L. latine 247.  >
À Johann Daniel Horst,
le 15 juin 1663

[Ms BIU Santé no 2007, fo 151 vo | LAT | IMG]

Au très distingué Johann Daniel Horst, docteur en médecine de Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

M. Pökius, [2] très intelligent jeune homme, que je tiens de bon cœur pour votre fort recommandé, m’a remis votre paquet de disputations, qui m’a fait grand plaisir et dont je vous remercie beaucoup. [1][3] J’ai déjà reçu ce que m’a envoyé M. Scheffer, [4] avec son Moronus, qui est un livre utile et extrêmement commode, surtout pour les jeunes, pourvus de peu de savoir et de livres. [2][5] J’attendrai de vous la thèse de Christian Buncken [6] de Rheumatismo[3][7] ainsi que tout ce que vous voudrez d’autre, par l’intermédiaire de l’excellent M. Sebastian Switzer, [8] par qui je vous en ferai parvenir en retour d’autres, et de meilleures si je puis. [9] On imprime ici l’Hollierus de Morbis internis en espérant qu’il sera achevé vers le 20e de septembre. [4][10] Dieu fasse que je voie un jour votre disputationem Lipsiensem de Pulvere Peruviano (sur quoi le très distingué M. Chifflet a écrit deux opuscules fort élégants) : [5][11][12][13] c’est un médicament inepte et trompeur, qui a dupé quantité de gens que les loyolites ont fourbement convaincus ; [14] eux qui ont assommé nos grands avec leur poudre sans autre raison quam ut faciant rem, si non rem, at quocumque modo rem ; [6][15] et contre une pièce d’or, leur poudre a occis l’homme qui est né de la poussière. [7][16] Ô que ce sont donc de roués et rusés alchimistes, [17] et comme ils s’y entendent parfaitement pour faire leurs affaires ! Je vous envoie un billet de mon Carolus au sujet de vos médailles[18] Je vous remercie pour les Epistolæ Renesii que vous m’offrez, [8][19] mais je les ai déjà. Je salue le très distingué M. Lorenz Strauss, [20] et vous confie la lettre jointe à lui remettre. Plus une autre fois car je vous écris à la hâte. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, ce 15e de juin 1663.

Je salue MM. vos très distingués compatriotes, Peter Lotich [21] et les deux Scheffer. [22][23]

Ce même jour, j’ai écrit en français à M. Lorenz Strauss, gendre de M. Horst, pour faire réponse à sa lettre en français ; il est marié à Elisabeth Marie Horst. [9][24][25]


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fo 151 vo.

1.

Guy Patin a consacré toute sa lettre suivante à Johann Daniel Horst (20 juillet 1663) à annoncer la mort du jeune Pökius (ou Pöck) ; il lui avait apporté les thèses qu’Horst avait collectées à Francfort (v. sa lettre à Patin du 8 mars 1663).

2.

V. note [1], lettre latine 243, pour un premier lot de thèses allemandes que Guy Patin avait déjà probablement reçu de Sebastian Scheffer. Il y avait joint son :

Matthiæ Moroni in Montisferrati Statu Protophysici Ducalis et Christianissimi Regis Medici ac Consilarii, Directorium Medico-Practicum, sive Indices duo Præternaturalium Affectuum, cum Dinstinctorum, tum Implicatorum, de quibus extant Gravissimorum Virorum Consultationes, Epistolæ, Quæstiones, Responsiones, Observationes, Historiæ etc. Medicis, præsertim Tyronibus, quæ consimilibus in Casibus imitentur Exempla præmonstrantes. Jam primum in Germania editi, variisque Auctorum exemplis aucti. Opera et Studio Sebastiani Schefferi D.

[Répertoire {a} de pratique médicale de Matthias Moronus, archiatre ducal en l’État de Montferrat, et conseiller et médecin du roi très-chrétien, {b} ou deux index {c} des maladies contre nature, tant isolées qu’intriquées, sur lesquelles existent des consultations, lettres, questions, réponses, observations, histoires, etc. d’hommes très sérieux. En présence de cas similaires, les médecins, particulièrement les débutants, imiteront les exemples qui sont donnés. Publié pour la première fois en Allemagne, {d} et ici augmentés des exemples tirés de divers auteurs, par les soins et le travail de Sebastian Scheffer D.] {e}


  1. L’ouvrage consiste entièrement en une liste alphabétique (classée selon les parties du corps) de symptômes, de maladies et de remèdes, fournissant les références bibliographiques les concernant, sans aucun commentaire. Le nom de Guy Patin ne figure pas dans l’Index Auctorum et Librorum [Index des auteurs et des ouvrages], long de dix pages.

  2. Mattia Moroni (Ponzone, Piémont 1594-Casal 1646), a dû sa célébrité posthume à cet ouvrage. Son titre honorifique de conseiller médecin du roi (Louis xiii) lui avait été conféré en 1640, lors de la seconde prise de Casal en Montferrat (v. note [20], lettre 39).

  3. Le premier index (494 pages numérotées) est la liste décrite dans la notule {a}. Le second (15 pages non numérotées) répertorie les entrées du premier. Moroni mourut avant d’avoir dressé ce second index.

  4. La précédente édition avait paru à Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1650, in‑8o, in‑4o (et ibid. et id. 1647), par les soins de Ioannes Gulielmus Gerardus, archiatre du Montferrat, successeur de Moroni.

  5. Francfort, Johann Gottfried Schönwetter, 1663, in‑4o.

    Je n’ai pas su interpréter le « D. » qui suit le nom de Sebastian Scheffer. Il a dédié son livre à l’Anglais Kennelm Digby (v. note [19], lettre 237), qu’il avait connu pendant son séjour en Allemagne (épître datée du 9 avril 1663) : Scheffer le remercie de l’avoir encouragé dans sa tâche éditoriale.


3.

Thèse de Christian Buncken « sur le Rhumatisme » (Iéna, 1649, v. note [10], lettre latine 98).

4.

V. note [14], lettre 738, pour la réédition (Paris, 1664), dédiée à Guy Patin (et éditée avec son aide), de « [Jacques] Houllier sur les Maladies internes ».

5.

« thèse de Leipzig sur la Poudre du Pérou » :

Anti-quartii Peruviani Historia, quam Divino Indultu, et Gratiosissimæ Facultatis Medicæ Præscitu, sub Præsidio Viri Excellentiss. Experientiss. Dn. Pauli Amman, Vratisl. Siles. Phil. et Med. Doct. Colleg. B. Mar. Virg. Collegiati, et p.t. Præpositi, Præceptoris et Promotoris sui ævum Venerandis, Eruditæ Philiatrorum Censuræ subjiciet Christophorus Rothmann, Lygio-Siles. in Acroaterio Medicorum, ad d. xiii. Febr. An. m. dc. lxiii.

[Description de l’Anti-quarte du Pérou {a} que, par permission divine et prévoyance de la très bienveillante Faculté de médecine, Christoph Rothmann, natif de Liegnitz en Silésie, soumettra au savant jugement des philiatres, en l’auditorium des médecins, le 13 février 1663, sous la présidence de son précepteur et promoteur, à vénérer sa vie durant, l’excellent et très expérimenté M. Paulus Ammann, {b} natif de Breslau en Silésie, docteur en médecine et philosophie, agrégé au Collège de la bienheureuse Vierge Marie, {c} qu’il dirige à présent]. {d}


  1. Le quinquina (v. note [7], lettre 309), médicament au sujet duquel Guy Patin émettait de sérieuses réserves (v. la suite de la présente lettre et la note [5] de la lettre latine 376).

  2. Paul Ammann (1634-1691).

  3. Le Collegium Beatæ Mariæ Virginis, ou Jungfrau Kollege, fondé en 1422 (avant la Réforme), était l’un des trois collèges de l’Université de Leipzig.

  4. Leipzig, Johann Wittigau, 1663, in‑4o.

V. note [9], lettre 309, pour la Pulvis febrifugus… [Poudre fébrifuge…], seul ouvrage connu de Jean-Jacques Chifflet (v. note [18], lettre 104) contre les abus thérapeutiques du quinquina, qui a été imprimé deux fois (sans lieu, 1653, et Lyon, 1654). Dans sa lettre latine du 25 janvier 1657 à Johannes Antonides Vander Linden (note [7]), Patin avait cependant déjà parlé de deux opuscules [libelli duo] de Chifflet sur le sujet.

La conclusion de Paul Amman, à la dernière page de sa thèse, tenait en cinq points :

Continet hæc pagina quinque cautelas, si rite hoc pulvere uti velis, quarum (1) ut solum adhibeatur in intermittentibus, nam in continuis non valet, propter varias rationes (2) in tertiana et quartana, quæ per multos dies confirmata, ne aliquis ab initio illo utatur, ita enim corpus prius non purgatur, nec statim post initium, ut cognoscamus prius, an sit legitima l. notha ? Prior siquidem cessat septimo circuitu, et sic hujus corticis usus est superfluus. Chifletius per hæc verba : quæ per multos dies confirmata, intelligit confirmationem febris : verum si tunc exhiberetur, quid laudis haberet hic pulvis ? (3) Corpore prius purgato et quidem bene purgato. Reperiuntur enim Medici, qui specificis utuntur neglecta methodo : sed hi, ab Empiricis nihil differunt, nec, quid medicina in hoc vel illo præstet, edisserere valent, nisi forte fortuna curatio respondeat. (4) quatriduo post nullum medicamentum assumendum, ut scil. ejusdem energia nobis fiat manifesta. Ex aliorum enim assumatione sive sint purgantia, sive alterantia, sive diaphoretica, facile febriccitantis corpus alterari, et sic dubius reddi Medicus potest, cuinam effectu (si bene cedat) assignet ? (5) absque consilio Medici non usurpando. Arrigant hic aures quotquot culpa propria, et δοκισοσοφια sanitatem suam et aliorum pessundant, inopportuna si quidem Medicinæ administratio morbi potius exercitatio interdum est, quam curatio. Ne autem quis putet Medicorum avaritia has cautelas esse excogitatas, et in hunc finem a nobis adductas, filum abrumpimus hic, et post nostra cognitione de cortice peruviano satis hac vice dictum cupimus.

[Si vous voulez employer cette poudre selon les règles, voici cinq précautions à respecter : (1) ne la prescrire que dans les fièvres intermittentes car, pour diverses raisons, elle n’est bonne à rien dans les continues ; (2) ne l’employer que dans la tierce et la quarte, que de nombreux jours d’évolution ont confirmées, mais non dès leur commencement, et non sans avoir préalablement purgé le corps et attendu de savoir si la fièvre est légitime ou bâtarde ; {a} avant la fin du septième cycle fébrile, {b} l’emploi de cette écorce est superflu. En disant que la fièvre a été confirmée pendant de nombreux jours, Chifflet insiste sur la confirmation de son diagnostic : sans cela, pourquoi louer les vertus de ce médicament ? (3) Il faut que le corps ait été préalablement purgé, et certes bien purgé : on trouve des médecins qui, au mépris de la méthode, recourent à des spécifiques ; {c} mais ces gens-là ne diffèrent en rien des empiriques, sans qu’il soit utile de disserter sur celle de ces deux pratiques qui prévaut sur l’autre, sauf à répondre que la guérison peut être le fait du hasard. (4) Aucun médicament ne doit être pris pendant quatre jours {d} de manière, bien sûr, que son puissant effet ne nous échappe pas : l’absorption d’autres remèdes, qu’il s’agisse de purgatifs, d’altérants ou de diaphorétiques, {e} modifie en effet aisément le corps d’un fébricitant, et pourquoi le faire si cela plonge le médecin dans le doute sur le médicament à qui attribuer l’effet (s’il s’avère favorable) ? (5) Il ne faut pas l’utiliser sans la prescription du médecin : se dressent ici les oreilles, tant l’erreur personnelle et la δοκισοσοφια {f} ruinent la santé de celui qui en est coupable et celle des autres, puisque l’exercice mal avisé de la médecine aboutit parfois plutôt à attiser qu’à guérir la maladie. Afin pourtant que nul n’aille penser que nous avons conçu ces mises en garde, et les avons présentées en conclusion, pour satisfaire la cupidité des médecins, nous rompons là le fil, estimant en avoir ainsi dit suffisamment sur ce que nous savons de l’écorce du Pérou].


  1. Au mot fièvre, notre glossaire en définit les principaux types alors reconnus. On disait la fièvre « légitime » si elle suivait une périodicité précise, et de « bâtarde » dans le cas contraire.

  2. Le cycle (ou période) de la tierce était de deux jours (survenue tous les troisièmes jours), et de trois jours pour la quarte de (survenue tous les quatrièmes jours).

  3. Sous-entendu, « en première intention » ; v. note [11], lettre 181, pour la distinction entre remèdes spécifiques (comme ici le quinquina) et symptomatiques (comme ici les purgatifs).

  4. Sous-entendu : « après la prise du quinquina ».

  5. V. notes [23], lettre 156, pour les altérants (ou altératifs), et [32], lettre 101, pour les diaphorétiques.

  6. Sic (dokisosophia) pour δοκησισοφια (dokêsisophia) : « fausse opinion qu’on a de sa sagesse ou de son habileté » (Bailly).

  7. Patin adhérait probablement à ces conclusions prudentes car elles restreignaient l’emploi du quinquina à des indications soigneusement définies, sans en faire une panacée capable de remédier à toutes les fièvres. Elles incluaient les accès de paludisme (malaria) où les dérivés de la quinine sont encore largement employés de nos jours.

6.

« faire fortune, honnêtement, ou sinon par quelque moyen que ce soit » (Horace, v. note [20], lettre 181).

7.

L’Ecclésiaste (3:19‑20) :

« De fait, le sort de l’homme et de la brute est le même : l’un meurt, l’autre aussi ; ils ont le même souffle tous les deux ; la supériorité de l’homme sur la bête est nulle, car tout est vanité. {a} Tous deux vont au même endroit ; tous deux viennent de la poussière, tous deux retournent à la poussière. »


  1. V. note [3], lettre 888.

8.

V. note [4], lettre 557, pour les « Lettres de [Thomas] Reinesius » et Caspar Hofmann (Leipzig, 1660).

9.

Simple note que Guy Patin a ajoutée à son brouillon pour se souvenir d’une lettre dont il n’avait pas gardé la copie et qui n’a laissé aucune trace connue. Il y donnait en outre le prénom de la fille aînée de Johann Daniel, Elisabeth Marie Horst (Giessen 1638-ibid. 1674) qui avait épousé Lorenz Strauss (v. note [7], lettre de Charles Spon, datée du 23 avril 1658).

Il ne nous reste rien de la correspondance de Patin avec Strauss, hormis peut-être la lettre de Patin que Strauss a publiée dans sa Resolutio observationis singularis Mussipontanæ… [Réfutation de l’observation singulière faite à Pont-à-Mousson…] (Darmstadt, 1661, v. notes [2], lettre 717, et [1], lettre latine 167), mais son destinataire avait aussi bien pu être Horst que Strauss.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 151 vo.

Cl. viro Io. Dan. Horstio, Med. Doctori Francofurtum.

Accepi tuam, Vir Cl. cum gratissimo Disputationum vestrarum
fasciculo, per ornatissimum juvenem D. Pökium, quem lubens habeo
commendatissimum. De singulis habeo Tibi gratias amplissimas. Quæ
antehac misit D. Schefferus, jam accepi, cum suo Morono, utili libro et
valde commodo, præsertim junioribus, paucæ lectionis et paucorum librorum.
Christ. Bunken Thesim de Rheumatismo à Te expectabo, ut et alia quæ
volueris per optimum virum Seb. Switzerum, per quem ad vos reversurum alia
mittam, et si possim optima. Hollerius de morbis internis currit sub prælo :
finem editionis speramus circa 20. Sept. Disputationem tuam Lipsiensem de
Pulvere Peruviano
, (de quo scripsit Vir Cl. Dominus Chiffletius, libellos duos
elegantissimos,) utinam aliquando videam : est ineptum et fallax medicamentum,
quod multos decepit, frustra persuasos à Iesuistis, Loyolitis, qui non alia de causa Magna-
tib. nostris obtundiunt suum pulverem, quàm ut faciant rem, si non rem, at
quocumque modo rem :
et hominem de pulvere natum, pro auro signato, pul-
vere suo obivunt : O callidos et versipelles alchymistas, et rei faciendæ intelligentissimos !
De numismatis vestris mitto Tibi schedulum Caroli mei. Gratias ago
pro Epistolis Reinesij, quas offers, et jampridem habeo. Cl. Virum D. Laur.
Straussium
saluto : tuæq. curæ committo hîc inclusam. Plura aliàs, quia
raptim scribo. ^ Vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, die xv. Iunij, 1663.

^ Cl. viros saluto populares tuos, DD. Petrum Lotichium, et utrumque Schefferum.

Eodem ipso die Gallicè scripsi ad D. Laur. Straussium, Horstij generum,
ut ejus Epistolæ Gallicæ responderem : ille est maritus Elizabetæ Mariæ Horstiæ.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 15 juin 1663

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(Consulté le 18/04/2024)

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