L. latine 221.  >
À Thomas Bartholin,
le 29 novembre 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 118 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je dois réponse aux deux vôtres : celle que j’ai reçue par le noble M. Trojelus, avec un relevé des livres que vous m’avez envoyés et que j’avais précédemment reçus, dont je reconnais vous être extrêmement redevable ; et votre dernière écrite de Copenhague le 18e d’octobre. [1] Je répondrai en peu de mots à l’une et à l’autre. Puisque certaines des lettres que je vous ai jadis écrites se liront dans ces Epistolæ que vous faites maintenant imprimer, [2] je crains que les érudits ne les trouvent mauvaises car, sans aucun espoir et sans même penser qu’elles soient jamais publiées, je les ai rédigées dans un style commun et extrêmement familier, avec des mots de tous les jours et sans travailler mon discours, [2] comme il me souvient qu’autrefois Juste Lipse recommandait de faire pour de telles correspondances amicales. [3][3] Ces paroles d’un ancien auteur m’ont toujours énormément plu : Non congrue scribit veritati, qui scribit ex tempore : sero perficitur quod fit serio ; [4] mais comment faire ou dire autrement quand le fait est accompli ? Je ferai fi de toute pudeur et si on m’y trouve quelque tort, je le rejetterai sur vous et l’attribuerai certainement à votre affection pour moi. Bravo donc, et continuez de nous aimer. Que les autres enragent, que les Zoïle se lamentent, [5][4] moi j’acquiescerai à ce qui est fait et tiendrai pour une part de mon bonheur d’avoir été loué, aimé et agréé par le grand Thomas Bartholin, et je tirerai toujours gloire de l’avoir eu pour ami ! Pour agir selon la loi du talion et vous rendre en quelque façon la pareille, je rassemble un paquet d’opuscules et de petits livres médicaux qu’on a ici publiés ; quand il aura grossi et sera complet, je vous le ferai parvenir par M. Wormius le jeune. [6][5] Notre ami Pierre Petit écrit de Luce [Ms BIU Santé no 2007, fo 118 vo | LAT | IMG] adversus Isaac Vossium[7][6][7] Je vous enverrai la thèse médicale De secanda ad pubem vesica de l’éminent M. Nicolas Piètre, [8][8][9] homme très remarquable et praticien fort expérimenté qui n’a guère eu d’égal dans les opérations de l’art. C’est grâce à lui que j’ai appris ou pu apprendre quantité d’excellentes choses qui sont nécessaires pour bien remédier ; j’honore donc profondément sa mémoire. Je me souviens néanmoins que le très distingué Jean Riolan, professeur royal d’anatomie et neveu maternel de Nicolas Piètre, [10][11] n’a guère approuvé cette thèse, et l’a même condamnée comme peu conforme à la science car elle péchait en maints endroits contre les lois de la véritable anatomie. Vous en déciderez, vous qui connaissez parfaitement cette matière et qu’on tient absolument par toute l’Europe pour un Roscius en ce métier. [12] J’entends néanmoins dire qu’on a tenté quelquefois cette section de la vessie au pubis pour extraire la pierre, [13] mais que, comme elle n’a pas toujours été couronnée de succès, elle n’a pas satisfait aux vœux des malades, ni des médecins ; ce que vérifient ces vers d’Aurélio Augurello, au livre ii de sa Chrysopœa : [14]

Multa tegit involucro Natura, neq. ullis
Fas est scire quidem mortalibus omnia : multa
Admirare modo : necnon venerare : neque illa
Inquires quæ sunt arcanis proxima : namque
In manibus quæ sunt, hæc nos vix scire putandum :
Est procul à nobis adeo præsentia veri
[9]

Dies diem docebit, et tandem Elias veniet qui revelabit, et secretum aperiet[10][15][16] et il découvrira le secret, que l’épreuve répétée et l’expérience confirmeront. Autrement en effet, quantité de fourberies et de faussetés se répandent en notre art par l’entremise d’ignorants, d’empiriques et de charlatans, qui se jouent du petit peuple insensé. [17][18] Les chimistes, issus de la porcherie de Paracelse, [19][20] mènent la bande de ces imposteurs. Ils n’agissent et ne manigancent que dans le seul souhait de tromper, et de dépouiller honteusement et habilement de leur argent les malades qui souffrent d’excessive crédulité,

Ut faciant rem, si non rem, quocumque modo rem[11][21]

Quant à ce fameux vaurien de faux abbé Aubry, [22] monstre de Montpellier, c’est le second archimystagogue de la fourberie chimique, derrière Paracelse et Van Helmont, [12][23] qui ont été des agitateurs fort impies et des souffleurs fort impurs. Il est non seulement très ignorant, mais aussi extrêmement rusé, sans être bon à quoi que ce soit. Credite me vobis folium recitare Sibyllæ[13][24][25] car tout ce que j’ai écrit à son sujet est parfaitement vrai, et je ne vous ai pourtant pas dit tout ce que je sais car je n’ai ni le désir ni le loisir de dépeindre le monceau d’impostures et de fraudes que ce plus impudent des bipèdes emploie chaque jour. Ad populum phaleras, etc. Populus vult decipi[14][26] Je suis pourtant affligé qu’on le trompe, parce que je suis chrétien ; il est néanmoins floué par tant de mendiants et de vendeurs de fumée, et bien trop souvent avec l’indulgence de la dive Thémis. [27] Endurons donc avec patience et résignation ce qui ne peut être corrigé, puisque les puissants et les magistrats tolèrent ce genre d’hommes, quod in Rep. nostra semper vetabitur et semper retinebitur[15][28] [Ms BIU Santé no 2007, fo 119 ro | LAT | IMG]

Necesse est hæreses esse, ut probentur boni et periti[16][29]

Je pense qu’on n’a fait aucune addition à la nouvelle édition de l’Œconomia Hippocratis d’Anuce Foës ; je loue toutefois ces imprimeurs de Genève parce qu’ils prennent la peine de republier son Hippocrate et son Œconomia[17][30][31] quand d’autres, parfaitement ineptes, s’abandonnent au seul espoir de gagner de l’argent, rafraîchissent et rénovent des livres de la pire composition et dont la lecture est condamnable, pour le plus grand tort de ceux qui ont du goût pour notre métier. Tels sont les livres de Paracelse, Van Helmont, Glauberus, [32] Quercetanus, [33] et de semblables imposteurs dont les fumées, sous prétexte de médecine rénovée et éclairée, Dieu m’en garde, ont substitué les fraudes et les mensonges sans limite à notre art, qui est saint et sacré, le fantôme à la beauté, les ténèbres à la lumière, les impostures à la vérité, et les ont imposés à nos étudiants et au monde savant. Je songerai plus tard à alimenter les Centuriæ que vous avez en tête de compléter ; pour cela j’ai pourtant besoin d’avoir un peu plus de loisir. Quand donc verrons-nous vos Epistolæ medicales ? [18] Je me réjouis que vous approuviez ma narration et l’histoire de l’affection dysentérique qui afflige votre noble compatriote, M. Flescher. [34][35] Par la remarquable bienveillance de Dieu, il a été heureusement délivré d’une si atroce maladie, grâce à la saignée souvent répétée, [36] à la diète réfrigérante, [37] manu medica Phœbique potentibus herbis[19][38][39] c’est-à-dire par la purgation douce, [40] avec moelle de gousse d’Égypte, [20][41] un peu de séné, [42] un peu de rhubarbe ou de confection universelle, avec sirop de chicorée mêlé de rhubarbe, [43][44][45] que Jean Duret, fils de Louis, très grand homme et très docte descendant d’un docte père, appelait finement, à son habitude, rheubarbarum castratum[21][46][47] De cette narration que vous avez précédemment reçue de moi, sur l’affection du dit M. Flescher, vous pouvez, si vous voulez, faire une observation à insérer dans les Historiæ rariores que vous publierez un jour. [18] Cette maladie dysentérique a chez nous été clairement épidémique cette année : on peut en rapporter la cause à l’abondance des fruits de saison, qui a été très grande dans toute la France, des mois de mai à novembre. Dieu fasse qu’enfin, grâce à vous et par vos soins, nous ayons par bonheur le Celse de l’excellent M. Johannes Rhodius, [48][49] ainsi que son Végèce ; [50] pour ces épuisants travaux, je prie Dieu tout-puissant de vous accorder le loisir et les forces requises. [22] Récemment nous est arrivé L’Homme de Descartes, dont je n’ai rien à faire ; [51] c’est qu’en effet je n’ai pas assez de temps de reste pour examiner tant de nouveautés, pour ne pas dire de frivolités, par lesquelles, jour après jour, tant d’hommes qui, étant soit oisifs et de mauvaises mœurs, soit experts en la sotte et inepte avidité des innovations, égratignent inutilement, malheureusement et misérablement la doctrine des Anciens. Ces novateurs extravagants s’épuisent à s’inventer des monstres qu’ensuite ils terrassent ; mais ces entreprises n’ont encore produit aucun fruit et la vénérable Antiquité tient encore fermement debout, au grand regret de tant de gens malveillants. [23] Je préfère savoir et comprendre les Aphorismes d’Hippocrate, son Pronostic et ses Coaques, tout comme les livres de Galien de Usu partium, de Locis affectis, et divinam ejusdem Methodum[24][52][53] qui s’attaque avec bonheur à presque toutes les maladies et les terrasse souvent, plutôt que de maîtriser tous les secrets et les souveraines opérations manuelles de Paracelse, de Van Helmont et autres novateurs, vauriens, vendeurs de fumée, chimistes, etc. Je salue Messieurs vos frères, [54] ainsi que M. Simon Pauli, [55] qui a jadis été l’élève de notre Riolan, et nos autres amis ; mais vous, très distingué Monsieur, vive, vale et continuez de nous aimer.

De Paris, le 29e de novembre 1662.

Votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Thomas Bartholin, ms BIU Santé no 2007, fos 118 ro‑119 ro.

1.

Lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662 (vieux style, 28 octobre grégorien) ; sa précédente, portée par Vir nobilis D. Trojelus (dont on ne sait rien de plus), était du 25 septembre (5 octobre grégorien). Les deux dernières de Guy Patin à Bartholin étaient du 29 septembre et du 12 octobre, soit avant qu’il eût rien reçu récemment de lui.

2.

Première et deuxième centuries des « Lettres médicales » de Thomas Bartholin (Copenhague, 1663, vBibliographie, Bartholin a).

3.

Juste Lipse a publié quantité d’ouvrages et de lettres, réunis dans ses Opera omnia [Œuvres complètes] (Anvers, 1637, 4 volumes in‑fo, v. note [8], lettre 36). Sans avoir sûrement localisé le propos exact de Lipse que Guy Patin évoquait ici, j’ai trouvé la même idée dans le Lectorem meum salvere iubeo [Je salue mon cher lecteur] du Iusti Lipsi Epistolarum selectarum Chilias… [Millier de lettres choisies de Juste Lipse…] (Avignon, 1609, v. note [12], lettre 271) :

Epistolas enim meras damus : diales nostras nugas, iocos, lusus, et cum amicis garritus. Quid serium hic magno opere, aut cultum ? quin epistolæ esse desinunt, si nimis tales. Ordinem aut dilectum in materia, curam aut limam in stilo quispiam expectat ? a me frustra : quia in blandiente illa hæresi ego, ut epistolas sub manu nasci debere censeam et sub acumine ipso stili. Atque adeo (dicam vere) bis non scribo, bis vix eas lego. Profluunt mihi ex liquido quodam canali aperti pectoris : et ut animus aut corpus meum est cum scribo, ita illæ.

[Nous livrons en effet nos lettres sans fard : nos bagatelles, nos plaisanteries, nos badinages de tous les jours et nos bavardages avec les amis. Pour être grande, une œuvre doit-elle être sérieuse et apprêtée ? À défaut de cela, une lettre laisse-t-elle d’en être une ? Quelqu’un y attend-il un ordre ou un tri dans les thèmes, du soin ou de la méticulosité dans le style ? C’est en vain qu’on l’espérera de moi, car je me complais dans l’hérésie de penser que les lettres doivent naître au fil de la plume. Je ne m’y reprends donc pas à deux fois pour les écrire et (vous avouerais-je) les relis à peine. Elles s’écoulent de moi par ce conduit liquide qui me sort du cœur. Elles sont comme sont mon esprit et mon corps au moment où j’écris].

4.

« Qui écrit sur-le-champ n’écrit pas convenablement la vérité ; faire sérieusement se fait lentement » (sans source identifiée).

5.

De Zoïle, grammairien grec d’Alexandrie au ive s. av. J.‑C., célèbre par son acharnement à blâmer Homère, a dérivé un substantif pour désigner les critiques envieux et méchants ; v. notes [1] des Pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé, et [1], notule {d}, lettre 414, pour ce qu’en ont dit Martial et Galien.

Ces propos de Guy Patin sont réconfortants pour les éditeurs de ses lettres : nous voilà bien affranchis du remords d’indiscrétion qui pourrait nous tourmenter, car Patin ne voyait aucun mal, bien au contraire, à ce qu’on publiât sa correspondance. Quant au style, on ne peut qu’applaudir car sa plume perdait tout son sel quand il s’écartait parfois de la règle préconisée par Juste Lipse (v. supra note [3]).

6.

Matthias Wormius, fils d’Olaüs (mort en 1654) et frère puîné de Willem (v. note [4], lettre latine 24) ; Guy Patin l’a par erreur prénommé deux fois Olaüs (v. notes [6], lettre latine 302, et [4], lettre latine 395).

7.

V. note [6], lettre 897, pour le livre de Pierre Petit « sur la Lumière, contre Isaac Vossius » (Paris, 1663), savant ouvrage dédié au Celeberrimo Viro Ægidio Menagio, exquisitoris litteraturæ omnis cultori eximio [très célèbre M. Gilles Ménage, éminent protecteur de toute littérature raffinée] :

Cum Isaacus Vossius, vir multifaria eruditione clarus, ad te librum suum de Lucis natura et proprietate, pro ea quæ inter vos intercedit amicitia, perferendum curasset, viso titulo, tanta me illius legendi cupiditas incessit, ut nec moram exigui temporis, dum ubi exemplaria prostarent certior fierem, ferre possem ; sed etiam tibi e manibus nondum lectum importunus Amicus auferrem. Eum nunc tibi remitto : atque ut intelligas me non perfunctorie ipsum legisse, Exercitationes quoque mitto in præcipua eiusdem loca, quibus dubitationes meas Authori ipsi propono solvendas ; magnorum scilicet exemplo virorum, Iul. Cæs. Scaligeri et Is. Casauboni ; quos hic mihi duces eatenus sumpsi, ut tamen prioris licentiam in eo exagitando contra quem disputat, non imiter. Mihi placet modestia, quam in hisce disputationibus (quod difficilimum est) talem me præstitisse arbitror, ut de me ipse Vossius iure, eo quidem nomine, queri non possit. Visum est autem ab Ignis et Lucis natura inscribere hanc Lucubrationem, atque etiam de Igne præfari, quod ille ignem omnis luminis causam et fundamentum constituit. Vale. Lutetiæ Parisiorum. Ex Museo nostro. Cal. Februarij m. dc. lxiii.

[Quand, au nom de l’amitié qui vous unit, Isaac Vossius, cet homme qui brille par sa riche érudition, a pris soin de vous apporter son livre de Lucis natura et proprietate, {a} et quand j’en vis le titre, je fus saisi d’un si vif désir de le lire que je ne pus supporter la moindre attente de savoir où des exemplaires s’en trouvaient à vendre ; et devenu brutal ami, je vous l’ai même arraché des mains avant que vous ne l’ayez lu. Je vous le renvoie maintenant et pour vous montrer que je ne l’ai pas lu négligemment, je vous envoie aussi mes Exercitationes {b} sur ses principaux passages, où je propose à l’auteur de dissiper mes doutes. Bien entendu, j’ai suivi l’exemple des grands hommes qui m’ont servi de guides, Jules-César Scaliger et Isaac Casaubon, mais sans aller jusqu’à imiter la liberté, que prenait le premier des deux, de harceler celui contre qui il disputait. La modération me convient mieux, comme je pense l’avoir montré dans ces mêmes discussions (ce qui est très difficile), de sorte que, là-dessus du moins, Vossius ne pourra légitimement se plaindre. On voit pourtant bien que l’élucubration {c} qu’il a écrite s’égare sur la nature du feu et de la lumière, tout particulièrement quand, parlant du feu, il présume qu’il constitue la cause et le fondement de toute lumière. {d} Salut. De notre cabinet de travail, à Paris, le 1er février 1663].


  1. De Lucis natura et proprietate. Auctore Is. Vossio [La nature et les propriétés de la Lumière. Par Isaac Vossius (v. note [19], lettre 220)] (Amsterdam, Louis et Daniel Elsevier, 1662, in‑4o).

  2. Essais critiques.

  3. Fruit des veilles studieuses (v. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639).

  4. La lumière peut engendre le feu, mais on était alors loin de concevoir que l’oxygène de l’air est le véritable principe du feu.

8.

V. note [63], lettre 183, pour cette thèse sur la taille de la vessie en passant par le pubis (taille franconienne), présidée par Nicolas Piètre en 1635.

9.

« D’un voile sacré, la Nature a couvert bien des choses et nul mortel n’a le don de tout savoir. Beaucoup ne sont qu’à admirer et respecter, et il ne faut pas chercher à connaître celles qui sont au plus près des secrets. De fait, nous devons admettre que nous connaissons à peine ce que nous avons entre les mains, tant la vérité réelle est éloignée de nous. »

Ces vers son titées de la Chrysopée (Venise, 1515) du poète hermétique et lucrécien Giovanni Aurélio Augurello : v. note [11], lettre 191, avec la traduction en vers de F. Habert de Berry (Paris, 1626), qu’on poura préfére à la mienne

10.

« L’avenir nous le dira et enfin Élie viendra qui nous dévoilera la vérité ».

Dies diem docet est un proverbe latin signifiant littéralement que chaque jour en apprend un peu plus que la veille. V. note [3], lettre 417, pour la référence à Élie dans l’Évangile de Matthieu.

11.

« Pour faire fortune, honnêtement, ou sinon par quelque moyen que ce soit » (Horace, v. note [20], lettre 181).

12.

Les mystagogues étaient, dans l’Antiquité grecque, les prêtres qui initiaient aux mystères de la religion ; l’archimystagogue était leur chef.

13.

« Croyez-moi, c’est une feuille de la Sibylle que je vous récite » (Juvénal, v. note [5], lettre latine 207).

Thomas Bartholin avait sans doute peiné à croire toutes les médisances que Guy Patin lui avait débitées sur le compte de l’abbé Aubry dans sa lettre des 24 et 26 août 1662.

14.

« Clinquant bon pour le peuple, [À d’autres, mais pas à moi ! (Perse, v. note [16], lettre 7)] etc. Le peuple veut être trompé [v. note [7], lettre 794]. »

15.

« qu’on a toujours proscrit dans notre république, mais qu’on y a toujours maintenu » (Tacite, v. note [10], lettre 184).

16.

« Il est nécessaire qu’il y ait des hérésies, pour que soient reconnus ceux qui sont honnêtes et connaisseurs. » Les quatre premiers mots sont de saint Paul (v. note [6], lettre 66).

Dans la marge du manuscrit, une autre plume que celle de Guy Patin a tracé trois symboles en forme de 6 au-dessus et au-dessous de cette phrase. Le sens m’en échappe, mais deux brèves annotations complémentaires ont été si soigneusement barrées qu’elles sont devenues indéchiffrables : un éditeur du manuscrit a pu croire qu’une nouvelle lettre commençait ici et voulu corriger son erreur en supprimant le numéro qu’il avait d’abord inscrit en haut de cette page.

17.

V. notes [41], lettre 396, pour la réédition des œuvres complètes d’Hippocrate par Anuce Foës (Genève, 1657-1672), et [3], lettre latine 209, pour celle de son « Économie d’Hippocrate » (ibid. 1662, sans augmentation par rapport à l’édition de 1588).

18.

V. note [18], lettre 352, pour les centuries de « rares Histoires anatomiques et Observations médicales » de Thomas Bartholin, dont le nombre ne dépassa pas six (Copenhague, 1661, pour la sixième). Guy Patin semblait avoir mal compris Thomas Bartholin car, dans sa lettre datée du 18 octobre 1662, il ne lui parlait pas de vouloir en écrire d’autres ; il demandait seulement à Patin de continuer à lui écrire de savantes lettres pour alimenter ses centuries d’« Épîtres médicales ».

19.

« aux soins diligents du médecin et aux puissantes herbes de Phébus » (Virgile, v. note [2], lettre latine 22).

20.

Autre nom de la casse purgative (v. note [13], lettre 15).

21.

« rhubarbe [v. note [2], lettre 69] châtrée », pour dire adoucie (« dont on a retranché quelque partie », Furetière).

22.

V. notes [2], lettre latine 127, pour le Celse de Johannes Rhodius (mort en 1659, et [14], lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662, pour l’ouvrage de médecine vétérinaire de Végèce (Mulomedicina [Hippiatrie]), auxquelx Rhodius avait travaillé. Les efforts de Bartholin sur ces deux manuscrits ont été vains car l’un et l’autre sont partis en fumée.

Dans son livre sur l’incendie de sa bibliothèque (Copenhague, 1670, v. la première note citée supra), l’inconsolable Bartholin a dressé le triste inventaire des originaux que le feu a irrémédiablement détruits. Le 23e de sa liste (page 80) est :

Jo. Rhodii Notæ et Emendationes in Vegetium De Mulomedicina.

Notæ perbreves errant, sed variorum lectionum numerus infinitus. Lexicon quoque accessit modo Rhodiano concinnatum.

[Notes et corrections de Johannes Rhodius sur la Mulomedicina de Végèce.
Les notes étaient très brèves, mais avec un nombre infini de références variées. S’y ajoutait un lexique établi selon la manière de Rhodius].

23.

V. note [2], lettre 774, pour L’Homme de René Descartes… (ouvrage posthume paru pour la première fois en latin, De Homine… à Leyde en 1662).

Guy Patin proclamait ici sans détour son mépris pour le philosophe que ses adversaires considéraient comme le pourfendeur moderne de l’aristotélisme ; opinion que partageait Thomas Bartholin (v. note [15] de sa lettre datée du 18 octobre 1662). Ces médecins n’appréciaient guère qu’un profane se mêlât d’interpréter l’anatomie et la physiologie humaines.

24.

« sur l’Utilité des parties, sur les Lieux affectés et sa divine Méthode ».

Contempteur de toutes les innovations, Guy Patin vénérait tous ces ouvrages qui fondent la doctrine d’Hippocrate, reprise et augmentée par Galien ; ils sont amplement cités dans ses lettres et dans leurs notes.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 118 ro.

Cl. viro D. Thomæ Bartholino, Hafniam.

Duab. tuis reponsum debeo, Vir Cl. et nempe quam accepi per virum
nobilem, D. Trojelum : cum Indice librorum à Te missorum, et antehac accep-
torum, quo nomine plurimum me Tibi debere fateor : et postremæ tuæ, 18. Oct.
Hafniæ scriptæ : et utrique paucis respondebo. Quod inter Epistolas illas tuas quæ
nunc currunt sub prælo, aliquæ meis olim ad Te scriptæ legantur, vereor
ne minus ab eruditis probentur, utpote quæ olim prorsus extra spem editionis,
à me nihil tale cogitante, scriptæ sunt, stylo populari et admodum familiari,
verbis quotidianis, et illaborato sermone, quod in talib. Epistolis ad amicos, memini
olim à Iusto Lipsio fuisse commendatum. ^ [M]ihi semper apprime/ [p]lacuit illud veteris Scriptoris :/ [N]on congruè scribit/ [v]eritati, qui scribit/ ex tempore : serò perficitur/ quod fit seriò. Verùm in re facta quid aliter facerem aut
dicerem ? frontem perfricabo, et quidquid in hoc erit culpæ, in Te ipsum reijciam,
et nimirum tuum amorem accusabo. Euge igitur, et nos amare perge : rin-
gantur alij, plangant Zoili, ego factum laudabo, et à magno Thoma
Bartholino
laudari, amari et probari, in parte felicitatis meæ ducam, eúmque
mihi amicum habuisse semper gloriabor. Ad retaliandum, et aliquo modo
Tibi par pari reddendum, colligo Tibi fasciculum ex Opusculis et libellis Medicis hic ante-
hac editis, quem ad Te mittam per D. Wormium juniorem, quum in majorem
molem excreverit, et adauctior factus fuerit. Noster Petrus Petitus scribit de
Luce,

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 118 vo.

Luce, adversus Is. Vossium. De secanda ad pubem vesica, Thesim Medicam
summi viri, D. Nic. Pietrei, ad Te mittam : fuit ille vir præstantissimus,
artifex peritissimus, et qui in Artis operibus parem vix unquam habuit ; à quo
multa optima et ad bene medendum requisita vel didici, vel discere potui :
quo nomine Manib. ejus bene precor : memini tamen ejusmodi Thesim à Cl. v[iro]
Io. Riolano, rei Anatomicæ professore regio, et Nic. Pietrei ex sorore Nep[os]
parum probatam fuisse, imò damnatam quasi parum Anatomicam, utp[ote]
quæ multis in locis peccaret in leges veritatis Anatomicæ. De qua contro-
versia Tu videbis, qui rem ipsam apprime nosti, ^ et in arte Anatomica/ plane Roscius haberis/ per universam Europam. Audio tamen sectionem illam
vesicæ ad pubem, aliquando tentatam fuisse, ad extractionem calculi, sed q[uia]
non successit, nec ægrorum, nec Medicorum præscribentium voto satisfecit[ :]
adeo verum illud Aurelij Augurelli, lib. 2 suæ Chrysopœæ.

Multa tegit sacro involucro Natura, neq. ullis
Fas est scire quidem mortalibus omnia : namque multa
Admirare modo : necnon venerare : neque illa
Inquires quæ sunt arcanis proxima : namque
In manibus quæ sunt, hæc nos vix scire putandum :
Est procul à nobis adeo præsentia veri.

Dies diem docebit, et tandem Elias veniet qui revelabit, et secretum
aperiet, frequenti experimento confirmandum : aliàs enim vana et falsa mult[a]
sparguntur in arte nostra per idiotas, Empiricos et Chymistas agyrtas, qui[bus]
fatua plebecula miserè deluditur, in quorum impostorum turba[m]
primas tenent Chymistæ, de grege hara Paracelsi, qui hoc unum agunt e[t]
student, nec aliud habent in votis quàm ut decipiant, et nimia creduli[tate]
laborantes ægros turpiter et astutè nummis emungant :

Ut faciant rem, si non rem, quocumque modo rem.

De nebulone illo famoso, pseudo-Abbate Aubrio, monstro Monsp[e]-
liensi, altero Chymicæ nequitiæ post Paracelsum et Van H[elmont,]
^ impijssimos ardeliones,/ atque ciniflones impu-/rissimos, archi-mystagogo, non dumtaxat ignarissimo, sed etiam vaferi[ssimo]
atque nequissimo, Credite me vobis folium recitare Sibyllæ : qu[æ-]
cumq. enim de eo scripsi, sunt verissima, nec tamen omnia scripsi, neq. enim tot i[m-]
posturas atque fraudes, quib. quotidie utitur impudentissimus bipedu[s]
vellem describere : nec licet per otium. Ad populum phaleras, etc. Populus vult decipi, d[oleo]
tamen quod decipiatur ; ^ quia Christianus sum : decipitur tamen per tot æruscatores et fumi vendulos, nimi[s]
profecto sacræ Themidis indulgentia : sed æquo animo et patienter feramus
quod aliter fieri emendari non potest : quandoquidem Magnatib. et magistratibus [fertur]
ejusmodi hominum genus, quod in Rep. nostra semper vetabitur et semper retineb[itur.]

Necesse Necesse

u.

Ms BIU Santé no 2007, fo 119 ro.

Necesse est hæreses esse, ut probentur boni et periti.

Novæ editioni Œconomiæ Hippocratis Anutij Foesij nullam puto factam esse accessionem[ :]
laudo tamen Typographos illos Genevenses, quod operam suam collocarint in Hippo-
crate Foesij,
et ejus Œconomia recudendis, dum alij planè inepti, soliq. lucro
addicti, pessimi commatis et damnatæ lectionis libros reparant atque renovant,
summo studiosorum Artis nostræ detrimento, quales sunt libri Paracelsi,
Van-Helmont, Glauberi, Quercetani,
et similium impostorum, qui
prætextu renovatæ Medicinæ, et fumis suis, si Dijs placet illustratæ, Arti nostræ
sacrosanctæ, larvam pro facie, tenebras pro luce, pro veritate imposturas,
fraudes et infinita mendacia, Philiatris nostris, et orbi literato supposue-
runt, et obtruserunt. De tuis Centurijs quas habes in animo, perficiendis, posthac cogitabo :
otio mihi tamen ad hoc opus est paulò liberiore. Epistolas tuas Medicales quando-
nam videbimus ? Gaudeo Tibi probari relationem tuam meam, et historiam de
affectu dysenterico nobilis vestri popularis, Domini Flescheri, qui singulari Dei
beneficio, à tam atroci lue morbo feliciter liberatus est, sanguinis missione sæpius
repetita, diæta refrigerante, manu medica Phœbiq. potentibus herbis,
i. blanda purgatione, ex medulla siliquæ Ægyptiæ, paucis folijs Orientalibus,
pauco rheo, vel confectione universali, cum syrupo de cichorio compos. cum rheo ; quem
Io. Duretus, Lud Filius, vir maximus, et valdè docti patris docta proles,
eleganter, more suo, vocabat Rhabarbarum castratum. De illa narratione
mea quam antehac accepisti, de dicto affectu D. Flescheri, potes Tibi Observationem
conficere, tuis historijs rarioribus posthac inserendam edendis, si volueris,
inserendam. Morbus iste dysentericus hoc anno fuit apud nos planè popularis :
cujus causa referi posset in horæorum fructuum copiam, quæ per universam Galliam
maxima fuit à Majo mense usq. ad Novembrem. Utinam tandem per Te,
operáq. tua feliciter habeamus Corn. Celsum optimi viri Io. Rhodij :
ut et ejus Vegetium : quib. laborib. exantlandis, Deum Opt. Maximum
precor, ut Tibi vires idoneas et otium concedat. Nuper ad nos pervenit Homo
Cartesij,
cum quo nihil habui commercij : nec enim mihi superest satis temporis
ad examinandas tot novitates, ne dicam vanitates, quib. in dies à tam mul-
tis vel otiosis et malè moratis, vel novarium rerum stulta et inepta
cupidine peritis hominibus Antiquorum doctrina inutiliter, infeliciter et miserè vellicatur. Supra modum
Novatores isti se fatigant in fingendis sibi morbis monstris quæ postea debellent,
sed conatus isti nullum adhuc fructum protulerunt : et adhuc firmiter stat
veneranda Antiquitas, etiam invitis tot malevolis. Malo tenere et intelligere Aphorismos
Hipp. ejusdem Prognosticum, et Coacas
 ; ut et libros Galeni de usu partium, de locis affectis, et divinam
ejusdem Methodum,
^ quâ morbi penè omnes feli-/citer profligantur et/ [sæ]pe debellantur ; quàm possidere omnia secreta et κρατισοχειρουργηματα Para-
celsi, Vanhelmontij
et alium Novatorum, nebulonum, fumivendorum, Chymistarum, etc.
Dominos fratres tuos saluto, ut et D. Sim. Paulli, nostri Riolani olim discipulum ; et alios amicos. Tu v. Vir Cl. vive, vale,
et nos amare perge. Parisijs, 29. Nov. 1662. Tuus ex animo Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 29 novembre 1662

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(Consulté le 20/04/2024)

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