L. latine 288.  >
À Gerardus Leonardus Blasius,
le 29 février 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 163 vo | LAT | IMG]

Au très distingué Gerardus Blasius, professeur de médecine, à Amsterdam.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je viens de recevoir votre dernière, datée du 3e de décembre, par l’intermédiaire de ce jeune et savant prédicateur de votre ambassadeur. [2] Je vous en remercie tant qu’il m’est possible ; mais je suis certain de n’en avoir reçu aucune autre de vous depuis un an et même plus. Je vous écrirais plus souvent, volontiers et sans peine, si je savais que mes lettres ne vous sont pas désagréables et si je disposais d’un porteur adéquat ; je n’en manquerai pourtant plus et vous informerai donc désormais plus souvent de nos affaires littéraires. J’ai depuis longtemps entendu parler de ce sérieux différend entre Sylvius et Deusing ; [3][4] j’en ai vu et lu les éclats, tout en étant marri de tant d’invectives et de disputes ; je dirai librement avec le poète, tantæne animis cælestibus iræ ? [1][5] Nous n’avons ici rien de nouveau en librairie, comme au sujet de Fouquet [6] et des autres concussionnaires. La guerre de notre roi contre le pape romain est terminée, [7][8] dit-on, et voilà éteint cet incendie qui aurait pu misérablement ravager et consumer l’Italie tout entière. Dieu veuille qu’il en aille aussi facilement avec le Turc[9] et qu’on le renvoie par-delà le mont Imaüs, [10] unde malum pedem attulit[2][11] Voilà ce que feraient certainement les princes chrétiens s’ils agissaient en bonne entente et en alliant leurs forces, comme des gens honnêtes, hardis et courageux contre ce tyran mahométan ; [12] mais ils pensent à tout autre chose et y portent tous leurs efforts et toute leur application, à la façon de ce César, [13] disciple de Sénèque, [14] qui exhortait ses majordomes de ce peu de mots, Scis quid mihi opus sit : demus operam, et hoc agamus, ne quis quid habeat[3][15] Mais nous nous trompons et à de tels souhaits, oleum atque operam perdimus. Dii meliora ! [4][16][17] Je voudrais savoir de vous, à votre commodité, quand Primerose [18] est mort en Angleterre et quel âge il avait, et aussi avoir des nouvelles regardant la réédition de votre Opus anatomicum[5] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 29e de février 1664.

Vôtre de tout cœur, G.P.D.M.P. [6] et professeur royal.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Gerardus Leonardus Blasius, ms BIU Santé no 2007, fo 163 vo.

1.

« Y a-t-il de pareilles rancunes en des âmes célestes ? » (Virgile, Énéide, chant i, vers 15).

V. note [4], lettre latine 264, pour six livres qu’Anton Deusing a publiés en 1663-1664 contre les écrits médicaux de Frans Sylvius de Le Boë.

2.

« là d’où il nous est malencontreusement venu » (Catulle, v. note [104], lettre 166).

V. note [5], lettre 969, pour le mont Imaüs.

3.

« Tu sais bien ce dont j’ai besoin : œuvrons et faisons en sorte qu’il ne reste rien à personne » : paroles de Néron (Senecæ discipulus [disciple de Sénèque le Jeune], v. note [2], lettre 64) dans Suétone (v. note [42], lettre 183).

4.

« nous gaspillons notre huile et notre temps [Plaute, v. note [12], lettre 139] Puissent les dieux nous ménager des jours meilleurs ! [Virgile, v. note [5], lettre 33]. »

5.

Les Commentaria in Syntagma anatomicum Io. Veslingii… [Commentaires sur le Traité anatomique de Johann Vesling…] de Gerardus Leonardus Blasius (Amsterdam, 1659, v. note [9], lettre 680) étaient ce que Guy Patin appelait son « Ouvrage anatomique ». Sa lettre latine du 28 janvier 1661 à Blasius est une longue et fort instructive liste de remarques sur ce livre qui fut réédité à Amsterdam en 1666 (v. sa note [6], pour la manière dont Blasius y a pris en compte les observations de Patin).

6.

Guido Patin Doctor Medicus Parisiensis [Guy Patin, docteur en médecine de Paris].

Au-dessous de sa signature, Patin a ajouté (et souligné) : Cl. viro D. Io. Georgio Volcamero, Norib. [Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, à Nuremberg], ce qui annonçait une lettre qui ne suit pas dans le ms BIU Santé no 2007. Chronologiquement, la lettre latine suivante à Volckamer est datée des 10 et 28 mars 1664, et son brouillon se trouve quatre feuilles plus loin (fo 167 vo) ; soit une belle illustration du désordre qui règne dans ce gros cahier (que ce soit le fait des bibliothécaires qui l’ont jadis collationné, ou de Patin lui-même, mais a-t-il jamais pensé que nous irions un jour y puiser la principale substance de sa correspondance latine ?).

Celle-ci est notre dernière des sept lettres que Patin a datées du 29 février 1664. Il ne s’en trouve jamais autant d’écrites un même jour, qui était un vendredi. Sans doute Patin disposait-il de temps et peut-être s’amusait-il de la singularité bissextile de la date. Aucune autre lettre de notre édition n’a été écrite un tel jour.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 163 vo.

Cl. viro Gerardo Blasio, Medicinæ Professori, Amstelod.

Postremas tuas, Vir Cl. datas 3. Dec. nuper accepi per eruditum illum Iuvenem
Legati vestri Ecclesiastem : pro quibus gratias ago quàm possum maximas : sed
haud dubiè nullas accepi à Te alias, ante annum, et suprà : sæpius tamen et libenter
et facilè ad Te scriberem, si sciem Tibi non ingratas fore literas meas, et haberem
idonem vectorem : sed ille mihi non deerit, ideóq. posthac sæpius scribam de re
nostra literaria. De gravi illa contentione inter Sylvium et Deusingium, jam-
pridem audivi, vidi et legi : simúlq. dolui, de tot jurgijs atque convitijs : liberè
dicam cum Poeta, tantæne animis cælestibus iræ ? Nihil hîc habemus novi
in re literaria : ut neque de Fuqueto, et alijs peculatoribus. Regis nostri bellum
adversus Papam Rom. dicitur compositum, et extinctum illud incendium quo potuisset
tota Italia miserè perturbari afque conflagrare : utinam adeo feliciter agatur
cum Turca, et ultra montem Imaum, unde malum pedem attulit, citò relegetur :
quod certè facerent Principes Christiani, si concordibus animis et conjunctis
viribus agerent, ut viri boni, et strenui et fortes adversus istum Tyrannum
Mahometicum : verùm, aliud habent in mente : hoc unum agunt atque student,
cum illo Cæsare, Senecæ discipulo, qui paucis verbis Œconomos suos monebat,
Scis quid mihi opus sit : demus operam, et hoc agamus, ne quis quid habeat. Sed
frustra sumus, et in votis nostris oleum atque operam perdimus. Dij meliora.
Scire vellem per Te, sed commodo tuo, quandonam supremum diem obiverit Primerosius
in Anglia, et cujus ætatis ille esset : ^ Vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, 29. Febr. 1664.

Tuus ex animo, G.P.D.M.P. et Prof. regius.

^ ut et de novo tuo Opere Anatomico.

Cl. viro D. Io. Georgio Volcamero, Norib.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Gerardus Leonardus Blasius, le 29 février 1664

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(Consulté le 20/04/2024)

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