin
Doctor Medicus Parisiensis, et Profess.
Regius in cathedra Jo. Riolani, Anatomic[orum]
Principis.

Parisijs, die 18. febr. 1662.

Ante annos sexdecim hîc feci Medicinam adolescenti cuidam ex nobilitate vestra Viennensi : vocabatur Baro de Lobel :
dicebat se filium supremi Œconomi in aula Imperatoria vestri Cæsaris : adhuc vivit ? habebat præceptorem Germanum,
Tubingensem
, si bene memini. Hîc habeo primam partem Herculis Medici D. Hoëfferi, vestri popularis : quandonam veniet
altera ? Opus est bonæ frugis plenissimum, ac utilissimum, et cujus lectionem antehac Auditoribus meis sæpius commendavi.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Wilhelm Mannagetta, le 18 février 1662

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(Consulté le 19/04/2024)

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