L. latine 238.  >
À Sebastian Scheffer,
le 10 avril 1663

[Ms BIU Santé no 2007, fo 143 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai enfin reçu votre paquet du Vorburgius, contenant les 12 tomes de son Historia Romano-Germanica ; [2] je vous écris donc à la fois pour vous remercier d’un si beau présent, que je dois sans doute à votre recommandation et que je n’aurais jamais reçu autrement, puisque la famille des Vorburg m’était complètement inconnue ; et pour remercier M. von Vorburg, [3] à la générosité de qui je dois un si grand présent, et à qui je ferai réponse quant au conseil qu’il m’a demandé dans sa lettre. [1] Je vous rends donc grâces pour l’affection peu commune que vous me portez et pour votre immense gentillesse qui me procure si aisément amis et précieux cadeaux. Je pense que vous avez reçu mes deux lettres ; j’avais prié M. Öchs le jeune [4] et Sebastian Switzer [5] de vous les remettre, avec mon portrait et un jeton d’argent. [6][7] J’attends votre réponse au sujet des Elogia de Boissard et des portraits que vous cherchez. [2][8] Nos deux marchands doivent revenir ici l’été prochain ; écrivez-moi donc par leur intermédiaire ou par celui des Tournes, [9] quand ils reviendront à Genève après vos foires de printemps. [10] Je salue de tout cœur M. Franz Johann Wolfgang von Vorburg, conseiller de Mayence et neveu de ce grand écrivain, et lui répondrai pour lui apprendre ce qu’il peut espérer de nos libraires, mais je pense qu’on ne doit absolument rien attendre d’eux ; et pas même de Cramoisy, [11] Béchet [12] ou Léonard [13] qui, bien qu’ils surpassent les autres en moyens et en crédit, répugneront pourtant à de grands achats de livres, à cause de cette immense dureté des temps qui accable la France tout entière ; [1] nous en devons la grâce à ces deux cardinaux, Richelieu et Mazarin, [14][15] à Fouquet [16] et à d’autres tyrans, très misérables sangsues et voleurs du bien public. Nos libraires parisiens négligent et rejettent tous les livres, à moins qu’ils ne soient aussitôt et promptement vendables ; autrement en effet, ils refusent tout engagement et préfèrent s’appauvrir, tant sont profonds leur désintérêt pour les affaires et leur paresse. [17] Je n’ai rien à vous dire du paquet que vous mentionnez, contenant le Simon Pauli de Febribus, car je ne l’ai pas reçu et n’en ai pas entendu parler ; [3][18][19] interrogez votre mémoire pour trouver à qui vous l’avez remis. Envoyez-moi une liste des livres que vous souhaitez avoir de chez nous, je n’en ai encore reçu aucune de vous. Je m’interroge sur ce que vous attendez d’autre pour votre Introductio ; [4][20] je me rappelle en effet vous avoir jadis transmis un surplus dont je n’étais pas mécontent ; si vous désirez autre chose de chez nous, faites-le moi savoir et écrivez. Je détiens encore mes manuscrits de Caspar Hofmann, [21] je les confierai à M. Laurent Anisson, libraire de Lyon, [22] pour qu’il les imprime quand il s’en retournera dans sa ville, une fois son procès terminé. [5] Mes deux fils vous saluent et vous adressent tous leurs compliments ; [23][24] tout comme je fais, moi, pour monsieur votre père, ce vénérable vieillard à qui je souhaite les années de Nestor. [25][26] Nous n’avons ici rien de nouveau dans les affaires politiques.

Vale et aimez-moi.

De Paris, ce mardi 10e d’avril 1663.

Vôtre de tout cœur, G.P.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fo 143 ro.

1.

V. note [3], lettre latine 206, pour les 12 tomes de l’« Histoire romano-germanique » de Johann Philipp von Vorburg. Guy Patin attendait ce colis depuis août 1662.

L’auteur étant mort en 1660, Patin devait ce présent à son neveu, Franz Johann Wolfgang von Vorburg ; la suite de la lettre fait comprendre qu’il nourrissait l’espoir de faire vendre en France le volumineux ouvrage de son oncle (publié en Allemagne de 1650 à 1660).

Les remerciements embarrassés de Patin composent sa lettre Vorburg datée du 20 avril 1663.

2.

V. note [9], lettre latine 228, pour les « Éloges » de Jean-Jacques Boissard, ou Bibliotheca chalcographica… [Bibliothèque gravée…] (Francfort, 1628), en cours de nouvelle édition (Clemens et Johann Ammon, Francfort et Heidelberg, 1652-1669) et où Guy Patin était fort désireux de voir figurer son portrait, avec ceux de quelques-uns de ses maîtres bien-aimés.

3.

Παρεκβασισ, seu Digressio : de vera, unica et proxima causa febrium cum malignarum et petechialium, tum morbillorum, scorbuti, luis venereæ, et similium morborum macularum, partim, ex physicis, chymicis ac anatomicis principiis demonstrata ; partim exemplis et observationibus medicis confirmata ; antidhac à nemine, quantum sunt qui de febribus malignis et petechialibus commentati sunt, tradita. Necnon de accurata febres has curandi methodo ; auctore Simone Pauli, D. medico regio seniore ; primo in regia Haffniensi Academia anatom. botan. et chirurgiæ publ. professore.

[Digression sur la véritable, unique et immédiate cause des fièvres, tant malignes et pétéchiales, que celles de la rougeole, du scorbut, de la syphilis et des maladies éruptives qui leur ressemblent ; pour partie démontrée par les principes physiques, chimiques et anatomiques ; pour partie confirmée par des exemples et des observations médicales ; telle que nul ne l’a enseignée auparavant, quel qu’ait été le nombre de ceux qui ont étudié les fièvres malignes et pétéchiales ; avec aussi la méthode exacte pour soigner ces fièvres ; par Simon Paulli, premier docteur royal de médecine, premier professeur public d’anatomie, botanique et chirurgie en l’Académie royale de Copenhague]. {a}


  1. Francfort, Thomas Matthias Götzius, 1660, in‑4o de 144 pages, avec un portrait de l’auteur. Simon i Paulli a correspondu avec Guy Patin, mais ne l’a pas cité dans son livre.

    Patin apparaît toutefois dans la somptueuse réédition augmentée de Strasbourg (Simon ii Paulli, 1678, in‑4o), au premier paragraphe de l’annexe itntitulée Simonis Paulli Consilium Medicum, quo Generosissimus ac Nobilissimus quidam Heros, Patria Megapolitanus, cum Anno m dc lxviii Lutetiæ Parisiorum, Apoplexia et Paralysi correptus esset, ex sententia, magno Amicorum applausu, ac ingenti animi prolubio, Deo Benedicente ab iis, vindicatus est [Consultation médicale de Simon Paulli, qui a libéré de la sentence qui le condamnait un très généreux et noble héros, natif du Mecklenbourg, quand il fut frappé d’apoplexie et de parlaysie, à Paris en 1668, au grand applaudissement de ses amis, à leur immense plaisir et avec leurs prières de grâces à Dieu]. Adressée à l’anonyme patient (aphasique), elle est datée de Copenhague le 28 novembre 1668, avec cette mention (page 156) :

    Absit interim eo proterviæ me abire, ut consilium non rogatus, conspici possim, quasi meum consilium, præsentium omnium Medicorum, medelæ tuæ præfectorum, præferrem, (quos inter, si Dominus Guido Patin, quoque valetudinem tuam curat, enixe rogo ipsum ceu veterem eumu amicum, meo nomine plurimum salute impertias) hac interea spe fretus, non fore, ut cum, Deo sit gratia, praxi medicæ per ipsos triginta et ses annos fuerim deditus, ac illius benedictione, aliquam multos apoplecticos, et paralyticos, pristinæ valetudini restituerim, illi spernant meum consilium.

    [Loin de moi l’insolence de me manifester en donnant un avis qu’on ne m’a pas demandé, comme si je croyais le mien meilleur que celui de tous les médecins qui sont à votre chevet pour vous ordonner des remèdes (et si Maître Guy Patin est un de ceux qui vous soignent aussi, je vous demande de lui présenter toutes mes salutations, car il est mon vieil ami). {i} J’ai néanmoins la solide espérance qu’ils ne négligeront pas mes conseils car, par la grâce de Dieu et avec sa bénédiction, m’étant adonné à la pratique médicale depuis trente-six années entières, j’ai rétabli dans leur première santé bon nombre d’apoplectiques et de paralytiques].

    1. La correspondance de Patin ne conserve aucune trace de son intervention dans pareil cas à pareille date.

4.

V. note [26], lettre 484, pour l’« Introduction à l’art médical » de Sebastian Scheffer (Helmstedt, 1654), tirée des ouvrages d’Hermann Conring et disputée sous sa présidence. Dans sa lettre du 12 février 1660 (note [3]), Guy Patin avait annoncé à Sebastian Scheffer des remarques sur son Introductio, en vue d’une nouvelle édition.

5.

Laurent Anisson tint tardivement la promesse qu’il avait faite à Guy Patin de publier les Chrestomathies de Caspar Hofmann (Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 143 ro.

Cl. viro D. Seb. Scheffero, Med. Doctori, Francofurtum.

Tandem, Vir Cl. accepi fasciculum Vorburgianum, 12. tomis instructum
Historiæ Romano-Germanicæ : ideóq. ad Te scribo, tum ut Tibi gratias agam
pro tanto munere, quod haud dubiè per tuam commendationem accepi, nec
unquam aliter accepissem, cum mihi planè ignota esset Vorburgiorum familia :
tum ut Domino Vorbourg, cujus liberalitati tantum beneficium debeo, gratias
agam, eiq. respondeam super consilio quod à me petijt in sua Epistola. Gratias
igitur ago Tibi pro illo tuo amore in me non vulgari, et summa tua humanitate,
qua mihi et amicos et munera pretiosa tam facilè concilias. Puto Te nunc
accepisse ambas meas quas antehac Tibi reddendas tradidi tum D. juniori Ochs,
tum Seb. Switzero, cum Icône mea et calculo argenteo. De Elogijs Boisardi,
et Iconibus requisitis,
responsum tuum expecto. Hac proxima æstate ad nos
illi duo mercatores sunt reversuri : scribe igitur per illos, aut per Tornesios,
quum Genevam redibunt ex vestris nundinis vernalibus. Illustrissimum virum
D. Franc. Io. Volfg. à Vorburg, magni Authoris nepotem, et Consiliarium
Moguntinum, ex animo saluto, et responsum mitto, unde discet quid sperare possit
ex nostris Bibliopolis, à quib. nihil prorsus expectandum censeo : ut nec à D.
Cramoisi, Bechet et ac Leonardo,
qui quamvis cæteris præstent antecellant opibus atque fide,
numma tamen emptione librorum se gravabunt, propter summam illam qua urgemur
in tota Gallia, temporum difficultatem : cujus gratiæ debentur cardinalib. istis
duobus, Richelio et Mazarino, Fouqueto, et alijs tyrannis, rei nostræ
publicæ miserrimis sanguifugis et furibus publicis. Omnes libros respuunt atque
reijciunt Bibliopolæ nostri Parisini, nisi sint statim ac illico vendibiles : aliàs
enim vadimonium omne deserunt, et inopiam sectaritur malunt, tanta est eorum
socordia, et ad faciendam rem negligentia. De fasciculo tuo quem memoras,
cum Sim. Pauli de Febribus, nihil habeo quod dicam : nec enim vidi, nec audivi,
nec accepi : interroga memoriam tuam, ut videas cuinam tradidebis. Mitte
mihi Indicem librorum quos optas à nobis : nullum enim antehac à Te accepi. Pro
Introductione tua quid ulterius à me requiras, hæreo : memini enim olim à me
Tibi transmissum fuisse quoddam Auctarium non pænitendum : quod si quid
aliud velis à nobis, fac ut intelligam, et scribe. MS. mea Casp. Hofmanni
adhuc teneo ; ea typis mandanda committam D. Laur. Anisson, Bibliopolæ
Lugdunensi,
quando terminata lite in suam Urbem revertetur. Filij mei
ambo Te salutant, et gratias agunt gratissimas : ut et ego Venerandum Senem, Dominum Parentem tuum, cui Nestoreos annos exopto.
Nihil hîc habemus novi περι τος πολιτευματος. Vale, et me ama. Parisijs, die Martis, x. Aprilis, 1663.

Tuus ex animo, G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 10 avril 1663

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1271

(Consulté le 23/04/2024)

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