L. latine 225.  >
À Giulio Torrini,
le 26 décembre 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 121 ro | LAT | IMG]

Au clarissime M. Giulio Torrini, archiatre du duc de Savoie, à Turin. [1]

Très distingué Monsieur, [a][2]

Dans l’inquiétude de ne pas savoir au nom de quoi m’adresser à vous ni comment vous aborder, je reste embarrassé de vous devoir réponse depuis tant de mois, pour cette très élégante lettre que […] il y a quelques < mois > par mon ami le très distingué M. […] [1][3] J’ignore par quel mauvais sort elle [Ms BIU Santé no 2007, fo 121 vo | LAT | IMG] s’était comme perdue, mais elle s’est heureusement présentée à moi voilà quelques jours, tandis que je m’occupais et pensais à autre chose ; étant donné ce retard, j’y réponds avec votre permission. Quand M. Bigot [4] vous a entretenu si glorieusement à mon sujet, je me demande s’il ne se riait pas de moi en me comptant parmi tant de héros de notre très savant siècle, et en m’y plaçant sans que je le mérite en aucune façon, quand, parmi tant d’illustres hommes, je me satisferais pleinement d’être autorisé à siéger sur les petits bancs. J’attribue donc votre missive à l’affection que me porte M. Bigot, et non point à cette rigoureuse vérité que les stoïciens observaient jadis si opiniâtrement. [5] Quelle que soit la manière dont on vous a favorablement entretenu à mon endroit, et quelle qu’en soit la raison, je souhaite néanmoins que la postérité se méprenne ainsi sur mon compte. [6] Quoi qu’il en soit et quoi qu’il advienne, vous me tiendrez pour entièrement soumis à vous par une très grande faveur si vous me rangez au nombre de vos amis. Je me souviens fort bien de votre chirurgien, M. Touvenot ; [7] puisque votre duchesse royale l’avait ainsi voulu, [8] je lui avais jadis procuré mon approbation pour qu’il demeurât dans votre cour, et lui sais profondément gré de se souvenir parfois de moi. Pour ma part, je vous assure tout genre de services, et vous promets simplement et sincèrement un cœur bien fidèle à notre mutuelle affection. Je vous offre avec reconnaissance la maison où j’habite ; [9] ma maison des champs, située à six lieues de la capitale, dans un lieu très salubre, exposé aux vents les plus purs ; [10] ma bibliothèque remplie de quatorze mille livres soigneusement choisis ; [11] mes fils, Robert et Charles, qui sont tous deux mes collègues ; [12][13] ainsi que tout ce que je possède d’autre. Avant de devenir médecin, mon fils Charles s’est adonné à l’étude de l’histoire grecque et romaine, de l’astronomie, de la géographie et des autres sciences ; il avait apprêté un livre de Familiis Romanis, suivant le plan et l’esprit du très célèbre Fulvio Orsini ; [14] ayant un peu avancé en âge, il l’a repris, corrigé et publié in‑fo. Nous aurons bien sûr soin de vous en faire livrer deux exemplaires : le premier sera pour vous ; vous offrirez le second à votre prince, le sérénissime duc de Savoie, [15] de la part de Charles Patin, médecin de Paris. [2] Il travaille à un autre ouvrage sur un autre sujet ; vous recevrez cela, Dieu aidant, dans l’année qui vient ; [3][16] mais en attendant, très distingué Monsieur, vale, vive et continuez de nous aimer comme vous faites.

De Paris, ce mardi 26e de décembre 1662.

De tout cœur votre Guy Patin, docteur en médecine et professeur royal.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Giulio Torrini, ms BIU Santé no 2007, fos 121 vo et 122 ro.

1.

Probablement André Falconet, qui avait été appelé à la cour de Turin pour soigner Madame Royale, Christine de Savoie, fille de Henri iv : une déchirure du manuscrit en a supprimé les deux passages entre crochets ; les chevrons entourant « mois » proposent une reconstitution du mot mutilé menses.

Le curieux contenu de cette lettre ne peut se comprendre qu’en lisant celle de Giulio Torrini, écrite en français et datée du 19 juillet 1662, à laquelle Guy Patin répondait en latin et dans un style qui n’avait rien de familier (mais qui ne manquait pas d’aimable ironie).

2.

V. notes :

3.

Annonce du Traité des tourbes combustibles de Charles Patin (Paris, 1663, v. note [1], lettre 743).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 121 vo.

Cl. viro D. Iulio Torrini, Ducis Sabaudiæ Archiatro, Taurinum.

Quo Te nomine compellem, vel quomodo ad Te accedam, Vir Cl. valdè
anxius hæreo, imo graviter metuo, quum a tot mensibus debeam Tibi
responsum, propter elegantissimam illam Epistolam, quam ante aliquot
< menses > […] per Cl. virum et amicum singularem, D.
[…] Vir Cl. nescio quo fato mihi pene periebat

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 122 ro.

Epistola illa tua, quæ ante aliquot dies mihi aliud egenti et cogitanti feliciter occurrit : propter
quam moram veniam peto, ut Tuæ respondeam. Quum tam magnificè de me
tecum egit D. Bigot, ahuc dubie me ridebat, qui me inter tot heroes literatissimi
nostri sæculi enumerabat, et absque ullo meo merito ijs accensebat : certè mihi satis
erit si inter tot illustres viros sedere mihi detur in infimis subsellijs : ejus tale itaq.
responsum ejus in me amori acceptum refero, non v. strictæ illi veritati quam Stoici
olim tam pertinaciter tuebantur. Sed quomodocumque et quæcumque de causa propter me
et in gratiam meam apud Te sic egerit, utinam dic de me errent posteri. Quid quid sit,
et quocumque res cadat, si me in tuorum numero reposueris, maximo me beneficio Tibi
obstrictum habebis. Chirurgi vestri D. Touvenot, 2 olim a me probati, 1 prout fieri voluerat
regia vestra Ducissa, ut in aulam vestram pergeret, optime memini, et quod ille mei aliquando recordetur, summas
habeo gratias. Quod ad me spectat, omnia mea omne genus officiaorum Tibi offero promitto, et mutuis bene fidum
pectus amoribus candidè sincerèq. polliceor : ædes meas quas habito ; villam meam sex milliarib. ab Urbe distantem, in loco saluberrimo, et purissimis ventis difperflato,
positam ; Bibliothecam meam 14. selectissimorum librorum millibus refertam, et
filios meos Robertum et Carolum, ambo Collegas meos, grato animo Tibi offero, ut et
alia quæcumque mea sunt. Filius meus Carolus, priusquam Medicus factus esset,
historiæ Græcæ ac Romanæ, Astronomiæ, Geographiæ et aliarum artium studio
deditus, librum apparavebat de familijs Romanis, ad ductum et mentem Viri Cl. Fulvij
Ursini
, quem adultior factus retractavit, emendavit, edidit in folio : cujus quidem
Libri duo Exemplaria Tibi reddi curabimus, unum videlicet Tuum futurum :
alterum offeres Principi tuo, Serenissimo Sabaudiæ Duci, nomine Caroli Patin, Med. Paris.
Aliud Opus habet in manibus, de alia re ; quod intra annum, Deo dante accipies.
Interea v. vive, vale, Vir Cl. et nos, quod facis, amare perge. Datum Parisijs,
die Martis, 26. Dec. 1662.
Tuus ex animo Guido Patin, Doctor Med. et Pr. R.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Giulio Torrini, le 26 décembre 1662

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(Consulté le 18/04/2024)

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