L. latine 283.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 29 février 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 166 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je répondrai en peu de mots à votre dernière. J’ai récemment reçu une lettre de M. Leonardus Ursinus, [2] docteur en médecine et directeur de l’Hortus medicus de Leipzig. [1][3] Il m’a promis de m’envoyer quelque chose par votre intermédiaire, j’entends des thèses et disputations médicales. [4] Je vous remercie pour celles-là ainsi que pour celles que vous avez dédiées à d’autres savants hommes, [5] à qui je souhaite qu’ils jouissent d’une santé de lutteurs, tout comme à MM. Conring [6] et Felwinger. [7] Mais dites-moi, je vous prie, et même apprenez-moi qui est cet excellent homme qui a récemment publié l’Isagoge medica de Caspar Hofmann. Il se nomme Jacobus Pankratius Bruno, etc. [8] Est-ce un vieillard, a-t-il été ami, parent ou disciple d’Hofmann ? [2][9][10][11][12] Où cette ville nommée Curia Nariscorum se trouve-t-elle, car il existe une autre Curia en Rétie ? [3][13] Après que vous m’aurez renseigné sur lui, je lui écrirai et le remercierai en mon nom et en celui de notre ami, feu Caspar Hofmann. J’avoue en effet lui être extrêmement redevable, comme sont tous les amis encore vivants d’un si grand personnage. Est-ce le même Bruno qui a publié à Tübingen le traité de Febribus d’Hofmann, ou est-ce quelqu’un d’autre ? [4] J’attends de jour à autre ce paquet de livres que j’ai si longtemps espéré, car je ne l’ai toujours pas reçu ; mais M. Nicolas Picques [14] m’a dit aujourd’hui que nous le recevrions sous peu, c’est pourquoi je vous avise de ne pas vous en inquiéter. Les œuvres complètes de Baillou sont distribuées en cinq livres : [15] les trois premiers contiennent les Consilia, le quatrième, les divers Opuscula, et le cinquième, les Historiæ epidemicæ, etc. Le peu qu’il vous en manquera est entre les mains d’un homme cupide et opiniâtre, [16] qui refuse qu’on disperse les cinq volumes au détail, et qui ne vend pas les Consilia séparément. [5] Si néanmoins vous en avez absolument besoin, écrivez-moi ce que vous voulez, qu’il s’agisse du tout ou de parties, et je vous enverrai ce que vous désirez. Ne vous souciez pas du prix ; il ne dépendra jamais de moi que vous n’ayez pas tout ce que vous souhaiterez, que ce soit pour vous ou pour vos amis, que je considère donc comme les miens propres. Je n’oserais vous écrire ce qu’à mon avis il adviendra de votre Allemagne, ou plutôt de l’Europe tout entière, si le Turc [17] continue à remporter des victoires. Les princes chrétiens jouent et dansent, ils banquettent et boivent, sans tenir le moindre compte de leurs malheureux sujets ; ils pillent et brigandent sans retenue, et font la même chose que ce vaurien, disciple de Sénèque et fils d’Agrippine, [18][19] qui exhortait son majordome avec ce peu de mots, Scis quid mihi sit opus : da operam, ne quis quid habeat ; [20] mais ultor sequitur à tergo Deus[6][21] qui aura enfin pitié des malheureux et des opprimés ; puisse cela vite arriver ! Je salue tous vos savants compatriotes, en particulier MM. Rolfinck, [22] Richter, [23] Bruno, etc. On dit que notre guerre contre le pape est éteinte, [24] et tout l’affaire est arrangée. [25] Rien de nouveau sur Fouquet [26] et les autres voleurs publics. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 29e de février 1664.

Votre G.P. de tout cœur.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 166 ro.

1.

Plus ancien jardin botanique d’Allemagne, l’Hortus medicus [Jardin médicinal] de Leipzig avait été créé en 1580. Détruit en 1648 par la guerre de Trente Ans, il avait été déplacé et replanté en 1653. Remanié à nouveau en 1806, il existe toujours sous le nom de Botanischer Garten des Universität Leipzig.

La lettre suivante de Guy Patin est adressée à Leonardus Ursinus.

2.

Casp. Hofmanni Medic D. et Professoris Altorffini celeberrimi Isagoge Medica nunc secundum edita studio et opera Jacobi Pancratii Brunonis, Phil. et Med. D. t.t. Curiens. Narisc. Poliatri. Cui accessit Oratio ejusdem de Vita, Moribus et Scriptis laudati Hofmanni.

[Introduction médicale de Caspar Hofmann, très célèbre docteur et professeur de médecine à Altdorf, maintenant publié pour la seconde fois par le travail et les soins de Jacobus Pankratius Bruno, docteur en philosophie et médecine, premier médecin de la ville de Hof. {a} Avec, du même auteur, un Discours sur la vie, les mœurs et les écrits du renommé Hofmann]. {b}


  1. V. infra note [3].

  2. Altdorf, J.H. Ellinger, 1578 (sic), in‑12. La date écrite sur la page de titre, m d lxxiix (1578), est aberrante et à remplacer par celle de l’épître dédicatoire : Curiæ Nariscorum iv. Non. Februar. m dc lxi (à Hof le 2 février 1661).

L’Isagoge medica d’Hofmann est composé de deux discours (dont je n’ai pas trouvé les référence exactes des précédentes parutions) :

  1. De Ratione discendi medicinam [La Manière d’enseigner la médecine] (pages 9‑67), prononcé à Altdorf le 25 août 1607 ;

  2. De Officio medici [Le Métier de médecin] (pages 68‑135), non daté.

Ce livre n’a rien de commun avec l’Isagoge medica qui est la première des trois Chrestomathies manuscrites d’Hofmann (v. infra notule {e}).

La Vita d’Hofmann (pages 137‑197) est une longue hagiographie académique ; dans la partie bibliographique, ses pages 173‑174 avaient sûrement enchanté Guy Patin :

Quid de medicamentorum officinalium Libris, quos cura et studio Excellentissimi Dn. Guidonis Patini Practicii insignis Parisiis A.C. 1646. editi sunt, pro quibus centum florenos accepuisse, rem memoria dignam, præsertim hodieque, apud alios deprædicabat ? Quid de opusculis illis pro veritate, et reliquis sequenti anno ejusdem viri tanti, Patinum intelligo, cura editis, quæ laudatissimi Doctores Parisienses Moræus et Patinus summa laude ornarunt, et testimonio, istis opellis annexo, comprobarunt, nihil inesse, quod veram et genuinam Hippocratis doctrinam non sapiat, dignissima itaque censeri, quæ publico bono in lucem edita sint. Tandem laude sua non caret Epitome Institutionum itidem Parisiis 1648. edita, opusculum sane breve succinctum ac nervosum. Et hæc sunt quasi in tabula, quæ ab ipso Clarissimo Hofmanno nostro immortalitati donata sunt, quibus volitans per ora virum etiam apud exteros propter præclara in Rempubl. litterariam merita innotuit. Tanta tamen hæc non sunt, ut æquiparari possent cum iis, quæ adhuc edenda restant. Nihil nunc dicam de Post-Curis, quæ variis Lectionibus associandæ essent. Nihil de tractatibus Physiologicis, quos, dum in vivis adhuc esset, Amsterodamum misit, sed nondum in lucem dati sunt ; Nihil de versione nova methodi medendi et υγιεανων Galeni cum commentariis.

[Que dire de ses Libri Medicamentorum officinalium, publiés grâce au travail et aux soins de l’excellentissime M. Guy Patin, célèbre praticien de Paris, pour lesquels < Hofmann > a reçu cent florins, fait digne de remarque quand on sait qu’encore aujourd’hui son œuvre est méprisée par d’autres ? {a} Que dire de ses opuscules pro veritate, etc. qui ont vu le jour l’année suivante par les soins du même homme remarquable, j’entends Patin ? Moreau et Patin, très estimés docteurs de Paris, ont honoré ces ouvrages des plus hautes louanges et les ont entièrement approuvés par le témoignage qu’ils y ont joint : ils ne contiennent rien qui n’ait le goût de la véritable et authentique doctrine d’Hippocrate ; ils sont donc à juger comme parfaitement dignes d’avoir vu le jour pour le bien du public. {b} Enfin, l’Epitome Institutionum, paru aussi à Paris en 1648, ne manque pas de mérite, étant un petit livre vraiment très court, condensé et plein de vigueur. {c} Et voilà la liste presque complète de ce que notre très distingué Hofmann a offert à l’immortalité, et qui, volant de bouche en bouche, même à l’étranger, l’ont fait connaître de la république des lettres pour ses remarquables mérites. Ce n’est pourtant pas tout, car ses livres qui attendent encore de paraître pourraient égaler le reste. Je ne dirai rien ici des Post-curæ qui devraient être joints à diverses leçons ; {d} rien non plus de ses traités physiologiques que, quand il était encore en vie, il avait envoyés à Amsterdam, mais qui n’ont pas encore vu le jour ; {e} rien enfin de sa nouvelle traduction commentée de la Methodus medendi et de l’Hygiène de Galien]. {f}


  1. V. note [7], lettre 134, pour les deux « Livres des Médicaments officinaux ». Dans ma traduction, j’ai remplacé deprædicabat (imparfait actif) par deprædicatur (présent passif). Le florin de Francfort et de Nuremberg équivalait à 20 sols (soit une livre tournois).

  2. V. note [10], lettre 140, pour les Opuscula medica [Opuscules médicaux] d’Hofmann en deux parties dont la première est intitulée Pro veritate [Pour servir la vérité] (Paris, 1647, avec approbation de la Faculté signée René Moreau et Guy Patin).

  3. V. note [26], lettre 150, pour l’« Abrégé des Institutions » médicales d’Hofmann (Paris, 1648, avec épître dédicatoire à Robert Patin, fils aîné de Guy).

  4. V. note [21], lettre 317, pour les « Révisions » (de passages d’Hippocrate, Aristote et Galien) qui n’ont jamais été publiées.

  5. Chrestomathies isagogiques, physiologiques et pathologiques d’Hofmann (Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929).

  6. V. note [15], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657, pour la Praxis medica curiosa (Francfort, 1680) qui est la traduction et le commentaire par Hofmann des 14 livres de la « Méthode pour remédier » de Galien (mais sans son Hygiène).

3.

Curia Nariscorum, Variscorum et Regnitiana sont les trois noms latins de la ville de Hof-sur-Saale, située au nord-est de la Bavière (Haute-Franconie) ; Curia en Rétie est celui de Chur (Coire), capitale du canton des Grisons en Suisse.

Hof intéressait Guy Patin parce que Jakobus Pankratius Bruno, qui avait écrit tant de bien sur lui (v. supra note [2]), en était premier médecin (poliater).

4.

Caspari Hofmanni, Med. Doctoris et Professoris Aldorphini quondam Celeberrimi, Tractatus de febribus, cum Indice rerum notabilium nunc primum editus [Traité sur les fièvres de Caspar Hofmann, jadis très célèbre docteur et professeur de médecine, publié pour la première fois, avec un index des matières remarquables] (Tübingen, Joh. Henricus Reisius, 1663, in‑12, sur les fonds de Joh. Georgius Cotta).

Rien n’indique une contribution de Jacobus Pankratius Bruno à ce traité, le même que celui qui forme la section xi des Chrestomathies pathologiques publiées à Lyon en 1668 (troisième des Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…], v. note [1], lettre 929).

5.

Liste complète (mais désordonnée) des ouvrages de Guillaume de Baillou ; v. notes :

6.

Succession de deux citations classiques :

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 166 ro.

Cl. Viro D. Io. Georgio Volcamero, Noribergam.

Postremæ tuæ, Vir Cl. paucis respondebo. Nuper accepi Epistolam à D. Leonardo
Ursino,
Doct. Med. Lipsiensis, et horti Medici Præfecto, qui per Te se aliquid
missurum mihi pollicetur : intelligo Theses et Disput. Medicas : pro quib. Tibi gratias
ago, ut et pro ijs quæ scripsisti ad alios viros eruditos, qui utinam pancraticè valeant
cum D. Conringio et Felwingero. Sed dic sodes, imò doce me, quis ille vir optimus,
qui nuper in lucem emisit Isagogem Medicam Casp. Hofmanni ? vocatur ille Iac. Pan-
cratius Bruno
, etc. estne senex ? an fuit amicus, affinis aut discipulus Hofmanni ?
Ubinam est illa Urbs, Curia Nariscorum ? est enim alia quædam Curia apud Rhætos.
Postquam de illo per Te intellexero, scribam ad illum, et gratias agam pro me et amico
olim nostro, Casp. Hofmanno : plurimum enim illi me debere fateor, ut et debent quot-
quot adhuc vivunt ex tanti Viri amicis. An ille ipse est qui ejusdem Authoris Tubingæ
Tractatum
edidit de Febribus ? aut quis alius ? Fasciculum illum librorum tamdiu expecta-
tum adhuc in dies expecto, nec enim habeo : sed D. Nic. Picques hodie mihi retulit illum ante
breve tempus nos accepturum : ideóq. Te moneo ne de eo angaris. Omnia Opera Ballonij in quinque
tomos distribuuntur : tres primi sunt Consilia : 4. Opuscula varia : quintus continet
Historias Epidemicas, etc. Quæ supersunt, sed pauca, possidentur ab homine avaro et tenaci,
qui nullam patitur distractionem quinque voluminum, nec seorsim vendit cConsilia : si tamen adeo
fortiter requiras, scribe qui velis, an totum, an partes, mittam quod volueris : de pretio noli
curare : per me nunquam stabit quin habeas quodcumque optaveris vel pro Te, vel
amicis tuis, quos ideo et hoc nomine, meos reputo. De futuro Germaniæ vestræ statu, imò
potius totius Europæ, si Turca vincere pergat, non ausim scribere quod sentio : Princi-
pes Christiani ludunt et saltant, comedunt atque bibunt, nulla habita ratione
miserorum subditorum : fortiter deprædantur et latrocinantur, et idem faciunt
quod ille nebulo, Senecæ discipulus, Agrippinæ filius, qui paucis verbis Œconomum
suum monebat, Scis quid mihi sit opus : da operam, ne quis quid habeat : sed ultor
sequitur à tergo Deus,
qui miserorum ac oppressorum tandem miserebitur : quod utinam
citò contingat. Eruditos illos viros populares tuos omnes saluto : præsertim v. D.D.
Rolfinckum, Richterum, Brunonem, etc. Dicitur bellum nostrum adversus Papam
extinctum, et totum negotium compositum. De Fuqueto et alijs furibus publicis,
nihil novi. Vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, 29. Febr. 1664. Tuus ex animo G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 29 février 1664

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1316

(Consulté le 24/04/2024)

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