L. latine 188.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 30 mars 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 127 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden.

Très distingué Monsieur, [a][1]

M. de Lindeman m’a remis hier la lettre que vous m’avez écrite le 14e de mars, dont je vous remercie. [1][2] Je vous assure que le très mauvais ouvrage de ce vaurien de Planis Campy ne se trouve chez aucun de nos libraires. S’il s’en présente un, je vous l’achèterai ; les exemplaires de ce livre ont été plutôt perdus que vendus, par la mort de Denis Moreau, [2][3][4] après laquelle on les a dispersés dans les épiceries pour en faire thuris piperisque cuculli[3][5] Puisque vous me le demandez, j’ai reçu votre portrait en bon état, entier et intact. [6] J’ai vu en cette ville Daniel Elsevier, imprimeur d’Amsterdam, [7] qui a apporté cent exemplaires de l’Etymologicon de Vossius ; [8] j’en ai déjà fait relier un. J’attendrai patiemment la thèse de Joannes de Cocq. [4][9] Dieu fasse que la nouvelle édition des œuvres d’Érasme progresse bellement : [5][10] ce fut un très grand homme dont tout le monde savant doit chérir la mémoire et la gloire ; moi qui suis le plus humble de mes confrères, j’honore Érasme au plus haut point et, après lui, Fernel et Scaliger, dont les noms me sont précieux et que je tiens presque pour des divinités. [11][12] Dieu veuille que vous receviez rapidement le paquet que j’ai confié et recommandé pour vous au fils de M. Blaeu. [13] Dites-moi s’il vous plaît ce que vous pensez du livre de Cervisia que Marten Schoock m’a dédié, [14][15] ou ce que vous savez de cet auteur ; je suis en effet étonné de la raison pour laquelle il a pensé à moi, qui n’avais presque jamais entendu parler de lui, hormis quelque compliment qu’il m’avait adressé parce que j’avais loué un certain de ses écrits de Harengis[16] Je crois devoir cela à la recommandation de M. Utenbogard, médecin d’Utrecht et mon ami, [17] qui fut jadis disciple de Schoock. [6] Les juges que le roi a choisis continuent ici à examiner la vie, les mœurs et les actions de M. Nicolas Fouquet, le surintendant des finances emprisonné, [18][19][20] dont la rumeur populaire dit qu’il périra misérablement après Pâques. Mes fils vous renvoient leurs salutations, ainsi que M. Bigot ; [21][22][23] mais moi, je salue les très distingués Vorst, [24] Stevartus, [25] Gronovius, [26] van Horne, [27] et les autres. Vale.

De Paris, le 30e de mars 1662.


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre que Guy Patin, encore affaibli (v. note [1], lettre 717), a dictée à l’intention de Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 127 vo, sans aucune trace de la plume de Patin et sans signature.

1.

V. note [7], lettre latine 173, pour Bernad Lindeman.

2.

Le libraire parisien Denis Moreau (mort en 1647), établi rue Saint-Jacques à l’enseigne de la Salamandre d’argent, avait publié en 1646 les Œuvres de David de Planis Campy (v. note [6], lettre latine 176).

Le Privilège du roi accordé à ce livre pour 20 ans, daté du 1er mars 1644, est suivi de ce codicille : « Ledit Moreau a cédé et transporté la moitié de son privilège à Étienne Danguy, aussi marchand libraire à Paris pour en jouir pendant ledit temps, ainsi qu’il a été accordé entre eux le 17e juillet 1645. » L’achevé d’imprimer est du 31 août 1645.

3.

« des sachets pour le poivre et l’encens » (réminiscence de Martial, v. note [3], lettre 22).

4.

V. notes [20], lettre 352, pour l’Etymologicon (« Origines de la langue latine ») de Johannes Gerardus Vossius, et [7], lettre latine 176, pour la thèse de Joannes de Cocq « sur l’Hydropisie ».

5.

V. note [4], lettre latine 166, pour le projet de publier à Rotterdam les œuvres complètes d’Érasme.

6.

V. note [1], lettre 719, pour le livre de Marten Schoock « sur la Bière » (Groningue, 1661) et sa dédicace à Guy Patin.

Guy Patin avait loué sa dissertation « sur les Harengs » (Groningue, 1649, v. 5e référence de la note [2], lettre 719) dans sa lettre latine du 2 février 1657 à Christiaen Utenbogard ; lequel avait dû transmettre le compliment à Schoock, qui en avait remercié Patin par la dédicace de son livre sur la bière (sans y parler ni des harengs, ni d’Utenbogard), en y écrivant :

Sed quod scirem Patinum illum maximum, seu, illam scriptorum hujus seculi exactissimam amussim, nugas et scruta mea aliquo in pretio habere…

[Mais sachant que ce très grand Patin, ou ce cordeau très précis des écrivains de notre temps, accorde quelque prix à mes sornettes et à mes recherches…].

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 127 vo.

Clarissimo Viro D.D. Joanni Ant. Vander Linden.

Vir Cl.

Postremam Tuam 14. Martij scriptam heri
mihi reddidit D. de Lindeman, pro qua gratias ago. Certum
habeas apud omnes nostros Bibliopolas nullum prostare
exemplar pessimi libri nebulonis istius Planis Campi : si quod
occurrat illud Tibi redimam : isthæc istius libri exemplaria non tam
vendita sunt quam miseré perierunt per obitum Dion.
Moreau obitum post quem ut fierent thuris piperisque cuculli
atque ad piperarias tabernas fuerunt distracta. Iconem
Tuam accepi salvam et incolumem ac ut requiris illæsam.
Vidi in hac Urbe Dan. Elsevirium, Typographum
Amstelodamensem, qui centum detulit Exemplaria
Etymologici Vossij ex quibus unum hîc habeo jam compactum.
Thesim Joannis de Cocq patienter expectabo. Faxit Deus ut
Erasmi Operum editio nova belle procedat : fuit ille Vir
Maximus et cujus memoriæ atque gloriæ favere debent
omnes quotquot in orbe sunt eruditi : ego certé minimus
ex fratribus meis, quantum in me est Erasmum colo et
post eum Fernelium et Scaligerum, quorum nNomina
mihi pretiosa sunt et pené Numina. Fasciculum Tuum
filio D. Blaeu traditum et commendatum utinam
citó accipies. De libro mihi dicato per Mart. Schoockium,
de Cervisia, indica mihi si placet quid sentias, vel de Authore
ipso quid noveris : miratus enim sum quomodo ille de
me cogitaverit de quo nihil unquam pené audiveram
præter salutem quamdam ab eo acceptam, propterea
quod laudassem quoddam ejus scriptum de Harengis : hoc
puto me debere commendationi D. Utembogard, Medici
Ultrajectini, Amici mei, qui fuit olim Schoockij discipulus. Hîc pergunt selecti judices a Rege, in examinanda
vita, moribus et factis D. Nic. Fouquet, Gazophylacis incarcerati, qui dicitur vulgari famâ miseré periturus post
Paschalia. Filij mei Te resalutant ut et D. Bigotius. Ego veró Cl. Viros, Vorstium, Stuartum, Gronovium, Van Horn
et alios. Vale. Dat Parisijs, 30. Martij, 1662.
Tuus ex animo.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 30 mars 1662

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(Consulté le 25/04/2024)

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